La tresse et l'abysse [PV Abysse]

Après ce qui était arrivé au Fort, Edessa était remontée à la surface, inquiète, confuse et en colère. En colère contre le dragon d'eau qui lui avait retiré ce qu'elle avait de plus précieux, sa fierté, en colère contre celui qui s'était donné la mort devant eux, en colère contre Abysse qui avait décidé de fuir, et de ne pas comprendre. Mais surtout, en colère contre elle-même. Sa conviction profonde, son honneur qui lui avait dicté son comportement était en conflit avec un malaise profond.

Ce qu'il s'était passé était mauvais.
Pourtant, elle ne voyait pas où elle avait fauté. Elle avait agit selon ses convictions, ne regrettait rien à part peut-être de ne pas s'être mieux préparée. Si seulement elle avait pu se défendre face à ce dragon voleur de tresse, elle aurait au moins pu avoir quelque chose à améliorer. Mais là ...

Couchée sur la plage, elle enfouit sa truffe dans ses pattes. Ses yeux guettent l'horizon calme, attendant qu'Abysse ne revienne. Elle était inquiète. Elle détestait cette situation. Elle savait qu'elle allait devoir s'expliquer avec le mâle, mais n'était pas capable de s'excuser pour quelque chose qu'elle n'avait pas fait mal, selon elle. Elle serre les crocs : la discussion serait difficile, elle le sentait, et Abysse était certainement celui qu'elle redoutait le plus sur le plan des conflits. Au moins, avec le Capitaine, ils se seraient crié dessus un peu, et tout aurait été fini. Mais Abysse ?

Son regard était posé sur le vide. Le vide océanique qu'il ne pouvait voir, seules ses oreilles prenaient plaisir à écouter le silence marin. Son coeur était douloureux, sa poitrine brûlante. Un sentiment horrible lui mangeant les entrailles.

Des heures durant, il reste couché dans la crevasse rocheuse, des heures, à broyer du noir sans bouger. Des heures, oui, ou il reste là, loin de tout. Il en avait que faire de toute façon, à cet instant, rien n'avait d'importance.

Quand il sentit ses os se glacer, et ses douleurs revenir suite au combat et la peur, le vieux mâle prit soin de sortir de son dortoir et de remonter à la surface, ondulant tel un serpent, l'air frais rempli sa poitrine d'air et il tousse.

Une toux, bien vite contrôler pour respirer l'air marin. Abysse sentit le vent le frigorifier instantanément et voilà qu'il tremble en allant vers la plage. Quittant l'eau pour se secouer vivement et chercher de la chaleur. Arg, il avait si mal partout c'était horrible. Peut-être qu'il devrait aller voir Ann, lui demander un truc pour calmer ses douleurs, un bon feu, pour adoucir sa froideur, un lit, et une couette pour dormir paisiblement, et espéré rêver un peu..

Une oreille, à qui parler, une fourrure, à qui se frotter. Il attendra, que ses pattes lui fasse moins mal. Au moment de partir, il sentit, qu'une présence n'était pas loin et il s'arrête dans son élan. Curieux.

-Edessa-

Le temps était étrangement long, quand on attendait quelqu'un. La frisée n'avait pas souvent quelqu'un à attendre, n'était pas habituée à cette angoisse sourde et cette colère. Elle s'agitait, un peu, impatiente, énervée probablement de ne pas être plus forte, de ne pas être moins sensible. Elle n'osait pas vraiment s'avouer à elle-même qu'elle avait peur, du résultat de ses actions, des conséquences de sa fierté. Elle n'était plus seule, à présent, et si cela était une force, il fallait en tirer des obligations, des limitations qui bridaient sa liberté. Mais elle préférait mille fois ça à sa solitude d'avance, quoi qu'elle en dise.

Lorsque ses yeux scrutent l'Océan soudain, une silhouette émerge. Son coeur rate un battement, et elle se lève nerveusement. C'était lui, elle le reconnaîtrait entre mille. Une sensation chaude envahit sa poitrine -du soulagement- et elle s'avance vers Abysse, lentement. Elle s'arrête à quelque pas, n'osant pas le toucher, et d'une voix rauque le salue :


Elle ne savait pas quoi rajouter d'autre. Elle déglutit. Sa vois se teinte de reproches et immédiatement, elle s'en veut.

Une présence qui fut bien vite reconnue quand l'odeur fut plus proche et que la voix se lève. C'était elle. Edessa. Un court instant il ne savait pas comment réagir, s'il devait rester là, attendre, répondre, ou bien partir. Il n'était jamais méchant Abysse, et encore moins rancunier, mais, avoir la mort de quelqu'un sur les pattes, sans une raison très valable, cela ne passait pas.. Il s'en voulait toujours de la mort de son première garçon, et ça remonte à quelques années déjà...

Après ce qu'il s'était passé, il ne comprenait pas pourquoi elle venait le voir, il ne comprenait pas pourquoi elle avait eu peur alors que juste avant elle était prête à lui passer dessus pour aller tourmenté la bête.

Il ne comprenait pas.

Abattu, il regarde le sol, les queues tombantes sur le sable.

"-Toi ne pas avoir peur." A cet instant, il ne voulait pas qu'elle s'inquiète. Personne d'ailleurs, bien que souvent malade, il était résistant le vieux. Cependant, il rentrerait dans le sujet qui fâche, il n'aimait pas les coeurs lourds:

"-Moi être désolé pour ton tresse! Lui devait être important!" Car oui, il pouvait être désolé pour la louve et ses cheveux, après tout, c'était à elle... "Moi avoir perdu cher, une fois, aussi! Moi aimé lui, comme toi aimé ton tresse!" Ca il pouvait le comprendre. Peut-être que c'était la même chose? La tresse et son bébé?

-Edessa-

Abysse en face de sa colère ne répond que par une sorte de soumission qui lui était insupportable. Il n'était pas en colère, tout aurait été plus simple si il l'avait été. Il n'avait même pas l'air de lui en vouloir, même pas de vouloir la recadrer après qu'elle se soit insubordonnée. Car c'était bien ça, hein ? Elle n'avait pas respecté son supérieur, lui avait tenu tête. La louve était fière, mais elle aurait supplié pour une punition, afin d'apaiser sa culpabilité et de laver son erreur.

Punition qui ne viendrait pas. A la place, des excuses, qui déforment son visage d'un rictus frustré. Comment pouvait-il comparer ses cheveux à un ami ? Il cherchait à la comprendre, mais pourtant n'y voyait pas clair. Elle souffle, toujours énervée, contre elle-même et contre le monde, et d'une voix cassante elle siffle :

Elle détourne le regard, la patte agitée d'un tremblement agacé. Elle n'y arrivait pas, elle ne pouvait pas expliquer ce qu'elle ressentait, et pourquoi c'était important et à la fois complètement futile. Elle passe une patte douloureuse sur son crâne, où le poids de sa longue chevelure lui manquait déjà terriblement. Puis, elle vient chercher des yeux le regard aveugle d'Abysse :

Abysse avait bien vécu en compagnie de toute sorte de loups, de différents âges, pour comprendre les choses sans même les voir. Il avait entendu, ce souffle, et suivait bien vite de cette phrase froide et sèche. Le mâle se sentait étrange, et même s'il ne la voyait pas du tout, relevait la tête pour au moins lui faire "face". Edessa était énervée. Comment pouvait-il arranger les choses de son côté? Pourquoi Ann n'était pas là? Pourquoi Ajani n'était pas là? Pourquoi Limule n'était pas là?


Et elle explique, il met tout en œuvre pour comprendre, vraiment, il met tout en oeuvre pour saisir.


Abyssse écoute. Elle l'aurait sacrifiée volontiers, pour quelqu'un, ici, pour lui? Le mâle eut chaud au coeur, mais n'a pas aimée à côté qu'on lui prenne sans raison. C'était, un peu plus logique dans sa tête. Et puis, il dresse les oreilles et son corps s'agite dans le but de dire quelque chose mais se retient pour ne pas faire de bêtises. "Toi être pour moi, déjà toi-même.." Elle était elle à sa façon, elle faisait ce qu'elle voulait, elle parlait comme elle le voulait. Abysse trouvait qu'ici tout le monde pouvait être soi-même..


Et il sourit. Rampant doucement pour aller se mettre près d'elle et poser sa tête sur l'épaule de la louve.


"-Moi comprends!" Rien de plus, pour ne pas faire de bêtises. Il ferait tout pour trouver quelque chose qui l'aiderait à surmonter la perte de sa tresse. Des algues? C'était assez long ça?? Oh, il demandera de l'aide. "Puis, moi être sûr que toi être très belle cheveux petits! " Il lui lèche la joue, remuant ses queues.

-Edessa-

La communication est un peu difficile entre les deux loups, l'ancienne solitaire et le loup des profondeurs. Mais l'attitude d'Abysse finit par calmer la frisée, malgré la colère et la frustration qui agirait toujours ses entrailles. Ce n'était pas la faute du mâle, de toute façon, mais bien la sienne. Elle avait fait une erreur de jugement lors de sa poursuite, et maintenant, un monstre marin était mort. Si elle avait du respect pour la vie, Edessa était avant tout individualiste, et ses inquiétudes demeuraient plutôt sur les conséquences de son action : est-ce que les dragons de mer allaient la poursuivre, essayer de se venger ? Elle n'en savait rien.

Elle souffle. Se détend lorsqu'Abysse pose sa tête sur son épaule, et finit même par lui sourire. Elle était contente que tout ça se doit passé avec lui et pas un autre. Elle inspire, souffle une dernière fois pour tenter de chasser sa tension, avant de sourire au compliment du mâle. Elle s'asseoit et passe une patte dans ses cheveux : peut-être, oui, qu'elle pourrait le faire marcher. La douleur était toujours vive, et elle resterait sûrement longtemps. Il allait falloir amhabituer son esprit à moins s'y attacher.

Merci.

Le remerciement était sincère, d'une voix plus faible.

Un merci. Tout se jouait sur l'intonation de la voix d'Edessa, Abysse cherchait dans les battements du coeur de la louve pour déceler le vrai du faux. Son corps entier, grattait chaque partie de la louve pour savoir.. En conclusion, plus par le cœur que tout le reste au final, il s'abandonne au bonheur et la croit. Une fois ça fait, il se retire et la "regarde".



Peut-être était-il si naïf, mais pour lui, Edessa se sentait mieux, elle était de nouveau sereine, et lui se jurait de lui trouver quelque chose pour compenser la perte de sa tresse.



A côté, la culpabilité d'avoir ôté la vie d'un être vivant sans la moindre raison critique, lui pesait toujours sur la conscience, et tout comme les révélations de Limule, à son arrivée ici, il s'y ferait sans doute avec le temps. Oui.. Sans doute. Et Abysse sourit, avant d'éternuer. Ah, oui, il devrait aller se chauffer dans les couettes et manger un peu avant de se reposer..


"-Toi devrais aller reposer! Moi promis trouver un moyen..." Il grimace, se relevant. Prêt à partir.

-Edessa-

Abysse s'approche, et elle se laisse inspecter sous toutes les coutures, consciente du handicap du loup abyssal. Sa vue semblait encore avoir baissée, et elle se demande un instant si il n'est pas devenu complètement aveugle. Que cherchait-il ? Elle n'en savait rien. Mais elle acceptait qu'il eut besoin d'autre choses qu'elle. Il était ... Il était son ami, un loup qui tenait une place particulière dans son coeur, malgré tout. Alors, lorsqu'il s'écarte, et sourit, elle sent une chape de plomb quitter ses épaules. Il ne lui en voulait pas. Il l'acceptait toujours.

Elle souffle, se détendant. Ses yeux suivent le loup qui se redresse avant de lui annoncer qu'il veut arranger les choses. Elle ne dit rien : peut-être que c'état sa manière à lui de s'amender, de laisser passer la dispute. Tant qu'il ne retournait pas en bas pour se bagarrer avec les dragons ... Elle éternue à son tour avant de répondre :


Sa voix est un peu émotionnelle, ça ne lui ressemble pas. Elle lui sourit une dernière fois, touche son épaule du museau avant de repartir. Elle avait sommel.