"Mon petit lutin" - Freya

Le temps passait si rapidement, c’en était parfois effrayant.
Parfois, et par ce qu’il fallait croire qu’il restait un oncle un peu gâteau, il se souvenait avec nostalgie de sa petite Freya.
Comment ne pas être profondément attaché à sa nièce, lorsqu’il avait accompagné sa sœur durant une bonne partie de sa grossesse et avait même veiller à ce que la naissance de l’enfant se déroule correctement ?
Ils avaient été merveilleux, ces moments, ces journées passées avec la petite louve crème et brune, à lui raconter des histoires de pirates (Se souvenait-elle, du capitaine Patte de bois?), de poules, de princesses et de petits lutins…
Un sourire fendit son visage marqué par les années, à ce simple souvenir.

Le temps passait, oui, et elle avait bien grandi, sa Freya.
Les derniers évènements, si difficiles, avaient peut-être même rendu cette impression un peu plus puissante : Le bébé qu’il avait vu naître avait élevé un autre bébé.
Si c’était beau, sur le papier et qu’il n’avait rien contre l’adoption d’un enfant (Ca aurait été un comble, puisqu’il était, lui-même, un enfant adopté) la réalité avait une saveur bien différente. Ce n’était pas n’importe quelle petite louve, qu’elle avait ramassé là : Elle lui faisait prendre de grands risques et cela ne lui plaisait pas du tout.
D’autant plus que sa nièce n’était toujours pas rentrée chez les Nakhus.

Il soupira, fatigué par la route et incommodé par le froid de l’hiver malgré sa cape et sa fourrure abondante.
L’Atoll, ou se trouvait Freya, n’était pas un endroit vraiment proche des terres Nakhus et cela l’obligeait à marcher pendant un bon moment.
Satanée créature.

Noé pesta pour lui même et, peu désiré de perdre davantage de temps sur le chemin, se motiva, tant bien que mal, à poursuivre. La pause viendrait plus tard.
Il plissa les yeux en pensant apercevoir, dans la neige qui était tombée sur les terres Nakhus, une petite silhouette avec un long bonnet.
Un peu comme un lutin.
… Mais les frontières étaient toujours fermées, et les lutins n’existaient que dans les histoires pour enfant, non ?
Non ?

Il secoua la tête et, lorsque son regard vert chercha à nouveau la silhouette, il ne la vit plus.
Ce n’était sûrement qu’une hallucination dues à ces pensées nostalgiques, ou quelque chose comme ça.

Le loup chocolat gagna enfin les terres libres et, après une marche bien trop longue pour sa faible constitution physique, l’Atoll tropical.
Il la chercha, Freya, sur l’île, jusqu’à l’apercevoir, au loin, et qu’un sourire sincère ne vienne étirer à nouveau ses babines.

- Mon petit lutin.

- Et toi donc.

Il ne s'était pas écoulé une journée sans qu'il ne songe à sa nièce, captive sur son île.
Par chance, elle semblait en forme. Si il ne comprenait toujours pas bien les intentions de l'Autre, il pouvait au moins constater qu'aucun sévice corporel n'avait été infligé à sa très chère Freya.

- J'avais besoin de savoir comment tu allais. Avec Kerguelen, nous avons effectué des recherches pour mieux comprendre ce monstre qui t'a enlevée. Il reste encore de grandes zones d'ombre, mais nous avançons. Je ne t'oublie pas, ma Freya.

Jamais.
Si il ne pouvait pas se rendre très souvent à l'Atoll, à cause de la distance, de sa condition physique vieillissante ainsi qu'à cause du danger qui y rôdait, potentiellement, il pouvait au moins, durant de longues heures, chercher des réponses dans les ouvrages de la bibliothèque.
C'était là son plus grand talent, de toutes manières.

- Quand pourras-tu rentrer ?


La créature s'était-elle lassée de jouer avec elle ?

Il secoua la tête.

- Nous avançons, mais les zones d'ombre demeurent nombreuses. Lui même ne semble pas avoir d'objectif précis. Il m'évoque un enfant qui s'amuse de l'instant présent sans songer à ce qu'il fera, plus tard.
Mais il nous a laissé une sorte de... miasme.

Noé soupira.
Il s'était attendu à pouvoir profiter de sa présence, chez les Nakhus, lorsque le monstre serait lassé de sa nièce mais pouvait, cependant, et n'était pas surpris, comprendre qu'elle veuille aussi protéger son enfant.
Et quelle enfant. N'aurait-elle pas pu adopter un chaton ou tout autre familier, plutôt qu'un bébé marqué par la mort et le chaos ?

- Je t'aiderai, bien sûr. Je pense, cependant, que ta fille et toi serez davantage en sécurité chez les Nakhus, Freya. Si il devait arriver quelque chose, nous serions alors capables de réagir en nombre et rapidement. Alors qu'ici, si vous êtes seules... Si cela peut te rassurer, nous cherchons également un moyen d'aider Miraj.