Mission et rédemption - Désastre et Anita

Il n’avait trouvé sur la plage qu’un groupe de mouettes bruyantes et le bruit des vagues.
Peut-être que son périple avait été trop long.

Il avait toujours été lent à faire les choses, Noé : Lent à savoir ce qu’il voulait, lent à prendre des décisions, lent à faire le premier pas, et désormais les suivants.
L’âge n’était même pas une excuse.
Il n’avait pas trouvé l’ombre d’une nièce, sur cette plage.
Peut-être était-il seulement arrivé au dernier moment. Il préférait cette option.

Le pas lent, toujours, et ça, il pouvait l’attribuer à une condition physique moins bonne encore que celle qui avait été sienne quelques années plus tot, puisqu’il se faisait désormais vieux loup bien plus proche de la fin que du début de son existence, il s’était remis en chemin pour marcher vers le Sud.

Sur le chemin, il se perdit et se mit à douter.
Et si la plage sur laquelle il avait posé les pattes n’était, finalement pas la bonne ?
La mémoire lui faisait défaut, après avoir été son plus grand atout.
Ca n’avait jamais été le cas pour le sens de l’orientation, cependant, et il était fort probable que ce soit la faute de ce fait là.
C’était, également, une option préférable.

Le vieux mâle baissa la tête vers le sol, les yeux plissés, ébloui par la lumière du Sud et étouffé par son accablante chaleur.
Plus que de la fraîcheur, qu’il ne saurait trouver ailleurs qu’entre les murs de sa si chère bibliothèque, il cherchait leur odeur.
Il lui semblait être sur la bonne piste.

Peut-être.
Il n’avait jamais été un bon pisteur.

Noé s’arrêta devant ce qui lui semblait être leur frontière, aux Etelkrus, et, rejetant la tête en arrière, émit un long hurlement pour appeler son ami.
Le seul être qui porta, un jour, pour lui, ce nom.

[Pour Anita, se situe un peu avant la question à Kiro ]

Pour ceux qui connaissaient la Moere, elle était symphonie de sons multiples liés dans un rythme complexe et tout aussi riche en couleurs et en odeurs. Ainsi, tout ce qui prenait une place nouvelle et maladroite dans cet enchevêtrement ne tardait souvent pas à se faire remarquer par les habitués de cette machinerie : qu'il s'agisse d'une présence étrangère, d'un manquement à l'ordre chaotique mais pourtant présent de l'endroit... Ou d'une voix qui était familière sans être pour autant reconnue.

Lorsque perça le hurlement, Anita ne tarda pas beaucoup avant de cheminer vers sa provenance, intriguée - même si elle n'était pas celle qui fut appelée, elle se sentait légitime à s'intéresser à cette visite à la fois en tant qu'Etelkrus, Prêtresse de Kiro ici en son domaine et Alpha de la meute en question.
Et quand arrivée près des frontières sur des pattes légères et discrètes, observant d'abord de loin à travers les branches et les feuilles, elle reconnut Dez comme récepteur de l'appel... Il ne lui fallut que peu se temps pour identifier ensuite la silhouette brune à ses côtés.
Son regard s'illumina et l'hybride s'aventura dans leur direction en pleine lumière, alors qu'ils avaient déjà commencé à marcher. Elle avait compris vers où.

—  Noé ! Ça faisait si longtemps ! Je suis ravie de te voir enfin venir pour accomplir ta mission.

Son ton était enjoué et amical  - sincère, surtout.
La dernière fois qu'elle l'avait vue et qu'ils avaient échangé une discussion remontait à tant d'années, dans cet hôpital de fortune au milieu de l'Eglise de Yurai qui les accueillit après leurs déboires contre le monstre des glaces. Et si elle n'apprit que bien plus tard le projet que Dez et lui avaient développé de la gueule de son ami, leur discussion lui avait déjà permis d'aborder l'idée d'une rédemption et d'espérer qu'un jour, l'ancien disciple de Kiro viendrait s'amender de sa malédiction.
Quand bien même la punition de l'Anaconda lui avait à priori permis de se faire un bon ami parmi les fidèles toujours présents de celui-ci.

Depuis, Noé avait... Vieilli.
Beaucoup, même, et cela lui fit un peu bizarre.

Elle cessa cependant d'y penser lorsqu'elle reprit la parole, les yeux pétillants en trottant à grands bonds non loin d'eux.

—  Je laisse Dez t'escorter chez Kiro et je file là bas en avance, j'ai quelques petites choses à y faire.

Et sans spécialement attendre de réponse elle se propulsa sur ses postérieurs musclés, filant à travers la végétation dense et les sentiers familiers. Ils auraient ainsi le chemin pour discuter en toute intimité et elle aurait le temps de rassembler ce qui se devait de l'être.

Car si le projet avait mis des années avant d'aujourd'hui aboutir, si elle avait fini par ne plus y penser très souvent... Elle n'avait jamais oublié pour autant, Anita.
Mieux.

Elle s'était préparée.