Musique [Séléné]

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Il observe la grande maison. C'est vrai qu'elle n'a pas l'air accueillante au premier abord. Ses habitants sont particuliers d'après les rumeurs. Il parait même que certains Nakhus ont tenté de devenir amis avec eux. Mais jusqu'à aujourd'hui, çà n'a rien donné. Chacun est resté chez soi. Mais lui, Stendhal, ne va pas se contenter de rester loin du Manoir. Il s'en approche et pose ses fesses sur le perron. Il détaille cette porte d'entrée qui n'a plus vu de loups depuis de longs mois. Il hésite. Il aimerait voir de ses propres yeux les créatures. On lui a parlé d’Araignées géantes. Et il aime beaucoup en apprendre sur les Arthropodes. Pour mieux comprendre ceux qui lui servent d'alliés contre son handicap.

Une solution plus ou moins stable lui saute à la figure. Il va s'annoncer avant d'oser pénétrer dans le domaine de Mona Lisa ! Bon, pas en criant ni en hurlant comme un loup. Çà pourrait être mal interprété. Et il n'est pas un sauvage lui. Il faut rester civilisé et courtois avec les autres Peuples présents sur les terres de la Corneille.

Il sort de sa sacoche une Lyre. Un instrument qui est mystérieusement apparu à ses côtés il y a plusieurs lunes de cela. Nul ne connait son origine. Même une petite enquête auprès des siens n'a rien donné. Un mystère qui restera entier. Et le plus étrange reste sa capacité à s'en servir ! Ses pattes savent naturellement où et comment se placer. Par contre, pour le son obtenu, il n'en sait rien. Il est sourd, ne l'oublions pas !

La musique adoucit les mœurs. Il a lu çà lors de ses innombrables séances lectures. Elle doit aussi être capable d'ouvrir les cœurs. Il décide de tenter. Ses griffes se posent sur l'instrument avant de venir caresser les cordes. L'une après l'autre, dans un ordre complètement improvisé. Il laisse faire son envie. Il sent les vibrations à travers ses coussinets. Il se coupe du monde qui l'entoure pour mieux les ressentir. Pour mieux exprimer ce qu'il souhaite transmettre

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C'est une vibration supplémentaire qui l'alerte. Cette onde n'est pas censée être là. Il ne l'a pas jouée. Ses paupières se soulèvent et découvrent la griffe coupable. Celle-ci ne lui appartient décidément pas. Il suit son prolongement jusqu'à poser ses iris sur un visage souriant. Même si il relationne peu avec ses pairs, il s'est fait un devoir d'apprendre leur nom. Il aimait bien s'amuser à observer les Grands lorsqu'il s'ennuyait durant son enfance. Çà lui changeait de ses livres et de ses leçons de soins.

"Séléné."

Tel est son nom. Il ne peut se tromper. Ici, tous sont uniques. Ils possèdent tous un petit quelque chose qui permet de les différencier et de ne pas les oublier. Une détail, une mimique, une habitude ...

Il s'interroge sur la raison de sa présence. Ses yeux parlent pour lui. Il ne s'attendait pas à être interrompu. Et encore moins à ce que l'on vienne jusqu'à lui. Il n'est qu'une ombre jonglant entre le Jardin et la Bibliothèque. Perdue dans un choix trop vaste de destinées.

"Mmh. Je te bloque le passage sûrement."

C'est la première option qui lui vient en tête. Il s'est installé sur le perron et son corps doit gêner pour accéder à la porte d'entrée. Il attrape sa lyre dans la gueule et quitte sa position assise pour se décaler. Voilà, il a libéré la voie.

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Il attend un mouvement de corps qui ne se fait pas. Elle ne passe pas. Elle reste à ses côtés. Bloquée par l'appréhension peut être ? A moins qu'elle ne veuille d'abord observer la porte d'entrée ? Les loups ne sont pas toujours faciles à comprendre.

Elle provoque un second contact. La Lyre chantonne à nouveau de manière très brève. Les vibrations remontent de la pointe de ses crocs à ses gencives. Çà chatouille. Il joue des babines pour les chasser. Ses yeux viennent chercher le visage de Séléné, à la recherche d'une réponse.

Des mots sont attrapés au vol. Un petit puzzle qu'il prend le temps de reconstituer. Aux pièces manquantes, il ajoute des hypothèses. Mine froncée, il met sa concentration à l'épreuve. L'exercice aurait été beaucoup plus simple si il avait demandé de l'aide à Vénus. Mais depuis sa mésaventure avec Violette, il préfère garder son familier loin des autres. Elle est en totale sécurité, cachée dans ses longs poils. Il lui faudra du temps pour de nouveau faire confiance et la confier à quelqu'un.

Quand il a terminé, il hoche doucement la tête. Il lui semble avoir compris. Déjà, il a une confirmation que sa Lyre fonctionne. Il a vraiment fait de la musique ! Lui, le Sourd ! Bonne ou mauvaise, c'est aux Entendants de le décider. En tout cas, çà lui suffit pour sourire fugitivement. Il aime créer des choses de sa patte.

A sa proposition, il a déjà sa réponse. Il a bien marché jusqu'ici pour çà. Et Séléné lui a fourni la confirmation que son annonce de venue a été audible. Il n'y a plus besoin d'attendre pour devenir visiteur. L'instrument quitte sa bouche pour retrouver sa sacoche.

"Sois mes Oreilles."

Il fait une pause de quelques secondes. Son éducation le pousse à trouver quelque chose à offrir en retour. Un service pour un service.

"Et je serai ton Mage."

Il n'a que sa force à partager. Peut être aussi est-ce là une opportunité de découvrir si ce rôle lui sied vraiment ? Jouer à être quelqu'un d'autre le temps d'une exploration. Et voir si cette facette lui plait.

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Sa proposition a l'air de lui plaire. Il ne voit aucune désapprobation sur son visage. Plutôt de l'amusement. Pourtant ils sont loin d'être amis. Peut être fait-elle partie de ces personnes toujours joyeuses ? Dans ce cas, il espère qu'ils ne rencontreront rien qui effacera ce rire muet. Elle pense d'ailleurs elle aussi à cette possibilité. La voilà qui lui fournit tout un langage codé. Des signes parfaitement adaptés à son handicap. C'est curieux. Il a presque l'impression d'être avec ses parents. Eux aussi mettaient en place des codes spéciaux. C'est la première fois qu'il tentera ce type de communication avec quelqu'un dont il n'est pas proche. Si aucun des deux ne les oublie, tout ira bien.

"J'ai compris."

Ces précautions prises et acceptées par les deux parties, l'exploration peut commencer. Séléné se montre la plus impatiente. Elle prend la tête et entre la première dans la maison. Stendhal la suit. Mais il prend le temps d'observer depuis le pas de l'entrée. Déjà sa camarade rapporte un trésor. Il suit le mouvement de la bouteille des yeux. Il ignore ce qu'il y a à l'intérieur. Il espère que ce n'est pas du vieux sang. Çà ferait un souvenir un peu trop macabre. Pas du tout son style.

Non, lui il préfère les choses plutôt jolies. Tiens comme cette lumière qui vient de surgir près d'une commode. Elle est toute petite. Elle a comme une aura mystique. Qui ne peut qu'attirer notre Nakhu, amoureux des beautés naturelles. Il fait quelques pas dans sa direction. La lumière prend maintenant la forme d'une flamme. Une flamme magique et d'une couleur anormale. Il contemple ce qu'il prend pour une rare manifestation de la nature. Il se demande si Séléné regarde elle aussi ce spectacle dont ils sont les seuls invités. Comme une salutation personnelle pour leur venue dans ce Manoir Hanté.

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Il s'est trompé. Les coups de pattes sur son épaule le sortent difficilement de sa contemplation. Il a tendance à être trop absorbé par cette Beauté et à oublier ce qui l'entoure. Il ne sent pas la tentative avortée de le faire bouger.

Son regard doré finit par se détacher de la flamme. Il s'aperçoit de l'absence de Séléné. Il est tout seul. Çà lui revient tout à coup. Le signal. Un danger ! Il sursaute et ses yeux s'agitent dans tous les sens. Il ne voit rien de bien menaçant. Il n'y a que cette Feu mystérieux. Un doute s'insinue.

Il se sait moins expérimenté que Séléné. Il lui fait confiance. Elle a un meilleure instinct et une meilleure connaissance que lui. Elle a vu quelque chose qui lui a échappé. Sûrement un bruit. Il choisit la fuite lui aussi. Il prend les pattes à son cou.

Il traverse les quelques mètres le séparant de l'entrée principale. Il s'engouffre dans l'ouverture. Sans jeter un seul regard en arrière. Il retrouve Séléné. Mais il n'a plus le cœur à sourire. La déception a frayé son chemin en lui. Ils ne sont même pas restés une heure à l'intérieur. A peine entrés, les voilà chassés ! Le Manoir ne veut pas d'eux. C'est clair.

"La musique ne les a pas apaisé. C'est un échec."

Et sans sa camarade, il aurait pu être blessé. Décidément, cet handicap l'empêche de faire comme tout le monde. Mais il refuse de rester cloitré dans le Sanctuaire. Il a besoin d'air. Il a besoin de faire ses preuves. Pour grandir.

Il lâche un soupir désappointé. Ses yeux se fixent au loin. Il n'a plus rien à faire ici. L'espoir est parti pour aujourd'hui. Il n'oublie pas pour autant la politesse.

"Merci d'avoir essayé avec moi. Au revoir."

Sans attendre de réponse, il s'en va. Ruminant cette maigre expérience.

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