Lorsque le sourire embrase la face de la louve qui plante sur lui ses iris dorés, il se sent rougir. Alors il fuit du regard, détournant l’attention sur autre chose, enchaînant avec une réplique avec laquelle il jongle comme il le peut. Ainsi il fait mine de détailler le lieu du regard, l’invitant à l’observer à son tour.

Il avait eu l’occasion de le constater, lorsqu’il s’était rendu ici étant jeune, curieux de rencontrer ces prétendus Dieux dont on lui avait tant rabâche les oreilles. Des histoires. Aujourd’hui, il était bien plus humble face au divin, surveillant ses mots autant que ses pensées, se sachant possiblement épié par son dieu où qu’il soit. Maintenant, il avait conscience de ne pouvoir se soustraire au regard divin. Alors il surveillait ses actes et ses paroles, prêtait une attention minutieuse à toutes les décisions. Aujourd’hui-même, il espérait que sa décision de se laisser accompagner par la colombe ne déplairait pas au divin gouvernant ce lieu.

Il marqua l’arrêt, s’immobilisant au carré avant de tourner la tête vers la louve argentée. Il l’interroge du regard sans la juger, gardant toujours cette expression un peu neutre sur le visage. Est-ce qu’elle doutait de lui ? Il n’en était pas sûr, mais il voulait que les choses restent claires, il n’était pas un menteur ou un fabulateur.


De plus, il en était aussi de son intérêt. Il se devait de respecter les accords qu’il avait passé, avec le Dieu Mido, Les Nakhus, et les autres. S’il avait été capable de tenir une parole ou de remplir ses engagements alors le Dieu vert ne lui aurait certainement pas accordé une brime de confiance. c’était certain.

Il tend une patte qu’il tend vers un au-delà proche. Là bas, un creux à même la parois du dénivelé, dissimulée aux regards indiscrets par les herbes sauvages qui en barrent l’accès n’en laissant qu’un passage tracé et emprunté par d’autres. Il prit les devant allant l’attendre un peu plus loin, entrecoupant sa marche par des regards jetés en arrière et sur le panorama afin de s’assurer de ne pas être suivi ici que ce soit par un raptor vert ou par autre chose.

Il était hanté de sentiment partagé, pressé de pouvoir à nouveau s’adresser au divin et lui offrir l’étendu de ses recherches en cadeau, et rongé par l’inquiétude au fond, une angoisse qu’il dissimulait à merveille au yeux des autres, car cela faisait bien trop longtemps qu’il n’avait eu l’occasion de fouler ces murs, de retrouver ce lieu. Le nord l’ayant accaparé autant ses explorations que ses recherches et il le regrettait sincèrement, mais s’était su incapable de faire autrement.

Il savait qu'elle comprendrait, mais espérait aussi secrètement qu'elle ne serait pas trop déçue si tel était le cas. Tous se devait d'accepter les particularités qui étaient celles du Dieu vert et s'en accommoder s'ils ne voulaient se retrouver marqué.

A son attitude fuyarde, elle sentit qu'elle l'avait gêné. Mince, elle ne le voulait pas ! Elle avait simplement laisser échapper des mots qui venaient de son cœur. Encore coupable de sa spontanéité. Elle baissa le regard, un peu penaude. Elle se rattraperait ! Elle ferait attention à ne pas se montrer trop directe. Cela allait être difficile. Mais elle n'aimait pas créer la gêne chez les siens. Heureusement, Lestat se reprit vite. Kerguelen reporta ses iris dorés sur le paysage. Admirant chaque détail. Un spectacle qui semblait éternel aux dires de son camarade. Elle souhaita que cela continua à rester aussi beau.

A nouveau un échange de regard entre les deux chercheurs. Une question muette. A laquelle elle ne put s'empêcher de réagir pour enlever tout doute. Parce qu'elle chérissait ses relations et ne voulait pas les voir abimées par des non-dits.

"Je n'en doute pas. Tu es mon ami. J'ai toute confiance en toi."

Elle avait pris soin de ne pas trop mettre d'exclamation dans ses phrases. Ne pas le brusquer avec sa trop grande vitalité. Mais son sourire, lui, ré-apparu. Garant de sa sincérité et du sentiment de sécurité qu'elle avait à ses côtés. Elle ne se méfiait pas. Jamais. Elle était bien trop persuadée du bon fond présent chez toutes les créatures de ce monde.

Vint la fin de la contemplation du panorama. Son partenaire l'invita à reprendre la route. Elle suivit des yeux la direction montrée par sa patte. Méconnaissant des lieux, elle ne parvint pas à apercevoir la cavité. Elle ne vit que de la végétation. L'entrée devait être aussi bien cachée que sa propre grotte. Elle sourit face à ce point commun qu'elle partageait avec le Raptor. Elle se releva et suivit son guide. Elle continua à emmagasiner le maximum d'informations sur ce qui l'entourait. Elle n'aurait peut être plus jamais l'occasion de remettre les pattes ici. Alors, elle devait en profiter à fond. S'ouvrir et apprendre.

La mise en garde de Lestat la toucha. Mais il n'avait pas s'inquiéter. La Nakhu n'avait pas d'attente particulière. Elle était déjà heureuse d'avoir pu découvrir la Vasque de la Lune. Il lui suffisait de peu pour la satisfaire. Elle combla la distance qui les séparait pour lui répondre plus facilement.

"Oh, ne t'inquiètes pas. Dame Yurai n'apparait pas non plus à chaque personne qui la sollicite. Ce n'est pas nécessaire pour croire en eux. Il suffit d'avoir la foi. C'est elle qui nous soutient lors des épreuves imposées par la vie. Nous savons que même dans l'obscurité la plus totale, nous ne sommes jamais seuls. Ils sont là, avec nous."

Du bout de museau, elle vint effleurer le tube où brillait le pouvoir du Dieu Mido. Avant de porter sa truffe à sa propre broche. Deux Divinités différentes. Mais une même foi inébranlable. Un point commun unissant les porteurs de Glowstick, mais dont tous n'avaient pas forcément conscience.

En redressant la tête, la Colombe aperçut enfin le passage dans les herbes hautes. La Fameuse Tanière devait être là. Il n'y avait plus qu'à entrer alors. Mais elle n'était qu'une invitée. On n'entrait pas chez les gens comme çà. Encore moins dans un lieu de culte. Son ami au pelage sombre ouvrirait la voie et si jamais sa présence n'était pas souhaitable, elle ferait demi-tour sans discuter. Elle prit une grande inspiration, un peu stressée tout de même.

"Je te suis."

Trois petits mots pour dire qu'elle était prête. Prête à laisser derrière elle ce merveilleux paysage pour plonger dans l'Inconnu.