C’était en mode ni vu, ni connu que Nirvana s’était éclipsée de la tanière tôt ce matin - pendant que Puceron et Moustique ronflaient - pour rejoindre la crypte. C’était quelque chose qu’elle avait réfléchi en secret, sans en parler à personne.
Un autre secret.
Mais pendant que Moustique et Puceron se disputaient, pendant que maman essayait de les réconcilier, Nirvana y avait vu la diversion parfaite. Les regards qui n’étaient pas braqués sur elle, lui permettraient de se rendre en toute sérénité jusqu’au temple de Dairo. Combien de fois était-elle venue en ces lieux ? Pfff, trop visiblement. Calme, elle marcha jusqu’à la fontaine.

« — Bonjour Dairo ! »

Un sourire qui étire les babines de la louvette, alors qu’une lueur mystérieuse brille dans ses yeux.

« — Je souhaite passer ton épreuve. »

Amusons-nous.

Un sourire en réponse à la remarque de la déesse. Certains n’auraient probablement pas approuvé que Nirvana tente une épreuve de Glowstick à son âge… c’était pour cela aussi qu’elle n’en avait parlé à personne.
Puis l’environnement changea. Son épreuve commençait. Face à elles, d’étranges créatures mi-loups, mi-grenouilles qui semblaient complètement perdues. Au voile opaque qui couvraient leurs yeux, Nirvana comprit rapidement qu’elles étaient aveugles. Le museau se lève vers Dairo avant qu’elle ne disparaisse.

Les ramener à l’étang avant qu’elles ne se fassent attaquer.

L’Etelkrus réfléchit à toute vitesse, alors que plusieurs idées potentielles naissaient dans son esprit. Les loups-grenouilles étant aveugles, elles ne verraient pas les alentours… ça voulait dire qu’il fallait compter sur leurs autres sens. Ouïe. Odorat. Toucher. De part la perte de la vue, les autres sens devaient être décuplés non ? Leur démarche semblait plutôt lente, aucune n’effectuait de mouvement brusque, même celles qui ne semblaient pas vraiment apprécier la présence de la louve. Nirvana effleura la tête d’une des créatures de la patte et constata qu’elle frissonnait.
D’accord, si les laisser seules n’aurait pas représenté une telle menace, la louvette serait sûrement allée jusqu’à l’étang pour s’immerger et revenir, ne serais-ce que pour que les créatures ne ressentent l’humidité. Mais les laisser seules… ça voulait dire les exposer. Donc à défaut de pouvoir compter sur le toucher… elle pouvait se servir de l’ouïe.

Tout en réfléchissant, Nirvana faisait des pas lents autour du petit groupe de loups-grenouilles pour éviter qu’elles ne se dispersent. Et comme précédemment, elle remarqua que certaines des créatures cherchaient à suivre ses mouvements.
Intéressant.
Cette partie des hybrides ne serait donc pas difficile à guider jusqu’à l’étang et pour les autres… il fallait trouver un moyen de les faire avancer.
En tapant dans ses pattes, Nirvana aurait surement pu leur faire suffisamment peur pour qu’elles avancent, mais ça pouvait aussi les conduire à se disperser… et les regrouper de nouveau serait bien plus compliqué. Non, il fallait un bruit plus doux, mais suffisamment perceptible…

Un bruit qui ne les fera pas paniquer.

Et une patte qui passe dans les cheveux de Nirvana pour en retirer deux perles. De bonnes tailles, elles produiraient de légers sons en les tapant entre elles, pas assez effrayants pour faire fuir les loups-grenouilles, mais assez fort pour attirer leur attention et les convaincre d’avancer.
Toujours en mouvement, la louve s’arrêta derrière le groupe, avant de taper les perles entre elles, puis de se déporter sur le flanc droit pour les maintenir regrouper, avant de repasser derrière pour se déporter sur le flanc gauche.
De sorte que les hybrides ne puissent qu’avancer.
Et elle répéta l’opération, se déportant une fois sur deux à l’avant pour garder l’attention des grenouilles qui ne semblaient pas la craindre. La distance à parcourir lui sembla interminable, mais Nirvana ne flancha pas. Elle devait restée concentrer et conserver l’attention des hybrides.

Cleuck-cleuck.
Un pas en arrière, un pas à gauche. Retour en arrière, un pas à droite. Elle répétait. Puis se déportait à l’avant. Guidant au mieux ce petit troupeau en terres hostiles. Leur côté amphibien les rendaient assez lents, ce qui était un avantage, les rendant plus facile à gérer.
Et lors d’un passage à l’avant, quand Nirvana tape une énième fois ses perles entre elles, elle sent ses pattes arrière entrer en contact avec l’eau, les sentant se recouvrir d’écailles.
Mais sa mission ne s’arrêtait que lorsque les loups-grenouilles seraient toutes dans l’eau. Aussi, elle répéta encore ses mouvements : gauche-arrière-droite-arrière-gauche. Elle ne passa plus à l’avant cette fois, laissant ainsi les premières grenouilles pénétrer dans l’eau.
Pour qu’elles soient de nouveau en sécurité.

En voyant l’expression de la déesse, Nirvana sait qu’elle a réussi. C’était la même fierté qui brillait dans les yeux de sa mère quand Puceron, Moustique et elle accomplissaient quelque chose de bien (ce qui n’était pas souvent).
À l’évocation des poissons-loups, la jeune Etelkrus hoche la tête. Elle avait bien compris avec cette épreuve que Dairo s’intéressait à ces entités.

« — Merci, Dairo. »

Et c’est avec un glowstick que Nirvana quitta le temple.