The Night Queen — Hollyhock

La nuit était tombée depuis plusieurs heures maintenant. Le loup s’était assis non loin du Grand Castel pour y trouver le sommeil, loin de la chaleur étouffante qui régnait à l’intérieur. C’était calme ici. Bien plus que là-bas.
Narcisse se souvint des chasses sous la seule lumière de la lune, pour traquer les prédateurs les plus imposants. L’écorce sous ses coussinets. Les craquements des branches sous ses pas encore maladroits quand les autres étaient tels des ombres.
Sa première chute. Qui contraint les autres à attaquer sans suivre le plan de base.
Et alors, on lui avait appris à ne plus craindre de tomber, à le faire aussi discrètement que possible, pour être ombre parfaite.
Pour ne faire plus qu’un avec son éléments.

Et puis il était rentré.

Les jours étaient passés. Tout semblait être rentré dans l’ordre et au final, c’était comme si ils n’étaient jamais partis.
Les yeux dorés observent les étoiles. Les chasseurs s’en servaient pour se repérer, mais Narcisse n’avait pas compris les noms de toutes. Après tout certains mystères devaient demeurer.

Le museau se tourne en sentant la présence de la louve.

« — Hollyhock. »

Le disciple de Kiro ne s’incline pas, ni n’ajoute de formalité.
La queue féline s’agite doucement. Il était content de revoir des visages familiers.

Ne trouvant pas le sommeil, Holly s'était décidée à observer les étoiles, tachant de se remémorer ces consultation dont lui avait parlé Cendres, il y avait longtemps de cela. Sans trop de succès, toutefois : Si sa mémoire était plutôt correcte pour certaines choses, elle l'était parfois moins pour ce qui était plus futile. Sa copine n'étant pas particulièrement fleur bleue, elle n'avait pas jugé adéquat d'organiser une petite soirée sous les étoiles, à lui parler des constellations et des histoires qui leur était associées.
Dommage, quelque part. Ce serait quelque chose à corriger. Peut-être plus tard ou peut-être jamais.

La louve bleue se redressa, s'ébrouant, étirant ses muscles avant de se mettre en marche.
Dans la pénombre, elle reconnut une silhouette familière. Silhouette qui prononça son nom au complet, et c'était toujours aussi étrange, pour elle qui avait l'habitude d'être nommée par un diminutif.
Un léger sourire vint étirer ses babines.

- Bonsoir Narcisse.

Elle s'assit à ses côtés, sans le toucher, doutant qu'il soit du genre à réellement apprécier les contacts physiques.
Son regard se perdit sur les étoiles et elle osa être curieuse, un peu.

- C'était comment, là bas, dans le sud ?

Raconte moi, Narcisse.

La présence de la bleue a quelque chose d’apaisant. Cela donnait l’impression à Narcisse que rien n’avait changé. Absolument rien. Alors que tout avait changé… Tous avaient dû faire le deuil de leur mentor, mais Pepper avait été bien plus que cela. Les yeux dorés continuent de regarder au loin, alors que les oreilles pointues se couchent sur son crâne.
Il n’aurait pu partager sa peine.
Parce que la colère s’était montrée plus forte.

Comment c’était là-bas ?

« — Hum… Chaud. »

La chaleur lui avait semblé insoutenable par moment. Heureusement qu’ils ne connaissaient pareille température ici.
Mais Hollyhock ne se contenterait pas de cette seule information, Narcisse en avait bien conscience.
La queue féline s’agite.

« — Nous sommes restés parmi une tribu. Primitive, mais parfaitement organisée. Leur langage était différent du notre, ils se servaient de gestes, mais le plus souvent leur attitude leur permettait de dialoguer. »

Apprendre cette nouvelle langue ne fut guère chose compliquée, la plupart des mots étant instinctifs.

« — Les chasseurs m’ont appris à me déplacer dans les arbres. À chasser différemment. À être beaucoup plus discret. C’était chose intéressante de voir comment agissait un autre peuple. »

Narcisse tourne le regard vers la louve.

« — J’ai beaucoup appris. »

Assez pour vous protéger, pour permettre aux Etelkrus d’affirmer leur puissance.
Assez pour ne plus faillir.

Enfants du Sud, ils connaissaient bien la chaleur de leurs contrées auquel leur poils court était adapté.
Alors, pour que Narcisse relève la chaleur des terres foulées, elles devaient vraiment connaître un climat bien différent du leur. Tout comme les terres gelées de la grève se trouvaient être, finalement, bien plus froides que chez les Nakhus. Ils vivaient dans un monde qui ne cesserait jamais de les surprendre.
Un monde qu'elle ne connaîtrait jamais vraiment, sauf si elle avait besoin d'explorer pour une mission bien précise.

- Ca me rappelle les Direwolves que nous avons croisé au Nord. Je me demande ce qu'ils auraient à nous apprendre, eux aussi.

Ils avaient beau être, de loin, la meilleure meute de ces contrées, ils ne connaissaient pas tout et il restait de nombreuses zones d'ombre. Comment protéger leurs terres de ces monstres venus du Nord, par exemple ? Comment ce peuple du Nord parvenait-il à cohabiter avec eux ? Car ils avaient beau être grand, ils ne faisaient, tout de même pas, pas le poids contre les dinosaures.

- Je suis contente que ton voyage t'ai apporté quelque chose.

Elle cilla.

- Et si il a pu vous apaiser, toi et Daisy.

La mort de Pepper les avait tous chamboulés.
Elle, n'avait guère eu d'autre choix que d'endosser ses nouvelles responsabilités puisque tel était le désir de sa mère et par ce qu'elle avait, toujours, eu à coeur de servir son clan. Et ce n'était peut-être pas plus mal, finalement, par ce que ce changement de statut lui avait, finalement, permis, de muer toute cette douleur en énergie pour faire au mieux.
Pour rendre Pepper fière.

Les babines frémissent à l’évocation des loups du nord. Ceux qui avaient joué par énigmes pour évoquer la bête qui pourfendit la glace. De nombreuses blessures auraient pu être évitées ce jour là.
Mais peut-être qu’en effet, ils avaient des choses à leur apprendre.
Pour autant, cela n’intéressait pas Narcisse. Ces loups l’avaient agacé tout au long des échanges. Il ne leur faisait pas confiance. C’était des bêtes primitives qui étaient mieux dans leur contrée.

« — Hum… »

C’est la seule réponse qu’il fournit.
La queue féline s’agite. Oui. Ce voyage leur avait permit de faire leur deuil. À leur manière… En versant le sang, puis en apprenant à devenir plus fort. Le disciple de Kiro secoue doucement la tête.

« — Oui, mais cela n’a rien changé. Pepper ne reviendra pas. »

Elle ne reviendrait plus à présent. Pourtant, ils continueraient à honorer sa mémoire, tous, en combattant fièrement, en mourant debout. Pepper et Anette avait permit aux Etelkrus de devenir les plus forts de ces terres, c’était leur devoir de poursuivre le travail. À ceux qui furent loyaux, qui un jour combattirent à leurs côtés. Pour tout ceux qui se prétendaient Etelkrus.
L’assassin pose ses prunelles dorées sur la disciple de Dairo.

« — À l’époque, je lui avais prêté serment. »

Un silence. Puis Narcisse se relève pour faire face à la louve bleue. La mort de Pepper l’avait levé d’un engagement. Maintenant, il s’apprêtait à en prendre un autre. Ce n’était plus l’ami qui parlait. C’était l’assassin qui s’adressait à son alpha. Comme à l’époque, quand il avait réussi l’épreuve de Kiro.
Il avait rendu fier Pepper.
Et il continuerait à se surpasser, en sa mémoire.

« — Aujourd’hui, c’est à toi, Hollyhock, que je jure fidélité.
Aussi longtemps que tes ennemis respireront, je les traquerai.
Aussi longtemps que tu ordonneras, j’exécuterai.
Aussi longtemps que tu vivras, je serais ton ombre. »

Non, elle ne reviendra pas.
C'était le plus difficile, de se retrouver face à cette cruelle certitude, de savoir que, jamais plus, ils n'entendraient les mots forts de cette mentore, de cette Alpha d'exception. Qu'avec son départ, ils se retrouvaient, l'un comme l'autre, et Daisy aussi, privé de leur guide.
C'était fou, qu'une petite louve puisse laisser un vide si grand.

- Sa mémoire perdurera.

Son souvenir habitait encore tous ceux qui l'avaient aimée et qui l'aimaient encore. Son nom resterait présent dans les mémoires, et celles des générations suivantes aussi.
Holly y veillerait, pour que jamais cette louve d'exception ne soit oubliée.

Elle ferma les yeux et la promesse de Narcisse lui arracha un sourire triste.

- Tu as toujours fait preuve d'une loyauté sans faille, envers Pepper et envers les Etelkrus.

Il n'avait pas besoin de jurer fidélité, car elle savait qu'il le serait.
Loyal envers ceux de ta meute et tout particulièrement pour ceux qui comptent.

- Je t'en remercie. Tout comme je te remercie d'avoir veillé sur Daisy lorsqu'il avait besoin de toi.

Je n'ai pas su le faire, ça, Narcisse.

- Je promet de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que l'œuvre de Pepper et d'Anette perdure.

Pour que les Etelkrus restent forts.
Pour que tout aille bien.

Oui. Aussi longtemps qu’ils pensaient à elle, Pepper vivrait. Narcisse conserva le silence, se contentant d’écouter. Sa loyauté n’avait jamais failli, toujours il avait été et resterait Etelkrus. Mais il n’était pas naïf. Il savait que certains profiteraient de ses mois d’absence pour remettre en doute sa loyauté. Des insectes, qu’il n’aurait aucune pitié à écraser.
À l’évocation du gris, un mouvement de la queue.

« — J’ai veillé sur lui, tout comme il a veillé sur moi. »

Quand les griffes de la bête marquèrent la chair de son visage.
Quand ils firent face ensembles à ce peuple inconnu.
À chaque déplacement.
Ils avaient toujours été ensembles.

La parole est donnée. Narcisse se redresse.

« — Hum… Ne sois pas elles. »

Car tu es différente Hollyhock.
Les prunelles dorées fixent la louve.

« — Diriges à ta manière. »

C’est que Pepper aurait souhaité. Pour toi. Pour les Etelkrus. Pour tout ceux qui ont cru en elles, et qui croiront désormais en toi, ainsi qu’en Anita.
Car c’était désormais sur leurs épaules que reposait le lourd fardeau que représentait le pouvoir. Tout les regards seraient braqués sur elle, certain attendant le moindre faux pas pour saisir l’opportunité d’accéder au trône. Aucun n’y parviendrait. Narcisse ne les laisserait pas faire. Dans l’ombre il veillerait à ce que chacun reste à sa place. À ce qu’aucun ne songe à la trahison.

« — Que comptes-tu faire ? »

Avait-elle déjà un projet ?

Un mince sourire vint étirer, vers le haut, les commissures de ses babines.

- Tu as raison. Je ne suis pas elles.

Et je ne pourrai pas faire comme elles, exactement comme elles.
Je pourrai, par contre, rester fidèles aux idéaux que Pepper m'a transmis, à tout ce que j'ai pu apprendre près d'elle.

Quand à ce qu'elle comptait faire...

- Je souhaite faire le maximum pour garantir la sécurité des Etelkrus et pour que nos frontières ne soient pas violées par des misérables.

Ca, c'était évident. Elle n'avait pas oublié la solitaire folle venue sur leurs terres, il y avait désormais un moment. Des étrangers, elle ne voulait pas chez eux. C'était pour cette raison qu'elle avait pris la décision d'installer des pièges sur le territoire, avec l'accord d'Anette, avant même de devenir conseillère.
Pour tous les protéger.

- Néanmoins, je suis également consciente que la menace du Nord peut resurgir à tout instant. Et elle, n'en à que faire, des frontières. Il faudra surveiller ce monde de glace, former les jeunes comme nous l'avons toujours fait, afin qu'ils deviennent des guerriers efficaces et des panseurs d'exception. C'est ainsi, que nous resterons dissuasif : en demeurant une grande meute puissante.


Même si la natalité laissait à désirer, en ce moment, pour les effectifs. Elle en avait consciente.
Tout comme elle était consciente qu'un tournoi de reproduction comme l'avait organisé Anette et Pepper ne serait pas vraiment en goût du jour.

Hollyhock craint pour les frontières. Tss… toujours aussi casses-pieds ces solitaires. Ne retiendraient-ils jamais la leçon ? Ou faudraient-ils qu’ils soit tous traqués ?

« — Ils respecteront nos frontières ou ils mourront, tous autant qu’ils sont. »

Monstres. Loups. De tout clan. Qu'importe.
Narcisse fait cliqueter ses longues griffes entre elles. Tuer, cela ne lui posait aucun problème. Un ordre. Un nom. Il s’en occupait.
Les frontières Etelkrus n’étaient pas choses qu’on pouvait se permettre de franchir sans aucun respect. Qu’importe qu’il s’agisse d’un pseudo-roi d’une autre meute, les frontières devraient être respectées ou ils paieraient le prix.

« — Les jeunes… ils sont plus dissipés que nous l’étions. »

De ses apprenties, Narcisse n’était parvenu à trouver satisfaction. Peut-être s’était-il montré trop exigeant ? L’une ne s’était que trop peu intéressée à l’art de l’esquive, préférant la force brute. Quand une autre s’était avérée être plutôt douée, mais le disciple de Kiro ne parvenait à y trouver réelle satisfaction. Il ne sentait pas la patience ni la pédagogie pour en entrainer d’autres. À moins de trouver celui qui attirerait réellement son attention.
La queue féline vient se poser sur ses pattes. Une question lui trotte l’esprit. Les solitaires représentaient certes un problème de taille lorsqu’ils franchissaient les frontières… mais qu’en était-il des pirates ?

« — La vermine des océans, souhaites-tu l’éradiquer ? »

C’était quoi à présent ? Trois cloportes qui se terraient sous un rocher ?

D'eux deux, elle se demandait si Narcisse n'était pas le plus extrême.
Elle même se savait véritable chien de garde, lorsqu'un étranger osait passer leurs frontières. A l'exception des Raeders, cependant, Holly se contentait d'intimider ces voyageurs indésirables et n'avait jamais eu à ôter la vie de l'un d'entre eux. Ce sort là avait été réservé au traître, il y a bien longtemps, sur ordre de Pepper.
Cependant, chacun protégeait à sa manière et si Narcisse préférait éliminer la menace solitaire, cela ne la peinait pas particulièrement non plus.

- La dernière génération a été un peu plus lente dans son apprentissage, il est vrai. Mais il m'est avis qu'ils sont en voie pour devenir de bons Etelkrus. Certains sont déjà prometteurs et font preuve de bonne volonté. Le problème... C'est que cette génération là a justement quelques années. Actuellement, nous n'avons plus personne à former.

Une meute vieillissante n'était pas souhaitable : Il fallait des jeunes loups.
Hélas, personne ne semblait disposé à mettre des petits au monde. Et encore moins sa propre compagne.

La vermine des mers fut mentionnée. Holly fronça les sourcils à leur évocation.

- Anita ne l'accepterai pas. De plus, de par leur faiblesse, je doute qu'ils représentent un réel danger. Laissons les moisir sur leur île misérable. Ils ont, pour le moment, l'air assez raisonnables pour comprendre qu'il ne vaut mieux pas se faire remarquer.

Elle souffla par le nez.

- Peuvent-ils d'ailleurs encore être considérés comme une meute...

Plus lente. Moins motivée. La nouvelle génération se comportait comme des enfants. Narcisse choisit de ne pas commenter. Lui n’avait su trouver lueur d’espoir parmi les adolescents actuels.
À l‘évocation d’Anita, les longues oreilles frémissent. Bien sûr qu’elle ne le permettrait pas. Parce que malgré l’entrainement de Pepper, sa soeur n’avait pas la même haine à l’égard des Raeders. Le disciple de Kiro retint un soupir.  

« — Hum… »

Si on laissait à la vermine l’opportunité de reprendre des forces, elle finirait pas revenir. Jamais ils ne semblaient avoir compris la leçon. Jamais ils ne la comprendraient.
Le regard de Narcisse se porte au loin.

« — Ils ont encore un nom et un foyer. »

De quoi leur permettre d’exister.

« — Prions pour que leur foutu océan les emporte. »

Tous, jusqu’au dernier.

Elle plissa les yeux.

- Je te rassure, je n'ai pas plus d'estime que toi pour ces vermines. Ils ont un nom qui ne veut plus rien dire, leur existence, en elle même, n'a plus de sens.

Où était-elle, la piraterie, chez ces loups de la mer qui restaient terrés comme des rats ? Ils ne suivaient même plus les préceptes de leurs ancêtres, aussi abjects soient-ils. Alors, à quoi bon garder ce nom qui n'avait plus lieu d'être ? N'étaient-il pas, tout simplement, un groupe insignifiant qui se cachait derrière une identité qui n'était plus la leur ?
Elle espérait, cependant, qu'ils s'abstiendraient de copuler et pondre comme des lapins. Elle préférait les savoir petits peuple insignifiant, que colonie grouillante et grandissante.
La méfiance, en elle, ne s'endormait jamais vraiment.

- Un pas de travers et c'en sera fini d'eux. Une patte sur nos frontières et ils périront.

Il n'y aura pas de pitié pour la vermine.
Jamais, elle ne tolèrera la moindre menace pour ses frontières.

Une patte sur les limites ? Narcisse ne les laisserait pas se rendre jusque-là. Qu’ils conservent leurs distances ces païens, qu’ils aillent faire mumuse avec leurs coquillages et leurs algues.

« — Ils n’ont même pas intérêt à y penser. »

Sinon, ils joueraient avec le feu.
Et ils bruleraient, comme la vulgaire vermine qu’ils étaient.
Sûr, qu’ils ne représentaient pas une grande menace, au moins sur ce point Narcisse était d’accord avec la bleue. M’enfin… Ce n’était pas pour autant qu’ils se faisaient totalement oublier.
Le regard se porte de nouveau vers le ciel. Le Phénix avait cette manie de l’ouvrir dès que quelqu’un s’approchait et captait son attention. C’était dans sa nature. Toujours trouver plus imposant, plus appétissant.