Rêver j'en ai l'habitude | Ottar

L'atmosphère était étrange au Castel. Pleine d'écho qui habitaient les tanières vides, pleine de traces qui vieillissaient et s'effaçaient au vent, d'odeur que les jours passant rendaient pâles. Il y avait d'avantage de fantômes que de vivants entre les mur de la forteresse Etelkru. Peut-être était-c cela qui troublait Bellamy depuis plusieurs nuits. Lui qui pensait avoir mis de côté les remous de son passé, depuis le temps, s'était venu assailli de mauvais rêves. Ses yeux cernés et ses traits tirés montraient à quel point cela le tenait loin du sommeil réparateur, et il s'était finalement décidé à aller en toucher un mot à un guérisseur.

Seulement voilà, la tanière des Panseurs s'était faite aussi déserte que le reste. Il savait que l'un d'entre eux était resté, le dénommé Ottar - facile à repérer, un immense loup au pelage noir et vert, mais ne l'avait pas croisé jusque là. Alors que le matin se levait après une nuit agitée, et avant que le soleil n'aie point à l'horizon, le loup sombre louvoya entre les roches jusqu'à la grotte qui émanait une odeur âcre-douce de fleurs et d'anciennes maladies. Un parfum qui ne mettait pas à l'aise, mais qui ne pouvait pas cacher la présence de quelqu'un à l'intérieur.

Bellamy s'immobilisa à l'entrée et toussota pour indiquer sa présence.

De près, ce loup paraissait encore plus grand, plus massif, plus impressionnant. Il était surprenant que les chefs aient accepté qu'il soit guérisseur, car sa force en aurait sûrement fait un guerrier redoutable. Il suffisait sans doute qu'il se montre simplement sur un champ de bataille pour refroidir ceux qui se trouvaient en face ceci dit. Bellamy s'ébroua et répondit :

"Bonjour, je..." Comment pouvait-il formuler la chose sans que ce soit trop étrange ? "Je cherche un remède contre... les cauchemars."

A mesure qu'il prononçait ces mots, il se rendait compte du ridicule que pouvait avoir la situation. Dans la bouche d'un louveteau, elles auraient fait sourire, dans celle d'un adulte elles faisaient ans doute rire. Or la dernière chose qu'il voulait était qu'on ne le prenne pas au sérieux. Il coucha les oreilles et ajouta :

"Je suis troublé toutes les nuits par... de mauvais souvenirs. J'ai peur que mon efficacité pour la meute n'en pâtisse."

Ca sonnait déjà un peu mieux, même s'il avait comme un goût amer dans la bouche.

Le guérisseur le lorgna un instant avant d'aller fouiller dans le contenu des étagères aménagés dans la tanière. Il n'eut pas l'air de le juger pourtant, ni de juger son trouble ridicule, et le mâle ombre le remercia muettement pour cela. Sa crainte que cette information remonte aux oreilles des alphas et les fasse douter de son utilité pour le groupe demeura, mais au moins on ne pourrait pas dire qu'il ne cherchait pas de solution. Et puis il continuait ses travaux habituels chaque jour malgré la fatigue croissante, sans se plaindre ni prendre de repos supplémentaire.

"Merci." Répondit simplement le mâle lorsqu'Ottar lui détailla comment ils pouvaient procéder.

Ca paraissait plutôt simple ; quelque-chose pour mieux dormir le soir et pour avoir plus de forme le matin. En espérant que ça fasse rapidement effet pour qu'il puisse retrouver on entrain matinal.

Tandis que l'autre fouillait dans les plantes, diffusant autour d'eux des parfums entêtants et variés alors qu'il faisait bouger feuilles et pétales séchés, Bellamy l'observa plus en détails. Outre sa carrure impressionnante - la hauteur de ses pattes était quasiment celle du mâle noir tout entier - il avait aussi une paire de cornes sur le front. Ss griffes étaient rouges et son pelage en nuances d'un gris un peu rougi et de vert très pâle. Bellamy n'avait jamais vu les loups du Monde Perdu, les Dires, mais il en avait entendu parler. Il se demanda quelle taille devaient faire ces colosses si ce loup-là n'était qu'à moitié de leur sang.

"Vous êtes guérisseur depuis longtemps ?" Demanda-t-il prudemment.

Il s'écoula un long moment durant lequel le silence n'était troublé que par les bruissements de plantes et le rythme tranquille de leurs respirations, avant que le grand mâle ne finisse par parler. Pas pour lui répondre, tout d'abord, mais pour lui expliquer en détails quels remèdes utiliser quand et en quelle quantité. Il y avait, comme il le lui avait présenté, des petits tas pour le matin et le soir, ainsi qu'une brassée de feuilles à mâcher s'il en ressentait le besoin. Parfait ; l'ancien solitaire serait tout à fait autonome avec tout cela, en espérant ne pas avoir besoin de revenir de si tôt. Il hocha la tête aux diverses explications et ramener d'un geste délicat tout ce paquetage vers lui.

Puis Ottar raccrocha la conversation en répondant à sa question ; ainsi, ç'avait été une vocation pour lui depuis l'enfance. Bellamy savait qu'il faisait partie des Etelkrus depuis sa naissance, il supposa donc qu'il n'avait jamais eu d'entraînement pour d'autres fonctions dans le groupe.

"Ca dépend." Répondit-il à son tour. "Ici vous appelez solitaires ceux qui ne sont ni Etelkrus, ni Nakhus, ni Raeders. Je ne faisais pas partie de ces groupes, mais je ne vivais pas sans clan."

Il secoua la tête et ajouta d'un ton un peu plus sombre.

"Cette partie de mon histoire est celle que je revis la nuit."

Il supposa que le grand loup n tirerait les conclusions qui s'imposaient, à savoir que cette période troublée de son passée avait suffisamment été chargée en traumatismes pour qu'il ne soit toujours pas parvenu à s'en débarrasser.

"Et toi, ton père vient du Monde Perdu, c'est ça ?"