Animal Impulses — Libre

Est-ce notre sang que nous sentons ?
Là dans les abysses, il avait la même sensation qu’au moment de leur naissance. Une lutte nécessaire, contre les autres, pour se frayer un chemin. Jusqu’où, ils l’ignoraient encore. Les pattes écrasées, les griffes déchiraient, les crocs broyaient, rien ne les toucherait.
Rien ne les atteindrait.
De leur gorge monte le grognement, les hurlements quand la gueule s’ouvre, laissant apparaître les multiples yeux colorés. Veth les avait envoyé dans ce trou, mais ils ne mourraient pas ici.
Jusqu’à ce que tu viennes nous chercher petit frère.
À force de grimper, quelque chose qui vient bloquer leurs griffes. Un grommellement, un peu de douleur aussi quand ils doivent forcer pour se hisser à travers la brèche. Les cris d’agonies des autres, qui cherche à les retirer dans la fosse. Un cri de douleur qui leur échappe, à chaque effort pour s’en sortir, un liquide noir qui s’écoule de leur corps, épais.
Nous perdons en taille.
En force aussi.
Derrière eux, la brèche qui se referme soudainement, alors que liquide noir visqueux dévoile progressivement une silhouette. Les yeux vairons se posent sur des pattes dotés de petites griffes, quand Ombre s’étend au-dessus de Vell, approchant ses yeux tourbillons de sa moitié.

« — Ah. »
« — Nous sommes revenus ! »

Lui émet des cliquetis amusés, quand un grognement monte dans la gorge de Vell. La lune brille au-dessus d’eux, leur épargnant la désagréable lumière du soleil.
Combien d’années s’étaient écoulées en leur absence ?
Vell reste assise, réadoptant cette expression blasée.
Nous avons faim.

Emilitia

C'est une sensation connue, une brèche dans ce monde comme lorsque Illidan appelle les démons de l'autre monde et ouvre un portail. Sauf que son abominable petite réincarnation dormait paisiblement en cette nuit de ciel clair comme un être presque normal. Alors la démone se lève, quitte cet état de sommeil qu'elle avait elle aussi il y a encore quelques secondes pour répondre à ce presque appel. Cela est proche, dans la Sylve, mais au-delà de ses runes, l'obligeant à quitter la Forêt Brûlée dans un pas silencieux.
Il y a d'abord les traces de ténèbres visqueuses, comme un concentré néfaste de quelque chose qui aurait pu être proche de son propre sang. Et en remontant la piste, alors que celle-ci s'estompe, que la substance finit par disparaître, deux silhouettes familières se détachent entre les buissons encore garnis et l'ombre de la brume nocturne.
Emilitia redresse les oreilles. Ces voix, elle les reconnaissait.

Elle accélère un peu le pas pour rattraper et s’annoncer. La noire ne s'est pas vraiment apprêtée non plus et sa longue tignasse est aussi sauvage que son pelage mal peigné tandis que le masque a été oublié, laissant luire dans la nuit les deux deux yeux bleus à la pupille fendue.

« Vous êtes revenus. »

Vell et Ombre avaient disparu si soudainement qu'Emilitia avait presque cru qu'ils avaient fini par se faire tuer, c'était si plausible dans ce monde où les dieux de Lumière régnaient. C'était assez satisfaisant de savoir que les deux démons faisaient leur réapparition alors que la Demoiselle Rose elle, avait fini par disparaître.

Ombre émet des cliquetis, quand à l’approche d’une présence, Vell laisse sa tête tomber vers l’arrière, ses yeux varions étudiant la petite silhouette noire.

« — Oh »
« — Regardes c’est- »
« — -notre semi-démon aux ailes noires ! »

Le démon reprend une posture normale, s’approchant de la solitaire. Donc, si cette dernière était encore en vie (visiblement pas trop vieille ?) cela signifiait que leur absence n’avait pas trop duré. Hum. Vell ne sait si cela est une bonne ou une mauvaise chose.
Peut-être un peu des deux.
Ombre ravi, vient s’étendre jusqu’à l’ailée.

« — As-tu toujours ton petit démon avec toi ? Cela fait bien longtemps, as-tu dévoré quelques lumières en notre absence ? Et tes petites Ombre, ont-elles grandi ? »

Vell leva les yeux au ciel.

« — … Ombre… »
« — Tu nous as apporté à manger ? »

Tout en parlant, Ombre se déplace autour d’Emilitia, visiblement très enthousiaste.

« — … hum… »

Emilitia

Il y a beaucoup de questions mais à Ombre, Emilitia prendra le temps de répondre. La noire ne sait pas encore si le duo peut être considérer comme des amis au même titre que l'était la Demoiselle Rose ou non mais de toute évidence, ils sont présence semblables appréciables.

« Drippir est toujours là mais je crains qu'il ne parvienne plus à garder le corps physique qu'il occupe en ce monde encore très longtemps. Il est resté près des petites ombres, elles ont bien grandi oui et dévorent les lumières de ces bois, beaucoup de fées en général »

Et une grande quantité de grenouilles et de rats.

« Beaucoup de choses se sont passées, certaines ombres se sont affirmés, d'autres réincarnées et quelques alliés, non démon mais partageant un sang noir s'opposant aux dieux se sont éteint. »

C'était les nouvelles, mais Emilitia n'était pas certaine que ça les intéressent dans leur entièreté ou qu'ils sauraient à quoi se référer. Ce n'était pas bien grave. Les démons réclamait de la nourriture et c'était sans doute ce qui risquait de les obnubiler dans l'immédiat.

« Non, mais je peux trouver. »

Oh, donc les démons mineurs finissent par s’estomper de ce monde au bout d’un certain temps… Cela leur serait-il arrivé, à eux, si ils n’étaient pas retournés dans le Néant quelques temps ? Qui sait après tout, ce qu’on fait les magiciens à cornes en les maudissant la première fois…
Ombre se montre toujours curieux, adopte une expression un peu pensive.

« — Quel goût ont-elles, les lumières de ces bois ? »
« — … plus ils sont lumineux, meilleurs ils sont. »
« — Oui ! Bien meilleures que les petits démons que nous avons mangé, là en bas. »

Oui, le goût n’était pas comparable. En bas, ils empestent tous, leur goût se rapproche de celui de la charogne.
Plus le démon est pourri, plus le goût l’est aussi.
Comment fait-il, notre frère dévoreur, là en bas, pour trouver plaisir à dévorer les nôtres ?
Vell malgré son air habituellement ennuyé, écoute les paroles de la noiraude, qui parle de certaines ombres.

« — … Réincarné ? »

Ce ne sont que des ombres ici, pas des démons. La mort n’évoque rien au démon qui conserve la même expression. À la remarque sur la nourriture, Ombre émet des cliquetis enthousiaste.

« — Oh oui ! »
« — … mangeras-tu avec nous ? »

Après tout…

Emilitia

Elle ne savait pas vraiment quoi répondre aux deux démons. Emilitia se satisfaisait de dévorer sans spécialement s'attarder sur la sensation provoquée en gueule. Les fées étaient une piètre vengeance en attendant les Lumières portées fièrement par les fidèles des divins mais nourrissait sa progéniture qui était parvenue à grandir jusqu'à un âge où ils cessaient d'être vulnérables. Elle laisse les deux démons s'exprimer à ce sujet sans intervenir, gardant simplement ses deux yeux bleus sur eux. Elle n'était pas certaine qu'ils attendaient véritablement une réponse de sa part après tout.
Emilitia répond tout de même à l'interrogation de Vell.

« Mon oncle est parvenu à se déplacer vers un corps plus jeune. Ce n'est pas parfait cependant, il y a comme un conflit entre les deux âmes, il ne domine pas toujours. »

Et Illidan n'était plus qu'une ombre enfermée dans un corps certes pas aussi rachitique que son précédent mais qui pourtant semblait posséder une forme de fragilité malgré sa calcification du côté gauche.
La noire se détourna du duo, invitant les deux démons à l'accompagner d'un mouvement de queue alors qu'elle ouvrit la marche vers quelques coins de la Sylve qu'elle avait remarqué être quelques fois habités.

« Selon la chasse, peut-être."

Si elle s'avérait plus fructueuse que celle à la licorne qui n'avait rien sur donner de plus existant qu'un renard.

En voilà, une bien étrange ruse pour échapper à la mort. Les âmes des mortels étaient réellement fascinantes, leur volonté de vivre aussi. Vell penche son museau, pensive. Ce genre de magie ne fonctionnerait pas sur un vrai démon, eux qui sont dénués d’âmes. Un rituel qu’Ombre et elle ne pourraient jamais lancer, mais intéressant à connaître…
Un nouveau paiement que nous pourrions offrir.
Les conflits de deux âmes en un seul corps… dans les abysses, Vell avait connu les démons partageant un seul corps, une création imparfaite. Généralement ces monstres étaient dérangés.

« — L’une doit dévorer l’autre ou parvenir à ne faire qu’un. »
« — Sinon ce sont eux qui se feront dévorer hihi. »

Le démon tourne la tête vers sa moitié.

« — Quel goût peuvent-elles avoir ces âmes à ton avis ? »
« — Si ce sont des âmes pourries, leur goût ne doit rien avoir d’attrayant. »

Hum. La longue queue noire ondulée au-dessus du sol à réponse de leur amie ailée. Vell s’avance, lève le museau à la recherche de leur repas. Cet endroit était celui qu’Ombre et elle avaient le plus arpentés sur ces terres.
Pas de secrets.
Un mouvement qui attire son attention, petite silhouette qui disparaît dans les fourrées. Renard.

« — Ils sont aussi nombreux qu’avant notre départ. »
« — Peu de chair… rien qui ne suffira à nous rassasier. »

Leur ventre était vide.

« — En as-tu trouvé de nouvelles âmes à corrompre en notre absence ? »

Emilitia

« Ce sort lui appartient, le problème qui en découle ne concerne que lui. »

Son oncle avait changé suite à cette ultime réincarnation, imparfaite. Il avait cessé d'être la tête guide, rôle dont s'était accaparée Emilitia en devenant, suite à la naissance de ses enfants, la matriarche de leur petit groupe de démons. Le Témoin n'avait d'Illidan plus que le résidus de quelques souvenirs et surtout, essentiellement, les connaissances précieuses qu'il pouvait encore transmettre lorsque qu'il était celui qui dominait sur l'autre.

« De par son passif, je ne doutes pas qu'il puisse être l'âme la plus infâme à dévorer. Elle n'a pas passé qu'une unique vie à pourrir toujours plus. »

Il pourrait presque devenir lui même démon.

Emilitia reprit la concentration de la chasse. A elle aussi, les oreilles se dressent au passage d'un renard mais ils n'intéressent pas les deux démons véritables qui le laissent filer, alors elle aussi l'épargne et le laisse disparaître dans les taillis.

« Les enfants de l'amie disparue, pour qu'ils ne se laissent corrompre par la lumière. »

Le fils était prometteur, la fille, la demi-démone n'était pas sûre qu'elle survivrait dans le temps. L'impact de la situation nouvelle semblait être un poids trop lourd à porter sur ses frêles épaules. Parce qu'elle est l'enfant tant attendu, Emilitia lui accorde quelques efforts supplémentaires.

Une pomme de pin vint rebondir sur la surface de son masque, lui faisant relever le museau. Il n'y a cependant pas de proies.