Une odeur de sang et de cendre (Aconit)

Garbann était retourné à sa tanière pendant quelque jours, pour consigner ses recherches au calme et surtout profiter un peu de sa solitude. Il aimait bien les gosses mais à petite dose. Faut dire que les mioches d'Emi n'étaient pas de tout repos, sans compter Zarakh dont il devait toujours régler le problème. Med était partie faire des recherches et ils c'étaient donné rendez-vous pour faire le point. Mais lorsqu'il était revenue chez lui personne n'était là. Il était resté quelque jours, peut-être sa soeur avait-elle besoin de plus de temps ? Mais malgré l'attente elle n'était pas revenue. Alors après avoir gribouillé un petit mots pour lui dire qu'il était passé, et qu'il reviendrait d'ici une ou deux lune il avait repris le chemin de la sylve.

La matinée était plutôt clair, quoi que fraiche, ça restait un temps adéquat pour voler. Le trajet était plutôt rapide quand on avait des ailes et il ne lui fallu que quelques heures pour regagner la sylve et sa zone brûlé qui était maintenant le nouveau repère des démons.
Mais lorsque ses pattes se posèrent sur le sol, sa fourrure se dressa. L'ambiance était étrange, il avait un mauvais présentement. C'était trop calme... Il s'approcha et sa truffe capta un odeur dans l'air, celle de ce clan, celui des Etelkrus et d'ailleurs il lui semblait la connaitre, celle de ce guerrier que lui avait présenté Emilitia. Et en plus de cette odeur l'air était saturé d'un parfum de chair brûlé et de sang. Il c'était passé quelque chose. Est-ce que que la corps monstrueux qui abritait son ancien mentor avait refait un rituel démoniaque, ou alors était-ce Vanitas ?
Il espérait de tout coeur parvenir à remettre le jeune sur le droit chemin mais tout ce qui se passait tendait à l'opposé.

Il s'approcha, prudemment, méfiant, mais rapide, espérant qu'il n'était rien arrivé à ce jeune écervelé et à Aconit, comme un renard il se glisse entre les arbres attentif au moindre bruit, à la moindre odeur et devant lui fini par s'élever la silhouette blanche d'Aconit.

-Aconit ! Qu'est ce qui c'est passé !?

Il détaillait la louve de haut en bas vérifiant qu'elle n'était pas blessé.

Aconit

A elle, son frère, sa sœur, ses cousins, ne lui avaient pas accordé une patience suffisante pour voir une dernière fois sa mère ni une première fois celui qui l'avait tué. Nour et Sadja étaient partis quasiment aussitôt si bien qu'elle n'avait pas pu non plus dire au revoir à ce dernier. Il était évidence que pour eux tous, à chacun leur niveau, la mort de celle qui était la mère et la matriarche de leur famille avait déclenché en chacun une chose qui les changerait à jamais désormais.
Aconit, elle, lorsqu'elle apprit les derniers événements et les décisions qui se sont faite sans l'attendre, lorsqu'elle découvrit le nouveau visage de sa famille, sentit l'ampleur de la fracture qui la séparait des autres. C'était un gouffre qui s'ouvrait à ses pattes sans qu'elle ne sache quoi faire devant, avec sa fratrie qui s'éloignait de l'autre côté vers une noirceur qu'elle ne portait même pas sur le pelage contrairement à eux.

Aconit était perdue, là seule au fond de ces bois brûlés qui l'avaient vu grandir. Sa mère n'était plus et son monde semblait à présent si vide de sens. Tout les préceptes qui avaient bercé son enfance lui semblaient bien plus vides et creux qu'ils ne l'avaient jamais été. A quoi bon mener ce monde à sa fin si celle pour qui cela avait un sens n'était plus là pour l'expliquer. Il y avait beaucoup de choses qu'Aconit n'avait jamais vraiment compris mais ce désire si grand de deviner l'approbation derrière le masque blanc avait eu un sens suffisant pour que la louve blanche suive cette voix. De sens à présent, il n'y en avait plus vraiment, juste l'immense vide au fond du cœur et la sensation de vertige face à celui-ci.
Il y avait pourtant une chose naissante qui chercha à occuper la place. Une peur née de la fracture, qui portait l'odeur de la chaire brûlée, celle aussi des miasmes et de la pourriture qui devenait insupportable malgré la familiarité, comme un avertissement au monde. Un mal dormant s'était éveillé et malgré son éducation, son instinct ne pouvait le cautionner quand elle sentait en parallèle que sa fratrie en était l'origine.

Parmi les arbres morts apparue alors la silhouette de Garbann, le visage inquiet. Il devait lui aussi sentir que les choses avaient changées.

« Maman a été tuée. »

Énoncé ce fait à voix haute la saisie dans ses entrailles.

« Et je crois que Neisseria et Asaravos vont faire quelque chose de grave. »

Si ce n'était déjà fait.
Eux semblaient vouloir à présent, incarnés les récits de leur mère maintenant qu'elle n'était plus là pour les narrer.

Le silence les enveloppent glaciale, et ce lieu sans vie, coupé du monde lui semble soudain encore plus désert. Les tonalités grise, le sol rêche sous ses pattes, l'air sec et les squelette d'arbre noirci autour d'eu semblaient s'étendre avalant chaque parcelle de lumière. Ce lieu n'avait encore jamais été autant en rupture avec le reste qu'en cet instant. Ça avait quelque chose de malsains, d'oppressant.

Les yeux ivoire de Garbann se fixe sur la jeune louve au pelage immaculé. Son esprit était vide, blanc, autant que l'espace autour d'eux.
Emilitia avait été une sorte d'amie, même s'il n'avait jamais su réellement déterminer si il l'aimait bien ou si c'était seulement une sorte de fascination malsaine pour ses penchants les plus sombre. Il n'avait jamais vraiment pu comprendre leur relation au final et sa disparition créait un sentiment étrange en lui qu'il ne savait trop expliquer.
Finalement ça ne le touchait pas vraiment... Il c'était un peu détaché de cette famille accaparé par ses propres préoccupations. Mais s'il n'était pas plus accaparé que ça par le sort de la mère il n'en était pas de même pour la fille.

Aconit avait su éveiller en lui une sorte d'instincts paternelle, une envie de partage et d'apprentissage, d'échanges et de découverte. Elle était à ses yeux de loin la plus viv et la plus intéressante de la fratrie et la voir ainsi, le regard perdu et l'expression déformé par la tristesse lui serrait le coeur.
En réalité tout ceci ne le surprenait pas. Emilitia avait toujours flirté avec le danger. Sans parler de ses projets de destructions et de tous ces rituels malsain. Un drame était inévitable, il l'avait toujours su et c'est même sens doute pour ça qu'il était en partie resté, peut-être pour tenter de recoller les morceaux du mieux qu'il pouvait, d'offrir un abri à la tempête qui s'abattaient sur eux.

Aconit avait l'air totalement désemparé. Il s'approche d'elle, les ailes à demi ouverte comme s'il tentait de la préserver du froid. Ce qui était arrivé lui importait peu, si Emilitia était morte il n'y avait plus rien à faire de toute manière. la seule chose qui le préoccupait c'est comment se sentait la jeune louve. Sa voix se faisait plus douce quand il demanda:

-Et toi, tu n'as rien, ça va ?

Ce que les autres projetait de faire ou avait fait, il ne préférait pas savoir, ils avaient le dons de le mettre mal à l'aise et avec Illidan et Vanitas derrière ça ne pouvait être rien de bon. Il ne voulait plus se laisser happer par cette noirceur, et il voulait en protéger Aconit comme il avait voulu le faire avec Vanitas sans grand succès.
il était maintenant en face d'elle, les ailes déployé autour d'eux comme pour leur créer une bulle de sécurité. il ne la touchait pas pour autant. Lui laissant faire le premier pas si elle en ressentait le besoin.

Aconit

Elle ne regarda pas vraiment Garbann, le regard rubis derrière les verres noirs de ses lunettes quitta rapidement le mâle ailé pour venir regarder les pattes et le vide du sol. Peut-être à cause de ce sentiment un peu plus sécuritaire qu'Aconit pouvait ressentir auprès de Garbann, la louve blanche laissa son expression coulée vers quelque chose de plus misérable, se laissa à se courber un peu, à faire tomber ses oreilles à l’horizontal, à se laisser abattre par le poids du monde et du chagrin. En la présence du mâle sombre, à l'abri de ses larges ailes, elle s'accorda à être un peu plus vulnérable.
Un signe négatif de la tête à la question qui lui est posée.

« Je n'étais pas là lorsque c'est arrivé. »

Et son frère n'était pas ce genre de loup qui se blessait.
Mais il avait des penchants étranges qu'Aconit avait eu tendance à vouloir éviter. Et là, en ce jour de la mort de leur mère, elle sentait sa colère. Elle était si grande, si profonde qu'elle outrepassait leurs échangent, demeurait au fond de cœur comme si elle cherchait à gangrener sa propre âme. Ça, Aconit ça l'effrayait, autant que l'absence de leur mère.
La blanche ne vint pas au contact de Garbann, si sa mère avait été parfois tactile, elle ne l'était pas pour les consoler, n'accordait pas son attention pour ce genre de chose. Cependant ses larmes lui montèrent aux yeux alors que sa gorge se serrait. Dans les récits de son enfance, dans ces paroles qui les avaient bercé, il y avait quelque chose de faux en ce qui la concernait. Sa mère avait eu tord, Aconit n'était pas si courageuse que ça. Sa voix tremble lorsqu'elle relève enfin ses yeux vers ceux de Garbann.

« Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? »

Cette question, elle ne voulait pas la poser si à Vanitas, ni à Neisseria, de peur de leur réponse.