Gardien de la stèle

[Réponses libres mais je n'en ferais pas d'autres pour ma part]

Junlahdwiin

La journée promettait d'être agréable, comme de nombreuses autres en cette saison. L'emplacement géographique permettait de profiter des doux rayons d'un soleil d'été sans que celui-ci ne vienne brûler la peau, une légère brise venait souffler dans le pelage apportant avec elle l'odeur des fleurs en effervescence. S'accompagnait au toucher et à l'odorat l'ouïe stimulée par le gazouillis des hirondelles ou, si on tendait un peu l'oreille, par le cri d'un rapace tournoyant dans le ciel. S'accordant une petite pause dans la marche, Jun avait relevé le museau vers le ciel afin de profité pleinement, les yeux mi-clos, de tout ces petits stimuli offerts par la fin de printemps. Ça lui demandait quelques efforts, de la concentration. La chaleur sur sa peau, il n'était plus capable de la ressentir convenablement, les sons ne parvenaient plus aussi facilement à oreille, il n'aurait plus été capable non plus de différencier les odeurs entre elle. Le corps du mâle ocre était bien fatigué et avec lui, l'esprit également. Repositionnant sa tête droite, il reprit son chemin.
Ça faisait un moment maintenant que Jun ne s'était offert telle promenade dans les champs mais la journée sans doute, l'avait motivé et ses visites à la fausse tombe d'Exxus lui manquait. S'il dormait beaucoup, rester au Dédale l'ennuyait un peu également, le manque d'activité et d'occupation était assez pesant. Le chemin était long cependant, un peu trop peut-être pour un vieux loups aux muscles usés qui avaient à porter en plus de la carcasse de leur corps, les prothèses en métal qui le maintenant en un seul morceau. Mais avec un peu de volonté -bien que c'était ce qui avait manqué au mâle ocre ces dernières semaines- et de nombreuses pauses, l'objectif finit par être atteint.

Jun poussa un soupir terminé par un sourire un peu triste et désolé lorsqu'il vit les herbes folles presque cachées entièrement le rocher gravé. La nature reprenait si rapidement ses droits.

« Pardonnes moi de ne pas être revenu plus tôt Exxus, je vais arranger ça. »

Par gestes lents et grinçant, le vieux loups retira une à une des herbes, dégageant le rocher. Il retira également un peu la mousse, gratta le lichen qui commençait à se former. Il creusa un peu la terre autour de la roche afin d'enlever quelques racines pour que l'herbe ne repousse pas trop vite, installa quelques pierres plus petites autour également. Jun prit tant de soin à nettoyer la stèle aujourd'hui, tenant à ce qu'elle reste ainsi visible le plus longtemps possible avant que les champs ne viennent l'engloutir dans sa végétation. Le mâle ocre termina en déposant un petit bouquet de fleurs sur la pierre avant de venir s'asseoir, épuisé contre, posant sa tête au dessus, la fatigue la rendant trop lourde pour qu'il puisse encore la tenir.

« Tu vas pourtant devoir t'y habituer tu sais, je doute qu'il y ait quelqu'un pour venir me remplacer. »

Il ferma les yeux, dans son oreille, dans sa tête, il n'entendait plus que le son de sa propre respiration, les oiseaux semblaient si lointain... Un nuage avait-il couvert le soleil ? Jun ne parvenait plus à savoir si les rayons lui réchauffaient encore le dos ou non.

« Ysée est devenue une si belle adulte tu sais,  si forte malgré sa santé, si indépendante. J'aurais aimé dire qu'elle n'a plus besoin de moi mais... j'ai failli à mon rôle, ce n'était pas moi qui était à ses côtés pour lui faire devenir ce qu'elle est aujourd'hui. »

Une inspiration, une expiration. Profondes, lentes.

« J'espère qu'elle ne m'en voudra pas. »

Il était si fatigué.

« Je me suis rendu tellement de fois ici, pour toi, même si ce n'est pas ici qu'ils t'ont emmené. J'en avais besoin, j'ai sans doute été un peu bavard d'ailleurs, ça n'a pas du te plaire. »
Un sourire amusé sur les babines.

« J'ai tant voyagé, tant marché durant cette vie... »

Une inspiration.

«Maintenant, je souhaiterais simplement m'arrêter et me reposer. »

Une expiration.

« Demeurer éternellement à cette même place. »

Il l'avait sans doute mériter.
Son corps ne se gonfla pas à nouveau, ses poumons ne prirent pas ne nouvelles goulées d'air. Sa silhouette s’affaissa un peu contre la pierre, telle cette d'un automate ou d'un golem qui cessait de fonctionner et dont les membres rigides reposaient sur le sol.
Avec ce souffle qui ne reprit pas sa mécanique, il cessa d'être ce loup presque machine dont présence s'annonçait par le pas lourd et grinçant de sa marche, d'être ce mâle ocre qui s'était voulu gentil et bienveillant, d'être le gardien du souvenir d'histoires disparues.
Junlahdwiin cessa tout simplement de porter le poids de cette vie.