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 It was nice while it lasted

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Edrakan
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MessageSujet: It was nice while it lasted   It was nice while it lasted EmptyLun 08 Avr 2024, 20:52


Le soleil rase l'horizon qu'elle relève la tête, déplie son large cou si abimé. Ses os craquent, un ronflement gronde et fait vibrer son corps. Elle cligne des yeux et secoue la tête, baille. Les rayons dorés enflamment son énorme corps, se reflètent dans ses yeux blanchis de cataracte. Il y a bien longtemps qu'elle ne voit plus net, que les formes s'agitent autour d'elle avec une vigueur qu'elle ne peut leur rendre, que les couleurs perdent de leur éclat. Qu'elle ne rattrape plus à la course les zèbres de la plaine, que les scolopendres géants ne lui accordent plus la moindre attention. Elle n'est ni chasseur, ni proie, reléguée à ceux qui observent. Elle n'est pas impotente, non, et subvient encore avec aisance à ses besoins de lapins ou de biches. Mais depuis longtemps elle ne cible plus les proies les plus impétueuses, les plus stupides à attraper.

L'aube se lève pour d'autres qu'elle.

Elle se redresse, déplie ses ailes, gronde de douleur comme chaque matin que son corps se réveille à elle. Chaque blessure reçue, chaque coup, chaque fracture soudée maintes fois, chaque lardage de son cuir pourtant épais se rappelait de bien triste manière à son souvenir. Un sourire fatigué étire le coin de ses babines. Elle ferme les yeux et tourne son regard vers l'astre nouveau, inspirant à fond. Ses poumons se gonflent, douloureux eux aussi. Elle exhale.

Inspire.

Elle s'ébroue et sort de la demi-grotte où elle dort depuis maintenant de nombreuses lunes. Elle a bien tenté de revenir au Castel, mais ça n'a pas fonctionné. Au début, elle aurait pu s'accommoder des problèmes et des souvenirs qui la hantaient à chaque coin de rue. Lorsqu'Holly est partie pour ne plus revenir, lorsqu'Iris avait manqué à l'appel (Iris !), elle avait arrêté de tenter. Sa voix rocailleuse, qui s'améliorait à peine et formait de moins en moins difficilement des phrases sans queue ni tête, avait stagné de nouveau.

Il n'y avait plus que Tita, Narcy, Daisy. Sakura. Ils résistaient au temps et à ses affres, ils étaient ses dernières ancres en ce monde, ceux qu'elle Aimait.

Et Aka, bien sûr. Aka, qui peinait à trouver âme dévouée. Alexandrine était triste, mais depuis le départ d'Iris n'avait plus le coeur à fournir aucun effort en ce sens. Elle était partie des mois durant, dans le grand nord, et quand elle était revenue...

Ça avait été pire.

Elle ne se faisait aucun doute quant à la survie du dieu rouge. Il était fort, au sein des âmes, au sein des loups, au sein du clan. Il n'y avait eu dieu plus aimé et célébré, plus chéri que l'Ours, durant toute la vie d'Alexandrine. Objectivement, dire le contraire serait mentir. Et elle n'avait rien contre les autres dieux, elle les aimait aussi, mais d'une autre manière. Rien n'égalait dans son âme le carmin de la puissance brute et véritable d'Aka. Celle qu'elle avait admiré et essayé d'incarner toute sa vie durant.

Le nez vers l'astre brulant, elle s'étire. Elle commence par un mouvement général qui tend son corps tout entier et réveille sa carcasse veillissante, puis méthodiquement elle passe l'ensemble de son corps. Du bout de son museau, ses cervicales, ses épaules, ses pattes, ses ailes, sa queue, tout y passe. L'un après l'autre, elle leur demande un peu d'attention, elle les réchauffe, elle leur rappelle comment se mouvoir et répondre à ses imprécations.

Elle trotte doucement, entame son habituel chemin. Celui qu'elle emprunte depuis plus de dix ans, montré par MamAnette, et religieusement emprunté chaque jour de sa vie - à l'exception de ses jours au Grand Nord, ou lorsqu'une mission de plusieurs jours l'appelle ailleurs. Son point de départ original était le Castel, bien entendu - maintenant, c'est juste son point d'arrivée.

Elle trotte, inlassablement, entre les buissons et les rochers, tendant l'oreille aux proies et chasseurs s'éveillant dans les fourrés, mais sans s'éloigner de sa piste. Réglée comme une horloge, n'importe qui cherchant à la prendre en traître pouvait l'attendre au détour d'un terrain, à la minute près, elle serait au rendez-vous. Mais qui oserait l'attaquer, sur ses terres, sur les terres Etelkrus ? L'idée même était risible. Alors elle ferme les yeux, s'imprégnant des odeurs de terre sèche, des pins centenaires, des effluves familières qui l'entourent. Elle apprécie sous ses coussinets tannés par les ans la texture craquelée de la piste, son corps frottant l'écorce veinurée du bois sec.

Elle arrive au Castel, qu'elle contemple de loin. Ca mamaille, ça chamaille, entre les cris des gamins et les piaillements indignés des adultes. Les grondements des vieux dans leur tanière, les soigneurs qui concoctent leurs onguents qui puent. Elle contemple ce quotidien dont elle ne fait plus partie. Elle s'approche, elle salue d'un signe de tête la majorité des habitants - elle reste la Prêtresse Rouge ! Mais personne ne lui adresse plus de quelques mots, qu'elle rend avec plus de parcimonie encore. Elle adresse un signe de tête à la louve grise aux cheveux roses et aux cornes de bouquetin qu'elle connaît depuis son enfance. Elle croise Daisy, sa soeur. Avec cette dernière, elle échange plus de quelques mots. Quelques rires, des jeux de pattes, vestiges d'une enfance fusionnelle. Elle observe quelques instants les gamins, déjà grands, de ces derniers. C'est étrange, toujours, de les contempler. Ils semblent être... Autre. Un futur. Le futur, celui qu'elle ne connaîtrait pas. Alors elle sourit secrètement, pour elle-même, et s'éloigne en agitant la queue.

Un chaleureux jour de printemps, quotidien agréable du renouveau qui arrive.

Elle prend la tangente, comme à son habitude. Elle réfléchit quelques instants à la manière dont elle va occuper sa journée - et s dirige vers la plage. Elle fait un détour par la Moère, signe de leur enfance et de ses pitreries. Témoin de ses colères, dans tous ses arbres au tronc éclaté. Dans toutes ses fuites épiées. Elle passe à côté du temple de Kiro, qu'elle effleure du bout de l'aile avec une pensée pour MaSheina. La voix de la douceur et de la paix, la voix de la tolérance. La voix qui répond aux questions compliquées.

Alexandrine glousse et cavale, déploie ses ailes, bondit et agite son cuir pour rejoindre la tombe. Le charnier. Elle ne peut s'empêcher de glousser, comme toujours ces derniers temps, lorsqu'elle s'y pose. Il y a tant d'os, de crânes et de fémurs de dodos et de diverses dinosaures, presqu'autant qu'au temple d'Aka. Aka a la décence de les faire disparaître. Ici, les os blanc de patine entourent une stèle encore clairement lisible. MamAnette. Alexandrine agite le bout de sa queue, puis son oreille à l'arrivée de Narcy. Elle fait claquer sa mâchoire, leur rencontre n'est pas planifiée mais ce sont les choses de la vie qui arrivent et qui rendent une journée merveilleuse. Ils échangent quelques banalités. Elle le décoiffe. Leur rencontre ne dure que quelques dizaines de minute, ils ne s'éternisent jamais, mais brûle du feu ardent de l'Amour.

Alexandrine se relève. L'après-midi est bien entamée, la faim se fait sentir. La louve trotte le long du littoral, et remonte dans les terres. Elle croise quelques solitaires, qui s'aplatissent au sol en voyant sa haute stature. Elle les dévisage un instant, mais abandonne ces ombres dans le lointain pour se concentrer sur l'effluve d'un groupe de zèbres. Elle se tapit dans les fourrés, sous le vent, repère l'un d'entre eux. Plus faible, plus lent, inattentif. Plus facile à attraper - voilà des mois qu'elle a laissé derrière elle la période où l'acidité colorait chacune de ses chasses, où les tentatives toujours plus nombreuses et vaines d'attraper la tête du groupe se soldait par un échec.

Voilà des mois, des années qu'elle acceptait son déclin.

On ne va contre le temps.

Ses pupilles se dilatent, elle se fige et les battements de son coeur ralentissent. Elle compte, une, deux, l'animal se distrait d'un bruit sur sa gauche - elle bondit. Elle profite éhontément d'une foulée supplémentaire donnée par ses ailes rassemblées autour d'elle, de l'impulsion monstrueuse de son arrière-train, elle galope les quelques mètres qui les séparent. Sa proie n'a que le temps de se retourner, assesser le danger et cavaler - trop tard. Il tente une feinte à gauche, mais Alexandrine ne fait pas dans la dentelle. Elle se jette sur lui, sans chercher à l'attaquer, elle le heurte de tout son poids et ils roulent dans la poussière. Plus rapide, elle se redresse et ignore la maque de sabot imprimée sur le haut de sa cuisse, elle écrase son visage de sa patte, et plonge ses mâchoires dans la jugulaire de la bête. Le sang gicle, emplit sa bouche, son gout lui aussi atténué par les années.

Elle observe les environs, mais personne ne vient discuter son trophée. Bien.

Elle se repaît, prend son temps. Ce qu'il reste, elle l'abandonne aux charognes. Le clan ne manque pas, ne manquera pas. Les beaux jours attirent tout le monde dehors, depuis plusieurs jours ils festoient, la pile de gibier allant croissant.

Alexandrine s'éloigne et trouve un coin d'ombre, sous un acacia, où poser son corps fatiguer. Elle s'adosse à l'arbre qui lui rend bien des années et baille. Observe les environs. Les hautes herbes brûlées par le soleil lui chatouillent la truffe, elle en chasse une poignée. Elle ne dort pas vraiment, ni ne reste éveillée. Elle observe les environs, semi-consciente, appréciant simplement la douceur de la vie et ce qu'elle recèle. Une bonne heure passe, peut-être deux, et l'astre entame lentement sa descente dans le ciel. La louve crème se redresse et réveille ses membres fatigués. Elle maugrée, peste sa condition de vieille, gronde. Un sourire tire sa babine - un rictus intimidant. Elle étend ses ailes, et choisit de s'envoler pour regagner les terres Etel. Elle atterrit non loin du Castel, tirée par une certaine mélancolie.

C'est un coin qui n'a pourtant rien de particulier, un espace terreux et sec où ils s'entrainent parfois l'été aux techniques de combat, un coin peu passant, assez calme. Un coin où des petites fleurs bleues poussent, tout autour, en bouquets. Alexandrine marche lentement entre les plants, les effleure sans les abimer de ses griffes, avec une pensée pour son passé.

Une pensée pour ses amours, et l'un d'entre eux en particulier. Celui-là n'est pas aussi flamboyant que les autres. Ou peut-être a-t-il brûlé trop fort, avant d'exsuder quelque chose de noir, de sombre, d'âcre qui l'a teinté à jamais. Et, pourtant, la flamme persiste, parce qu'elle est de celles qu'on éteint jamais.

Le soleil disparait de moitié entre les pins, derrière les rochers. Un croissant de lune, dans un ciel sans nuage, observe sagement. La louve penche la tête sur le côté, et patiemment attend les étoiles qui une à une apparaissent. Elle est bien incapable de nommer les constellations et les astres, mais elle les connaît comme de vieilles amies dont on ne se souvient même plus de l'âge. En manquerait-il une seule, qu'elle le remarquerait aussitôt. Alexandrine sourit, et de la même manière qu'elle est arrivée au Castel le matin elle se met à trottiner. Elle se dirige vers le temple, l'arrêt qu'elle exécute chaque soir, diligemment, avant de s'enfoncer dans ses rêves.

Les bruits et les odeurs de la nuit, plus fraîches, plus intenses et plus floues que celles de la journée l'entourent et l'envahissent. Elle prend son temps, marque des arrêts, ci par curiosité et là par simple envie de se poser. Elle s'assoit, elle gratte le sol, attrape une pomme de pin et l'abandonne plus loin. Elle finit toutefois par arriver en vue du temple. Son coeur se gonfle, comme à chaque fois que son regard se pose sur l'Antre de son Dieu. Il se gonfle de fierté, d'amour et de joie. Il se gonfle à éclater, et ses babines s'étirent et s'étirent et s'étirent jusqu'à fendre son regard en deux. Sa silhouette bout, devient floue, quelques écailles percent au coin de ses yeux. Ses ailes s'étendent, s'étirent, se parent de mille symboles de feu. Sa gueule s'étire, ses crocs s'étendent. Ses pattes s'épaississent, sa queue s'étend pour stabiliser le vol d'une créature bien plus imposante qu'un loup - eut-il des ailes. Ses pupilles se fendent, les couleurs malgré la nuit deviennent plus vives et les silhouettes s'affinent. Sa langue bifide se glisse entre ses dents bien trop longues pour gouter la nuit, et son trot s'allonge jusqu'à ce qu'elle atteigne les porte du Temple.

Elle marque un arrêt, une seconde.

Elle entre à pas lents, n'attend pas que ses yeux se fassent à l'obscurité qui l'entoure. Elle ne heurte aucune marche, aucune pierre - ce lieu qu'elle connaît par coeur l'accueille à bras ouverts. Son regard carmin parcourt les environs, se pose sur la statue trônant au centre d'un lac de sang.

Ses babines s'étirent de nouveau, douces.

Aka.

Le dragon s'avance, et aux pattes de son dieu vient se loger. Sa longue forme reptilienne et longiligne se glisse dans les interstices, couverture s'adaptant à ce qu'elle recouvre, ses pattes s'étalent et dépassent. Surplombée par le dieu rouge, elle se sent en sécurité.

Peut-être, ce soir, va-t-elle s'endormir ici. Cela ne changera pas grand chose dans son trajet du lendemain, et peut-être que quelqu'un aura besoin d'elle pour une quelconque tâche qui sait.




Ce fut, en tout cas, une incroyable journée.




It was, indeed, an incredible journey.












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MessageSujet: Re: It was nice while it lasted   It was nice while it lasted EmptyMer 22 Mai 2024, 00:32

Narcisse

It was nice while it lasted Jhxgpb

Tout s’est passé si vite.

Délicatement, une patte qui se pose sur les écailles du dragon. Sa chère soeur. Sa grande et si forte soeur. Le contact est froid sous ses coussinets, même Narcisse malgré la chaleur qu’il dégage le sent.
Tu es si froide Alex.
Ce n’est pas son temple, ni son dieu qui trône ici. Ce ne sont même plus ses terres. Un sourire triste qui vient déformer les babines du vieux loup.
Ce n’est plus chez moi…
… mais toi Alex… tu n’auras jamais souhaité d’autre maison que celle que t’offrait ton dieu.


Tout s’est passé si vite.

Un jour, ils étaient là, à mener des expériences culinaires ragoûtantes aux côtés de leurs mères.
Un jour, ils étaient là, unis, les uns contre les autres, contre la menace.
Un jour, ils étaient là, à faire face à leurs ennemis.
Ensembles.
Une même famille, une même fratrie.

Les voilà séparés maintenant.
Pour un temps.

L’âge se faisait de plus en plus pesant. Narcisse revoyait encore les morts de ses mères.
Pepper.
Il n’osait envisager celles qui étaient à venir. Cela l’avait toujours effrayé, la mort des autres.
La mort de ceux qu’il aime.
Les griffes glissent le long des écailles, les pattes venant entourer la gueule du dragon, le front venant s’y posé.

« — … bottes leur les fesses dans l’au-delà, en nous attendant Alex… »

Il accentue son emprise sur le museau du dragon.
Une larme silencieuse qui creuse un sillon dans ses poils.

« — … nous ne tarderons pas à te rejoindre… »

Ce n’est qu’un au revoir, Alexandrine.
Un simple au revoir.

Tout s’est passé si vite.
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