Les filles parties ♖ Elely

Zigzaguant entre les quelques pins de la vaste lande, Elely était comme une âme errante, un fantôme du passé qui rôdait. Elle ignorait encore si elle devait rester mais maintenant qu'elle était là, elle hésitait. Mildred... Onyx... Teddy... Elle était partie sans même leur dire un au revoir, sans même les prévenir. Il ne restait qu'eux, dans son cœur, ainsi que la fille d'Isrâ qu'elle n'avait jamais été voir par honte. Parce qu'elle ne serait jamais la tante gentille et forte tant espérée, elle s'était sentie trop lamentable après sa défaite, trop faible. Elle avait sombré dans un déni de folie, Elely. Brisée par la traîtrise de Méridor et désorientée par son absence de réponses, elle n'avait jamais accepté son départ. Elle s'était même mise à douter de ses propres sœurs, parce qu'elle croyait fermement en la loyauté et l'amour de son frère, parce qu'elle le croyait incapable de commettre tel massacre dans leur famille. D'abord à la gorge d'Isrâ, cette fois-ci c'était dans son cœur à elle qu'il avait planté ses crocs mortellement. Comme une gangrène, comme un cancer se développant jusqu'à son cerveau, il était le déclencheur du chaos en elle.

Tu es ce que j'ai de plus chère Elely.

FERME LA ! Hurla-t-elle d'un coup de manière inattendu, faisant fuir toutes les petites bêtes alentours.

Sinon je te tue moi-même.. Ricana-t-elle nerveusement, presque sadiquement.

Elle claqua ses crocs sur sa silhouette volatile et, en le pourchassant, le vit disparaître comme une ombre derrière un arbre. Ralentissant le rythme à un petit trot, elle scruta les alentours avec froideur jusqu'à heurter le regard de quelqu'un à qui elle ne s'attendait pas, elle non plus.
Elle s'arrêta lentement à une distance digne d'une étrangère et le fixa, murée dans un silence lourd de sens jusqu'à ce qu'il prenne la parole.

Oncle Teddy..

Il semblait chercher quelqu'un lui aussi, par son attitude un peu ailleurs. Peut-être avait-il croisé Mériror lors de sa fuite ? Il avait cette fâcheuse tendance à disparaître aisément..

Je.. Euuh..

Elle tourna son regard autour d'eux un instant, puis finalement reprit, d'une voix incertaine :

Ce qu'il me manquait ?

Elle ne parvenait plus à dissocier la réalité de la folie, elle l'avait cherché pendant tellement d'années, Méridor, qu'elle avait fini par s'imaginer sa présence involontairement. Aujourd'hui, elle le fuyait plus qu'elle ne le chassait car il ne répondait à aucune de ses questions et préférait la torturer de paroles douteuses, qu'autrefois elle aurait cru.

Le visage d'Elely s'assombrit, un instant, à l'évocation de ce qu'elle pouvait bien pourchasser si loin des siens. Elle sentit des palpitations jusque dans ses tempes et son regard se baissa, terrifié par la vérité de ce qu'elle était devenue. Pendant des années elle s'était perdue dans la noirceur de la solitude et aujourd'hui elle était revenue accompagnées de démons. Elle avait commis beaucoup d'atrocité, Elely, au point où on la surnommaient la meurtrière écarlate du pays d'où elle revenait, et c'est aussi ce qui lui avait valu d'être pourchassée à son tour.
Un espoir...

Elle releva ses prunelles, horrifiées, sur le vieux loup.

L'espoir, il y a bien longtemps que j'ai abandonné à le chercher.

Sa voix avait la froideur d'une âme longtemps tourmentée.

Comme un masque qu'elle déposa sur son visage, son expression redevint impassible, semblable à celle de mère, jadis. Elle le dévisagea un long moment dans le silence, puis un sourire exagéré vint relever ses babines et plisser légèrement ses yeux.

Je vais parfaitement bien, merci mon oncle.

Et il disparut, de manière aussi étrange et inquiétante qu'il était arrivé là.

L'âge semble finalement vous rattraper, comment vous sentez-vous ?

Elle était devenue un personnage bien étrange, Elely.

Heureusement pour son oncle elle ne pouvait entendre ses pensées moralisatrices. Oh ça ne serait pas la déception qui la vexerait, mais plutôt cette pitié détestable qu'il lui vouait comme si elle n'était qu'une petite antilope fragile. La tête légèrement abaissée, ses pupilles remontèrent doucement vers le haut de ses paupières mi-closes, donnant à son regard une obscurité menaçante.

Elle n'aimait pas, non, elle était même répugnée par ce regard là qui la fixait doucement. Elle souffla par les naseaux comme pour dégager ses poumons puis releva la tête, nerveuse.

A trop vous inquiéter pour les autres vous finirez par rendre l'âme trop tôt, mon oncle.

Elle ferma les yeux pour éclaircir ses pensées, desserrant les muscles tendus de son corps par de petits roulement des épaules.

Pour sûr, j'ai entendu parlé d'un refuge par un certain Ted. Vous avez fait des miracles en réussissant là où les Lazulis ont échoué.

Même si il y avait encore beaucoup de problèmes à régler de toutes évidences, concernant la hiérarchie. Son regard roula sur le décors, étrangement perturbé.

Il m'a dit aussi qu'Onyx y était...

La question lui avait échappé, pourtant retenue avec fermeté. Une lueur nouvelle éclaira ses prunelles, un espoir qu'elle ignorait, timide mais bien présent en elle.

Comment va-t-elle ?

Sa voix était neutre mais elle paraissait plus douce à l'évocation de la violette.

Elle ria elle aussi, d'un éclat qu'on aurait juré sincère mais qui fut rapidement interrompu. Les années avaient défilées si vite que ça ? Ça lui paraissait pas si loin, pourtant. Elle leva les sourcils à l'énonciation du mot fils, surprise d'apprendre la nouvelle. Elle l'avait rencontré il n'y a pas si longtemps que ça et pourtant elle n'avait fait aucun rapprochement.

Tant mieux. J'ignorai que vous aviez un fils mon Oncle. Répondit-elle en souriant.

Ses yeux grossirent un peu lorsqu'il suggéra les liens entre elle et Onyx.

Oh euh.. elle est ma seule amie alors je m'en veux un peu d'être partie sans l'informer... Marmonna-t-elle d'un air un peu timide.

L'était-elle toujours, d'ailleurs, son amie ? Elle avait peur de la réponse, peur de la recroiser et d'être déçue. C'était tout à fait légitime après tout qu'elle lui en veuille, qu'elle l'aie sortie de sa tête complètement. Alors qu'elle pourtant, n'avait pas quitter la sienne..