Falling [Aiiro]

Les doutes avaient pris plus de place. Rongeant sur ses relations, sur sa vie, sur sa confiance. En les autres, d'abord, puis en elle. Chaque jour était l'occasion d'en découvrir de nouveau contre qui lutter sans avoir les armes. Liza l'avait vite réalisé : elle ne savait pas, comment changer.
Elle avait essayé de se rassurer, par la raison.
De noter dans son carnet ce qui rassurait ses doutes, les raisons de sa confiance.

Mais il y en avait encore, souvent. Et puis, il y avait les plus gros, les plus pénibles. Il y avait ceux sur Nyméria. Ceux sur leur relation. Ceux sur cet avenir qu'elle aurait du prendre plaisir à construire.


Iel l'aimait, elle en était certaine. Certaine. Mais les doutes étaient difficiles à supporter, revenaient chaque jour pour la fatiguer un peu à la manière des fées. Sauf qu'eux étaient plus forts, lorsqu'elle était seule. Elle luttait ; Elle cherchait à se rassurer, à prouver que ces doutes étaient infondés, mais ils étaient partout, se cachant dans les recoins des absences, dans les regards fuyants ou trop présents, dans les odeurs inconnues sur les pelages.
Il n'y avait que de Lucian, qu'elle ne doutait pas.
Pas encore.


Assise devant le miroir qu'offrait le Plateau, les épaules affaissées, la louve regarde son reflet. Elle avait changé, beaucoup, depuis son enfnce. Elle avait été sûre d'elle, sûre qu'elle pouvait le faire encore.
Une patte se serre sur son glowstick, à présent indigo.


Ses yeux se voilent, et la pluie se met à tomber sur le lac calme.
Peut-être que c'était ses larmes, oui.

Le contact est précédé d'une aura indigo sur le reflet du lac. Liza tourne à peine le museau, à la présence de sa divinité à ses côtés. Ael était là pour la voir pleurer - pour la voir échouer. Son corps est secoué d'une contraction, pourtant le contact est désiré.
Eperdu.

Les changements n'avaient pas à être permanents.
Elle observe son propre reflet. Ses cheveux en bataille, ses trois cornes (deux étaient apparues en plus, un jour, sans qu'elle ne se fasse de soucis), son oeil qui en faisait qu'à sa tête.
Et puis aussi, ses cernes, son air triste, ses larmes.
Elle espérait que celui-ci ne soit pas permanent, mais n'arrivait pas à comprendre comment le gérer.

Qu'avait-elle appris ?

Son enfant l'aimait, elle en était certaine. Sa famille aussi, oui.

Et si ceux qui l'aimaient la blessaient ?

Un silence.
Elle n'y avait jamais réfléchit, à tout ça. Est-ce que ça voulait dire que le risque avait été absent ? Elle avait été blessée, pourtant.
Si elle s'était doutée ...


Elle repense à Lucian, et sa froideur. Il n'offrait confiance à personne, lui, et se disait heureux.
Liza, elle, se sentirait trop seule.
Son coeur se serre. Elle relève les yeux pour observer sa divinité.


Ses doutes la rongeaient, tellement loin qu'elle ne savait plus si elle le voulait, ou si elle continuait par souvenir de ce qu'elle avait voulu.
Mais des enfants ...

Poser les questions ... Sans avoir l'assurance d'une réponse. Voilà ce qui l'avait rongée ; Quand le doute était là, rien ne pouvait le rassurer. Il s'infiltrait partout, comme de l'eau sur une roche poreuse, mangeait petit à petit sa confiance. Elle aurait du, lutter, elle l'avait fait !
Mais c'était difficile.
Nouveau, aussi.

Le regard ne manque pas l'expression surprise d'Aiiro sans pour autant la comprendre. Liza avait parlé trop vite, peut-être, mais c'était ce qui lui rongeait le coeur, qui la faisait le plus douter. Car elle en voulait, des enfants, d'autres, des petits adelphes pour Polaris, elle en était certaine. Mais elle ne pouvait s'empêcher de douter d'eux, de Nyméria et aussi, un peu par bavure, de Lucian.
Elle baisse le museau.
C'était une réponse qu'elle devait trouver, elle. Mais elle ne voyait pas d'issue.

Alors ... Alors, Aiiro aidera. Elle cille, sentant un léger déplacement encore dans son être, comme si quelque chose s'était déboité, ou remboité. Sans douleur, simplement une sensation étrangère, ouvrant d'un coup un vent de possibilité. Elle met du temps, à comprendre, à réaliser.
Elle voyait de nouveau entièrement.

Elle reste silencieuse. Dans son coeur, les doutes semblaient plus apaisés, et elle savait ce que la divinité avait fait. Elle l'avait changée de nouveau. Elle cille, alors qu'une irrésistible vague de déception la submerge.
Elle avait échoué à changer, la première fois.

En silence, elle pose la patte sur son glowstick.
Peut-être qu'elle ne le méritait pas, cet indigo.

Pas d'épreuve ... Les épaules de la petite louve se relâchent, imperceptiblement. Elle avait cru à une épreuve, oui, d'accepter ce changement de violet à indigo. Avait cru que ces doutes étaient à accepter ; voulus par Aiiro. Les deux yeux verts, un peu moins tordus maintenant, se relèvent vers la divinité. Ael non plus n'avait pas controlé ... Oh.

La patte se serre sur le glowstick, au creux de ses coussinets.
La présence divine est juste à côté d'elle, réconfortante.
Sans aucun doutes.

Mais il y avait la suite. Des questions, qui viennent la chambouler. Dans un esprit encore hésitant, peuplé des ombres de ces doutes aux échos infinis. Elle cille. De la compassion, envers elle-même ?
Et puis, une remise en question qui la fait serrer les crocs, fugacement.


Un éclair de certitude.
Ceux qu'elle adoptait, ceux qui naîtraient de son sang ou non, tous ses enfants seraient ses absolus tout comme l'était sa famille. Alors, la réponse lui vient : elle ne regretterait pas de les avoir, quoi qu'il arrive. Elle les aimait déjà, ces enfants-projets. Nyméria et Lucian ... Ses deux inconnues, deux forces opposées dont elle doutait, plus vaguement à présent. Elle secoue la tête.


De la compassion.


Envers elle-même.

Une éclaircie passe dans les yeux de la divinité, comme si ael avait compris quelque chose. Alors, ael vient au contact de Liza, d’une patte douce et plus chaude que ce à quoi elle se serait attendu.
C’était … Presque un contact lupin, oui.
Elle ferme les yeux un bref instant, sentant sa tête la lancer sous ses réflexions, ses doutes et aussi, elle pense, l'effort nécessaire pour s’habituer à son deuxième oeil maintenant valide, à ce monde en 3 dimensions qui s’était découvert devant elle. Elle était fatiguée, elle croit.

Mais ses efforts ne seraient pas terminés.
Car Aiiro lui dit, que Lucian s’opposait au changement.
Ael lui dit, que Nyméria en voyait d’autres, des loups, derrière son dos.
Ael valide ses doutes, juste après les avoir repoussés.
Liza a l’impression de tomber.

Son coeur a raté un battement, et vibre maintenant dans ses tympans. Elle tremble un peu, elle croit, peinant à comprendre ce qu’Aiiro disait.
Mais finalement …

La douleur arrive.
Elle ouvre une plaie déchirée de sa poitrine à son ventre, comme si on lui avait enfoncé une dague émoussée en plein coeur. Elle lui coupe la respiration, l’étrangle, la secoue d’une vague qui lui donne la nausée.

Une trahison.

Elle baisse les yeux, incapable de comprendre, ou bien peut-être qu’elle ne le voulait pas, comprendre. L’idée des enfants qu’Aiiro aborde est loin, loin dans son esprit qui revivait leur accord premier.
C’était Nyméria, qui avait avoué son amour pour elle. Et elle qui avait accepté d’essayer, de former un couple. Un accord.
Et puis, iel l’avait trompée.

C’est un peu de colère, qui se mélange à sa grande incompréhension.
Et puis, de la culpabilité, qui l’écrase et la fait se recroqueviller sous le poids de son chapeau.
Elle n’aurait jamais été assez.

Ses traits se durcissent imperceptiblement. Elle contracte les crocs sous une vague de colère qui la secoue, puis la quitte, bien vite. Elle n’était pas de ceux qui la laissait gagner leur ame et pourtant, elle déborde sur tout, bouillonne à l’idée de Lucian acceptant trois enfants libres mais incapables de les accepter, claque un instant sur la divinité, sur elle qui portait la mauvaise nouvelle qui la rendait si malheureuse. Si Ael n’avait rien dit …

Est-ce que ça aurait changé quelque chose ?

Liza expire. Elle avait mal.
Mais au moins, elle savait.


Elle avait une décision à prendre, à présent. Et elle savait qu’elle ne pouvait pas fuir : Elle devait … Confronter Nyméria.
Sa tête lui tourne, un peu.

C’était un cauchemar.

La tempête qui la secoue ne fait qu’amplifier. Mais, Aiiro avait raison : Elle sentait … Elle sentait que la vérité, dans tout ça, était bonne. Qu’Aiiro la lui offrait. Après tout, c’était une divinité …
Un doute passe, fugace.
Son expression se serre. Elle aimerait …


Avec qui l’avait-iel trompée ?
Elle ne sait pas, en fait, si elle a envie de savoir. De savoir qui, était mieux qu’elle. Qui était plus. Mais lorsqu’elle redresse les yeux, elle se sent un peu plus ancrée. Aiiro était là, sa famille aussi.
Des constantes dans la tempête.

Sa patte vient trouver celle d’Aiiro, comme elle l’aurait fait pour une amie, pour un frère. Le contact l’aide, la chaleur la surprend mais l’ancre ici, maintenant. Sa gorge est nouée, sa tristesse … Sa décéption, aussi.
Ils allaient avoir des petits …
Elle cille, perdue.
Cherche des yeux ceux de la déité, hésitante.


Dans son naufrage, l’idée de pouvoir se raccrocher à ce projet, même si c’était sans eux … Oh. Au moins, ça serait quelque chose, mais elle ne sait pas si elle le voulait vraiment.
Au moins, ça serait quelque chose, et puis, si à trois c’était possible, pourquoi pas à un ?

Oui.
le coeur de Liza se serre, avant de se relâcher, juste un peu.
Des enfants toute seule. Des enfants, sans lui, et sans ellui. Tout était trop brutal, encore. Tout était trop jeune. Elle le sentait, qu'elle ne devait pas décider maintenant. Mais l'envie de tout envoyer au diable était puissante.
Elle ne se reconnaissait plus.

La louve encaisse le choc, encore. Et, à ses côtés, le pelage d'Aiiro la réconforte, comme Yurai l'avait réconfortée. Elle ferme les yeux et, accompagnée des mots de la divinité, se laisse aller, juste un peu.
Accepte le choc, qui passe.
Et juste derrière, une tristesse immense à lui étouffer le cou. Elle le sent remonter dans sa poitrine, envahir son crâne d'une douleur indescriptible alors qu'elle s'appuie un peu plus contre Aiiro, posant sa tête dans son pelage, oubliant un instant qu'ael était divinité et qu'elle était louve.
Elle ferme les yeux fort, fort comme si elle ne voulait plus jamais les rouvrir.


Elle geint, étouffée par le poids de sa tristesse.
Pourquoi, après que papa soit mort ? Pourquoi, alors qu'elle pensait toucher à un peu plus de bonheur ?

Pourquoi, alors qu'elle n'avait jamais fait de mal à personne ?

Elle reste là, un certain temps. La douleur est une vague immense, qui emporte sa raison et ne la laisse que capable de pleurer. La seule question qui la secoue est celle du pourquoi.
Mais elle n'aurait pas réponse. Pas de réponse, ici.

Petit à petit, toujours contre le pelage de la divinité qui l'avait changée, encore, elle se sent reprendre un peu plus de clarté. La douleur est toujours immense, lorsqu'elle pense.
Pourtant, elle croit savoir quoi faire.
Elle devait lui parler.

La force lui manque. Sa respiration s'est calmée, un peu. Il n'y a plus de larmes dans ses yeux, plus assez, et c'est une expression plus dure qui les ont remplacée. Elle savait quoi faire, et elle le ferait. Liza n'était pas une guerrière ; mais ses parents avaient fait face à un dragon.
Elle pourrait bien lui faire face.


La voix est un peu rauque, mais le ton plus assuré. Elle inspire encore une fois l'odeur d'Aiiro, comme si ael pouvait lui donner plus de force, puis s'écarte.
Elle avait sûrement trop demandé, déjà.
Les dieux n'étaient pas là pour éponger ses larmes.
Le coeur hurlant toujours dans sa poitrine, elle passe une patte sur ses joues mouillées. Ce n'était pas à Aiiro de se mêler des affaires des mortels. Alors, un peu de honte passe dans son coeur.
Elle inspire, puis hoche la tête.


Et ses doutes seraient levés, pour le meilleur ou pour le pire.

Les yeux étrangement droits, brillant d'un vert larmoyant, restent posés sur la divinité en écoutant ses paroles, un peu trop sous le choc pour vraiment les absorber. Un Guide pour leur clan ; Voilà le role qu'ael se donnait.
La patte se serre au glowstick violacé.
Ael avait toujours été un guide pour elle.

Liza inspire, d'une inspiration trop courte. La boule dans sa poitrine lui donnait l'impression d'enfler, mais son courage ne diminuait pas. Ses pattes tremblaient, mais sa voix non.


Un dernier regard lourd de sens, et c'est par un salut qu'elle prend congé.
Son chemin fut direct ; Elle savait ce qu'elle devait faire.
Il était temps de percer l'abcès.