Cancel the sorrows [ft Helga ]

Helga

Elle l’épia là, sans son petit Kestrel, son un arbre en sortant de la tanière des guérisseurs. C’était grâce à ce petit qu’elle chassait au mieux sa tristesse, et c’était donc grâce à Tawana surtout. De temps en temps maintenant, un sourire sincère illuminait ses babines. Elle s’approcha donc avec ses oreilles en avant, ses cheveux grisonnants en chignon serré pour qu’ils ne la dérangent pas lui donnant un air un peu sévère.

« Tawana ! Comment ça va ? » demanda-elle en s’asseyant à proximité.

Elle regarda autour d’eux, les loups qui s’affairaient dans leurs routines, ou leurs jeux pour les plus jeunes. Ils ne les voyaient que à peine, deux guérisseurs vieillissants sous un arbre. Pourtant ils auraient tous les deux tant à leur apprendre, surtout aux plus petits. Depuis que Pomelo n’était plus sous son enseignement, Helga n’avait plus eu de jeune adulte pénible entre les pattes jusqu’à Kestrel, qui n’étais pas encore pénible.

« C’est agréable ici, il fais plus frais qu’au soleil … » dit elle en fermant un instant les yeux pour profiter.

« Comment va Kestrel ? »

« Fatiguée … mais un peu mieux »

Tawana connaissait sa dépression, et des raisons pour lesquelles elle avait eu lieu. Sans la patte de son ami pour la guider, Helga s’en serait sans doute encore moins bien sortie.

Elle rigola avec lui, sans moquerie. Elle aussi, bien que plus jeune que lui, commençait à comprendre ce qu’il voulait dire. Elle aussi était fatiguée plus vite que d’antan, elle aussi se réveillait le matin ayant déjà mal au dos. Vieillir, ce n’était pas commode, mais quand on avait toujours quelqu’un avec qui rire, les journées les plus mornes se teintaient de couleurs.

« N’est-ce pas mon travail ? » demanda-elle, avec un clin d’œil. Elle n’était pas sure qu’il la voyait encore, mais au cas où, elle lui fit quand même.
Elle sourit en l’écoutant parler de son fils. Il y avait un temps pas si lointain où son cœur se teintait de tristesse et de regret à chaque fois qu’on lui parlait d’enfants : elle avait tant voulu avoir ses propres louveteaux, jeune adulte. Mais maintenant qu’elle avait eu la chance de s’occuper un peu de Pomelo, beaucoup de Kestrel, elle sentait beaucoup moins cette pointe d’amertume, bien qu’un petit noyau de regret touchât toujours son cœur lorsqu’elle regardait Perrine entourée de ses enfants adultes.

« Comme son père quand il était jeune ? » demanda-elle, innocemment, avec un grand sourire malicieux.

Elle s’allongea à côté de lui et lui sourit. Même s’il ne la voyait pas, elle savait qu’elle l’adorait, ce Tawana. Elle voyait à sa démarche que sa vieillesse, peut être même sa mort, ne l’inquiétait plus. Mais elle, son cœur se tordait un peu quand elle pensait à un monde sans lui. Qu’est ce qu’elle ferait lorsqu’il était plus là ? Kestrel serait triste aussi … Mais elle, continuerait-elle encore plusieurs années, sans son ami à ses côtés .

« J’ai des antisèches écrites sur mes coussinets » confia-elle malicieusement avec un petit sourire.
Elle savait qu’il n’en avait plus pour très longtemps, alors elle s’était déterminée à ne pas être triste avec lui : cela fonctionnait bien, c’était plus facile d’être heureuse avec quelqu’un avec qui on peut rigoler de tant de choses.

« Je m’en sortirais ! La fille de Perrine était aussi insupportable, d’ailleurs je crois qu’elle est partie dans un de ses « aventures » où elle se perds quelque part en terres Solitaires, puis elle demande des directions jusqu’à rentrer à la maison. Je te jure, Perrine doit s’arracher tous ses cheveux avec elle et ses frangins ! »
Cette blague là lui laissait un petit arrière-goût amer dans la gorge. Elle avait espéré, avant, que les mouflets de Perrine seraient aussi les siens… mais maintenant, elle l’évitait encore. Est-ce qu’elle n’aurait pas pu enterrer la hache de guerre ? Elle avait toujours cru qu’il y avait peut-être quelque chose entre elles, avant, mais peut-être avait-elle imaginé tout cela ?
Elle noya ses pensées, dès qu’elle revenait à Perrine, elle glissait vers sa dépression. Alors elle ramena ses pensées vers quelque chose de plus joyeux. Kestrel-choupi.

« Kestrel les connaît, les enfants de Perrine, d’ailleurs ? Oh- a-t-il choisi un mentor ?»

Elle sourit, puis hocha la tête. Oui vraiment. En écoutant l’histoire de Litchi, elle songea qu’elle ne l’avait jamais vraiment croisée, la petite rose : elle ne se destinait pas vraiment à être soigneuse. Kestrel quant à lui, peut-être. Rien n’était certain pour lui, et avec bonne raison : il avait encore tout le temps du monde pour se décider ! Helga avait hâte de voir quel loup il choisirait d’être. Serait-il un soigneur adorable, comme Melon -l’enfant de Perrine qu’elle voyait le plus, et qu’elle trouvait le plus mignon-, un guerrier féroce, comme Dough ? Seul le temps le leur dirait !

Elle sourit tristement lorsque Tawana dit que son fils ne se rendait pas compte qu’il pouvait perdre son père. Elle aussi, petite, n’avait pas imaginé perdre son père, même s’il était distant avec elle. Le jour où il était parti, elle n’avait pas été si surprise, car elle le savait fort vieux.

« Il trouvera sa voie, je ne m’en inquiète pas. »

Elle replia ses pattes sous son poitrail, et regarda autour d’eux. Qui est ce qui passait dans le camp, sur qui ils pourraient gentiment ragoter ? Personne ne li inspirait grand-chose. Dans un coin Galileo était sorti de sa tanière pour lire un peu au soleil en bidouillant avec son rubixcube, Dasha faisait la sieste en haut d’un rocher, et Airelle pouvait être aperçue en train de stalker Galileo.

«Tu as vu Saqquarah récemment ? »

Elle ne l’avait pas croisé depuis des lunes, mais il avait été plutôt proche avec Tawana, dans ses souvenirs, alors peut être qu’il en savait plus sur ce qui lui était arrivé.

Elle hocha la tête, ainsi, le jeune ne reviendrait pas. Ils étaient deux, de la fraterie de Ptah et Reaper, à ne plus être là. La seule fille Orthalice, était également disparue, cependant Harmakhis était encore là, ainsi que Fafnir. Fafnir qui avait eu des petits ! Helga n’avait toujours vu venir : il adorait les enfants, et elle pensait qu’il voulait aussi devenir père très, très fort.

« Je suis sure qu’il manque à ses frères. »

Etait-elle véritablement sure cependant ? Elle, elle n’était pas triste de la disparition de sa sœur jumelle, Rowena. Cependant, pour Godric et Salazar, tous les soirs, elle disait une petite prière. Elle aimerait tant qu’ils reviennent de leurs périples. Ses frères, si similaires de pelage, si différents en formes et en caractères, ils lui manquaient tous deux à leur façon. Salazar avait plus de ragots acerbes à lui partager, et Godric ne la couvrait plus de son aile pour lui permettre de dormir au chaud. Un instant, elle se perdit dans ses pensées, son cœur tendant vers ses frères disparus.

« Tu as vu les deux petits de Fafnir d’ailleurs ? Ils sont si beaux, ses petits dragonnets ! »

Elle avait une petite préférence pour Lagertha : à chaque fois qu’elle voyait un petit avec des ailes, elle pensait à ses frères disparus.

Helga soupira tristement. Harmakhis était un bien gentil loup, et elle imaginait que lui aussi regrettait d’avoir perdu son frère très fort. Peut être qu’elle pourrait aller en discuter avec lui un jour ? Oui, ce serait une bonne idée. Elle se fit une note mentale pour plus tard.

« Haha, oui ! Vérose était si criarde petite … elle a grandi si vite … elles sont toujours des petites, dans mon esprit…. Je pense que je ne pourrais jamais m’en défaire, de l’image d’eux tous petits. Les pauvres, ils ne grandiront jamais vraiment à mes yeux »

Elle s’assit plus bas, et posa sa tête sur ses pattes avant.

« Ah… mais ils grandissent tous au bout d'un moment … j’aurais aimé en garder beaucoup petits. Quand je pouvais encore leur raconter des histoires et voir les étoiles naître dans leurs petits yeux émerveillés … Hmm, qu’est ce que c’est mignon, un louveteau … Ca a tant à apprendre, mais ça a déjà plein d’idées… et d’imagination ! Haha, petits, tous les loups pourraient être disciple de Dairo, tant ils ont de facilités à inventer des choses, des histoires, des amis, des jeux … »

Elle avait un peu de fierté d’avoir gardé une petite partie de cette imagination enfantine : elle aussi ne rencontrait aucune difficulté à s’imaginer ailleurs, autrement… A imaginer des histoires fantaisistes.

« Je voulais tellement avoir un bébé à moi … mais peut être que finalement, tous les petits auront été un peu mes bébés. »

Elle avait été la louve la plus pédiatre de tous les guérisseurs qu’elle connaissait : nourrice durant son adolescence, puis guérisseuse pour les louves enceintes et les jeunes louveteaux. Elle en avait vu tant passer, des petits, que finalement, elle avait, à travers toutes ces années, été un autre type de maman. Kestrel, que Tawana lui confiait, venait sceller cette pensée. C’était au final, grâce à son travail et ses amis qu’elle avait réalisé ses rêves : pas grâce à un mâle qui lui aurait fait des bébés.

Elle sourit. C’est vrai ! Ils seraient tous disciples des Dario ! Ce serait un peu ennuyant, c’est vrai que l’agilité et la force venaient après l’imagination, dans l’ordre des choses. Les petits pouvaient tout imaginer, puis ils grandissaient, perdant de leur imagination, mais réalisant les rêves qu’ils avaient imaginé. Peut être que cela serait à ça, l’imagination des petits : créer les rêves qui alimenteraient leur vie.
Elle hocha la tête, lorsqu’il lui demanda s’il pouvait lui demander quelque chose.
Elle sentit son cœur se serrer, lorsqu’il lui demander si elle s’occuperait de Kestrel lorsqu’il ne serait plus là. Elle préférait ne pas trop en parler, elle savait bien que cela arrivait, mais elle n’arrivait pas à se faire à l’idée d’un camp sans lui. D’un monde sans lui, en fait. Personne avec qui s’asseoir et rigoler lorsqu’elle était pas occupée.

« Bien sur »

Son imagination d’enfant à elle, avait peuplé son futur d’un compagnon aimant, et de pleins de petits bébés, qui auraient été la prunelle de ses yeux. Cela n’était pas arrivé, peut être que cela avait été en échange de son imagination, qui elle était restée.
Mais au fond, peu importe qu’elle n’avait pas réalisé ce rêve, elle avait des amis incroyables qu’elle aimait beaucoup, et c’était mieux qu’on compagnon et des bébés.
Elle posa sa tête contre le cou de Tawana. Il n’était pas encore parti. Ils resteraient amis encore un peu.

« Tu vas vraiment lui manquer. » souffla-elle.

A moi aussi.

Il ne serait jamais vraiment parti, au fond, se dit-elle. Les souvenirs qu'ils avaient créé ensemble, les rires, les beaux moments, elle pourrait les garder pour toujours dans son coeur. Que c'était dur d'aimer quelqu'un, lorsque un jour la personne partirait, et ne reviendrait plus jamais. Au fond, on pourrait se dire que cela ne valait pas le coup, qu'il valait mieux aimer personne, pour ne jamais être déchiré de tristesse. Mais c'était tout à fait faux: les souvenirs de l'être aimé ne nous quittaient jamais, et la vie serait bien plus triste sans eux.

"Je suis heureuse d'avoir pu passer ma vie avec toi !" soupira-elle.

Il avait été son meilleur ami, et son meilleur soutien, avec Désastre. Elle serait bien triste de le voir partir, et Désastre surement aussi. De leur amical trio de panseurs, il ne resterait plus que deux. Désastre serait le dernier à partir, cela ne faisait pas beaucoup de doute.

Elle frotta un peu son museau contre le bas de celui de Tawana, puis essaya de redresser sa tête. Mais elle sentit un peu de fatigue l'empresser de fermer ses yeux, et posa sa tête sur ses pattes avant. Des rayons de soleil de fin d'après-midi venaient lui caresser le pelage. Il devenait grisonnante, Helga. La tête sur ses pattes, elle regarda le monde autour d'eux, à travers le filtre de l'âge. Les choses pérennes lui semblaient si courtes maintenant, les minutes si précieuses. Où était passées toutes ces années d'insouciance ?