-Violette-

La silhouette du mâle à crête se découpait dans le ciel mordoré de l'aube, de ceux qu'on voyait tous les jours sans même se rendre compte de sa beauté. Les rayons timides du jour caressaient la vallée aux murmures, et les chants inaudibles de ceux qu'on disait défunts s'élevaient dans la brise forte. Le loup violet était dans son élément, sur ses terres. Ces terres qui, il y a quelques semaines maintenant, avaient arrêté d'être une terre d'accueil pour se recentrer sur eux-même.

Les évènements s'étaient enchaînés pour Violette, depuis l'incendie de la bibliothèque. Il y avait eu des questionnements, évidemment, même pour le loup qu'il était. Et puis, le manoir. Ce qui s'était passé, il ne l'avait pas encore réparé, pas même commencé, et cela lui pesait. D'habitude, il faisait des erreurs moins grandes, qu'il pouvait réparer en s'excusant. D'habitude, il faisait des erreurs qui n'impliquaient que lui, qui finissaient par le blesser, lui. Mais pas cette fois. Cette fois, il avait blessé les autres par sa stupidité, et avait réalisé que jamais il ne changerait. Il était temps de faire la paix avec lui-même, et de s'accepter : il était temps de ne plus être disciple.

Les mots de son mentor lui étaient revenus alors : parler à Yurai. Lui expliquer la situation, lui demander pardon. Alors, il était parti dans la vallée pour chercher une offrande. Etrangement, il avait mit du temps à trouver. Lui qui d'habitude ramenait seulement un petit cailloux, des fleurs qu'il trouvait jolies ou un fruit violet, cette fois-ci, rien n'allait. Rien n'était assez bien. Rien ne pouvait être assez bien pour ce qu'il s'apprêtait à faire. Après trois jours de recherche, il du se rendre à l'évidence : il fuyait le moment. Mais Violette ne fuyait pas, il combattait. Alors, il fit le plus beau bouquet qu'il pu, de fleurs violettes, mauves, roses et lilas, et enfin se mit en marche pour trouver Yurai.

Il entra dans l'Eglise déserte alors que le soleil venait percer ses fenêtres de ses rayons, projetant une lumière dorées dans toute la pièce. L'odeur familière du temple de Yurai lui empli la truffe, le détendant, et il réalisa seulement à quel point il était stressé. Violette l'insouciant, l'imbécile heureux, ne pouvait s'empêcher d'appréhender la rencontre. Il s'avança avant de déposer le bouquet devant la fontaine, et de s'asseoir. Il resta là un moment, regardant la statue qui répondait d'un regard doux. Il n'avait plus peur. Il ferma les yeux, baissa la tête, et se mit à prier.


Un silence passa. Il hésitait. Enfin, non : il était déterminé, mais ne savait comment choisir ses mots. Pourtant, il savait que la déesse lisait en lui, mais mettre des mots sur ses question était le plus important. Il continua, plus confiant :


Il ouvrit les yeux, regardant la statue. Son regard se fit flamboyant. Il avait mit du temps à accepter cette partie là de cette personnalité, cette démesure. Ce tout ou rien. Il l'avait réalisé après avoir tenté de sauver Lestat d'un danger qu'il avait exagéré: il ne l'aurait jamais laissé. Tout comme il n'abandonnerait jamais Onyx, ni son clan. Il préférait mourir que d'abandonner, même si c'était le mauvais choix à faire. Il refusait ce compromis stupide, celui du sacrifice, celui du meilleur chemin. Ses chemins, il les tracerai seul, à la force de ses pattes. Cette fois-ci, il ouvrit la gueule, et continua à voix haute, la voix vibrante de détermination :


Il baissa la tête, mais un sourire se dessina sur ses babines. Il était désolé de ne pas avoir été à la hauteur, mais en même temps, le dire à voix haute était terriblement libérateur. Comme si enfin, il pouvait s'accepter en entier. Il termina, d'une voix plus basse :

Il avait soufflé les derniers mots. Mido avait accepté de devenir un Dieu nakhus après l'incendie, mais Violette ne se faisait pas d'illusion : il ne serait jamais vert. Même pas en rêve.

-Violette-

Un silence passe, et soudain, une odeur ténue empli le temple : La déesse est présente, bien que Vio' l'ai connue bien plus forte. Il sourit, la douceur de la déesse l'emplissant comme à chaque fois qu'il va la voir. Mais cette fois-ci, c'est un peu différent : va-t-elle accepter sa demande ? Il se dresse, empli de détermination. Il a confiance en lui, et sait que Yurai lit en lui. Il sait qu'elle sait ce qui le traverse. Et lorsque sa voix retentit, autant dans le temple que dans son coeur, il l'écoute avec une attention pleine.

La violence aveugle ... Ces mots, il les sent en lui. Il sait de quoi parle la Corneille. Mais il garde la tête haute : il est toujours en plein apprentissage du monde, malgré son âge déjà avancé. Son aventure avec les araignées du manoir l'ont beaucoup fait réfléchir, sur le bien, le mal, la violence. Lui qui a toujours été éduqué aux valeurs de la Corneille et pensait les appliquer, en était en fait loin. Et s'il ne peut s'accorder avec Yurai sur la mesure, il sait désormais qu'il refuse la violence gratuite. Il sait qu'il doit au moins essayer de comprendre, d'être compatissant, même avec les choses, les monstres qu'il ne comprends pas. Mais le chemin est long et difficile, pour lui chez qui cette empathie n'est pas naturelle. Mais il essayerait. Il le promettait.

La dernière phrase sonnait comme un câlin, presque maternel. Mais aussi, peut-être, comme un renoncement : il avait choisi une autre voix. Il hocha la tête, reconnaissant. Pour le moment, aucun Dieu n'atteignait le niveau de respect qu'il portait pour Yurai, et il préférait rester sans glowstick plutôt que de demander à un qu'il ne respectait pas assez. Mais bon, il avait bien vécu presque 7 ans sans couleur, il pouvait bien finir sa vie ainsi ! Il sourit, non pas de satisfaction, uniquement de joie de se savoir sur un autre chemin, nouveau et inexploré. De se sentir aussi proche de Yurai sans pourtant devoir la trahir, ou se forcer à être quelqu'un qu'il n'était pas. Il pencha la tête :

Et cette promesse, il la tiendrait. Cela ne l'empêcherait pas de faire des erreurs, mais toujours il les réparerait. Il le savait à présent, il en avait la force.