Never give up — Libre

Caliban avait penché la tête pour mieux observer les croquis de Gottie. Son frère se tourna vers elle, souriant, avant de se concentrer à nouveau sur sa tâche. Emmitouflée dans son écharpe, la petite louve s’éloigna de quelques pas, observant le grand arbre. Pouvait-il être escalader ? La vue là-haut devait être vraiment très jolie.
Concentrée, elle grimpa sur un noeud du tronc, qui l’éleva de quelques centimètres. Ses petites ailes remuèrent doucement. C’était déjà un petit pas de fait. Levant son museau, elle se hissa sur un deuxième noeud, un sourire ravie aux babines.
Que verrait-elle tout là-haut ?

L'hiver dans la Moere est moins rude qu'ailleurs.
Il a eu l'occasion de s'en rendre compte, au fur et à mesure que la saison froide s'installait en même temps que lui et sa fratrie grandissaient. Ils ne s'en sont plus cantonnés aux alentours de la tanière ainsi qu'au Castel - peu à peu, ils ont agrandi le champ des explorations et des expériences. Et ils étaient pas si loin de leur première année, déjà ! En tout cas, il a déjà pu se faire une idée de cette saison aux arbres tristes et au vent frais : il aime pas trop. Comme Papa Dez, qu'il sait ne pas aimer l'hiver non plus. Et puis MamAnita préfère le printemps, aussi. Bref, une famille dont chaque membre était né durant un hiver mais qui n'en était majoritairement pas fan. Assez marrant, quand on y pense.
L'adolescent est perdu dans ses pensées au milieu des racines et des étendues d'eau boueuse, la gueule pleine de fleurs et plantes en tout genre, quand il entend les bruits caractéristiques de la présence d'un congénère. En ayant grandi ici, il a appris très tôt à différencier les sons produits par les marais au quotidien de ceux que faisaient les loups - surtout les non-initiés. Mylo tourne la tête, curieux, et voit une silhouette beige et bleue s'échiner à grimper un arbre.

Euh... C'est l'arbre de Kiro, non ?

Bon, de ce qu'en dit maman, il en aurait pas grand chose à foutre que quelqu'un s'amuse à l'escalader. P'têt même qu'il était bien installé quelque part, invisible, à regarder la scène avec intérêt et à s'marrer.
Lui décide en tout cas de s'approcher - il croit pas l'avoir déjà rencontrée, cette enfant, qui est plus jeune que lui de quelques semaines ou mois - eh, quand on est bientôt un grand, ça compte toute cette différence ! En tout cas, elle a pas l'air méchante et si elle vient crapahuter ici, dans ce lieu jugé pas très accueillant par une majorité, ça valait peut-être la peine d'engager la rencontre. En espérant qu'elle serait bel et bien différente de certaines pimbêches du Castel.

Mylo pose tous les végétaux qu'il transportait, puis se racle la gorge pour s'annoncer sans lui faire peur. Si elle tombait à cause de lui, on allait l'engueuler.

—   Hey - hm, salut. J't'ai encore jamais vue par ici. C'la première fois qu'tu viens ?

Sa voix commence à muer sur des accents plus graves, changée par l'adolescence - mais elle porte encore les notes juvéniles de l'enfance. Il trouve ça bizarre, et il aime pas trop s'entendre parler en c'moment.
A l'autre enfant, il offre néanmoins un sourire bancal qu'il veut assuré.

Caliban leva une patte timide vers un nouveau noeud, avant de s’arrêter brusquement lorsqu’une voix vient l’interpeller. Ni son frère, ni un adulte. Un autre enfant, plus vieux. Doté d’oreilles particulièrement pointues et des moustaches défroissés. Un sourire chaleureux qui étire les babines de Cal, qui penche son museau en direction du loup.

« — Salut ! Oui, je découvre cet endroit… tu viens souvent ici ? »

Sa voix mélodieuse contraste avec la voix grave du loup au nez pointu.

« — Je m’appelle Caliban… Cal ça ira très bien ! Et toi ? »

L'autre jeune tourne la tête vers lui et leurs yeux se rencontrent. Les siens sont d'un bleu très clair, entourés de longs cils blancs qui les font encore plus ressortir. Il croit pas en avoir déjà vu, des yeux comme ça. Elle répond à son sourire par un des siens, et il en est déjà un peu rassuré : il a l'air sincère, ce sourire, pas là pour s'moquer de lui ou le prendre de haut. Bon, alors ça d'vrait bien s'passer, hein ?
C'est bien la première fois qu'elle découvre la Moere, et il est content de pas avoir dit une connerie. Elle retourne la question, d'une certaine façon, et il passe une patte derrière ses oreilles pour se gratter les cheveux.

—   Euh- ouais, j'suis né ici, en fait. Avec mes sœurs et mon frère.

Qui ne traîne pas dans mon sillage, j'espère bien.
Puis l'enfant se présente, et le sourire du jeune mâle se fait plus prononcé, dévoilant quelques crocs.

—   Moi c'est Mylo ! J'peux t'appeler Calie ?

Il trouve que c'est un peu mieux que Cal, puis ça lui rappelle un peu sa sœur, qu'il appelle Vali.
Lui, avec son prénom en deux syllabes, y'a pas trop de diminutif à trouver.

Caliban, descend d'un niveau, se rapprochant un peu plus de son interlocuteur. Son chemin ne croise que rarement celui des autres enfants, simple fruit du hasard. En tout cas, elle est ravie d'en croiser un aujourd'hui. A la mention de sœurs et d'un frère, les oreilles de la jeune ailée s'agitent doucement.

« — Oh... tu dois drôlement t'amuser ici ! »

Les coussinets de Cal touchent de nouveau le sol, quand Mylo vient lui proposer un autre surnom. Sa queue se balance doucement.

« — Tu peux, Mylo. » Elle marqua une pause. « Alors dis-moi, qu'est-ce qu'il y a d'intéressant à voir ? »

Ça a l'air de lui plaire, qu'il ait une fratrie. Lui grimace un peu et détourne le regard, comme pour lancer un regard suspicieux sur les fougères qui à tout moment peuvent cacher la tête d'un de ses adelphes.

—   Ouais, 'fin des fois c'est chiant aussi... Mais bon.

Remarque qu'il n'a pu empêcher de glisser entre ses crocs. Mais il se concentre plutôt sur l'autre gamine, fait un pas en arrière pour lui laisser un peu plus de place pour descendre de l'arbre et revenir sur un niveau égal au sien. Bon, ce sera Callie alors, c'est approuvé. Il lui répond d'un nouveau sourire un peu bancal tout en continuant de l'observer - elle fait toujours pas la gueule, elle le regarde pas mal, sa queue se balance... Tous les signaux sont bons - en attendant la suite, et voilà qu'il va devoir être guide touristique.
Aaah euh !-
Des trucs intéressants, techniquement, il y en a franchement plein. Mais là, il suffit qu'elle le lui demande pour que son esprit soit totalement VIDE. P'tain, le con, et voilà, il va passer pour un naze.
Bon. Temporiser, et improviser. Il a l'habitude, de ça.

—   Euh ! Plein d'trucs ! J'peux t'montrer, s'tu veux, mais faut marcher un peu.

Il rejette un peu la tête en arrière et lui offre un sourire plus franc, tous crocs dehors, l'invitant à le suivre d'un geste de tête enthousiaste.
Et pendant qu'il réfléchit à toute vitesse à qu'est-ce qu'il va bien pouvoir lui montrer, il faut tenir un sujet de conversation tout autre pour ne pas qu'elle creuse la question.

—   T'en as des frères et sœurs, toi ?

Si ils étaient aussi sympas qu'elle, ça lui plairait bien de les rencontrer aussi.
De traîner un peu ailleurs qu'avec juste sa famille.

L'idée d'avoir des frères et sœurs ne semble pas particulièrement ravir Mylo. Peut-être n'étaient-ils pas sympas avec lui ? Caliban penche son museau légèrement sur le côté.

« — Pourquoi ils t'embêtent ? »

Le voilà en tout cas prêt à lui montrer quelques coins sympas des marais. De sa démarche souple, l'ailée lui emboîte le pas, replaçant son écharpe rouge pour ne pas être gênée. Elle accorde un sourire franc au loup.
Un peu de boue n'a jamais fait de mal à quiconque.

« — C'est pas dérangeant ! »

Ses yeux bleus parcourent les alentours. À l'inverse de Mylo, elle n'avait pas de frères et sœurs du même âge, seulement un grand frère qui préférait de loin passer du temps dans la nature qu'au Castel.
Au moins se montrait-il présent pour elle.

« — Moui, un grand frère, c'est lui qui m'emmène dehors. C'est plutôt cool ! »

C'est tout ce qui lui reste de toute façon.

S'ils l'embêtent ? Mylo ouvre la gueule, prêt à répliquer qu'c'est surtout un des trois autres qui se révèle être chiant, mais il fronce légèrement les sourcils et se ravise. Dire que lui se fait embêter, vu comme ça, il est pas certain qu'ça lui convienne : il veut pas passer pour un pleurnichard qui a besoin de pitié ou d'être plaint ou quelque chose dans le genre. Qu'elle aille pas croire qu'il se laisse marcher sur les pattes ! Lui aussi, il embête très bien les autres, quand il faut et quand il veut.

—   Euh, 'fin c'est plutôt mon frère à qui j'dois souvent rappeler que j'suis techniquement le plus grand, tu vois.

D'un geste désinvolte de la patte, il balaie le sujet. Ses yeux furètent tout autour à la recherche d'un endroit connu, ses méninges travaillant à toute vitesse pour retrouver idée d'un itinéraire qui les amènerait à quelque chose de cool. Callie répond qu'elle a un frère, plus grand - suffisamment pour être en charge de s'occuper d'elle, s'il comprend bien ? Il tourne une oreille vers elle tout en gardant le regard porté vers la végétation dense.

—   's'appelle comment ton frère à toi ?

P'têt qu'il l'a déjà croisé, ou en a déjà entendu parler : ça s'ra toujours une information utile, en tout cas, que de savoir le nom du grand frère de cette louve qui est sympa. Autant espérer que l'autre le soit aussi.
Finalement, à force de bousculer son cerveau, Mylo a une illumination : il sait ce qu'il peut lui montrer, à quelques minutes d'ici à peine.

—   Ah ! Par là, y'a un truc super chouette, t'vas voir.

Et il s'y engage avec assurance, poitrail bombé et queue redressée, tournant vers Callie un sourire confiant et plein de dents.