Celle dont personne ne voulait - Ontari

C'était ainsi qu'il se souvenait d'elle, d'Ontari.
C'était un peu triste, à bien y repenser, la façon dont ils l'avaient trouvée, avec sa mère, esseulée. Ensuite, les choses s'étaient gâtées par leur faute, quand bien même Iberis ne regrettait rien, peu désireux d'une sœur supplémentaire. Anita, elle-même, n'en avait visiblement pas voulu et elle avait été confiée au vieux panseur du clan.

Des mois étaient passés et il ignorait si elle possédait des bribes de souvenirs de ces instants là. Il ne l'espérait pas, car il était incommodant d'être perçu comme un être égoïste et capricieux par les autres et qu'il n'était pas contre, désormais, s'en faire une amie.
Après tout, elle était de physique flatteur et ne semblait pas désagréable. Il espérait ne pas se leurrer à ce sujet : les liens étaient, pour lui, difficile à tisser avec ceux de sa générations. Du moins, chez les Etelkrus.
Il leur préférait les étrangers, bien plus sympathiques.

Faussement assuré, Iberis s'approcha d'elle.

- Bonjour.

Comme tous les jours vers la fin d'après-midi, Ontari aidait son père à ranger sa tanière de panseur. Des herbes ayant été récoltées le jour-même qu'il fallait conserver dans des bocaux spécifiques, les livres de recettes et de potions ainsi que d'autres ingrédients et artefacts que l'on ne trouvait que dans une tanière de guérisseurs, rassemblés au même endroit. Les vieux os du vieux lycaon lui rendait la tâche plus longue qu'avant, et c'est avec joie qu'Ontari se portait garante de la propreté et du rangement du lieu de travail de son vieux père. Elle en profitait souvent pour zieuter dans les bouquins un peu poussiéreux de la bibliothèque : une source de connaissances et de savoir incroyable, trouvait-elle.

Finissant son travail quotidien, elle sortit de la tanière et s'assit devant pour profiter des dernières lueurs du soleil. L'automne est là, le soleil se couche de plus en plus tôt. mais ce n'est pas grave. Telles étaient les saisons ! Ce qui étonna la louve en revanche, c'était de voir Ibéris s'approcher d'elle pour la saluer. Jamais ou rarement auparavant, ce dernier n'avait fait l'effort de venir la voir. Avait-elle fait l'effort elle aussi ? Nullement. Elle n'avait jamais eu le courage. Lui et sa fratrie semblait tous très "inaccessibles" pour elle qui avait quelques mois de moins.
Elle n'avait donc aucune affinité avec Ibéris, Iris et Nirvana. De plus, elle n'a jamais eu écho des caprices de ces derniers pour que Holly ne la recueille pas : ce n'était pas la peine d'infliger cela à Ontari avait estimé les adultes. Il y a des choses beaucoup plus importantes dans la vie.

Ontari n'avait donc aucun a priori sur Ibéris, fils de Holly. C'était pour elle un parfait inconnu, qui par politesse était venu la saluer. Prête à engager la discussion, Ontari lui répondit :

- Bonjour Ibéris, fit-elle simplement, avec son accueillante et chaleureuse voix qui la définissait si bien. Un petit bout de soleil jusqu'au bout.

Elle semblait gentille.
A coup sûr, Maman aurait adoré avoir une fille comme elle : Jolie et agréable à vivre. Elle n'était sûrement pas comme lui, aussi élitiste dans ses relations et avait, largement, de quoi être apprécié de tous, tout en ayant en elle une certaine élégance. Il consentait donc à s'en faire une amie et peut-être, ainsi, contrer un peu cette solitude qui se faisait sienne dès lorsqu'il rentrait des ses escapades en terres libres.

- C'est une belle journée. Accepterais-tu de marcher un peu en ma compagnie avant que la nuit ne tombe ? Nous pourrions faire connaissance, ainsi.

Il ignorait si elle-même s'était fait beaucoup d'amis, ici.

Elle devait avouer, elle ne s'attendait pas à une demande pareille. Mais c'est tout naturellement qu'elle y consentant aussi, à le connaître un peu plus. Sans trahir sa surprise et d'un sourire petit mais sincère, elle hocha la tête.

- Avec plaisir, j'arrive tout de suite !

La jeune louve se leva et fit demi tour pour disparaître dans la tanière du passeur, et revenir quelques secondes plus tard avec la cape sur son dos qu'elle ne quittait que rarement. Elle avait préféré l'enlever pour nettoyer la tanière du panseur afin de ne pas mourir de chaud à l'intérieur. Les nuits étant de plus en plus fraiches, elle ne l'oubliait pour rien au monde. Même si le froid n'était pas un problème pour elle.
L'accrochant à son cou, elle regarda Ibéris.

- Allons-y. Par où veux-tu aller ?

Il lui jeta un regard curieux lorsqu’elle revint vêtue de sa longue cape.
Les terres Etelkrus étaient bien loin d’être celles avec le climat le plus rude, de ce que Maman lui avait dit et la louve possédait, d’ailleurs, un pelage plus abondant que le sien, lui le loup né dans le Sud.

- Nous pourrions marcher vers les falaises littorales. Le paysage y est magnifique. Ton père t’y a t-il déjà emmenée ?

Lui, s’y était déjà rendu à de nombreuses reprises. Le contraire aurait été étonnant, puisque sa mère n’était autre qu’une disciple de la Renarde et que le temple de cette dernière s’y trouvait.

- Souffres-tu du froid ?

L'idée lui paraissait bonne. En effet, elle était déjà allée plusieurs fois aux falaises littorales. On lui avait souvent vanté les plus beaux paysages du territoires, et c'est avec grand plaisir qu'elle s'y aventurait. La première fois était avec Tawana. Puis elle prit l'habitude d'y aller seule, ne serait-ce que pour se changer les idées de temps à autre.

- J'y vais régulièrement, j'adore cet endroit. Avec un peu de chance, on arrivera même à voir le coucher de soleil.

Loin de toutes ses fantaisies romantiques ou quoi, Ontari ne se privait que rarement de profiter des belles choses qui l'entourait. Il ne s'agissait aucunement d'un rendez-vous galant pour espérer une approche quelconque. Loin de là.
Mais bref, le sujet passait à autre chose. Ontari n'avait pas loupé cet air curieux qui s'était dessiné sur le visage d'Iris quand il la vit vêtue de sa cape. Les explications furent brèves.

- Il s'agit surtout d'une valeur sentimentale qu'une réelle protection au froid. Autrement, je ne souffre pas du tout du froid, j'ai même tendance à aimer ça.

Un penchant pour le froid qu'elle pensait naturel chez elle, et dénué de tout sens. En fin de compte, il relevait surtout de son sang de louve du nord dont elle ignorait l'existence. Mais peu importe. A en juger par la fourrure d'Ibéris, il en était autrement ici. Les Etelkrus de sang préféraient peut-être plus la chaleur ?

- J'imagine qu'il en est autrement ici, le climat est doux.

La discussion bizarre qui tourne autour du climat. Yes. Divin.

- T'as fait quoi aujourd'hui ?

C'est la seule question qui lui vint en tête, n'exprimant le désir malsain de savoir exactement ce qu'il avait fait de sa journée. Mais plutôt de trouver un sujet commun sur lequel les deux pourraient discuter en atteignant les falaises.

Il comprenait mieux, désormais.
Iberis hocha la tête.

- Je vois. Ici, il ne fait jamais trop froid, d'après ce que ma mère m'a dit. Au Nord, et plus encore dans le Grand Nord, les températures sont bien plus fraîches... J'imagine que les étés y sont plus supportables.

Il n'avait jamais pu en faire le constat par lui même mais avait choisi de croire les paroles de sa mère.
Iberis était un enfant d'été, alors, la chaleur liée à la saison, il l'avait connue durant ces derniers mois : Il avait, parfois, été impossible d'aller jouer dehors tant le soleil frappait durement. Maman les faisait alors jouer à l'ombre de la tanière et veillait à ce qu'ils ne se déshydratent pas.
Ces précautions avaient été plus grandes, encore, pour Nirvana : Il comprenait pourquoi, désormais.

Tout en discutant, le jeune mâle s'était mis en marche.

- J'ai un peu chassé et accompagné une patrouille pour surveiller les terres.

En attendant d'avoir un rôle déterminé, il faisait un peu de tout.

- Et toi ?