Comment ? [Libre]

± Comment ?

Dame Yurai avait interrompu un moment de bonheur pour leur annoncer une mauvaise nouvelle. Une très mauvaise nouvelle qui l'avait plongée dans un profond chagrin. Son ami le plus fidèle n'était plus. Emmitouflée dans ses aurores boréales, la Colombe avait pu hurler et pleurer toutes les larmes de son corps. Nul n'avait été témoin de ce refus de la vérité, puis de sa douloureuse acceptation.

Mais dans ce processus de souffrance, de nombreuses questions restaient sans réponse. Et ces réponses, elle savait où les trouver. Parce que Nounou s'était confié à elle une nuit de pleine lune. Il lui avait révélé son dernier projet. Elle connaissait son ultime destination. Alors, elle s'y rendit. Usant de toute la vitesse offerte par son don pour se perdre un peu plus.

Les voiles lumineux ne stagnèrent pas longtemps au-dessus de la plage. Déjà, ils disparurent progressivement et quatre pattes bien réelles se posèrent sur le sable chaud. Le changement de climat lui parut comme une claque. Mais la température était toujours plus facilement supportable que le poids qui déchirait son cœur.

Elle avait piètre allure avec les sillons laissés par les larmes sur son museau. Même ses fausses oreilles avaient été égarées. Mais elle n'avait pas la foi de se refaire une beauté. Ce n'était ni le bon moment, ni le bon endroit pour de la coquetterie. Elle n'était pas là pour çà.

Son regard doré parcourut rapidement la plage, à la recherche d'une silhouette. Elle n'en vit pas. Il ne lui restait plus qu'une méthode : appeler. Ce qu'elle fit par un long hurlement où se mêlait quelques notes de chagrin.

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± Comment ?

Au niveau de la timeline, ce RP se passe le lendemain de la disparition d'Ajani

Un couple de loups vint à sa rencontre. Du premier, elle ne pouvait douter de son lien de parenté avec Chimaera. Tout son physique lui rappelait celui du Capitaine. Quand à la seconde, sa vision reconnut immédiatement la petite louve à laquelle elle avait servi de guide. Astrid, la curieuse du Manoir aux araignées. Elle sentit la joie grimper dans son être. Heureuse de la revoir.

Mais ce furent les mots prononcés par le mâle qui lui traversèrent le cœur. Et qui insinua malgré elle un doute. Un faux espoir inutile car jamais elle ne mettrait en doute la parole de sa chère Déesse. Nounou n'était plus. Et pourtant ...

"Bonjour Astrid et père d'Astrid. Non, je ne suis pas celui que vous nommez. Mais Ajani ne s'est-il pas rendu ici quand la lumière du phare a été allumée ?"

Peut être se serait-elle fourvoyée ? Peut être qu'un obstacle sur son chemin avait fait dévié son ami ? Cette plage pourrait ne pas être le dernier endroit que ses pattes avaient foulé. Mais dans ce cas, qui lui apporterait les réponses dont elle avait besoin ? Des réponses à apporter à sa Famille, des réponses vitales pour surmonter le deuil.

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± Comment ?

Sa jeune amie se chargea de rectifier la situation. Oui, Ajani s'était bien rendu sur cette plage. Il ne s'était pas égaré. Il avait suivi son chemin rédemptoire jusqu'au bout. Le doute se transforma en brouillard. Une légère brume que les mots suivants finirent par faire totalement disparaitre. Pour ne laisser résonner que l'unique vérité. Crue et violente.

La phrase de Dame Yurai lui revint en mémoire. Une phrase qui s'était à jamais gravée dans sa mémoire.

Aujourd'hui, un sacrifice a vaincu la violence.

Céto représentait la violence. Elle était la meurtrière. Et Ajani la victime volontaire. Sauf que cela ne devait pas se passer comme çà. Sa seconde figure paternelle devait rentrer saine et sauve. Il ne devait qu'apporter son aide, pour répondre à cet attachement qui le liait au peuple des Mers.

"Je suis désolée que çà tombe sur toi, Astrid. J'aurai aimé que nos retrouvailles ne se passent pas ainsi."

Car sa mauvaise mine ne pouvait échapper à personne. Pas même au regard rempli de chagrin de la Nakhu. Tout comme l'état prostré du père. Lui aussi souffrait. Sa médecine pourrait sûrement soulager ses maux. Mais le désir de réponse brouillait sa concentration.

"Mais j'ai besoin de savoir de ce qu'il s'est passé. Pour essayer de comprendre. Pour pouvoir expliquer son geste à sa famille. Et pour pouvoir en faire un héro. Notre Héro tant aimé..."

Qu'est-ce qui avait échoué pour que Nounou choisisse ce geste ultime ? Quel imprévu avait fait dérailler leur plan ? Car, elle était bien placée pour savoir que la Vie pouvait être si brutalement arrachée. Maman aussi avait donné sa vie pour contrer l'inattendu.

Elle cligna plusieurs fois des paupières, chassant l'humidité qui y était apparue. Aah l'émotion, toujours prête à ressurgir.

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± Comment ?

Astrid ne lui en voulut pas. Elle acceptait ce difficile rôle de conteuse d'une horrible vérité. Kerguelen lui en serait éternellement reconnaissante.

Pendant tout le récit, elle se força à ne pas lâcher du regard le visage de sa jeune amie. Elle contrôla du mieux qu'elle le put ses tremblements et sa respiration. Car l'orbe du chagrin était déjà là, cherchant à se développer dans sa gorge. Mais elle devait tenir. Pour ne pas interormpre les efforts de la Pirate. Ne pas flancher. Pas encore.

L'horreur se logea dans ses conduits auditifs et vint s'imprimer dans sa mémoire. En lettres de feu. Dévoré. Nounou avait fini sous les crocs de Céto. Un sacrifice fait en dernier recours. Pour enfermer et mettre hors d'état de nuire la monstrueuse créature.

Les pleurs apparurent derrière les lunettes dorées. Une émotion bien trop contaminante. Mais Abysse vint à sa rescousse. Il détourna son attention. Le mâle semblait avoir retrouvé un semblant de lucidité. Suffisament pour appuyer les propos d'Astrid et ajouter des précisions.

La Sans-Oreille fit un premier pas. Elle secoua son pelage dans une vaine tentative de chasser les terribles révélations. Et avec la douceur qui la caractérisait, elle posa une patte sur l'épaule de son amie. Un geste rempli de compassion et de fraternité. Elle renifla doucement avant de prendre la parole à son tour.

"C'était son ultime rédemption... Un dernier geste d'amour et de dévouement envers sa famille... Vous n'êtes en rien coupables dans cette histoire."

Je ne vous en veux pas. Comment le pourrai-je ? Vous êtes autant victimes que moi et les miens. Nous sommes réunis dans la même douleur...

"Puis-je aller me recueillir là où il est tombé ?"

Près de cette porte évoquée. En hommage à son dernier combat.

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± Comment ?

Sa question était délicate. Elle savait les Readers assez protecteurs avec leur île. Avec leur foyer. Mais n'étaient-ils pas les alliés des Nakhus ? N'avaient-ils pas le droit de passage sur leurs terres ? Mhm. Il était vrai que la réciproque n'avait pas été évoquée. Mais qu'importe, toutes ces histoires faisaient parties du passé maintenant.

Si elle obtenait l'autorisation, elle leur en serait reconnaissante. Dans le cas contraire, elle respecterait leur décision. Elle n'était pas du genre à forcer les choses. Elle ouvrait des voies et laissait les intéressés en faire ce qu'ils voulaient. Ainsi va la vie.

Finalement, ce fut une réponse positive qu'elle obtint. Son museau s'inclina en guise de remerciement.

"Merci pour tout, Abysse. Prenez soin de vous."

Ne vous laissez pas abattre par le chagrin comme je l'ai fais par le passé. Ce n'est pas ce qu'aurait voulu Nounou.

Sur un dernier regard, elle emboita le pas de son amie. Hier encore, c'était elle qui la guidait dans le Manoir. Aujourd'hui, c'était Astrid qui jouait le rôle de Guide. La roue tourne.

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± Comment ?

Le trajet se fit en silence. Une pause qui permit à Kerguelen d'essayer de faire taire le bouillonnement en elle. Ce n'était pas facile. Elle se savait prête à se faire engloutir par la marée qui montait et descendait. Tout n'était qu'une question de contrôle. Mais contrôler ses sentiments n'était pas chose aisée, ni même toujours possible. Alors, elle tenta de diriger son esprit sur ce qui l'entourait.

Elle nota le chemin emprunté. Elle frissonna en entrant dans la grotte. Ici, il y avait une ambiance pesante. Le couloir était étroit. Elle ne put empêcher ses pensées d'imaginer la course folle de Nounou. Grand lion blanc poursuivi par une murène géante dans un boyau si petit. Le moindre faux pas aurait pu lui faire rater son objectif. Mais il avait su tenir. Jusqu'à ce cul de sac.

La voix d'Astrid la fit sursauter. Tout résonnait lugubrement. Elle hocha la tête et déglutit. Son regard doré se posa sur la fameuse Porte. Celle qui avait emprisonné l'Ennemie et son plus cher Ami. Deux êtres si opposés et qui avait péri ensemble. Un certain équilibre en soit.

Ses narines lui apportèrent un bouquet de parfums. D'odeurs canines diverses. Des souvenirs de la bataille. Des traces qui indiquaient que ce combat était récent. Elle en reconnut certaines. Abysse, Miraj, Umaïma. Mais elle ne s'attarda pas sur elles. Seule l'effluve d'Ajani l'attira. Elle prit de profondes inspirations, goutant une dernière fois à cette unique trace de son existence. Un parfum qui finirait pas disparaitre et rayer définitivement son passage sur cette terre. Quelle tragédie.

D'une démarche mécanique, elle suivit la piste odorante. Elle s'enivra comme une droguée. Jusqu'à toucher la Porte. Jusqu'à coller son front contre cette paroi glaciale. Cette entrée qui portaient les couleurs de Six Dieux. Mais où sa Déesse n'apparaissait pas. Car Dame Yurai était présente dans leurs cœurs. Dans le sacrifice même de Nounou.

Elle resta dans cette position bien longtemps. Offrant à la Prison ses plus sincères larmes. Tout son esprit était dirigé vers son Ami disparu. Les moments passés ensemble, les paroles échangées... tout défila dans sa tête.

Elle hurla mentalement contre ce départ précoce. Elle ragea contre Céto et l'impuissance. Elle finit par prier la Corneille de prendre soin de l'âme du grand lion blanc. A défaut de son corps...

Les mots n'étaient pas nécessaires. Son recueillement était secret. Un égoïsme qu'elle acceptait. Car le deuil était une affaire personnelle. Nul n'avait l'emprise dessus. Nul n'avait son mot à dire.

Vint un moment où elle ne réussit plus à sentir l'odeur de l'être aimé. Son odorat s'était habitué à cette effluve. Même de l'apnée ne parvint pas à la faire revenir. Il n'était plus là. Elle pouvait le laisser disparaitre comme çà. C'était injuste. Elle brisa le contact physique. D'une patte rapide, elle grava une inscription à même la Porte.

'Ci-gît Ajani, Grand Lion Blanc tombé pour la Paix. Ton sacrifice ne sera pas oublié. Ta Lumière éclairera nos cœurs à jamais.'

Elle recula en secouant doucement la tête. Il avait réussi à faire sa rédemption ultime. Il était parti apaisé. Elle préférait s'accrocher à çà. Maintenant, il était temps de rendre sa liberté à Astrid. Elle lui avait pris bien trop de son temps.

Un dernier regard à l'épitaphe et elle fit volte-face. Elle essuya ses joues avant de regarder la Pirate amie. Un doux sourire s'afficha sur ses babines.

"Je te suis éternellement reconnaissante de m'avoir conduite à son tombeau. Merci beaucoup Astrid."

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± Comment ?

Que pouvait-elle ajouter de plus ? Tout avait été dit. Son regard suffisait à exprimer son immense gratitude. Par son sacrifice, Nounou avait resserré le lien entre les deux Familles. Un Héro commun. Un combat pour la Liberté. C'était beau.

"Puissions-nous nous revoir dans de meilleures circonstances, mon amie."

Kerguelen inclina doucement la tête pour effleurer le front d'Astrid. Il était temps pour elle de retourner auprès des siens. De leur apporter les nouvelles et surtout son soutien. Toutes ses questions avaient trouvé réponse sur cette île. Chacun avait besoin de faire son deuil de son côté à présent.

Doucement une lueur améthyste se mit à s'étendre. Le Corps de la Colombe se transforma progressivement en aurore boréale.

L'avenir réunirait à nouveau Raeders et Nakhus. Elle y croyait.

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