Derniers après-midis [Chimera & Makuro]

Safran dormait beaucoup ces derniers temps, enfin plus que d'habitude et surtout, plus forcément dans l'eau. Avoir perdu contre Makuro lui avait fait un coup, elle vieillissait... non pire que ça, elle était vieille. Un constat qui la déplaisait grandement alors ces derniers temps elle boudait un peu la vie. Oh elle ne se laissait pas mourir, loin de là, la carcasse de poisson en grande partie dévorée à côté d'elle pouvait en attester. La distance de sécurité établie par la totalité des oiseaux marins également, chacun sachant que s'il jouait les charognards, ils finiraient eux même en prochain repas. Mais déjà qu'il ne fallait pas lui demander grand chose en général à Safran, ça devenait encore une moins bonne idée maintenant, du moins c'est sans doute ce qu'elle aurait aimé pensé mais il lui manquait en ce moment un sacré degré de motivation.

Elle était allongé là, sur des rochers au soleil, à quelques pas de l'Océan qui venait se fracasser contre la pierre. Son flan se soulevait doucement dans une certaine tranquillité de la sieste. Parfois elle recevait quelques gouttes qu'elle chassait d'un spasme de la peau ou d'une secousse molle d'une de ses immenses voiles brunes partiellement déchirée par une vie à batailler contre le monde entier.

A la voix de Makuro, Safran fronça le museau mais ne daigna pas ouvrir un œil, grommelant dans un grognement étouffer entre ses dents lorsqu'elle sentit la masse de l'insupportable boule de poil s'allonger contre elle. La louve brune se décala un peu, juste pour pouvoir passer ses pattes arrières entre elle et la gamine et venir l’éjecter plus loin tout en profitant de l'élan apporter pour se retourner,  toujours sans ouvrir un seul œil, laissant tout son corps retomber non sans soupir agacé.
Nouvelle voix de gamin, dont la présence était aussi agaçante, désagréable et clairement dispensable. Cette fois-ci Safran, ne mettant pas de visage sur la voix, ouvrit un œil pour tomber sur une jeune mâle à la peau verdâtre. Urf, un des gamins de l'autre là... Abysse ? Il pouvait pas garder sa progéniture auprès de lui non ?

« Hé les parasites, ça vous dirait pas d'aller vous jeter de la falaise voir lequel des deux survit au lieu de traîner dans mes pattes ?

« J'vous entends les morveux. J'suis peut-être âgée mais pas encore sourde et suffisamment en forme pour vous faire bouffer les rochers. »

Alors ils allaient se calmer tout de suite à parler d'elle comme une vieille aux bords de la mort comme si elle n'était pas là. Malgré ça, là où elle aurait sans doute joint geste à la parole, elle garda sa tête à plat devant elle avec une expression à mi-chemin entre l'air blasé et l'agacement profond, ne cherchant même pas à virer Makuro qui lui mâchouillait de dos comme un louveteau qui faisait ses dents. Elle reviendrait aussi vite de toute façon.
Elle souffla du nez à nouveau en guise de réponse à Makuro. Il y avait des parasites, tu avais beau essayer de les noyer, ils bougeaient toujours.

Lorsque le visage du jeune mâle s'approcha du sien, son regard rubis braqua directement sur lui sans un mouvement de tête, retroussant une babine sur ses crocs difformes accompagnant le tout d'un grondement crocodilien. Je te laisse trois secondes pour reculer gamin. Seule Makuro finalement avait véritablement dépassé le danger du contact par son côté purement et simplement insupportable. Au bout d'un moment, on se faisait une idée et on abandonnait.
Ou on filait la tâche à quelqu'un d'autres.

« Si tu me débarrasses de ce tique, j'réfléchirais pour y consentir. »

Elle garde un œil ouvert, quelques instants, observant les gestes du jeunes mâles, le jaugeant, le surveillant comme elle l'avait fait avec Makuro pendant l'enfance de celle-ci sans paraître d'y faire vraiment attention, comme elle le faisait encore actuellement, devinant pertinemment qu'elle  faisait exprès de rester dans ses pattes.
Elle reconnut ses propres mouvements dans ceux de la louve violette mais jamais celle-ci n'aurait entendu de compliment pour ses réussites de sa part. Elle reconnut aussi la nullité dans ceux du mâle et ça, elle ne s'en priverait pas pour le dire quand  après ses petites morsures faiblardes, il fut envoyer plus loin sans rien éviter.

« T'es à chier quand même gamin. J'me demande comment t'as fait pour survivre jusque là sans finir bouffer. »

Autant dire que Chima n'intéressa plus le moins du monde Safran qui reposa plus confortablement sa tête sur ses pattes avant, fermant les yeux, s'attendant à ce que le mâle s'en aille et à juste subir Makuro.
Mais voilà que ça bougea de nouveau et parce que la violette était resté dans ses pattes, elle lui marcha dessus. Dans un sifflement furieux, Safran se redressa d'un seul coup pour tordre l'avant de son corps, prête à refermer ses mâchoires sur n'importe quoi de la morveuse qui dépasserait trop.