Chasse solitaire [Lark]

Samaël

C'était entre deux gouttes que Samaël était parti chasser, la pluie n'étant pas une raison suffisante pour rester à  l'abri des petites grottes habitées du camp toute la journée. Probable dernier bouclier à partir de sa tranche horaire, le mâle brun n'essaya même pas de rejoindre les habituelles zones de chasse des territoires Etelkru, conscient qu'elles seraient déjà occupé et Samaël n'avait aucune envie de voir quelconque camarade de meute ni même de risquer de se faire charrier pour sa réticence à se mouiller.
Le Grand Castel se trouvant mine de rien plutôt en bordure de territoire, le mâle brun passa rapidement la frontière sans qu'il ne se le notifie plus que ça. Aujourd'hui serait une chasse en terre libre, ça lui ferait changer un peu d'air. Il s'enfonça dans les bois sombres de conifères de ces côté-ci des monts.

Guerrier expérimenté et chasseur aguerri, Samaël n'eut aucun mal à débusquer plusieurs piste. Ici celle d'un chevreuil, là celle d'un troupeau de mouflons. Sans doutes que les plus jeunes Etelkrus auraient sauté sur ces premières occasions avec plaisir mais Samaël n'avait pas envie de s'encombrer de proies de ce gabarits. L'époque où il avait abattu un cheval sauvage pour impressionner les autres lui était passé, le prince déchu n'avait plus la niaque comme on disait pour essayer de plaire et de se trouver une place. Il n'était plus que le fantôme d'espoirs inutiles, en témoignait ces marques grises sur son pelage qu'il cachait dans son étoffe rouge, conséquence de l'errance naissante.
Un bruit en amont, le gloussement d'un coq de bruyère qui essayait d'impressionner un autre mâle pour le chasser de son territoire. Le corps fin de l'Etelkru se mit sous tension, les oreilles en avant. Son dernier œil voyant s'accrocha sur les silhouettes noires alors que pas à pas, il progressa, posant soigneusement ses pattes entre les épines de pins.

Samaël

Le bruit d'un pas de course effrénée vint mettre en alerte les oiseaux avant qu'un lapin poursuivit par ce qui semblait être un renard ou un jeune loup ne les fassent s'envoler dans un cri d'alerte. Samaël soupira, légèrement agacé avant qu'un bonk n'attire son attention. De ce qu'il pouvait constater, c'était bien un jeune individu, une adolescente qui avait réussi l'exploit de se coincer dans un terrier et dont les fesses remuaient dans une tentative de se sortir de là.

« Si vous voulez attraper quelque chose un jour, il va falloir changer vos méthodes. »

Sa voix était neutre, plus que des conseils, c'était un constat évident qui lui permettait de râler un peu tout en faisant le tour pour trouver sous quel angle abordé le problème actuel.

« Ne bougez pas, je vais vous aider à sortir de là. »

Il l'attrapa par la peau encore épaisse entre la fin du cou et le milieu des omoplates avant de tirer d'un coup sec pour libérer l'adolescente du terrier avant que son agitation ne finisse par le faire s'effondrer sur elle, ne la relâchant qu'une fois toute stabilité revenue.

De son unique œil encore voyant, jaugeant la jeune louve de sa hauteur de mâle adulte, Samaël eut tout le loisir de voir à quoi elle ressemblait. Son regard se fit plus grand, surpris et étonné lorsqu'il constata que derrière la boue collée au pelage, la jeune louve en face aurait très bien pu faire partie de ce peuple dont il était origine.
Ils étaient rares les loups qui ici abordaient telles teintes d'un brun presque roux, de ces variantes qui auraient pu rappeler le sable d'un désert. Bien sûr, elle portait pourtant des variantes légèrement dérangeantes très punkwolfienne comme cette aile unique mais Samaël voulait bien en faire fit à cet instant. Aucune louve n'avait ressemblé sur ces terre autant à celles qu'il avait connu que cette jeune fille là. La forte odeur de souffre collée à son pelage cependant empêchait de deviner quelconque origine.

« Dites moi, qui êtes vous jeune fille ? Vivez vous sur ces terres ? »

Sans doute qu'elle était née ici et qu'elle appartenait même aux Nakhus ou au Refuge mais si ses parents avaient des origines plus étrangères, peut-être y avait-il espoir qu'il ne soit pas le seul à avoir oser traverser un jour de Désert Blanc.

Samaël

« Hm, hm. »

La gamine parlait beaucoup et Samaël avait un peu de mal à tout suivre, notamment parce que ça ne l'intéressait pas vraiment. Finalement, elle lui donna son nom, toute sourire. Elle s'appelait Lark et vivait avec sa famille, une mère, des frères et sœurs mais aucun père évoqué, au Nord. Elle ne précisa pas être Nakhu alors l'Etelkru en déduisit une origine solitaire. Il y avait des chances que sa mère soit une étrangère, et peut-être, une infime, qu'elle venait du Désert Blanc...
Samaël essayait de ne pas trop se raccrocher à cette idée tout de même, s'efforçait à ne pas se faire de faux espoirs mais après tant d'année, c'était comme un espoir auquel il n'aurait jamais envisager que celui de toucher du bout des griffes une part de chez lui.

Lark lui renvoya ses propres questions, enfant curieuse, souriante et fière de sa présentation. Enfant insouciante et pleine de vie face à lui, prince déchu et guerrier fatigué.

« Samaël, je fais parti des Etelkrus dont les terres s'étendent un peu plus au sud.  Vous devriez faire attention à ne pas vous y perdre.»

Même envers une jeune fille, les Etelkrus ne se montraient pas spécialement cléments.

« Votre mère est-elle originaire de Punk Wolf ? »

Samaël

« Je vois »

Donc c'était la mère de l'adolescente qui était étrangère à ces terres, elle qui portait peut-être quelques origines similaires à la sienne, un espoir au milieu de son errance. A l'occasion, Samaël devrait essayer de rencontrer cette louve, pour vérifier, pour être sûr, pour se raccrocher même un petit peu à ce reflet du passé.
Le regard du prince déchu retomba sur la jeune louve, énergique et souriante jeunesse couverte de boue et le poil en bataille.

« Vous serez capable de retrouver votre chemin seule ? »

La question se posait sérieusement. Si la jeune l'était trop pour chasser convenablement sans finir la tête coincée dans un terrier, aurait-elle eu le réflexe de garder en mémoire le chemin qu'elle empruntait ? Les Etelkrus n'étaient pas peuple à faire foncièrement dans la charité, ceci dit, du moment que vous n'approchiez pas des frontières... Et Samaël restait malgré tout un individu bon prince, plus facilement clément envers les dames et les demoiselles.

Samaël

La gamine savait comment rentrer, selon elle du moins. Samaël resta un instant sur place, l'observant dévaler la pente qu'elle avait désigné, hésiter un instant avant de repartir à nouveau avec cette même énergie de jeunesse. Le mâle brun finit par s'en détourner, n'allant pas vérifier si effectivement la jeune fille avait réussi à retrouver son chemin. Lark n'était après tout qu'une enfant solitaire et il n'était pas de son rôle en tant que guerrier Etelkru de servir de baby-sitter pour les jeunes des autres, il n'en était pas responsable. Samaël fit donc demi tour pour regagner les terres Etelkrus, gardant cependant en tête cette nécessité d'aller rencontrer un jour cette louve étrangère qui vivait aux Ruines Blanches, dans l'espoir peut-être de retrouver un fragment de ce qu'il avait du quitter.