Amasser [Lucian]

Le loup monochrome s’était rendu une nouvelle fois sur les terres sombres, à croire qu’il y résidait la plupart du temps, ou simplement qu’il se fascinait pour l’étrangeté de ces terres ou leur rénovation. C’était un lieu inhabité, bien peu commode, où l’on n’y faisait que des rencontres sporadiques, et cela semblait lui convenir. Il appréciait ce grand espace dépourvu de foule grouillante, sans déité pour surgir à l’improviste, sans histoire ou tout semblait à reconstruire.

Lui, il n’était ici que celui qui venait ajoutait sa pierre à l’édifice. Un rouage parmi un assemblage complexe, celui qui discordait encore parfois tout en s’harmonisant sur d’autres voies. C’était un de ces jours où l’on pouvait le voir marcher en direction du lac, joignant à son air renfrogné un pas lent et chaloupé. Alors qu’il était perdu dans ses méditations, son regard fut accroché par les couleurs bleus qui venaient détonné avec le gris monochrome dans lequel il essayait de se fondre. Son attention fut alors distraite, et son tracé dans la cendre fut corrigé. Franchissant un fossé par une ligne droite, couvrant ses pattes avant de boue et de limons, il vint à sa rencontre, stagnant à quelques mètres de la louve couverte de plumes bleues, lui semblait bien terne paré de ses nombreuses plumes noirs.

Il la fixa. Sans rien dire.

[attention les items de la terre sombre ne sont utilisables que pour terraformer la terre sombre]

Il ouvrit brièvement la gueule, sans qu’aucun mot n’en sorte, s’interrompit lorsqu’elle prit la parole. Alors, il ferme les mâchoires et pour trouver réponses à son tour. Se faisant miroir brisé autant par les paroles que par son apparence divergente. Il n’y avait d’accord et d’harmonie entre eux pourtant, ils n’étaient semble-t-il que cacophonie, lui tout de cendre vêtu, elle portant bleu royal comme parure et plumes effilées, décorés. Il jaugea ses propres plumes, son propre pelage monochrome.

À mon tour.

« Il ne me semble avoir eu connaissance de votre personne. »

Il ne l’avait jamais vu, ne savait si elle se faisait plutôt solitaire de passage ou nouvelle arrivante. Et à vrai dire, il ne prit pas vraiment le temps de faire disparaître ses interrogations puisqu’il était de coutume lorsque l’on t’offre un nom, d’en donner un autre en retour. Ce qu’il fit.

« Lucian »

Les aigrettes de plumes se couchèrent contre le crâne, l’une disparaît même sous ses mèches de cheveux poivre et sel.

« En effet, Sten’ est mon frère. »


Pourquoi tous évoquait toujours son frère, était-il si populaire ? Plus qu’il ne lui aurait semblé, plus qu’il ne lui avait avoué, lui qui lui avait dit se sentir aussi seul et démuni que lui, il ne semblait pourtant pas l’être tant que cela, puisque lui se trouvait une fois de plus comparé, désigné comme étant part de lui. Peut-être se sentait-il un peu à part, un peu oublié face à cette énième évocation.

Le loup plongea un instant son attention sur des fleurs de givre qui se dessinaient sur le sol, elles avaient été soufflée là, comme déposée par le dragon bleu. Il en cueilla quelques résidus, se demandant bien à quoi cela pourrait bien lui servir.

Il n’avait pas ajouté grand mot, s’était contenté d’énoncé la brièvement d’un nom, certainement pour la raison qu’il n’avait pensé que les attentes pouvaient être autre que celle-ci. Une croyance qu’une réponse plus complète n’aurait pu apporter plus de satisfaction à la louve et sûrement, son absence d’aisance qui l’avait conduit à ne pas relancer plus en avant la conversation. Il n’avait guère nourri le dialogue, se laissait porter par les questions et interrogations de la louve, répondant comme une machine bien huilée à ses interrogations sans en question les termes, sans s’imaginer les attentes ou bien même, le sens caché derrière des paroles légères de sens.

Nous ?

Il ouvrit la gueule une nouvelle fois, laissa échapper un souffle, tout en s’avançant vers elle. Il s’avança jusqu’à se tenir tout près, brisant petit à petit la distance qui les séparait en l’engloutissant de quelques pas chaloupés. Une fois à son niveau, il pointa de nouveau son museau et son regard sur elle.

« Il semblerai que rien n’ait été encore décidé à l’unanimité. »

Il y avait comme un flottement, un instant laissé en suspens, instant pendant lequel il laissa libre cours à sa réflexion. Le temps qu’il prit pour se remémorer le travail déjà fourni et imaginer tout ce qu’il restait à faire pour restaurer cet endroit encore couvert de cendre et de boue.

« Nous avons créer une sépulture pour le corps du dragon, en avons fait un abri pour la faune locale et espérons attirer d’autres espèces ici, comme celle-ci. »

D’une patte, il désigne la dragouille qui bondit un peu plus loin.

« J’aimerai nettoyer l’étang, l’eau est rendue non potable par les nombreux corps en décomposition, il serait judicieux de faire quelques choses avant de contracter une épidémie. »

Il la regarde de plus près, l’inspecte même sans faire preuve de retenue, la dévisage une nouvelle fois. Puis afin de combler un peu son attente, et de satisfaire sa curiosité, il demande sans l’ombre d’une hésitation.

« Souhaitez-vous vous joindre à nous, ou aux Nakhus ? »

Il ne savait si la phrase serait bien compris, ou bien interprêtée de manière inattendue, lui était passif désormais, dans l’attente.

Il obtenu une réponse qui lui apporta qu’une demi-satisfaction. Une part du problème semblait être résolus, ils feraient équipe pour nettoyer le lac. Mais pour le reste qui demeurait en suspens, Lucian fut bien incapable d’y apporter plus de conclusion. Il ne savait pas, si elle était là que par un heureux hasard, ou bien si elle se destinait à rester parmi les siens. Il s’interrogea de nouveau sur la louve, l’analysant une nouvelle fois, elle et son odeur de solitaire.

La louve bleutée ne semblait pas avoir saisi l’importance de sa question précédente tout fois, ou peut-être était-elle sourde elle aussi et avant manqué quelques informations déversées de façon bien trop peu claires pour qu’elles puissent être saisies dans leur ensemble. Le corbeau, ne sembla pas se fâche que sa question soit omise de la sorte, pour une fois, il prit patience à lire les paroles qu’elle avait à énoncé et attendit qu’elle eut fini avant de réitérer avec plus de clarté.

« Etes-vous seulement de passage chez les Nakhus, ou pensez-vous vous joindre à nous pour une durée plus conséquente que l’est un simple pèlerinage? »

Il attendit sa réponse avant de se mettre en marche en direction du lac où une poule d’eau l’attendait presque, avant de détaler hors des hautes herbes sauvages qui bordaient les abords de l’étendue d’eau. Lucian regretta amèrement de n’être venu plus équipé qu’il ne l’était, il n’avait ni corde, ni filet. Ainsi devrait-il se mouiller s’il voulait sortir quelques corps de l’eau stagnante. Ou bien peut-être devraient-ils creuser une tranchée, mais il savait qu’ils n’auraient assez de deux loups pour exercer ce travail.

Il s’arrêta au bord de l’eau, pensif.

« Il me semble tout aussi évident qu’il nous faut agir contre l’infection avant qu’elle ne se déclare. »

Il ne voulait que les poisons de cette terre condamne plus des siens, comme ils avaient condamnés sa propre mère.

« Nous pourrions aller pêcher des poissons à la vasque de la lune. Mais tout d’abord, il nous faut purifier le lac, ou les eaux auront tôt fait de tuer nos protégés. »

Immobile, ses deux orbites fixés sur la louve aux plumes bleutées, il la scruta, cela faisait quelques fois qu’il la fixait ainsi sans rien dire, si bien que l’on aurait pu croire qu’un jugement opérait derrière cette façade froide qui le caractérisait. La vérité était toute autre, il était observateur des réactions qu’elle lui offrait en échange de ses questions. Alors qu’il s’attendait à ce qu’elle vienne à défendre son propre mode de vie, tel que l’aurait fait la plupart des solitaires, sa réponse fut toute autre, teintée d’adhésion et de résilience.

Cette réponse qui le surprit, le piqua de curiosité, alors le corbeau pencha un peu plus la tête sur le côté.

« Tu n’as pas à faire semblant avec moi, je ne t’obligerai à rien. Tu peux bien aller et venir sur notre territoire, cela m’est égal. »

Ce n’était point être gentil que d’accepter sa présence parmi eux, elle se trompait si elle le croyait. Il n’y avait qu’une seule raison qui le poussait à accepter la présence des quelques inconnus qui traversaient le territoire, il croyait au libre arbitre de chacun. Ce n’était par désintérêt qu’il garantissait cet ouverture, c’était un devoir des siens. La façon dont les nakhu avaient toujours fonctionné depuis la réouverture des frontières, un rêve de cosmopolite.

Et c’était la vérité, les nakhus n’avaient plus pour habitude de fermer leur frontière aux étrangers, la bibliothèque restait désormais libre d’accès, la forge et le plateau étaient tout aussi ouvert aux inconnus, là était peut-être une erreur que de faire confiance au monde, toute fois, il ne pouvait en être autrement. C’était les ordres qu’ils avaient reçu, les derniers ordres peut-être. Ou presque. Ils étaient pluriculturels et bâtisseurs.
Son regard ne faiblit pas, il resta fiché sur elle. Comme s’il attendait une réponse qu’elle vienne ou non, obligé qu’il était de fixer les personnes pour connaître leur réponse. Il ne voulait passer à côté de ses paroles savaient pertinemment que les inconnus n’avaient le soin particulier qu’avaient les siens envers ceux de son espèce dépourvu d’oreille et d’ouïe.

« Je ne sais pas ce que cela veut dire, être parti d’une chose. »

L’était-il seulement parti de quelque chose ? Il doutait de vraiment comprendre. Pouvait-elle être et ne pas être Nakhu, tout à la fois, l’être par sa présence sans y adhérer totalement. Il haussa un sourcil.

« Je ne pense pas avoir déjà été la moitié de quelque chose. Est-ce que cela veut dire que tu n’es pas entière ? »

Pourvait-il se considérer à Demi disciple de Mido parce qu’il ne l’était pas totalement ? Non, croyant il l’était, disciple, il n’était pas encore. Aspirant seulement.


« Je suis Nakhu par mes deux parents. Feu Oracle Kerguelen. Feu Oracle Lestat. »

Il ne s’était jamais revendiqué autrement qu’être le fils de ses parents. Les aigrettes se redressèrent avec plus de curiosité encore, ses yeux se fixèrent avec plus d’intensité encore alors que sa tête se redressait. En détournant son regard d’elle, il l’aperçut un étrange artefact. Dans l’eau proche de la rive, il distingua une pierre éthérée aux reflets iridescents, il s’en saisit et la glissa parmi ses accoutrements, peut-être servira-t-elle, plus tard.

« Concernant les corps disséminés dans le lac » Il se détourna vers la surface de l’eau.

« Tu n’as pas à t’inquiéter, ils se désagrégeront très vite une fois sorti de là, le contact de l’air va accélérer leur décomposition. Il n’y a que leur maintient sous l’eau qui maintient dans cet état de conservation. De plus, je doute qu’un corps empli d’eau soit en capacité de brûle. L’idée était bonne cependant, mais plus juste dans le cas d’une épidémie de peste ou de choléra. »

Il posa une de ses pattes sur mon menton, continue de réfléchir. L’absence de dirigeant est-ce vraiment un problème. Non, les Nakhus avaient l’air de s’en sortir aisément sans tête pour les gouverner, mais ce qui l’inquiétait d’avantage, c’était le fait que les dieux étaient resté silencieux. Une absence de réponses qui laissait comme un vide difficile à combler, peut-être devrait-il à l’occasion rendre visite à Mido une nouvelle fois, pour l’interroger en toute humilité.

Une pointe d’inquiétude lui resserra le cœur. Avant qu’il ne se rende compte qu’il était resté silencieux bien trop longtemps pour que la conversation conserve sa fluidité et son cadre. Réalisant son erreur, il posa de nouveau son regard sur la louve bleue.

Tout lui semblait soudainement si compliqué et absurde, des explications confuses pour une louve qui n’avait grandi dans ce milieu très preux.

Un constat des plus honnête. Un aveux sur sa personne. Non, il n’aurait voulu être contraint à reprendre le flambeau, il aimait la place qui était la sienne, en marge de ce clan qui était le sien, malgré les apparences parfois trompeuses et le fait qu’il détonnait avec la plupart des habitants du plateau.


Curieux, les deux aigrettes se tendent vers la louve en attente de sa réponse. De toute évidence, elle était désormais bien loin de chez elle. Si elle avait été alpha, elle n’aurait pu se permettre de tels escapades en terre inconnue. L’arrive au pouvoir de ses parents avaient sonné le glas de leurs aventures, des promesses qui s’étaient perdues au fils des années et des regrets portés dans les cœurs de ses géniteurs.

Son regard se fit plus intense, fixé sur les lèvres de la louve tandis qu'elle exprimait son opinion. Si Lucian n'était pas tout à fait fermé à l'idée que les Dieux puissent changer d'avis ou leur laisser leur libre arbitre, il était une chose dont il était persuadé. Il ne voulait désigner quiconque pour le représenter et ne parlerai à la place de son Dieux.

« Peut-être, Mais je ne parlerai à la place de Mido. »

Il n'était ni prêtre, ni disciple du Dieu qu'il désignait comme sien. Indigne de parler en son nom, il se gardait bien, de déballer ses opinions concernant l'absence de réponse du raptor. Ce choix revenait à la divinité, c'était à elle de décider si elle souhaitait s'adresser aux êtres mortels. tracassé, il s'assit sans la perdre de vue, il laissa sa longue queue s'enrouler autour de ses quatre pattes.

Il écouta l'histoire jusqu'au bout, sans dire un mot, resta concentré sur le flot de paroles jusqu'à son terme. Lorsque ce fut son tour de parler, il parut un peu surpris, un peu chamboulé. Pourtant, il ne partagea pas ses pensées et ses questions, les garda en son esprit pour plus tard, le moment semblait mal choisi pour questionner son héritage, pour lui demander pourquoi elle avait abandonné ce qui lui appartenait de par son lien du sang.

Le jour faiblissait, alors lorsqu'elle l'invita à se joindre à elle pour rentrer au camps, il ne trouva mot à redire et lui emboita le pas.