Dans la forêt lointaine [Apparence]

Asaravos

Neisseria avait déjà passé les ruines plus d'une fois, ceci dit Maman avait eu du mal à la contenir à l'intérieur avant qu'elle ne cesse un jour de le faire. Concernant Aconit, Asaravos ne savait pas vraiment mais il pouvait au moins compter une fois, puisqu'ils avaient changé et que là à cet instant, de toute évidence, il n'était pas à l'intérieur des runes.
Le jeune mâle l'aimait sa jumelle, de tout son cœur sans véritablement la connaître mais c'était ce lien si fort entre eux qui leur avait permis de partager une existence alternée, ceci dit, aujourd'hui il la détestait un petit peu quand même. Il semblait tout de même qu'il reconnaisse quelques arbres, un rocher avec une forme étrange ou des choses comme ça provenant de ses souvenirs de lorsque Maman les emmenaient découvrir la forêt et dévorer les fée mais il fallait bien avouer que se rappeler du chemin seul était une autre paire de manche qu'accompagné. Super, franchement, merci Aconit.

Asaravos pouvait hurler, appeler, on viendrait bien le chercher, que ça soit sa mère ou Nei mais pour le moment, la fierté demeurait plus élever que la fatigue et la frustration alors le jeune mâle sombre se contenta de marcher en traînant des pattes et en maugréant, exprimant sa colère en shootant dans une pierre.

Les Monts qu'elle apprend à connaître révèlent, de courte expédition en plus long voyage, chaque fois un peu plus de leur immensité à ses yeux observateurs.
Elle qui ne partage rien d'autre que certains éléments de son physique avec son père s'était parfois prise, lors de ces découvertes le long des sentiers de montagne, à s'imaginer une vie dans laquelle Justice aurait pu lui transmettre ses connaissances du vaste endroit. Du moins, une partie. Elle se doute bien que quelques mois - ou même années, si le vieux mâle tenait jusque là - ne suffiraient pas à lui inculquer ce que lui avait acquis sur le temps d'une vie. Mais au moins quelques bases, quelques repères auraient été appréciables. L'adolescente - qui se rapproche désormais à grands pas de ce qu'elle-même désignerait comme jeune adulte - considére qu'obtenir cet avantage pourrait constituer un important atout.
L'idée de simplement lui demander l'avait traversée, mais la louve l'avait rapidement rejetée. Ses pronostics lui faisaient dire qu'il accepterait - mais à quel prix ? Si elle demandait d'elle-même à le suivre dans les Monts, elle fournirait une excuse idéale à sa propre mort.
Face à Cassius et Joaquin, il n'aurait qu'à prétendre le malheureux accident dont il n'aurait pu la protéger.

Et bien que l'idée de sa fin ne l'angoisse pas, Apparence ne tient pas pour autant à mourir.
Ce serait dommage. Elle commençait juste à découvrir le monde qui entourait la Passe.

Comme cette immense forêt, par exemple, qui se dévoile parmi les ombres de la montagne dans un épais manteau de brume, là où elle s'était attendue à ne voir que d'autres cailloux. Naturellement, elle s'y aventure.
Son pas est lent et tout son corps dédié à l'observation de ce nouvel environnement, alors qu'elle progresse au sein des bois plongés dans une obscurité lugubre. Apparence s'intéresse beaucoup aux zones boisées. Elle ne saurait dire si elle les aime particulièrement, mais elles suscitent chez elle un intérêt plus grand que les simples successions de rochers qui lui rappellent trop la Passe Ventue. Les forêts se constituaient d'une végétation dense et variée, les sons et les couleurs y étaient différents : même les animaux qu'elle voyait passer n'avaient rien à voir.
C'est le son d'une pierre qui détourne son regard du paysage, pour le poser sur un congénère qui avance seul un peu plus loin.
Elle l'estime être à peu près de son âge, peut-être un peu plus jeune. Puisqu'il semble ne pas l'avoir encore remarquée, Apparence en profite pour plonger sur lui ses deux yeux intenses et tirer les informations qu'elle peut obtenir.
Lire son attitude, surtout.

L'adolescent traîne des pattes et parle tout bas. D'ici elle ne voit pas son regard - mais elle l'imagine noir et son visage froissé, pour aller avec le reste.
Il est... Agacé, parie-t-elle. Mais par quoi ? Et surtout, comment l'aborder ? C'est un inconnu, et un inconnu agacé de son âge, elle n'en a encore jamais croisé. C'est nouveau, et même si cette idée n'excite rien de particulier en elle, ça la motive quand même à s'avancer et à volontairement casser une branche pour trahir sa présence.

... Pour ensuite aller se cacher derrière un tronc moussu de quelques foulées pas trop rapides pour laisser voir sa trajectoire, et y rester dissimulée, peignait sur ses traits un air apeuré et adoptant une respiration courte.
Elle ne sait pas encore où elle va dans son acte, avec celui-ci qu'elle ne connait pas.

Mais elle s'essaye à ce qu'elle pense obtenir le plus de succès, après cette introduction dans un territoire inconnu et qui appartient peut-être à quelqu'un.

Asaravos

Un craquement de branche le fit sursauter et lorsqu'il tourna la tête vers l'origine, Asaravos put apercevoir une forme sombre courir pour aller se cacher un peu plus loin.

« Nei c'est toi ? »

Non, ça ne pouvait pas être elle. Sa sœur serait déjà sorti des buissons pour venir le coller et lui hurler dans les oreilles. Et si elle aurait voulu être discrète, pour lui faire peur, elle serait juste en train de ricaner avec Morbus dans les fourrés comme si on ne pouvait pas les entendre.
Asaravos hésita quelques instants, l'adolescent bleu n'était pas vraiment loup téméraire. La curiosité fut cependant plus forte et doucement, extrêmement méfiant, il s'approcha de l'endroit où il avait vu la masse sombre disparaître – en espérant que ça ne se serait pas un ours quand même mais ça ne sentait pas tellement l'ours, de son estimation personnelle. Si c'était une fée, il lui ferait sa fête.

Asaravos finit par découvrir une louve lorsqu'il écarta, qui n'avait pas l'air vraiment adulte, de son âge peut-être ou un peu plus âgée. Il la scruta de ses quatre yeux bleus sans caché ni sa méfiance, ni son extrême jugement. Elle était sombre avec des tâches sans pour autant ressembler à Garbann, ni à Vanitas d'ailleurs, ni au truc qu'ils avaient ramené avec eux et encore moins à Neisseria ou à sa mère. Elle semblait être complètement apeurée, à se cacher là avec son souffle court alors Asaravos décida de mentalement la classer directement dans la catégorie des tocards, aux côtés des fées et de tout ceux qui lui revenait pas en fait – c'est à dire beaucoup de créatures mine de rien.

« T'es qui toi ? T'es avec Garbann ? »

Aucune compassion dans sa voix, même un peu de rudesse avec peut-être une pointe de mépris -et de mauvaise humeur. Ill espérait une réponse négative à sa deuxième question, parce qu'il n'avait vraiment pas envie de se la coltiner, ni aujourd'hui, ni demain. Son entourage jusque là très restreint s'était beaucoup trop agrandi à son goût ces derniers temps.

De là où elle est, elle entend l'éclat de voix de celui qui, comme prévu, a perçu sa présence sans pour autant avoir le temps de bien la distinguer.
Nei. Au ton qu'il a employé, c'est probablement quelqu'un de sa famille qu'il se serait attendu à voir dans le coin, tout comme elle à la Passe Ventue penserait directement à Cassius, Joaquin ou Justice si elle devait être surprise par une approche.
Il n'est donc pas un loup esseulé, et probablement pas non plus loin de chez lui, et Apparence range ces informations dans sa tête.
Elle se terre un peu plus en l'écoutant s'approcher tout en sachant - puisqu'elle a tout fait pour - qu'il va la trouver, et voilà soudain que quatre yeux sont braqués sur elle.

La jeune louve feint une certaine surprise et agrandit encore ses yeux, mais ne se répand pas non plus dans une peur exagérée.
Après tout, la voilà face à quelqu'un de sa génération, qui sans être amical ne se montre pas menaçant - et les jeunes sont curieux les uns des autres, non ? Ils ne sont pas encore rongés par les stéréotypes donnés par leurs gardiens, et sont plus prompts à les dépasser pour laisser libre cours à leur envie de découverte.
C'est pour ça que Nyu est son amie même en étant Etelkrus et en ne devant pas fréquenter les solitaires, n'est-ce pas ?
Du moins, c'est ainsi qu'Apparence en est venue à résumer ce qu'elle a pour le moment vu des rares autres.
En parlant de Nyu... Est-ce que ce mâle en face d'elle est un monstre, selon ses critères ? Il a deux paires d'yeux qui ont l'air bien fonctionnels, et c'est la première fois que l'adolescente rencontre un être dont la singularité s'exprime de cette manière.
Elle pense à elle-même, à cette patte inerte et rachitique qui pend à son flanc. Mais elle ne fonctionne pas, cette patte, alors que lui peut profiter de quatre yeux.

Ce dernier reprend la parole et le ton qu'il emploie est aussi une nouveauté qui vient remettre en question une partie des acquis d'Apparence.
Ce n'est qu'une occasion de plus d'exploiter une situation nouvelle pour agrandir les champs de sa compréhension.
Et quand est prononcé le nom d'un second inconnu, il ne lui faut pas longtemps pour décider de la direction à prendre. Elle n'a aucune idée de qui est ce Garbann, si la méfiance du jeune loup a son égard peut être en rapport au lien qu'il entretient avec ce Garbann, si sa réponse va lui valoir d'être acceptée ou rejetée, ni même si elle ne risque pas de rencontrer ce Garbann deux cent mètres plus loin. Il n'y a devant elle qu'un vaste champ d'inconnus qui ne demande qu'à être exploré, malgré l'étendue égale que cela implique en risques.
Pourtant, si elle est assez lucide pour comprendre qu'elle s'engage en terrain difficile, Apparence ne ressent toujours pas au fond d'elle ce que tant d'autres appellent angoisse ou appréhension.

C'est donc d'abord timidement que la louve hoche la tête sans quitter l'autre jeune des yeux, puis qu'elle s'affirme après quelques secondes pour se redresser un peu et laisser entendre une voix qu'elle module de sorte à sonner plus juvénile qu'elle ne l'est vraiment - tout en étant claire et sûre d'elle.

— Oui.

Ni sa voix ni son regard ne vacillent sur ce simple mot, et quand elle détourne enfin les yeux, c'est pour les balader sur la forêt alentour.

— Il est par ici ? Je le cherche.

Ses hautes oreilles pointent vers l'avant alors qu'elle tente un mouvement pour s'extirper du buisson dans lequel elle s'était cachée, et effectue quelques pas dans le périmètre, l'air d'être à la fois attentive à son environnement et prête à suivre les indications de l'inconnu.

Asaravos

La louve quitte un peu de sa timidité pour se redresser et répondre avec un oui franc. Asaravos lui recule d'un pas, les oreilles en arrière, le museau plissé par une grimace de mépris, le poil de l'arrière de son dos légèrement hérissé. Et puis elle avoue que oui, elle connaît Garbann et qu'elle le cherche.
Bah oui, bien sûr, ramène tout les ploucs de tes montagnes Garbann, vas-y. Maman va être ravie si elle l'apprend. D'ailleurs Asaravos ne manquera pas de lui dire lorsqu'il rentrera, en espérant fortement qu'il ait le temps pour et qu'il voit le mâle ailé se faire disputer avant que l'adolescent ne switche avec sa sœur. Avant ça, il va s'assurer que cette louve là ne passe jamais les runes et dégage vite fait de son espace ainsi que de la forêt.

« Je sais pas, ça dépends des fois. Mais de toute façon, même s'il était là, ça changerait pas le fait que toi t'es pas invitée à venir. »

Il se redresse, relève le menton et fait en sorte de se faire plus grande qu'elle pour pouvoir la regarder de haut. Il la scrute de la tête au pied avec le plus grand des dédains et sa queue fouette l'air dans un jugement presque surjoué. Est-ce que tu le sens là tout le poids de ta médiocrité?

« Et tu sais pourquoi ? Parce que ça se voit trop que t'es qu'une grosse nulle et si tu venais, ma sœur se servirait de toi pour cultiver ses asticots dans ta peau. »

Il lui poque méchamment l'épaule d'une patte.

« Alors tu ferais bien de partir et être inutile autre part. Dans ma grande clémence, j'veux bien dire à Garbann que t'es passée. »

Qu'il était généreux.

Oreilles braquées sur cet autre adolescent, Apparence est entièrement absorbée par la situation qui continue de déraper un peu plus hors des interactions qu'elle a déjà eu, qui éveille en elle le spectre complet de son attention et active tout son esprit. Il est différent de tous ceux de l'Extérieur qu'elle a rencontré, il a pour elle un regard mauvais et des mots durs, s'avance même pour la toucher sans douceur aucune. Une multitude de questions se pressent là où les émotions sont muettes, comme pour combler ce trop grand vide laissé en leur absence.
Elle découvre que chez d'autres aussi, candeur et fragilité n'éveillent pas forcément la sympathie.
Etait-il de ceux dont parlait si souvent Joaquin quand il disait de se méfier ?
Allait-il continuer à laisser escalader la colère qui l'embrase et avec laquelle il cherche à l'intimider ?
Irait-il jusqu'à être capable de lui faire du mal ?
Il ne semble pourtant pas venir d'un clan, encore moins d'être Etelkru.
Mais il demeure malgré tout similaire aux autres en cette effusion qui naît chez lui, quand bien même ses réactions sont chargées de négativité au contraire de la positivité qu'elle a surtout vu : ces émotions déferlent tout de même en lui pour le dicter, s'imposer à lui dans un flot qui paraît brut et dur à contrôler.

Quand il n'y a chez elle aucune réaction visible, juste deux yeux rougeoyant qui le fixent sans ciller. Apparence doit bien se l'avouer : elle est devant lui autant démunie qu'elle n'est intriguée. Enfin... Seulement en ce qui concerne ce qu'il convient de simuler, quelle marche adopter si elle veut paraître comme les autres.
Est-ce vraiment nécessaire, face à cet autre jeune qui a quatre yeux, qui vit au fin fond d'une forêt obscure et qui s'énerve face à elle quand personne n'a jamais osé ? Elle avait accordé à chacun de ses mots une forte concentration pour glaner et enregistrer toutes les informations qu'il distribue dans l'élan bavard de son agacement, et si elle n'a pas tout compris, elle a tout de même noté des points d'intérêt tout comme des anomalies.

Est-ce vraiment nécessaire, de chercher à paraître normale ?

Toujours sans émotion pour venir animer ses traits, Apparence finit par s'avancer pour réduire presque à néant la distance qui les sépare encore. Le bleu profond de ses pupilles s'accroche à l'azur clair des iris qui lui font face, la louve quitte ce qu'il restait de réservé dans sa posture et tend tout son corps pour gagner sur lui des centimètres.
Du fin fond de sa gorge émerge une voix grave et profonde qui porte formidablement loin, roule comme un séisme et crisse d'accents métalliques.
Une voix qui n'aurait pas du pouvoir sortir de ce corps fin et jeune.

— ₮Ʉ ₦Ɇ ₥Ɇ ₣₳ł₴ ₱₳₴ ₱ɆɄⱤ.

Pour une fois, elle n'a pas besoin de prétendre quoi que ce soit.
C'est vrai, que face à ce loup bleuté qui veut s'imposer elle ne ressent pas plus que d'habitude. Pas d'amitié, pas de haine, pas de vexation pour ses railleries...

Et pas de peur non plus.

Asaravos

Elle l'agace, mais elle l'agace à le regarder comme ça avec ses grands yeux à la fois sombres et clairs, avec son regard stupide selon l'avis du jeune en pleine expression de toute la mauvaise foi dont il possédait. Elle avait l'air si idiote à demander Garbann, à être perdue là dans cette forêt où on voulait pas d'elle et de son l'insignifiante médiocrité de son existence.
Elle avança d'un pas vers lui et c'est tout son espace personnel qu'elle franchit d'une attitude plus déterminée. Elle fixe ses yeux droit dans les siens et si Asaravos en a deux de plus qu'elle, il a l'impression qu'elle les obnubile tout les quatre. La jeune louve se redresse également, s'agrandit jusqu'à venir presque le dominer. Et pour finir, du tréfonds de sa gorge résonne une voix comme un roulement de tonnerre dans le lointain, une voix qui rendait la petite louve perdue peut-être un peu moins faible, pitoyable et médiocre que ce qu'elle avait présenté plus tôt.

Asaravos resta interdit plusieurs longues, très longues secondes, figé et tendu sur place, le pelage hérissé à la fois par son mécontentement initial et par cette surprise soudaine, le museau plissé par tout le mépris dont il était capable, l'agacement et cet instinct un peu plus peureux qui s'était éveillé face à cette situation nouvelle.

« Ah ouais ?! »

Il recule quand même d'un pas, de deux même, établit une distance raisonnable.

« Tu crois que ça m'impressionne ? Attends tu vas voir. »

Il gonfle son poitrail, se veut fier avec toujours la même arrogance et le même mépris pour autrui. Il éclaircit sa gorge, inspire profondément et sort ses plus belles insultes en démonique sorties du fin fond des derniers cercles de l'enfer que Morbus avait habilement prit soin d'apprendre aux enfants que Neisseria, lui et probablement Aconit aussi était. Il aurait pu, il en était sûr, avec le bon tracé rituel et les bons éléments sacrifiés, invoqué un truc sur ce plan là.

« Et toc, ça c'est stylé. »

Expression fière et supérieure sur le visage. Il n'aurait peut-être manqué à sa prestation, que cette voix que la louve avait prise, la sienne étant peut-être encore un peu trop proche de celle de l'adolescent qui n'avait pas encore mué.

Après l'orage, un bref silence.
De chaque instant qui s'étire, Apparence ne perd la moindre miette : ses yeux inquisiteurs sont verrouillés sur l'autre, guettent chaque réaction - le pelage qui s'est gonflé et les pupilles qui se sont étrécies, la surprise qui s'est peinte et la posture qui s'est immobilisée.
L'inconnu finit par sortir de son mutisme peu de temps après - le ton est toujours cinglant, mais différent. Il recule, même. Toujours aussi attentive et le visage si neutre qu'il en est dérangeant, la louve continue de suivre avec grande application le manège qui s'ensuit après - la préparation, la reconstruction d'une attitude qui se veut dominante, puis des mots qu'elle ne connait pas et dont les syllabes ne ressemblent à aucune autre qu'elle ait pu entendre jusqu'alors. Même avec Joaquin et Cassius parlant entre eux une langue différente de celle d'ici - dont elle glane ce qu'elle peut, elle aussi.
Puis, visiblement fier de lui, il semble attendre sa réaction. Elle ne sera pas immédiate - comme chaque fois, et plus encore dans pareille situation qui la transpose loin en-dehors des terrains connus, Apparence ne peut se fier à quoi que ce soit de naturel et de sincère pour venir la guider sans qu'elle ne se pose de questions : elle doit réfléchir.
D'abord, elle constate.
Que si le bleu ne s'est pas tu longtemps, elle note néanmoins une modification dans le cours de leur échange. Il se retrouve à se vouloir se comparer à elle, à faire mieux face à l'anomalie qu'elle a déployé. Elle a l'impression qu'ils sont revenus dans quelque chose de plus... enfantin, propre à ce qu'elle a pu vivre par le passé.
Comme les jeux, presque.
Elle en profite donc pour noter autre chose.

Face à une intimidation, répondre d'une autre intimidation peut faire cesser l'escalade.

Ce n'est peut-être que très temporaire, comme observation.
Dans tous les cas... C'est un très léger sourire qu'elle finit par laisser se dessiner sur ses lèvres, alors qu'elle laisse son corps regagner une posture plus détendue et confiante, puis se détourne du mâle et commence à marcher d'un pas qui se veut hardi. Elle ne le regarde même plus et laisse plutôt ses yeux se balader sur la forêt qui les entoure quand elle reprend la parole d'une voix redevenue tout à fait normale, presque candide, pour parler de finalement tout autre chose. Comme si la scène précédente n'avait jamais eu lieu.

— Mon père a plusieurs yeux. Comme toi. Et d'autres parties du corps en plus, parfois. Le tiens aussi ?

La louve approche le nez à quelques centimètres d'un champignon, s'y intéresse une seconde à peine avant de repartir vers n'importe quel autre point qu'elle décidera devenir nouveau centre de son attention.
Ignorance volontaire des mots étrange dont il est pourtant si fier ; assurance outrancière à arpenter ce qu'il considère être son domaine.

Asaravos

La louve se détourne de lui mais elle ne s'en va pas non. Oh que non, elle fait bien pire que ça, elle l'ignore, volontairement, juste avec un petit sourire juste pour aller s'intéresser même pas trente seconde à un champignon afin de bien montrer que ce n'était en rien un intérêt soudain pour la botanique locale. Asaravos lui bouillonne, fulmine, enrage d'être ainsi ignoré avec tant d'arrogance par cette moins que rien perdue dans les bois.
Alors pour exprimer tout son mécontentement, le mâle bleu vint écraser le champignon, le piétinant allégrement avant de faire de même au prochain élément auquel l'insupportable inconnue ferait l'erreur de s'intéresser et ce avant qu'elle ne s'en détourne – là était tout l'intérêt premier.

Ses paroles cependant lui restent en tête et lorsque la colère d'Asaravos diminue suffisamment pour qu'il prenne le temps d'y réfléchir, son expression changea pour celle de la surprise puis de l'intense réflexion.

« Attends... c'est quoi ton père ? Un démon ? Nan mais parce que ça change beaucoup de choses. »

Si c'était le cas, la louve était au moins à demi démon, ou un quart comme eux, du moins serait de toute évidence un peu moins nulle – mais alors un tout petit peu – que ce qu'il avait imaginé. Garbann aussi et s'il connaissait d'autres démons, sans doute qu'il était moins inutile que ce qu'il en avait l'air.
Plissant les yeux, Asaravos fit le tour de l'inconnue, l'examinant d'un regard juge sous toute ses coutures, étant celui cette fois ci qui n'hésita pas à bafouer allégrement l'espace personnel.

« Ouais, bah même si c'est le cas, t'as quand même l'air d'une grosse nulle. Mes sœurs et moi on reste quand même largement au dessus de toi. »

Même Vanitas était au dessus d'elle même s'il était trop prétentieux.

Une patte vient s'abattre sur chaque chose qu'elle décide d'examiner.
Pour seule réaction chez la louve, parfois un bref sursaut par réflexe de son corps - un de ces rares et étonnants gestes qu'elle n'a pas besoin de commander. Les yeux qu'elle lève sur le loup bleu sont, eux, profondément peu expressifs. Lui s'enferme dans sa colère, dans cette frustration dont elle ne s'étonne nullement - c'est à peu près ce à quoi elle s'est attendue de sa part, en l'ignorant ainsi - mais en face, Apparence l'observe faire avec un calme plat. Qu'importe combien de plantes, champignons et insectes il écrase - elle en trouvera toujours un autre vers lequel se tourner, sans s'émouvoir du sort du précédent.
Cet orage-ci passe, à son tour. Et le voilà de retour vers elle, un peu changé, suffisamment intrigué par les mots qu'elle aura livrés pour finalement bien vouloir s'y intéresser. Alors en retour la jeune louve cesse aussi de se dévouer à la forêt et se laisse examiner par l'autre adolescent, pas le moins du monde dérangée par l'invasion de son espace personnel.
Il continue de beaucoup parler. De vouloir s'affirmer.
Encore elle enregistre, les pupilles fixées sur le visage du mâle aux cheveux blancs. C'est à elle de jouer, maintenant : de retrouver le fil qu'elle veut dérouler, de déplacer les pions qu'elle veut engager.

— Certains disent monstre. Dans les clans. C'est comme démon ?

Sa tête se penche légèrement, elle insuffle à son expression comme au ton de sa voix un peu de curiosité naïve - il y a bien des choses qu'elle ignore encore, après tout - et une forme de désolation.
Comme si les noms dont on pouvait affubler son père la touchaient d'une quelconque façon que ce soit.
L'étranger s'est appliqué à examiner tout son corps, mais il ne s'y prend peut-être pas très bien - ou bien son subterfuge est efficace, car il ne remarque pas ce qu'elle cache sous les quelques tissus qu'elle porte. Au vu de la tournure de la conversation, Apparence estime que c'est certainement le moment opportun. De révéler, pour la première fois en-dehors des membres de sa si réduite famille, ce qui s'accroche à son flanc.
Du bout des crocs, la jeune louve attrape le pan de son vêtement et tire dessus. Attachée le long de son flanc, contre ses côtes maigres pour ne pas trop bouger, se trouve une cinquième patte. Un troisième antérieur, atrophié et inerte, qui lui appartient mais ne lui obéit pas.

— Ça aussi, c'est un peu monstre ou démon ?

Calme et vulnérable devant ses quatre yeux inquisiteurs, elle fait soudain de lui référent et confident. Qu'importent les insultes auxquelles elle n'est pas sensible, tout comme elle n'est pas sensible au reste : il est pour elle quelque chose d'entièrement nouveau, un terrain d'expérimentation. Il a des similitudes avec les autres, mais il en est aussi très différent.
Du peu qu'elle peut dresser comme portrait des deux...
Ce solitaire est peut-être bien la figure qu'elle peut dresser, dans son paysage, comme étant la plus en opposition à Nyu.
Puis, avec un petit sourire qui se veut presque amical, elle ajoute...

— Tu as de la chance d'avoir deux sœurs. Elles sont comme toi ?

Seules dans la forêt, avec des yeux en trop ou peut-être, comme elle, des pattes ? Un peu monstre, un peu démon ?
Spéciales, elles aussi ?

Asaravos

« Non, c'est nul les monstres et ils sont aussi stupides que les fées. »

Asaravos plissa le museau, à la fois déçu et toujours aussi méprisant. Le commun des êtres pathétiques pouvaient confondre les monstres et les démons, voir, dans la grossièreté de leur ignorance, les rangeaient dans le même panier alors que là où les monstres n'étaient que bêtes stupides, les démons pouvaient être la main qui les contrôlaient s'ils le désiraient -ou se suffisaient à eux même.
La louve fit alors quelque chose d'un peu surprenant, elle se déshabilla, ôtant sa cape comme ça sur un coup de tête avant de dévoiler la raison du pourquoi. Elle avait sur le dos une patte supplémentaire. Spécificité étonnante, suffisamment hors norme pour qu'Asaravos la juge un instant un peu stylé. Il vint la poquer du bout d'une griffe comme on viendrait piquer le cadavre d'un truc supposé mort du bout d'un bâton pour voir s'il y aurait une réaction.

« ça peu être démon. Tu fais quoi avec ? Si c'est juste là à servir à rien, c'est naze. »

Ceci dit, est-ce que ça serait si étonnant que la louve le soit, naze, malgré sa patte en plus sur le dos ? Ça lui donnait tout de même des idées au mâle bleu, il devrait essayer d'en greffer sur le dos d'un rat ou d'une grenouille tiens durant ses prochaine expérience. Neisseria allait adorer.
D'ailleurs l'autre s'intéressa à ses sœurs, posant des questions à leur sujet.

«Aconit, j'suppose que oui. » Pour qu'il puisse être un duo interchangeable. « Neisseria, non. Un démon partage la moitié de son corps. »

Il fronça les sourcils, plissant à nouveau le museau pour montrer un croc.

« Ce qui la rend mille fois plus cool à toute vos misérables existences. »

Et il ne laisserait pas les ringards de ce monde penser le contraire ou la contredire d'être la plus jolie.