Hidden sea buried deep - Tawana.

Depuis quelques jours la neige tombait à travers les branches.

A force d’avoir vu les jours défiler depuis cet abri, Mildred connaissait le nombre de crevasses qui remontaient le long du tronc d'arbre juste en face.
Puis jour après jour elle s’était de plus en plus éloignée, à mesure que grandissait sa lassitude autant que se rebâtissait son corps. Pour ce qui était de son esprit, il était dur de le dire.
La routine restait établie sur des bases solides mais la louve la brisait de plus en plus fréquemment, de petites cassures qui venaient ciseler la silhouette bien réglée de ses journées.
Aujourd’hui, Mildred n’avait pas eu à songer très longtemps avant de trouver le prétexte à s’éloigner du repère.

Une grande silhouette qui n’avait rien de commun avec celles qu’elle avait l’habitude de voir se dessiner aux alentours avait attrapé son regard.
A pas légers, Mildred s’enfonça dans la brume du matin sur les traces de l’inhabituel géant.
L’animal était fait d’un corps robuste monté sur des membres longs et épais, une encolure fournie traçait un chemin vers une tête si haute qu’elle atteignait avec aisance les branches les plus basses. Les bois, eux, pointaient vers le ciel dans des ramifications différentes de celles d’un cerf : et si le puissant ongulé avait remarquée la présence de la louve qui le suivait, il ne s’en effarouchait pourtant pas.
Sans doute conscient de sa force et de son invulnérabilité face à une louve seule et efflanquée comme elle.
C’était un renne, réalisa-t-elle quelques secondes plus tard, toujours marchant dans ses traces.
Que faisait-il tant au Sud quand l’hiver débutait à peine ? En solitaire, qui plus était. A moins qu’un troupeau ne se trouve non loin, mais les regards qu’elle jeta aux alentours dans la forêt peinte en gris ne lui révélèrent pas d’autres semblables présences.

Plusieurs minutes passèrent dans ce partage silencieux d’une promenade improvisée avant que Mildred ne finisse par ralentir pour enfin s’arrêter.
Gueule entrouverte, elle observa le géant poursuivre sa route tout droit à travers les arbres avec une implacable sérénité.
C’était comme si rien ne pouvait l’arrêter. Qu’elle aurait souhaité être pareille. Elle eut l’impression que même si une meute de loups avait surgi de part et d’autre de ses flancs pour l’encercler il n’aurait pas bronché – et peut-être même en aurait-il décontenancé ses assaillants qui tout comme elle, auraient fait halte pour l’observer continuer. Jusqu’au bout du monde, sans doute.

Ainsi il avait quitté la Dent de Roc, mais avait aussi par la même occasion quitté les terres Etelkrus, pour aller voir ailleurs. Aujourd'hui il se sentait d'humeur à marcher sans but précis, à aller simplement là où ses pattes voulaient bien qu'il aille et finalement c'était à la Vasque Lune, ancien territoire Lazuli où il se trouvait à présent. Tout ça remontait à si loin dans sa mémoire, que finalement il avait déjà oublié tout ça, regardait simplement les terres qui semblaient avoir repris goût à la vie et tant mieux d'une part.

Les pas son lent, ne se presse pas, se contente de zieuté avant de s'enfoncer dans les bois, par,là bas.
La brume hivernal n'est pas si épaisse et pouvait-il voir où il mettait ses pattes, quand il sentit deux odeur. La première et la plus fort était celui d'un autre renne, n'était pas si loin de lui puisqu'il entendait les bruits de sabot venir en sa direction. Une personne normal aurait certainement fait un autre chemin ou frôler le demi-tour pour ne pas se faire écraser par les sabots puissant de l'herbivore, pourtant le lycaon continuerait sa route et bientôt, les silhouettes se rapprochent.
La cadence ne ralentit pas, les yeux se fixent et prennent le temps de se détaillé encore.

Tawana ne savait pas si c'était son jour de chance, de voir deux fois le même animal et en si peu de temps. En tout cas cela n'était pas pour lui déplaire, et ainsi les deux animaux passent l'un à côté de l'autre, quand les visages se tournent pour se saluer en inclinant doucement la tête et continuer le chemin.

Pourquoi le renne aurait eut, une once d'agressivité vers un loup qui était presque en fin de vie ?

Toujours droit il marche, se penche donc sur la deuxième odeur.
Ne semble appartenir à aucune meute en particulier, en déduit que c'est une solitaire.
Il remarquera une silhouette pas très loin, certainement qu'elle suivait le renne où se promenait simplement ? Peut-être.
Plus il s'avance et plus les traits se précise, reconnaît le pelage brun/rouge, les yeux reptilien, la chevelure bordeaux aux fines mèche grisâtre. Mildred.
Le panseur n'as jamais eu l'occasion de parler avec elle, plus par manque de temps à courir partout, que réellement le manque d'intérêt. S'approche donc d'elle tout en gardant une certaine distance, être près tout de même pour qu'elle l'entende.

«_ Bonjour, Mildred.»

Dit-il tranquillement, incline la tête en même temps que les mots, lui tiens le respect.
Comme il respectait son monde, c'était la moindre des choses.
Le regard de braise se posent dans ceux de la louve, un sourire délicat sur les babines, ne traduit aucune vanité ni méchanceté, mais bien de l'éternel bienveillance dont il a toujours fait preuve.

Un craquement parmi les brindilles la fit se retourner d’un geste vif.
Non loin venait un loup, qui s’avançait en sa direction sans chercher à se cacher. Immédiatement elle se tendit, ses yeux se plissèrent, son museau se fronça. Échine basse et queue dressée, un grondement s’apprêtait à rouler dans sa gorge quand l’inconnu parla, invitant la stupeur à prendre le contrôle.

Pourquoi connaissait-il son nom ?

Mildred demeura un instant interdite. Ses pensées ne tardèrent cependant pas à s’agréger en un ouragan ingérable qui savait faire le tri pour piocher parmi ses névroses, piochant le pire pour prêcher la colère.
Est-ce que Narcisse l’avait trahi ? Le loup devant elle était Etelkru, un simple regard vers la lueur jaune qui l’accompagnait suffisait pour le dire.
Il avait pu dire à l’un des siens de la retrouver sur ce territoire en sachant qu’elle y était souvent, et peut-être que d’autres attendaient non loin en renfort pour l’embarquer si elle résistait.
Au moins avait-elle eu la chance de beaucoup s’éloigner des frontières grâce à sa promenade et elle était suffisamment enfoncée dans les terres libres pour y être légitime, ce loup ne pouvait rien prouver et rien lui reprocher - déjà son poil se gonflait et elle était prête à se défendre tant en mots qu’en gestes, quand elle finit par remarquer quelque chose sur le visage du loup tacheté.

Un sourire, tout simple, qui n’était pas narquois ni suffisant.

Sur des traits d’un certain âge, aussi.

Sourcils froncés, Mildred entreprit de fouiller sa mémoire.
C’était flou, très irrégulier, mais… Oui, elle pouvait avoir quelques souvenirs de sa silhouette particulière. Un loup comme lui, couvert de tâches et doté de longues cornes, sortait un peu plus de la masse pour marquer la mémoire.
Elle n’avait aucun souvenir de son identité, mais il était présent lors de son adolescence chez les Etelkrus.

L’idée que lui ait retenu son nom, et peut-être d’autres choses, avait tendance à lui déplaire. Ça la mettait en position d’infériorité.
La louve fit néanmoins en sorte de paraître moins sur la défensive et laissa son échine retomber puis releva la tête, dans une posture où elle pouvait donner l’illusion du contrôle.

— Je ne crois pas me souvenir de ton nom, Etelkru.

Ses yeux d’argent rivés dans les siens, elle ne laissa plus paraître sur son visage d’autre émotion que l’impassibilité.

A son approche, il remarquera que la louve était déjà sur la défensive. Et qui était-il pour lui reprocher cela ? Personne.
Et, au lieu d'essayer à tout bout de champs de la rassurée en donnant tout de suite son identité, préférera la laisser se calmer par elle même. La queue en panache qui se balance doucement quand le regard ne quitte pas ceux argenté de la fille de défunte Anianka, la voit presque passer par toute les émotions. La voit froncé des sourcils, ne semblait pas le reconnaître, et là non plus il ne lui en tiendrait pas rigueur Tawana.
Aucune, parce qu'il y avait ceux qui marquaient les mémoires, et d'autres non tout simplement. Que se soient par leurs paroles ou bien leur physique, leur idées ou leur actions. Quand elle se redresse, il semblait que finalement, elle l'avait déjà vu quelque part, preuve en ait elle sût rapidement qu'il était Etelkrus. Le sourire doux s'élargit simplement.

«_ Je me nomme Tawana, tout simplement.» Une réponse pour le moins très simple, n'as nul besoin de faire toute une scène, comme il avait déjà pût voir dans sa vie «_ Cela fait longtemps, comment te portes-tu depuis le temps ? Je suis navré je n'ai pas de thé à t'offrir mais..»

Il s'assoit sur son postérieur doucement, avant de fouiller dans l'une de ses sacoches pour en sortir un bol couvert. Dedans une salade de fruit.
Oui parfois, il arrivait que le panseur ait une fringale pendant ses recherches de plantes, où bien lorsqu'il n'avait pas forcément l'envie de manger de la viande. Pose donc celui-ci au sol et le pousse doucement du museau vers Mildred.

«_ C'est une salade de fruit. Et non il n'y a pas de poison, que des fruits bon pour ton organisme.»

Le sourire ne s'était toujours pas défait de son visage.
Cette salade il lui offrait de bon cœur, et si elle ne l'acceptait pas, cela ne serait pas grave il le reprendrait tout simplement.

Le loup révéla son nom et elle fit de son mieux pour fouiller un peu plus loin dans sa mémoire, mais elle ne trouva que des portes closes. Tawana, cela ne lui disait rien de particulier. Qui était-il parmi eux, quel rôle avait-il exercé du temps où elle était restée parmi eux ? Les impressions vagues qui lui restaient de ce temps là l'amenaient à se dire qu'elle le voyait davantage au Castel qu'ailleurs, mais au-delà de ça... Creuser davantage risquait surtout de créer de faux souvenirs.
Alors elle s'attela plutôt à le détailler, lui, plutôt que ses mémoires imprécises. Un corps plutôt osseux, une musculature simple pas réellement développée, une sacoche autour d'une ceinture pour y stocker des choses...
... Puis il lui proposa du thé.
Définitivement pas un guerrier, au moins.
Même si c'était imperceptible, elle se détendit un peu plus.

Elle entendit également sa question mais n'y répondit pas immédiatement, davantage concentrée à observer ce qu'il comptait extraire de ses affaires.
Une... Salade de fruits.
Mildred fronça le museau, dubitative. Qu'avaient donc les Etelkrus avec les fruits ? D'abord Narcisse qui lui avait présenté des fraises - qu'elle avait finalement goûté après les avoir longuement ignoré - et maintenant lui, avec une panoplie complète de fruits colorés et coupés en morceaux dans un bol.

Un souffle moqueur s'échappa de ses crocs et elle leva les yeux au ciel en même temps que son museau pour rejeter une mèche hors de son regard d'un air dédaigneux.

— Et pourquoi est-ce que tu te soucierais de mon organisme, Tawana l'Etelkru ? Si je ne m'abuse, votre politique est de vous débarrasser des solitaires, pas de vous occuper de leur bien-être.

Elle espérait vraiment qu'il ne s'agissait pas d'un ami de Narcisse qu'il aurait eu la bonne idée de lui envoyer.

Elle regardera le bol qui comporte la salade de fruit.
Il entendra son rire moqueur dans un souffle, qu'il ne relèvera pas. Ne prendra même pas la peine de lui demander ce qu'il y a de drôle, car certainement trouverait la réponse décousu et vide de sens. Le regard de braise n'avait pas quitté la silhouette de la fille d'Anianka qui roula des yeux, remit une mèche derrière son oreille avant qu'elle ne lui demande pourquoi.

Pourquoi se souciait-il de son organisme ?
Il répondra simplement...

«_...Car il à toujours été dans ma nature de me soucier de l'organisme des autres. Même quand ils ont un caractère ou une humeur de cochon.»

A bon entendeur bien sûr.
Une réponse simple et clair, sans passé par trente six chemin différent pour arriver au même endroit. Puis elle lui affirme quelque chose et les oreilles se redressent. Et là encore il répondra que...

«_ ...Cette politique n'est pas la mienne. Elle ne l'a jamais été. » Le regard s'encre un peu plus dans ceux de Mildred. Ne cherche pas à ce qu'elle le comprenne, parce que la réputation des Etelkrus était bien trop encrée dans la manière de pensé de chaque individu et parfois, étaient faussés.«_Je me suis occupé de beaucoup de solitaire. Comme j'ai aidé des anciens Lazuli, dont une qui s'était brisé une patte. Tout le monde à ce droit, d'avoir accès aux soins, l'appartenance à une meute ou non n'as aucune importance ici.»

Voilà qui était dit, et il ne changerait pas d'avis sur la question.
En temps d'années d'existence il n'avait jamais faillit à ses valeurs qui sont siennes. Les as même inculqué à ceux qui ont appris à ses côtés.

Le poil de son échine se gonfla quand il l'a traita - même de loin et dans le cadre d'une expression - de cochon.
Mais elle garda un visage impassible et désabusé dans l'attente de la suite.
C'était une question de principes, disait-il. Tout le monde avait droit aux soins.
Avec un sourire en coin, elle se demanda ce qu'en penserait sa hiérarchie. Après tout, même à elle qui n'avait alors même pas un an, on avait bien fait comprendre que l'asile lui était permis seulement en sa qualité d'enfant Lazuli - princesse Lazuli - et à la promiscuité de son sang avec de nombreux Etelkrus.
Sans doute que si Mildred avait rimé avec personne on l'aurait laissée bien sagement en-dehors des frontières.

Après tout, même Narcisse fils d'Alpha et de Prêtresse - l'équivalent de ce qu'elle fut dans sa meute natale, à la différence que celle du mâle était encore prospère quand la sienne appartenait au passé - devait la cacher hors de leur territoire.

Mais soit, si Tawana prônait l'indépendance de ses valeurs altruistes sur la politique de son clan, qu'il la soigne.

La louve s'avança vers lui, la queue et le menton hauts, enjambant le bol de fruits sans lui accorder de nouvelle attention - elle fut tentée par l'idée parasite de le renverser d'une patte un peu maladroite, mais même elle aurait trouvé ça d'une méchanceté exagérée et gratuite.
Le panseur ne lui avait rien fait et essayait même de se montrer avenant.

Surtout, elle devait changer. Trop de choses s'étaient passées pour qu'elle se félicite de se renfermer sur ses vieux travers, pour qu'elle s'accomplisse dans l'ombre envahissante de son aigreur.

Et même si elle était toujours prompte à adopter le dédain avec la majorité des Etelkrus, elle savait qu'elle en croiserait suffisamment de détestables pour ne pas avoir à se quereller d'emblée avec ceux qui ne l'étaient pas.

Malgré tout, un poison prenait du temps à s'évacuer.

Alors c'était toujours hautaine et une lueur provocatrice dans les yeux qu'elle s'adressa à lui.

— Très bien. Alors dis moi de quoi je souffre.

Dis moi quelles sont mes blessures, dis moi ce qu'il faut guérir dans mon organisme rongé par des maux bien plus tenaces que les maladies que tu traites.

Le corps tendu et dévoilé aux yeux de l'Etelkru, elle le laisserait lui tourner autour autant qu'il le désirait, l'observer sous les moindres coutures, exercer son analyse de guérisseur des sans-meutes.

Physiquement elle allait bien, elle allait mieux.

Dis moi ce que tu peux soigner sur ce corps qui n'a pas besoin d'aide.

Les crocs serrés et les pensées amères, elle patienta.

Le poils s'était hérissé au mot cochon, signe évident que Mildred n'avait pas vraiment aimer cette comparaison bien que cela, ne tenait qu'à la simple expression. Tawana aurait pût en rire et tenter d'expliquer plus clairement mais il ne le ferait aucunement, parce que c'était futile et la fille d'Anianka n'était pas aussi stupide au point de ne pas avoir compris. Alors il la laissera s'avancer vers lui enjambant par la même occasion le bol de fruit et se serait attendu justement, qu'elle le renverse, pourtant semblait quand même avoir brin de lucidité pour ne pas le faire.

La queue et le menton son haut quand le corps du panseur  est toujours dans sa droiture, ne se montre pas avachi même si les os font mal à cause du froid. Elle s'arrête et le regard argentée se plante dans les siens.

Alors dis moi de quoi je souffre.

Les oreilles s'étaient redresser simplement. La lueur bienveillante du regard de braise n'avait pas disparut bien au contraire, s'intensifie parce que le lycaon était ravi que Mildred laisse l'aider. Même un peu.
Puis le regard se fait plus attentif, il regarde le corps dans sa globalité. Remarque les fines cicatrices sur son pelage qui révèlent qu'elles sont anciennes, se confondent presque avec le pelage rouge. Au niveau de son museau par contre une cicatrice bien plus récente mais rien d'alarmant parce que ça n'avait pas toucher son œil et n'aurait donc de crainte qu'elle perde l'une de ses prunelles.

«_ Physiquement, tout est excellent. Le seul conseil que je pourrais te donner sur ce point est de manger un peu plus.»

Bien sûr manger la ration bonne pour elle sans trop en abuser.
Puis le corps se lève, la queue en panache qui se balance tranquillement quand il se dirige dans la même tranquillité vers le bol de fruit laisser à l'abandon. Pivote sur lui même pour prendre le bol de ses deux pattes, puis fixe la jeune louve.

«_ Savais tu que ces fruits t'apporteront du réconfort Mildred ? »

Ce réconfort qui semble te faire défaut.
L'image même d'une personne que l'ont aurait laisser à l'abandon sans s'en soucier.

«_  Dit moi Mildred, pourquoi es-tu seule ? Seule au point où ton sourire à entièrement disparut.»

Parce qu'au Castel même en n'ayant pas pris le temps de te connaître d'avantage.
Je te voyais sourire, parfois.
Un fait rare, mais qui était présent.

«_ Je ne suis pas devin.» Autant être clair sur le sujet.  «_ Je ne sais pas ce qui c'est passé dans ta vie pendant ses dernières années, les épreuves que tu as dû affronter, peut-être seule. Mais je peux aider à soigner les Maux.»

Ces Maux qui ne touchent pas le physique, des maladies facilement traitable.
Ces Maux qui ronge.
Ces Maux qui tuent.
Ces Maux qui font sombrer.

«_ Ces Maux je les connais. Pour soigner il faut du temps, beaucoup de temps. Il faut aussi vouloir s'en sortir pour aller véritablement mieux par la suite.»

Le regard se fait plus intense.

«_ Si tu veux t'en sortir, si tu veux être guérie de ces Maux, alors je t'aiderais. Je m'y engage.»

Parce qu'il sait, à quel point il était difficile de sortir de cette spirale infernale.
Si il n'avait eu de proche à ses côtés, il ne serait plus là pour lui dire cela, à Mildred.

L'Etelkru ne tarda pas à saisir l'invitation et à l'inspecter de ses yeux oranges.
La louve ne bougea pas, demeurant droite et suivant du regard chaque geste du loup à cornes. Qu'il observe son corps au peigne fin ne la dérangeait pas : elle se savait en meilleure voie qu'elle avait pu l'être, et elle n'avait jamais vraiment eu honte de son corps en tant que tel.
Malgré les quelques défauts de naissance qui s'étaient retrouvés compensés par sa croissance, la génétique lui avait fait don de l'harmonie physique à défaut de stabilité psychique.

Tomba la sentence, conforme à ce qu'elle pouvait attendre et qui lui fit un peu rouler des yeux. Manger plus. Ce n'était pas exactement la meilleure saison pour profiter de proies diverses. elle se débrouillait de mieux en mieux pour chasser à nouveau d'elle-même - surtout par ingéniosité que par exploit physique pour le moment - mais elle devait encore se reposer sur ce que Narcisse lui apportait régulièrement.
Son organisme rattrapait pour le moment le retard pris, et par la suite s'occuperait de fortifier, aidé par une saison meilleure.
Bref, l'Etelkru ne lui avait rien appris. Ses compétences ne lui servaient à rien, au moins avait-il pu peut-être se sentir utile. Elle n'allait pas lui retirer ce petit plaisir.

Puis il reparla de ses fruits.

Mildred se figea au choix des mots et le regard qui s'était détaché revint immédiatement se planter sur le mâle, froid et assassin.
Dans l'attente de la suite qu'il engageait, dans le calme avant la tempête, dominant la pente dangereuse qu'il empruntait.
La louve écouta jusqu'au bout sans l'interrompre, seul son corps s'animant avec lenteur.
Sa posture droite s'abaissa peu à peu pour ramener sa tête et sa queue dans l'alignement de son échine, prédatrice, ses pattes changèrent une à une d'appui pour faire pivoter son corps et se tenir face à face avec l'Etelkru.

Et à chaque mot de plus, son cœur tapait plus fort dans sa poitrine.

L'échine hérissée, elle fit un pas en avant pour rapprocher leurs museaux dès qu'il eut fini sa grande tirade et répliqua d'une voix sèche, ses prunelles d'argent toujours verrouillées à ses yeux chauds.

— Mais je ne suis pas seule, Tawana.

J'ai retrouvé une nièce là où je pensais ma famille terminée, l'un des tiens a eu la même idée que de vouloir s'accrocher à mes parages, j'aurai bientôt de nouveau les faveurs de ma Déesse.
Et ça lui allait - se persuadait-elle.
Que comptait-il lui apporter de plus, à part de belles paroles et des fruits ?

— J'offre mon sourire à qui je décide, je trouve mon réconfort là où cela me sied.

Elle dévia son regard uniquement pour le darder sur le bol auquel il s'attachait tant.
Il devait être un bien piètre panseur s'il n'avait que des misérables fruits à offrir à ses patients. Et de quel réconfort parlait-on au juste par rapport aux gouffres béants creusés en elle qui se commençaient à peine à se combler ?
Un morceau de baie sucrée devait lui faire oublier et surmonter tout le mal et toutes les pertes ?

C'était ridicule.

— Tu ferais mieux d'investir ton temps et tes engagements sur quelqu'un d'autre. Je me débrouille bien sans.

Elle ramena quelques secondes son regard sur le mâle tacheté pour le promener de bas en haut, l'air de jauger un mets pas tout à fait appétissant, avant de s'en désintéresser et de commencer à s'en détourner, le frôlant du bout de la queue au passage.