Derrière le front | Astrid

Nymeria

Il avait eu vent qu’il y aurait un grand combat. Son père en avait parlé, alors qu’il pensait que Eldunari et Nymeria dormaient déjà dans la tanière à côté. Nymeria avait cru comprendre que cela concernait les Nakhus. Plus que ça, qu’ils devaient être aux cotés des pirates Raeders pour cet affrontement. Apparemment, un espèce de faux-dieux sanguinaire devait être vaincu. Nymeria n’y avait cru que à moitié, jusqu’à qu’une louve pirate vienne déposer ses enfants chez eux, pour les protéger.

Du coup, Nymeria avait demandé si lui il pouvait aller se battre aussi. Il ne savait pas trop pourquoi, c’était sur un coup de tête… mais bien sur, on lui avait dit non. Et on lui avait dit d’être sympa avec les nouveaux venus.
Les Raeders n’étaient pas de ceux qui avaient détruit la bibliothèque, alors Nymeria n’avait pas de haine envers eux… mais lui demander d’être gentil, c’était aussi un peu par-dessus ses capacités. Et puis ça lui donnait plus envie d’être pas gentil qu’autre chose.
Alors, pour éviter de les croises, il avait décidé d’aller à la bibliothèque, pour ranger les livres dissipés un peu partout. Il y était allé lorsque la marée était basse, et il y était resté, espérant que ce bras de mer empêcherait les Nakhus et les Raeders de le déranger.

Après une matinée de rangement, il décida de descendre à la plage. Il avait oublié de ramener à manger, et il avait sacrément faim. Peut être qu’il réussirait à pêcher quelque chose ?
Il posa une patte sur le sable, et fit un rictus dégouté. Ah, il détestait le sable. Cela se coinçait partout dans les poils, et sa grattait terriblement. Il marcha dessus pour arriver jusqu’aux rochers, qu’il préférait largement, lorsque soudain, il vit une forme inconnue, à une 20aine de mètres de lui. Il s’arrêta, se demandant si la forme aussi, l’avait vue.

C'était censé être un moment merveilleux pour la femelle noire. Oui. Un moment ou elle se sentirait privilégié de venir ici, sur ces terres si sacrées à son coeur. Se sentir sur un petit nuage, entouré de loups si formidables qu'étaient les Nakhus, entourée de tous ces biens si rares. Et pourtant, elle était assise sur le sable à regarder l'océan comme une huître vieillissante. Son cœur n'y était pas, mais pas du tout pour le coup.


Si elle avait vu l'autre loup? Non. Pas même l'odeur le trahissait, sa truffe était sur les senteurs marines, ses oreilles sur les vagues au loin, et son regard sur l'horizon. Son esprit? Ailleurs, loin, perdu dans l'océan si vaste. D'ailleurs, voilà qu'elle lève son postérieur, pour se secouer et aller ensuite vers le bord de mer. Son regard fixe son reflet à la surface avant qu'elle ne pose sa patte dans l'eau.


Pour seule amie, sa tortue, cette petite tortue dont elle faisait toujours de la même façon. Si blanche trouble, petite. Doucement elle la forme, et la voilà enfin. Dénué de queue, ce fut son arrière-train qui bouge, elle se couche, ventre dans l'eau, avant de murmurer. Pas sa timidité.


"-Tu veux rester avec moi toi? J'ai si peur tu sais... papa et maman me manque déjà.." Sa tortue nage, devant ses pattes, près de ses flancs. Puis le vent tourne et Astrid sent enfin l'odeur, pour ensuite tourner la tête vers le loup. Ses oreilles se baissent, espérant que cet endroit ne soit pas déjà prit, elle se sentirait coupable de prendre la place de quelqu'un. Timide, elle baisse le regard et le repose sur sa tortue. Elle ne voulait tellement pas déranger.

Nymeria

Ah oui, elle l'avait vu. Il baissa immédiatement les oreilles. Sale étrangère. Que tes yeux soient aveugles, et que tu vomisses tes repas, pensa-il. Elle faisait pitié, à regarder le sable sans rien dire et sans rien faire. A parler au sable en plus. Pourquoi les étrangers étaient-ils tous aussi faibles, aussi bizarres ? Il suspectait que les Raeders leur jouaient un tour, dans cette bataille contre les créatures de l’océan.

Mais on lui avait déjà expliqué, son père lui-même avait été un Raeder il y a longtemps. Cela l’horrifiait, il fallait se le dire, mais il gardait cette information au fond de lui, dans une cage. Il s’approcha d’un pas. C’est alors qu’il remarqua la tortue. La tortue, c’était surement ce à quoi il l’avait vu parler, bien qu’il n’eut pas entendu ce qu’elle disait. C’était super bizarre ça, les tortues, ça parlait ? Il n’en avait jamais vu en vrai, mais ca y ressemblait, d’après les dessins sur les livres de la bibliothèque. Peut être qu’il y en avait beaucoup sur l’ile des pirates, et qu’ils n’avaient qu’eux pour parler ?

Mais non, pas possible. Les Nakhus avaient plein de poules, pourtant, il ne leur parlaient pas !
Il avait une folle envie de lui grogner dessus, à ce faible rejeton de l’écume, mais il avait aussi besoin de réponses.
Il s’avança, la tête haute, le regard plein de dédain, pour bien lui faire comprendre qu’il était meilleur qu’elle, et qu’il était bien gentil de lui parler, à une gueuse comme elle.

« Tu sais parler aux tortues ? »

Si elle savait, il fallait qu'elle lui dise comment faire.

Comme elle le craignait fortement, le loup était venu la voir, elle sentait le corps se rapprocher dangereusement d'elle à chaque seconde, elle le voyait, du coin de l'oeil. Par pur instinct, et aussi par une certaine soumission territoriale, Astrid se plaque dans l'eau quand la voix résonne, comme elle aurait prier toutes les divinités pour être à cet instant invisible. Autant certains avaient peur de ne pas être vu, autant elle, elle en rêvait. Si seulement son papa était là. Elle aurait pu se faufiler entre ses pattes, pour le laisser gérer les discussions. Sincèrement, elle n'était pas en mesure de faire un dialogue potable, surtout avec un loup au regard si étrange.

Puis la question la surprit. Cela ne collait tellement pas avec son attitude, qu'elle en fut troublée.

"-Heu...je...ou...oui en quelque sorte!" Elle pose son regard sur la tortue, qui restait immobile près du sable. Avant de le relever de moitié. "Y a pas de mots, mais on parle d'une autre façon!" Sa voix baisse d'une octave. "Et toi?" Fit elle sans jamais croiser son regard.