Un rêve brutal (Arthémis)

Elle était partie en exploration. En route vers ce qu’ils appelaient le gouffre aux rapaces. De ce qu’on lui en avait dit, ou plutôt de ce qu’elle en avait entendu, il s’agissait d’un endroit assez dangereux. Où, en tout cas, il était facile de se blesser ou de faire une mauvaise chute et de rester coincer.

C’est pour cette raison qu’elle avait pris avec elle sa besace d’herbes et de préparations médicinales. Et puis qui sait ce qui pouvait se passer. On n’était jamais trop prudent lors d’une exploration.

Le pas sûr et léger, bien que prudente, elle s’avança sur la passe rocheuse. Ici se cachait certainement de nombreux solitaires, les creux dans la roche offraient de bons refuges. C’est ce qu’imaginait Artémis en dévalant la pente bordée de galeries. Flairant les alentours, elle repéra des plants d’arnica. Elle se mit une note mentale en se disant qu’il faudrait qu’elle revienne en chercher cet été.

Elle continuait tranquillement son chemin lorsqu’une masse bleutée passa devant son museau en titubant. Surprise, elle sursauta et resta, un court instant, interdite. C’est l’odeur du sang qui l’interpella, et la ramena à la réalité. Elle secoua doucement sa frimousse et s’élança à la suite du corps titubant qui c’était effondré un peu plus loin.

« Est-ce que tout va bien ? Vous avez besoin d’aide ? Vous êtes blessé ? »

Pas de réponse…. Ce n’était pas bon signe. Elle pressa le pas pour venir se placer à côté du corps inerte et à la respiration sifflante.

Elle reconnut sans mal l’un de ces fameux loups abyssaux. Il devait sûrement faire partie de la meute d’Astrid. Enfin peu importait, il y avait un peu plus urgent sur le feu.

Rapidement, elle inspecta le bleu en usant d’un peu de force pour tourner le corps et accéder à la plaie. Elle ignora les gémissements puis, se recula pour constater le massacre et parla tout haut même si l’inconnu ne l’entendait sûrement.

« Dans quel état vous êtes ! C’est pas beau à voir …. Bon, je vais voir ce que je peux faire… Ne bougez pas. »

Sur ces mots, elle sortit de sa besace des bandages, ainsi qu’un cataplasme de sa confection. Elle fouilla encore un peu et sortit également quelques herbes.

Ce penchant sur la plaie béante, elle commença par appuyer fortement sur la blessure pour arrêter ou tout du moins atténuer l’hémorragie. Elle prit ensuite le cataplasme et en appliqua une bonne couche avant d’y presser les herbes pour les y intégrer. Une fois la mixture bien étalée, elle s’attela à entourer la blessure en veillant à bien le serrer pour que cela agisse bien.

Elle continua en essayant au mieux de lui prodiguer les premiers soins.

Son patient infortuné tressaillait et faisait de petits mouvements légers, des gargouillis, des grognements. Il marmonnait des choses incompréhensibles dans sa barbe. Artémis n’y prêtait que peu d’attention pour le moment. Elle préférait rester concentrée sur sa tâche avec application.

Encore occupée à panser la blessure sur le flanc, elle sentit l’abyssal s’agiter doucement. Elle le maintint pourtant fermement, pour finir de serrer correctement ce premier bandage, avant de reculer un instant pour voir de quelle blessure elle pourrait s’occuper en suite. S’activant et fourmillant autour de lui, elle se stoppa un court instant lorsqu’elle capta enfin un mot intelligible. C’était assez encourageant. Mais il n’était pas encore sorti d’affaire. Aussi, la brune se remit elle à l’ouvrage tout en lui répondant.

« Ne bougez pas ! Il vous faudra du repos avant de pouvoir partir… »

Bien sûr, il ne l’écouta pas. Pourquoi faire ? Il se souleva pour faire un mettre avant de s’effondrer. Levant les yeux au ciel Artémis se porta à sa hauteur.

« Si je vous dis de ne pas bouger, c’est que vous n’êtes pas encore en état de le faire… »
Lâcha-t-elle en grommelant.

Posant une patte sur son épaule pour essayer de le calmer et surtout de le rendre attentif.

« Ne forcez pas, reposez-vous… Je m’occupe de tout. »

Elle sortit une gourde de sa besace et en fit couler doucement sur le museau du blessé pour qu’il se désaltère.

Puis, elle s’attaqua à l’autre plaie, elle répéta le même petit rituel. Nettoyage de la plaie avec les herbes antiseptiques, recoudre quand c’était nécessaire puis cataplasme, mélange de plante pour la cicatrisation et un bandage pour protéger et refermer la plaie et laisser les chairs entamer leur processus de guérison. Étonnant tout de même ces trois trous comme blessures.

En-tout-cas, il ne s’était pas raté.

Le bleu ronchonne, marmonne, mais finit par s’immobiliser ce qui permet à Artémis de finir de lui prodiguer au moins les premiers soins. Une fois les bandages bien serrés, elle recule pour examiner son travail. Un demi-sourire de fierté apparaît au coin de ses babines. L’abyssal n’a pas l’air vraiment commode, il refuse même de boire ce qu’elle lui propose. Ceci a pour conséquence de la faire souffler, froncer le museau et de lui faire lever les yeux au ciel.

Les mâles… Qu’est-ce qu’ils pouvaient être têtus quand même… Mais si ce n’était que ça. Elle aussi, elle pouvait l’être. Aussi, après une courte pause, se penche-t-elle à nouveau sur lui en insistant et faisant couler quelques gerbes d’eau sur son museau.

« C’est pour votre bien… »

Alors que l’eau atteint la gueule du bleu, il se met à parler, lui renvoyant quelques gouttes d’eau à la figure. La chasseresse s’essuie le visage, impassible. Elle arrête enfin son geste, pas pour capituler, mais pour laisser du temps au blesser de se reprendre un peu. Il souhaite retourner dans l’océan. Oui. Compréhensible ou au moins assez logique pour un abyssal se dit-elle. Elle ne cherche pas plus loin en tout cas.

« Je veux bien vous y aider, mais vous avez besoin de reprendre quelques forces avant de pouvoir y parvenir, on n’est pas à côté non plus… »

Enfin, l’océan n’était pas si loin que ça, mais le terrain rocheux n’allait pas les y aider.
Elle se pencha alors vers son patient pour lui proposer son aide encore une fois.

« Aller… Buvez un peu, vous en aurez besoi. Puis appuyez-vous sur moi ce sera plus facile. On va vous y emmener à l’océan ! »

Elle attend, alors en position pour qu’il puisse prendre appui sur elle et se relever. Ils allaient voir s’il pouvait marcher avant de pouvoir aller plus loin.