Exploration et sécurisation [PV Grimalk]

Lors du rassemblement des Nakhus, Grimalk offrit son aide pour participer à ces divers projets.
Quel meilleur moyen pour s'intégrer plus encore que d'investir des efforts à leurs côtés ?
Surtout, il est curieux de découvrir de quelle manière ces loups travaillent, comment ils développent leur territoire et accomplissent leurs missions.

C'est aussi l'occasion de découvrir ce loup noir qui l'accompagne et qu'il est le seul à avoir vu arborer un glowstick bleu.
Ao la Dragonne, il sait désormais : cela fait maintenant assez longtemps qu'il est arrivé pour avoir pris le temps d'apprendre les connaissances élémentaires qui définissent cette petite partie du monde. C'est la clé pour pouvoir s'y trouver juste place.
Peut-être qu'il en apprendra davantage sur lui-même.

Mais les concepts et la connaissance sans application ne lui ont jamais suffi : il lui faut toucher et expérimenter, se rapprocher des choses... Ou même s'y jeter.

Il a vu beaucoup de fidèles de Yurai, quelques porteurs de vert dont on dit le Dieu exigeant et sévère en contraste avec la nature de la Corneille. D'autres couleurs furent rencontrées lors de ses excursions, tout comme il sait qu'il lui en manque.
Il veut voir maintenant ce qu'est un disciple de la Dragonne.

Arrivés au Plateau du Soleil, il écoute d'une oreille distraite les informations données par Violette pendant que son regard se promène sur le lieu. C'est ici que se tint le rassemblement et il n'a pas eu l'occasion de le revoir vidé de monde, sans toutes ces présences pour perturber son attention.
Il balade ses iris sur la forme déchiquetée des montagnes, sur la neige qui brille encore de multiples paillettes sous les rayons du soleil, sur le lac qui s'enfuit en un cours d'eau.

L'idée que ce qu'ils appellent un spinosaure ait pu vivre ici l'intrigue. Il paraît qu'il se cachait dans le lac mais qu'il était immense - immense comment ?
C'est une approximation qui ne lui convient pas vraiment et il est quelque peu frustré de ne pas avoir pu voir la créature de ses propres yeux.
D'autant que pour leur tâche, il aurait été information utile de savoir contre quel genre de bête il fallait penser la défense.
Mais Violette l'a vu, lui.

Il détache son regard de la surface de l'eau pour chercher les yeux de l'autre mâle et ignore sa question pour le moment, stockée quelque part pour après.

—  Le spinosaure fait quelle taille ?

Grimalk gratte le sol d'une de ses griffes dorées. Il y a beaucoup de roche et la surface est majoritairement solide, mais une terre pauvre recouvre certaines parties et il y a aussi de la neige.
Son visage se décrispe de cette préoccupation qui fonçait ses sourcils.

—  Dessine-le comme tu t'en souviens.

Ce ne sera pas parfait et il devra se fier à la mémoire du loup pour espérer obtenir une approximation correcte de la masse.
Mais c'est la meilleure façon qu'il a - la plus concrète - de se le représenter.

Le noir et blanc crêté de violet s'exécute sans trop tarder pour chacune de ses demandes, empli d'un enthousiasme qui déborde.
Grimalk penche la tête sur le côté tandis qu'il le suit dès yeux, intrigué, son attention entièrement concentrée sur lui mais divisée d'une part entre les informations qu'il apporte en réponse à ses questions et d'autre part sur ce qu'il s'applique à apprendre de lui dans son observation minutieuse.
À l'exception de son allégeance à Ao, il n'y a pas grand chose qui a retenu son attention jusqu'alors. Aucune particularité vraiment marquante, aucun détail sortant de l'ordinaire de ceux qui avaient le don d'attraper son regard - du moins, pour son nouvel ordinaire. Si Violette avait été l'un de ceux qu'il avait vu en premier en arrivant sur ces terres, il n'aurait eu de cesse de le fixer et de s'absorber dans l'observation de tout ce qui n'était pas comme chez lui.
Mais les Nakhus sont maintenant chez lui.

Le loup estime l'envergure de la bête par les indications spaciales et la grandeur estimée de la créature lève un frisson dans son échine.
Ce n'est pas de la crainte, bien qu'il n'en soit pas entièrement dénué... Plutôt de l'excitation et de la convoitise qui se retrouve également dans ce sourire bref qui soulève l'une de ses commissures.
Le spinosaure avait bel et bien l'air d'être le plus gros animal qu'il lui ait été donné d'observer. Enfin... Pas vraiment, étant donné qu'il ne l'avait pas vu et devait se contenter d'une image mentale pour le reconstituer.
Là demeure la frustration, piquante et farouche.

Le dessin n'obtient de lui qu'un regard assez court et rapidement désintéressé au vu de l'imprécision des traits. Assez pour en comprendre l'aspect predateur et la forme générale, mais la masse de la bête lui est infirmation plus précieuse.
Grimalk s'apprête à revenir inspecter l'eau mais se fige dans son mouvement aux derniers mots de Violette. Le jeune mâle n'a même pas fini de se retourner vers lui que les mots sont déjà sortis de sa gueule en réponse immédiate.

— Je n'ai pas peur de mourir.

Nulle véhémence dans le ton pourtant mordant de sa voix - au sourcil qui se hausse et à ses yeux dorés qui se fixent dans les iris mauves, on comprend qu'il énonce cela comme une information et un fait concret et pas comme une bravade. À Arabahos, aucun loup qui a peur de mourir ne serait choisi pour devenir Hàrif.
C'est une peur que la tribu cherche à annihiler dans toute âme dès les premières semaines, tant par les us et les coutumes que par les quelques croyances, mais surtout par les valeurs inculquées. Certains individus ne parvenaient pas à tout à fait se détacher de cette crainte primaire pour autant et par ironie, ils étaient bien souvent les premiers à mourir.

La lueur de défi qui règne au fond de ses prunelles est au final davantage destinée à ce futur qu'il entrevoit dans lequel il serait cette fois face au spinosaure pour le prouver.
Il s'imagine presque en face de lui les yeux féroces et les pupilles reptiliennes.

— Je pourrai y aller avec toi dès que tu seras prêt à m'y emmener.

La formulation est volontairement ambiguë dans les nuances subtiles qu'il lui donne. Pour Violette aussi commence l'exploration des limites.
La meilleure façon de comprendre autrui. Et d'appréhender les futures relations.

Une chose est sûre néanmoins : il faudrait avant tout achever cette tâche. Maintenant qu'il a une idée générale de la créature, qu'il tente de fixer dans son esprit du mieux qu'il peut, les sourcils froncés par la concentration... Il faut désormais établir la défense.
La tête s'inclinant d'un côté puis de l'autre, il observe la surface de l'eau avec la même méfiance non dissimulée que celle que l'on accorderait à un animal fourbe, de ceux dont la dangerosité dépassait souvent la frêle apparence - serpent, scorpion ou araignée.

Une de ses oreilles se tourne vers Violette et il s'adresse à lui de nouveau sans quitter l'eau des yeux.

— Il faudrait connaître la profondeur et trouver à quel endroit l'eau est la moins profonde, mais je ne sais pas nager.

Un de ses iris se tourne vers le mâle sans que sa tête ne suive.
Il y a des façons d'obtenir cette information sans qu'il n'ait besoin de se mouiller, il en a trouvé une dès que son regard s'était posé sur l'un des morceaux de bois à leur disposition et pourrait sans doute en trouver d'autres.

Mais Grimalk cherche à comprendre Violette autant que cet endroit gelé.

Ses oreilles se couchent sur sa nuque aux réserves émises par Violette sur ses capacités.
Admettre ses faiblesses n’est pas vraiment un problème, il les reconnaît et les accepte comme points à travailler… Ou à éviter. Cela n’empêche qu’elles amènent toujours leur lot de frustration mordante, d’une émotion qui vient contracter les muscles et enflammer la tête.
Puis quand il dit sans concessions et de son ton sans réserve qu’il lui faudra apprendre à nager, son regard se tourne vers lui, perçant.
Grimalk ne s’y était pas vraiment attendu. Il avait bien-sûr pensé qu’il lui faudrait, à un moment, s’accommoder à l’eau qui était ici un élément vastement représenté. Ç’aurait été trop évidente faiblesse de vivre les longues années qu’il a été destiné à passer ici sans jamais pouvoir faire face.
Mais il l’avait relégué dans des priorités moins urgentes, dans des méandres moins explorés de son esprit.

Le fidèle d’Ao venait de le faire remonter dans les places hautes.

L’adolescent soupire mais ne dit rien et se contente de ne pas dévier ses yeux de ceux de Violette, avant d’acquiescer d’un geste discret.
Il ferait en sorte de se préparer pour pouvoir être emmené là où vivaient les bêtes immenses et dangereuses.

Pour le reste, il n’y a que peu de temps à attendre avant que le mâle noir et blanc prenne la direction que Grimalk avait anticipé, sous le regard à la fois perplexe et satisfait de ce dernier.
Regard qui s’agrandit et devient plus rond quand le corps du loup, disparaissant dans l’eau froide, se couvre de glace d’une manière qui n’a absolument rien de naturelle.
Le mâle remarque l’éclat de son glowstick alors que son corps entier se redresse d’un seul geste fluide, son intérêt piqué, et qu’il comprend à quoi il assiste sans difficulté et avec une surprise de moins en moins vive à mesure qu’il est de plus en plus témoin de ces démonstrations - l’activation de la magie divine contenue dans les glowsticks au service de leurs possesseurs.
Ce qui ne cesse de le fasciner et rend chaque nouvelle occasion tout autant captivante en revanche, est la forme unique qui diffère pour chaque individu et un thème qui se dessine pour chaque Dieu.
Grimalk s’absorbe dans la contemplation de ce pouvoir là avant de se reprendre et de secouer la tête, réalisant qu’entre temps Violette avait répondu à sa demande - repérer un endroit peu profond.
Il hoche la tête.

— Je vais aller chercher des bouts de bois pour les planter dans le courant.

Mais alors que l’une de ses pattes s’est levée comme pour partir, le reste de son corps et son regard sont restés comme figés dans cette observation du Nakhu. Il la prolonge de longues secondes et semble ne plus se soucier de l’action qu’il venait d’énoncer comme étant sa suivante alors qu’il pose plutôt une autre question.

— Que sait faire ton pouvoir ?

Son ton est plus clair et plus vivant sur cette phrase que la précédente. Il est resté verrouillé sur cette nouveauté là et sur le spectacle de la glace solide au fond de l’eau claire, autour du loup immergé, et y trouve dans l’instant bien plus d’intérêt que dans les bouts de bois et le barrage.

La silhouette du loup noir et blanc enserré d'une armure de glace qui se meut dans le cours d'eau comme si cela était tout à fait naturel continue d'accaparer son attention. Grimalk se prend à le suivre depuis la berge sans même sembler le réaliser, marchant en parallèle de son avancée à pas lents et appliqués, la tête tournée vers Violette.

Quand il apprend que c'est en réalité la première fois que le pouvoir s'active, l'un de ses sourcils se hausse et une oreille frémit. L'obtention de son glowstick est-elle relativement récente ? Ou bien est-ce commun de ne pas savoir de quel don on est affublé, de ne pas savoir comment le maîtriser ? Un frisson remonte le long de son échine, mélange de surprise, d'excitation, de convoitise. La perspective de se confronter de manière plus personnelle et plus intense à la magie divine l'électrise, l'envie de découvrir le potentiel complet qui pourrait s'extraire de son sang lié à ces terres revient le saisir et lui bouffer les entrailles.
Il pense à ce qui s'est déjà éveillé chez lui, se demande s'il y aura un lien, si c'est un fil à dérouler ou plutôt un puzzle à assembler.

Ce bref tunnel mental dans lequel il s'est engagé quelques secondes a dévié son regard de l'environnement pour qu'il s'isole avec ses interrogations. L'absence qui s'ensuit, en revanche, il ne la remarque pas. Il ne les remarque jamais vraiment pendant qu'elles durent : c'est seulement si on lui fait remarquer et qu'il projette ses pensées en arrière pour prendre conscience de ce temps légèrement distendu, de ce moment vide dont il se souvient comme un étirement inhabituel d'une dernière pensée, qu'il comprend qu'il est sans doute resté le regard dans le vide et le corps inactif une dizaine de secondes.
Comme une pause involontaire.
Qui s'interrompt au moment où il reçoit la voix de Violette et ses questions.
Avec du retard, comme si le son avait pris bien plus de temps que nécessaire pour traverser la courte distance qui les séparait, mais là encore il n'en a pas conscience.

Son cerveau travaille pour combler le trou et lui donner l'impression d'avoir entendu ses paroles en direct.

Grimalk cligne des yeux et raccroche son regard sur l'autre mâle après l'avoir cherché un instant - il aurait juré l'avoir vu regagner la berge, mais il était de retour dans le cour d'eau froide, toujours hérissé de pics de glace.

Alors le jeune brun reprend aussi sa marche parallèle et ouvre la gueule pour répondre.

— Je me demande quel sera le mien et s'il ressemblera à la magie qui s'est déjà réveillée chez moi.

Il marque une pause pas tout à fait volontaire sous l'emprise de son esprit qui s'apprête à repartir cavaler dans cette direction - il s'en empêche et s'intéresse plutôt à la seconde partie de la question.

— Pas ce genre de pouvoirs, non.

À priori aucune magie n'était impliquée dans les compétences et capacités acquises à Arabahos. La spécificité de certaines d'entre elles cependant, la maîtrise pleine et entière que certains individus en avaient... Il pouvait tout de même appeler ça un pouvoir.
Grimalk reste silencieux durant trois secondes puis enchaîne d'une autre question à son tour.

— Tous les pouvoirs des glowstick sont différents ?

Pour le moment, il n'en a pas vu deux de pareil - mais il admet sans mal qu'il en a sans doute vu peu.
Violette est bien plus âgé, Violette a l'air de vivre aussi depuis longtemps - si ce n'est toujours. Lui a sans doute eu l'occasion d'en voir davantage.

L'éclat dans ses yeux s'est fait plus intense encore alors qu'il attend la réponse, habité d'une certaine tension venu brusquement le saisir.

Le cou de Grimalk se tend un peu plus vers Violette quand la réponse commence à se formuler et que son cœur bat un peu plus vite en anticipation, impatient de la réponse.
Mais ses oreilles retombent et son museau se plisse quand l'explication survient.
Le jeune mâle se renfrogne, le regard plus sombre. Des tatouages. Il s'affirme déçu par ce nouveau pouvoir dont il apprend l'existence, là où jusque là aucun des pouvoirs de glowstick ne l'avait désintéressé.

Que ferait-il si lui obtenait un don qui ne lui correspondait pas ?

Ses griffes dorées frottent le sol dans un rythme de plus en plus soutenu et appuyé, creusant des sillons désordonnés devant lui. Mais sa montée en pression est interrompue - Violette rattrape le plus gros de son attention quand il parle d'avancer sur le projet qu'ils devaient initialement mener. Les yeux du brun restent flous un moment, ses pensées encore nébuleuses et indomptables, avant qu'un éclat de compréhension ne les illumine. Oui, le barrage.
Il se contente de hocher la tête et le laisse partir chercher du bois sans l'accompagner, ayant oublié que quelques minutes auparavant il avait lui-même voulu aller en récupérer.

Et à son retour, Grimalk désormais assis devant l'endroit désigné par Violette comme étant le plus adapté réfléchit à la tâche qui les attend.
Construire quelque chose comme cela, il n'a jamais eu à le faire tout comme de là où il vient, il n'y eut jamais d'occasion d'en observer. Les vastes et puissants cours d'eau étaient rares à Arabahos et il n'y a pas vécu assez longtemps pour en voir lors du sarshana. En revanche... Ce qu'il connaissait, c'était un autre type de courant. Celui du sable, des rocs et de la terre sèche qui parfois s'éveillaient et se detachaient en avalanche, dont ils prémunissaient les camps par des systèmes destinés à les ralentir.

Il se lève avec une vivacité retrouvée et pointe l'eau d'une patte, prenant la parole d'une voix forte.

— Nous devons former une base avec les morceaux les plus longs et les plus solides en les plantant dans le fond.

Pour ne pas se faire emporter par celui-ci une fois qu'ils seraient chargés. Ses yeux se ferment encore et il les plisse tout en ramenant une patte contre son front, traçant la courbe de son museau avec ses griffes, en proie à la réflexion - il veut étoffer et finaliser le concept, anticiper d'un plan mental les problématiques à résoudre.
Bien vite sa patte retrouve le sol et il griffonne comme il peut un schéma de formes nerveuses. Les supports visuels demeuraient une méthode de fonctionnement dont il se passait mal.
En cet instant, Grimalk se déconnecte totalement de ce qui l'entoure et n'accorde plus la moindre seconde d'attention à Violette durant les minutes qui s'accumulent : ses griffes restent parfois en suspens au-dessus du sol de longues secondes, d'autres fois elles reviennent gratter le sol avec une intensité excessive et ininterrompue.

Lorsque son visage finit par se dérider un peu de la concentration qui l'a figé, il relève la tête et revoit enfin le mâle noir et blanc en clignant des yeux, presque surpris de le voir ici.

— Nous devons sélectionner le plus de branches fourchues possible. Elles pointeront face au courant et ensuite serviront à bloquer d'autres branches en travers. Il faudra consolider la base aussi, comment je ne suis pas encore sûr, peut-être avec ton pouvoir...

Ses arcades sont toujours froncées pendant qu'il explique son idée de structure. Et peu lui importe de s'être interrompu en plein milieu : il se dirige vers le tas de bois pour choisir la première pièce qui correspondrait à ses exigences et traine ensuite le morceau vers l'eau.
Il lui faut concrétiser, commencer à former ce qui n'était qu'idée et schéma en quelque chose de tangible.

L'oreille tournée vers l'arrière, Grimalk plisse un peu le museau à la mention des pieux à mettre en travers. Oui, il y a pensé aussi, mais c'est une étape bien ultérieure qui ne trouverait sa place que sur une base déjà solide selon lui. Que Violette en parle déjà perturbe son flux de pensées immédiates et le déstabilise dans le schéma établi qu'il cherchait à maintenir en tête. Il ne peut maintenant s'empêcher d'y repenser, à ces pieux, à vouloir se les réapproprier pour les intégrer dès lors à la conception.
Mais il secoue la tête et dérive son attention vers les autres paroles de Violette pour tenter de chasser la frustration et l'agitation qui soudain l'enveloppent, et tenter de retrouver la stabilité bouleversée de son plan mental.
Se focaliser sur l'autre sujet ramené par le loup noir et blanc l'y aide : il revient sur ce pouvoir et propose aussi des cailloux. Il faudra là aussi les considérer ultérieurement - d'abord, il veut expliciter ce qui lui paraît le plus essentiel.

— Grâce à ton pouvoir tu pourras surtout retourner dans l'eau et remuer le fond. Si tu en déposes et tasse à la base des bouts de bois ils tiendront mieux et... Il faudrait sans doute rajouter les cailloux à ce moment, oui. Pour eux aussi les lier au reste.

Les rochers ont fini par s'immiscer de manière intrusive dans le fil de ses explications au moment où finalement, leur rôle devint évident. Ils seraient une ressource de plus qui aiderait à venir tasser le sol autour de leurs bouts de bois plantés pour que jamais le barrage ne flanche dans le courant.
Il suit du regard le premier pieu que Violette installe, curieux de sa façon de s'y prendre. À ses pattes, le morceau qu'il a traîné avec lui jusqu'au bord de l'eau attend son heure.
Grimalk s'en saisit quand l'autre Nakhus est déjà en route pour un second : il lui faut se faire la patte.

Mais toujours pas résolu à rentrer dans l'eau, c'est depuis la berge qu'il guide le bout de bois et l'enfonce progressivement, pesant de tout son poids sur la fourche.

Tout le corps appuyé sur le bout de bois qu'il enfonce, Grimalk bande les muscles et serre les crocs pour maintenir une pression suffisante pendant plusieurs minutes.
Les mouvements de Violette perturbent parfois sa concentration quand son regard bondit en direction du mâle sombre, attiré par réflexe aux perturbations qu'il provoque. Mais après quelques allers-retours de ses pupilles, il finit par se discipliner assez longtemps pour intimer à son corps une dernière poussée : il lui semble que le pieu est suffisamment fixé.
Alors Grimalk laisse ses quatre pattes rejoindre la berge et s'accorde cette fois d'observer le loup sombre en pleine action. Fidèle à leur plan d'attaque, il brave l'eau, se prive d'air, laboure le fond et consolide. Le tout en étant recouvert de cette fascinante armure de glace dont les mille reflets scintillants captivent sans arrêt les prunelles dorées du jeune loup.
Et quand le disciple d'Ao sort pour prendre une pause et qu'il parvient à reconduire son esprit sur une vue d'ensemble, il lui semble que leur projet avance bien.
Comme ils l'avaient pour le moment prévu, et sans accroc notoire.
Un sourire dévorant dévoile les crocs blancs et dorés de l'adolescent sans qu'il ne puisse le retenir, grisé par la sensation de cet accomplissement.

Il en veut plus, plus fort.

— On continue !

Sa voix s'exprime dans des notes enjouées qui font ressortir les aigus de son timbre encore juvénile, mais la détermination qui brille dans ses yeux mais quand il court presque se saisir d'un nouveau morceau de bois, elle, n'a rien d'enfantine.
A nouveau, il ramène le pieu avec une énergie nouvelle pour le plonger dans le cours d'eau et l'arrimer tout au fond.

Pieu après pieu, pierre après pierre, leur ouvrage grandit et se consolide.
Grimalk alterne entre phases d'intense concentration sur sa tâche, insistant pour suivre au mieux le plan mental qu'il s'est fixé - si les bouts de bois sont positionnés n'importe comment, à la va vite, le barrage ne tiendrait pas - et moments d'observation du plus vieux loup, se laissant absorber parfois plusieurs minutes à simplement le regarder faire et décortiquer son armure de glace du regard.
Parfois le jeune loup se débrouille moins bien et doit s'y reprendre à plusieurs fois, perdant un peu de temps sur certains pieux de bois, mais dans l'ensemble leurs actions s'enchaînent à un rythme qui finit par être rodé et le temps passe sans que Grimalk ne le quantifie. Seul le ciel se teintant d'autres couleurs est un indicateur impartial qui témoigne de l'avancée de la journée, et même si le jeune loup ne ressent pas une assez grande fatigue pour lui faire penser à l'arrêt, il relève la tête en direction de Violette quand celui-ci l'interpelle.
Il interrompt son geste et fixe l'autre Nakhu, se demande un instant pourquoi arrêter - puis constate le manque de ressources restantes, du côté du loup noir comme du sien, finalement.

L'adolescent serre les crocs et relâche un soupir profond, quelque peu frustré de se couper dans son élan, mais il conçoit que l'interruption de la tâche peut intervenir maintenant.
Alors il abandonne le morceau qu'il tenait en gueule et se dirige vers Violette, oreilles droites, pour venir s'asseoir non loin de lui.
Il ne parvient cependant pas à se défocaliser de ce qu'ils étaient à l'instant en train de faire, et le brun ne cesse de se tordre la nuque pour regarder l'eau et les éléments artificiels qui pointent désormais à travers sa surface.
Est-ce que ce sera suffisant ?


— S'il revient et parvient à passer. Il faudra l'abattre ?

L'adolescent repose son regard sur Violette, curieux du possible futur de cette bête qu'il tente de s'imaginer d'après la description approximative de l'autre Nakhu.

Le guider encore vers la sortie.
Le museau de l'adolescent se fronce un peu, dubitatif. N'est-il pas plus efficace, à un moment donné, de simplement éliminer une menace qui s'échine à revenir ? Si c'est la sécurité de ce lieu qu'ils cherchent, ils ne peuvent pas vraiment se permettre de laisser une créature géante toujours revenir tester leurs limites. Peut-être que l'avoir repoussé une fois est suffisant pour ensuite justifier d'aller plus loin.
Ses yeux dorés suivent le mâle âgé quand il se lève pour proposer de rejoindre les grottes, et le plus jeune emboîte son pas sans broncher. À vrai dire, même s'il ne s'en était pas plaint et avait fini par faire abstraction, il serait davantage heureux un peu plus au sec et à l'abri des assauts de ce vent trop humide qui envoyait des frissons désagréables dans tout son corps.

Une fois installés, Violette revient sur la conversation et Grimalk balance la tête de droite à gauche.

— Je ne suis pas inquiet.

Contraire de la peur, c'est même une étincelle de curiosité - presque d'impatience - qui pétille en lui chaque fois qu'il imagine la bête aquatique revenir pour que enfin, il puisse voir et contempler une si fantastique créature.
Mais une fois qu'il l'aurait vue...

— Je crois seulement que si elle persiste à revenir, la tuer serait plus sûr.

Le jeune loup verrouille son regard à celui du vieux Nakhu.
Il sait déjà, de ce que lui a dit Kerguelen et de la philosophie revendiquée par cette meute, que mort et violence sont reléguées en dernière position des solutions à appliquer, qu'il s'agit de choses que la plupart d'entre eux abhorent. Aux antipodes du mode de vie que lui a d'abord connu.
Mais il a aussi pu constater que comme dans chaque groupe, les Nakhus demeurent divers et que tous n'ont pas une vision aussi... Figée.

Que penses-tu, toi qui porte le bleu et non l'une des couleurs primaires du clan ?