L'hydratation, c'est important ♖ Prudence [Refuge]

La nuit n’avait pas été facile. Prudence avait mal dormi, aussi quand la voix de Teddy se fait entendre, elle ne met pas longtemps à se lever et le suivre.
Un coup de museau sur l’épaule du paternel, alors que déjà lui active son pouvoir pour s’occuper de l’argile.

« — On pourra toujours se nettoyer après. »

Se salir, ça faisait pas peur à Prudence. Tant qu’elle pouvait l’éviter c’était pas un problème, m’enfin, la boue, l’argile, tout ça, ça s’enlevait facilement.
Son glowstick brille un peu plus fort, alors que derrière elle apparaît le Loup. La brume se solidifie autour de lui, de sorte à ce qu’il puisse se saisir de l’argile. M’enfin, Prudence ne le laisse pas faire tout le boulot pour autant, mettant la patte à l’ouvrage. C’était un bon exercice pour bosser sa force ça.
Il allait en falloir de l’argile pour mettre en place un système d’irrigation suffisamment important.

Le regard s’attarde un instant sur le glowstick de Teddy, avant de se porter sur le reste du gouffre. Y’avait eu plein d’idées, plusieurs projets qui s’étaient lancés, pourtant… Pourtant Prudence avait l’impression que derrière cette idée de refuge, y’avait cette volonté de créer un peu plus, quelque chose de plus sérieux, peut-être reprendre ce que furent jadis les Lazulis qui peuplèrent ces terres ? Pensive, elle entend le loup grogner derrière elle, la ramenant à la réalité.
Les yeux mauves croisent le regard de Teddy.

« — Dis P’pa, tu comptes rester ici ? J’veux dire pour toi plus qu’un refuge, ça pourrait remplacer la maison ? Ce que furent les Lazulis jadis ? »

C’est que tu te questionnes pas mal ces derniers temps…

Entendre l’daron parler de son âge, c’était toujours une chose qui attristait Prudence. Lui rappelait que rien n’était immortel et que tôt ou tard, la nature reprendrait ses droits. C’était normal d’un côté, mais on parlait de son père. Cela restait une chose difficile à accepter.
Et aucun remède ne permettait de combattre la vieillesse.

« — J’suis sûr que M’man pourra te faire un p’tit massage après tout ça… ou te mettre de la peinture dans les cheveux. »

Un sourire taquin, en souvenir des jeux enfants.
Loup continue d’accumuler l’argile, alors que Teddy répond aux questions de la Licorne. Un arrêt dans un voyage. Une simple nuit. Alors pourquoi construire un poulailler comme le font les Nakhus ? Tout ces loups qui avaient répondu à l’appel, étais-ce vraiment un refuge qu’ils étaient venus chercher ou un lieu où s’établir ?
Travailler pour un futur que l’on veut.
Étais-ce ce qu’elle voulait Prudence comme futur ? Continuer d’errer sur ces terres, avec certes un toit sur la tête, mais toujours cette identité de solitaire ?

Ce n’est pas ce futur que je veux.

« — Actuellement y’a que deux meutes sur le continent, mais je sais qu’Onyx ou Agathe seraient pas du genre à les intégrer… J’ai le sentiment que ce n’est pas destiné à n’être qu’un simple refuge, mais un foyer pour beaucoup. »

Et tôt ou tard si ce «  refuge » prenait de l’ampleur, ça finirait par attirer l’attention et qui sait… peut-être que cela aurait des répercussions. Peut-être que même les Nakhus n’apprécieraient pas que l’on copie leur potager (même si cela partait d’une bonne intention pour cessé de se servir dans le leur) ou leur poulailler ? Peut-être que les Etelkrus n’apprécieraient pas que ces terres libres soient en quelque sorte revendiquées par des solitaires ?

« — Mettre en place un potager, c’est cool, ça évite de piocher dans celui des Nakhus, mais le reste… ça fait pas un peu trop ? »

Le doute.
Loup grogne, sentant la brèche dans la volonté de la disciple de Moiro, la brume noire qui s’échappe de son corps se fait un peu plus dense. Ne connaissant pas encore les effets de Loup, Prudy se reprend, secouant doucement la tête avant de remettre la patte à l’ouvrage.

« — Je me fais peut-être que des idées. »

Il avait l’air tellement de bonne humeur le daron. Prudence s’en voulait presque de l’embêter avec ça.
La queue nattée balaie doucement le sol, se salissant aussi au passage.

Oui bien sûr que les idées c’était fait pour être reprit, amélioré, adapté. Pourtant à trop les reprendre, on finissait par les user, à ne plus rien en tirer. Un moment l’idée n’en était plus une, c’était une chose commune qui n’avait plus rien d’unique ou de nouveau.
Ça devenait une banalité.
Il est plein d’espoirs Teddy, peut-être étais-ce juste toi Prudence qui avait les idées un peu sombres en ce moment ? Il fait des p’tits traits d’humour, ce qui marche, la Licorne sourit.
Un choix pas une concurrence. Est-ce que tous le percevraient ainsi ?

« — Est-ce que ça peut vraiment marcher, un système sans dirigeant ? Si certains choisissent de vraiment s’installer à ce Refuge, d’en faire leur foyer, ne vont-ils pas se considérer plus important que ceux qui ne passent qu’une nuit ? Ne risque-t-il pas y avoir des désaccords entre ceux porteurs d’un glowstick et ceux qui n’en ont pas car n’aiment pas les dieux ? »

Les choix religieux c’était un sujet sensible, cela l’avait été dans l’histoire, Prudence avait vu ça dans un ouvrage de la bibliothèque. Est-ce que certains ne profiteraient pas de ce refuge pour en faire quelque chose… d’autre ?
D’une patte, Prudence soulève de l’argile qu’elle ajoute à la pile qu’à eux deux ils étaient parvenus à constituer.

« — J’ai envie d’y croire à ce projet, Papa, mais… je m’inquiète aussi, pour Onyx parce que ce projet semble vraiment lui tenir à coeur, pour Agathe, Maman et toi, parce que si ça se devait mal se passer, vous vous sentiriez mal… »

Les deux dernières de part leur nature de Licorne, surtout M’man qui culpabilisait bien plus facilement que Prudence ou ses soeurs.
Le bout des pattes s’enfoncent doucement dans l’argile, alors que la disciple de Moiro fait disparaître le loup quand Teddy s’approche.
Un instant de gêne, Prudence soutint le regard du Bélier, cherchant comment aborder les choses sans le blesser.

« — Depuis que je suis rentrée… je crois que je n’ai plus envie de me retrouver seule. J’sais bien ce que tu vas dire, que toi et maman êtes là, mais… c’est pas pareil. On est des solitaires, on n’a pas réellement de chez nous, n’importe qui, n’importe quand peut nous chasser d’un abri qu’on aurait construit, uniquement parce qu’on a pas de terres qui nous sont propres.
Je n’ai pas envie d’être ainsi toute ma vie. J’aimerais me rendre utile, mettre à profit mes connaissances au sein de quelque chose de plus solide que le Refuge. Parce que même si je soutiens Onyx dans son projet, tout ça, c’est pas moi.
Je n’ai pas envie de me réveiller chaque matin en me demandant si ce soir je pourrais encore dormir à tel endroit où si quelqu’un viendra m’en déloger. Je ne veux pas me demander si je trouverais de quoi manger autre que des racines ou des plantes. Je ne veux pas me poser milles questions sur comment surmonter l’hiver, ni m’inquiéter tout le temps de ma sécurité, devoir me défendre en craignant que ma nature de Licorne se retourne contre moi… »

Et le regard se détourne pour se porter vers l’horizon. Un sourire vient étirer les babines de Prudy.

« — Je veux pouvoir continuer de mener mes recherches à la bibliothèque, observer plein d’espèces, remplir mon carnet de mes découvertes, en sachant qu’en rentrant j’ai un abri qui m’attend, un endroit où être acceptée, là où je serais utile.
Je veux apporter quelque chose à ce monde. »

Prudence pose ses yeux mauves de nouveau sur son père, avec une certaine… crainte ?

« — Mais j’veux pas te perdre. »

Si je fais ça maintenant, est-ce que je ne prends pas le risque de ne pas passer d’autres moments aussi précieux que celui-ci à tes côtés ?
J’veux pas te perdre, ni toi, ni les autres, mais je ne veux pas non plus être une ombre.
Alors qu’est-ce que je dois faire P’pa, hein ?

Un loup pour tout faire basculer. Un seul individu, qui peut tout détruire. Une âme errante qui en souhaitant trouver sa place en ce monde ravagera tout, pas parce qu’il était égoïste, simplement parce qu’il voulait être quelqu’un.
Oui, bien sûr qu’il avait raison sur ce point P’pa, pas parce que c’était le plus fort ni le plus vieux, ni le meilleur, simplement parce qu’il avait l’expérience derrière lui. Il avait vécu beaucoup de choses. Pourtant en parler, ça pouvait être chose si délicate, ça pouvait aussi briser des liens. Onyx percevrait-elle bien les craintes liées aux refuges ? Des fois lorsqu’on souhaitait tellement faire les choses biens, on ne se rendait pas compte des répercussions que cela pouvait avoir. Mais l’daron a raison, ce n’est pas obligé de mal finir, ça peut rester quelque chose de bien.
C’est à cette pensée qu’il fallait se raccrocher.

L’histoire…
T’es pas con Prudy, tu sais très bien que le p’tit mec en question c’est autre que ton père. Un instant les yeux s’écarquillent, sous la surprise. Tu savais pas… tu savais pas que ton père avait été Raeder. Tu savais pas toute cette partie de la vie, pour le coup, l’histoire te fait encore plus douter.
La boule au ventre, Prudence avait l’impression de…
Puis, y’a la suite, une belle suite. Teddy avait perdu une famille, mais en venant ici, il en avait trouvé une nouvelle.
Et ce p’tit mec rencontra une Licorne avec qui il eu trois petites diablotines de filles, dont une qui l’aimait plus que tout.

Sous le coup, recevoir ainsi la bénédiction de son père, le voir la soutenir de la sorte, le voir balayer ainsi les doutes de la Licorne d’un revers de la patte… ça eu pour effet de faire monter les larmes aux yeux.

« — Moi aussi je t’aime papa. »

Et je ne t’abandonnerai jamais.
Croix de bois, croix de fer.
Parce que tout ça, c’est grâce à toi.

Un rire, entre deux larmes, alors que la louve sert son père entre ses pattes, reniflant (le plus dignement possible, genre un minimum quand même)

« — Je rugirai, sur tout le continent, pour toi, pour Moiro. Parce que nous sommes des tigres et que rien ne nous arrêtes.
Parce qu’on peut tout affronter ! »

C’était dans la génétique ça. Y’avait aucune contestation possible sur le sujet.
Finalement, Prudence se détache du Bélier, secouant doucement la tête pour chasser les dernières larmes, un sourire farouche aux babines.

« — Alors on le fait ce système d’irrigation ?! »

Notre sang bouillonne parce que nous sommes en feu. Nous n’étions que braises au début, maintenant nous voilà prêts à embraser le monde entier.
Rien ne nous résiste.
Et nous sommes invincibles, aussi longtemps que nous y croyons.

Déjà les voilà prêts tout deux à concevoir un système d’irrigation à en faire rougir de jalousie n’importe qui. À deux cerveaux tels que les leurs, ils allaient bien réussir à faire quelque chose d’incroyable, non ? Il expose son idée pour les tuyaux, ça lui semble bien à Prudence, car sans bases ils arriveraient difficilement à créer des tubes qui contiendraient l’eau.

« — Je peux m’en occuper du foyer ! Pendant mon voyage j’ai vu certains autochtones faire ce genre de choses. »

Et alors que le Bélier s’occupe de modeler les moules à l’aide de son pouvoir, Prudence remonte un peu, récupère plusieurs pierres pour un faire un rectangle qui lui semble d’une taille suffisante pour contenir les tuyaux modelés. De loin, elle avait observé les inconnus concevoir ces étranges fours (bon un chouille plus petit quand même, eux faisaient cuire du poisson fallait pas déconner). Essayant de s’appliquer au maximum, Prudence alterne entre une couche de pierres, une de boue (ouais elle avait les pattes déguelasses là bonjour la disciple de Moiro). Ça lui prit un peu de temps quand même, entre chercher les pierres, les assembler sous une forme de dôme, alterner avec la boue… hum…
Elle ne boucha pas complètement le dessus pour leur permettre de glisser du bois, ainsi que les moules pour l’argile. Le pelage tâché de boue par-ci par-là, la Licorne observe son père.

« — Plus qu’à mettre du bois, allumer et démarrer la cuisson de l’argile ! »

C’était dommage que la lumière faiblisse au fur et à mesure que l’on s’éloignait des temples des dieux. La foi qu’ils portaient à l’égard des divinités ne dépassait-elle pas les frontières ? En entendant Teddy parler d’Agathe, puis de Ted… Prudence sent une légère pointe de jalousie. Ce gamin trouvé par Onyx qui s’était par la force des choses greffé à leur famille… un gamin dont la Licorne ne connaissait rien et… ne le regrettait pas vraiment.
Puis il la questionne sur le voyage. Un sourire qui étire les babines de la disciple de Moiro.

« — J’ai atterri dans des zones marécageuses avec des animaux totalement différents de ceux qu’on a ici ! Y’avait pas mal de petits villages aussi. C’était intéressant de découvrir leur mode de vie, leurs habitudes… j’me suis pas trop attardée, certains mangeaient des serpents… »

Disons que c’était pas le meilleur environnement pour Peter… même pour elle qui avait eu quelques nausées en voyant les cadavres de bêtes. Beruk. Mais il s’en était passé des choses là-bas, de bonnes expériences aussi, d’incroyables découvertes. Oui, Prudy avait bien pu remplir son carnet de ses différentes observations.
La jeune louve donne toutefois un léger coup de coude dans les côtes de son père.

« — Mais dis-moi, c’était qui cette « belle meuf cheloue » ? »

Que de conquêtes et fréquentions.
La queue se balance, alors que la solitaire ne cache pas sa joie au compliment du Bélier.

« — Héhé, tu pourras toujours l’utiliser si jamais tu veux faire cuire… de la viande… ou du poisson… »

Un léger malaise à la simple pensée de cadavres dans ce four improvisé. Le regard qui se voile, alors que Prudence visualise la mort. Un frisson qui parcourt son corps, et le retour à la réalité quand son père parle de nouveau.
Secouant doucement le museau, la Licorne s’occupe d’allumer le feu dans le four, s’aidant de silex. Voyant les premières étincelles et la fumée, elle se recule et laisse la cuisson se faire.

« — Du travail de pro ! »

Les tubes étaient vraiment supers !

« — Bon maintenant, si on allait installer ces merveilles ? »

Whouah, bah dit donc, il en avait fait des voyages le daron et ça semblait pas être de tout repos… Prudence était impressionnée. Jolitemps… c’est un nom curieux, mais ainsi c’était elle la mère de Méluciole et Mésange… des soeurs adoptives qu’elle n’avait pas connu. Un sourire étire les babines de la Licorne, pouvait pas résister à la beauté d’une louve le paternel, quel tombeur…

« — Partir découvrir de nouvelles terres, c’est une expérience que chacun devrait connaître au moins une fois dans sa vie ! »

C’était si enrichissant…

Ne restait plus qu’à creuser les tranchées.
Prudence leva une patte pour demander à Loup de ne pas bouger en voyant le sourire de son père. Oh no… ça sentait l’exercice de dingo ça encore. Est-ce que ses muscles étaient vraiment près à supporter tout ça ? Déjà elle se retrouve un outil qui semblait peser si lourd… voilà que l’daron lui ajoute une sorte de pierre sur le dos. Un « pfouuuuu » échappe à la louve qui sous la charge sans ses pattes légèrement fléchir.
D’accord faire tout le tour de la parcelle avec une charge pareille… ça allait être un calvaire…
C’est parti alors…

(Lancé dé END)

Au début ce fut une allure normale, qui ralentit progressivement, jusqu'à atteindre la vitesse d'un escargot. Prudence serrait les crocs à chaque pas, sentait la sueur sur son pelage (beurk). Elle avait l'impression que tout son corps allait lâcher.

« — Pfff »

En plus il faisait chaud. Vraiment avoir un poil épais, c’était le mauvais bail. Prudence serra un peu plus les crocs, luttant contre l’envie de s’asseoir pour faire une pause (ça risquait de ruiner tout le travail, ce qui voulait dire tout recommencer et ça vraiment, c’était la mort assurée). Se concentrant sur l’effort, elle ne répond pas à son père, même si elle l’attend, seule sa queue tressée qui se balance dans le vide laisse sous-entendre qu’elle était heureuse d’entendre ces encouragements.
Allez encore quelques pas.
À ses côtés, Peter glisse sur le sol, sifflotant comme pour la narguer (ce qui était peut-être le cas après tout, la Licorne ne parlait pas ce langage). Après des minutes qui lui paraissent interminables, elle finit par effectuer le travail demandé par son père. Essoufflée, avec juste cette envie de s’endormir dans un coin. Mais au moins c’était fait. Elle pose une patte sur l’épaule de son père pour s’appuyer un peu le temps de reprendre son souffle.

« — J’crois que… mes muscles sont partis… dans un pays où il fait tout le temps froid… et se prélasse gentiment dans un tas de neige… »

Le rêve.
Après une petite récupération, Prudence s’approche des tuyaux, en prenant quelques uns avec délicatesse pour les placer au sol. D’accord même lever le petit doigt, ça demandait trop d’efforts.
Taquine elle lance quand même un coup d’oeil à son père.

« — Maintenant que j’ai fais le plus dur, j’espère qu’on aura droit à une petite collation après ça ! »

Tout semblait presque terminé, plus que quelques détails à finaliser, du genre permettre à l’eau d’arriver jusqu’ici. Prudence plaça le dernier tuyaux qui partait de la rivière, croisant les griffes pour que tout fonctionne parfaitement. Elle approcha son museau de l’eau, pour voir des bulles sortir du tuyau, un bruit étrange, puis…

« — Ça y est ! »

Vérifiant qu’il n’y ait aucune fuite, la disciple de Moiro suivit les tuyaux, vérifiant que rien n’était fragilisé. En observant les sillons, la louve vu de petites gouttes s’écouler des tuyaux, humidifiant la terre. Ça fonctionnait ! Elle donna un léger coup d’épaule à son paternel.

« — On a réussi ! »

En espérant que les autres aient autant avancé dans leurs tâches respectives.