- Déesse Yurai, me laisseriez vous tenter votre épreuve, s'il vous plait ?

Ce fut de cette phrase qu'elle rompit le silence qu'elle avait-elle même entretenu le temps de sa prière.
Elle ne priait jamais à voix haute, Ysée, par ce qu'elle n'en ressentait, tout simplement, jamais le besoin face à une Déesse omnisciente et n'avait jamais attendu un retour, une apparition, de sa part.
Venir ici pour lui témoigner toute sa foi lui suffisait amplement.

Et pourtant, cette fois ci, elle avait parlé pour formuler cette requête d'une petite voix, son regard vairon posé sur la statue de la divinité.
C'était de cette Déesse là, dont elle souhaitait être la disciple, si elle le lui accordait : ce n'était pas une envie née d'un rien ou par ce qu'Ysée était l'une des membres du clan qui était sien, mais bien une certitude, une conviction qu'elle avait eue alors que sa foi était devenue si forte, un objectif de vie.

Immobile, elle attendit.

Oh.
Bien évidemment, les mots de la Déesse Corneille lui allèrent droit au cœur.
Avec ce corps fragile, il était difficile pour Ysée de pouvoir se rendre utile auprès des siens. Alors, savoir que ses prières avaient pu apporter quelque chose, une toute petite chose, à cette divinité tant-aimée, c'était beaucoup, pour la jeune louve.
Mais il n'y avait pas que cela : Yurai avait été en souffrance et, cela l'affecta également. Comment pouvait-il en être autrement ?

- Merci, pour Jun'. Si je peux vous aider, dame Yurai, je le ferai de bon cœur. Vous pouvez compter sur moi.

Elle n'était qu'une simple mortelle, plus mortelle, d'ailleurs, que tous les autres, de surcroit, mais ferait de son mieux pour que la Corneille puisse être de nouveau complètement apaisée.

La suite lui vint assez naturellement.

- Née d'un solitaire, j'aurais pu l'être aussi, ou ne pas être, tout simplement, étant donné les conditions difficiles qui furent celles de ma naissance. J'aime penser que je ne suis pas née sur vos terres et n'ai pas été trouvée, en compagnie de mon parent, par Eva seulement grâce au hasard. A jamais, je serai reconnaissante envers les Nakhus pour leur accueil : ils n'avaient rien à gagner, à nous accueillir en leur demeure. Nous étions faibles et je le suis encore. C'est peut-être par ce que j'ai grandi parmi eux, mais je partage les valeurs de ce clan, de mon clan. Je suis heureuse d'en faire partie, en ayant été adoptée par mes parents.

Le début de sa vie avait été chaotique, mais elle avait trouvé des repères, grâce aux Nakhus, grâce à la foi.
Elle poursuivit.

- J'ai mes défauts, nombreux, mais j'aspire à être, pour les miens et pour les loups d'ailleurs, une bonne personne, ne pas juger mais essayer de comprendre, tout en acceptant que je ne suis pas infaillible et que mon jugement restera, toujours, celui d'une louve mortelle, un peu anxieuse.

Un peu, c'était un euphémisme dont elle était consciente.

- Aussi, je sais que ma place est ici, en tant que Nakhu. Il est difficile, parfois, d'être utile lorsque le corps est fragile, mais je suis en quête de ce quelque chose, que je pourrai leur apporter, malgré tout.

La volonté de ne pas être un poids.

Un sourire ravi vint étirer les babines d'Ysée.
Elle n'avait, auparavant, pas pensé cela possible mais en ce jour, sentait son affection envers cette déesse, sa déesse, plus forte encore.

- Merci, Déesse Yurai. Je suis honorée de devenir l'une de vos disciples.

Un bonheur, si grand, que de pouvoir porter sa couleur.
Ysée s'inclina en avant, respectueusement.

- Je tâcherai de devenir une bonne cuisinière, alors.

Ce n'était pas quelque chose qu'elle avait essayé, la cuisine. Mais soit ! Elle trouverait bien quelques livres de recette, à la bibliothèque ou auprès des autres Nakhus.
Et pourquoi pas ne pas organiser un grand repas, pour les siens et pour Yurai ?
Sans perdre de son sourire, la louve blanche s'éloigna.

- A bientôt.