Le coeur à l'ouvrage [Nyméria]

D'retour d'mon excursion dans les hauteurs des monts, j'me suis r'trouvé alité quelques jours, malades comme un chien. L'froid avait eu raison d'moi. Fièvre, rhume, j'me suis r'trouvé coincé et pendant c'temps là, bah j'avançais pas la commande. J'rageais, j'grognais. Roth essayait d'me calmer mais hé, j'avais du boulot ! Quand j'r'venais à moi, j'gribouillais des croquis. J'voulais une belle arme pour l'Nakhus. J'voulais un truc qui claque, un truc qui lui r'ssemble quoi. Alors j'dessinais encore et encore mais rien. Rien n'me conv'nait. Lame trop courte, lame pas assez ... Iel. Y'avait t'jours un truc qu'allait pas. Mais j'y suis parvenu hé. J'suis pas n'importe qui est p'être bien au bout du cinquantième croquis, j'ai trouvé comment faire un couteau qui r'ssemblera au commanditaire.

Bref v'là ce qui s'est passé ces derniers jours et aujourd'hui bah j'vais mieux et il est temps d'me mettre à l'ouvrage. J'fixe l'croquis. J'améliore encore quelques bricoles d'ssus. J'sais comment placer l'or, j'sais comment s'ra la lame. Bien qu'iel voulait un couteau, j'compte lui faire un dague. Plus fine, plus élégante. Une arme qui lui r'ssembl'ra plus qu'un banal couteau qui va mieux à une personne bourrue comme moi. Nan la finesse d'une dague lui ira beaucoup mieux.

J’m’échauffe la carcasse avec quelques exercices d’étir’ments. Bah ouais c’est important pour commencer un travail d’forge. Ca évite les blessures hé ! Une fois fait, j’vais vers mon stock d’métal. J’l’ai entreposé dans de p’tites caisses en bois où sur chacune d’elle, y’a d’marqué c’que c’est. J’prends un morceau d’fer. J’connais bien c’matériau et il m’semble parfait. J’le soupèse et j’me tourne vers mon atelier. J’le pose sur l’enclume. J’attrape les dents de Spectre de Glace. J’les fous dans un mortier et j’les broie. J’sais pas trop ce que j’fais mais soyons fou hé ! J’mets ensuite la poussière d’qu’nottes dans un bout d’tissus.

J’vais près du feu. J’mets nombreuses d’buches, j’prends mon p’tit soufflet et j’envoie d’belles soufflantes sur les flammes. L’feu un peu faiblard r’prend du poils d’la bête et j’suis fier d’r’garder mon magnifique four, incrusté directement dans la roche. Quant à la fumée, elle s’barre par la ch’minée faite quelques jours plutôt. Toute ma forge est fonctionnelle même si j’aurai encore des points d'améliorations à entr’prendre héhé.

L’feu est à bonne température. L’travail va pouvoir commencer. J’m’équipe d’ma paire d’lunettes pour éviter d’me prendre des éclats d’métal plus tard. J’les visse bien sur ma trombine. J’enfile une paire d’gants pour éviter les brûlures, puis j’prends une pince et j’coince l’bout d’fer d’dans. Doucement, j’viens foutre l’ensemble dans les flammes. J’surveille puis quand l’fer rougit bien, j’le sors. J’prends une pince plus petite, plus courte qui remplace celle pour l’feu. J’vais vers l’enclume, j’attrape un marteau.

J’prends une grande inspiration puis expiration. J’chasse toutes les idées superflues et j’commence à travailler le méplat. Étape importante, il permet d’donner une certaine épaisseur mais surtout de commencer à travailler la forme. J’coince bien la pince et BAM BAM, l’marteau frappe l’fer. Des coups secs et puissants, des bouts d’fer volent. Le morceau s’affine doucement et j’constate qu’le matériau est d’bonne qualité. Il ne s’effrite pas, ne se fissure pas. J’prends d’nombreuses minutes puis j’passe à la seconde étape : la mise en forme d’la lame. L’dessin est fixé par Roth près d’moi. J’lance un r’gard. Bien. J’commence à préparer mon entablure sur l’plat d’la lame. Ca servira d’marquer la limite entre la lame et l’manche. J’opte pour une soie pleine, qui s’ra plus résistant et ira mieux avec l’manche qu’j’veux faire.

- Roth, entre chaque coup d’marteau, balances d’la poudre d’dents sur l’tranchant !

J’vais tenter d’faire fusionner la poussière d’dents avec l’métal. Vu qu’j’ai d’jà affiné, même si j’continue, y’en aura qui pénétreront les particules d’fer et p’être qu’ils f’ront ami-amis hé ! Roth s’met en position, quand j’commence à dégrossir l’tranchant en bossant sur les émoutures, soit les parties tranchantes d’la dague et leurs tranches, il balance d’la poussière d’ssus. La forme commence à s’dessiner. J’fais courber la lame puis je la redresse pour qu’elle soit bien droite vue d’face. J’forge la pointe, la rendant bien piquante.

- Prépares le fraisil !

J’l’entends pas m’répondre mais j’le vois s’activer dans l’coin d’ma vision. Y’a plus d’poussière de dents, j’espère qu’la dague en a eu assez. Il est temps d’passer au recuit et ça, bah c’est long. J’r’tourne vers mon four. L’feu est toujours à bonne température et j’glisse la lame dedans. J’travaille avec vigilance, veillant à bien chauffer la lame, centimètre par centimètre. Une fois bon, j’me tourne vers un p’tit bac en r’trait. Roth a fini d’s’en occuper et j’approche. Dans l’bac s’trouve le fraisil, un mélange d’cendres d’charbon, d’terres brûlées et d’la poussière. L’tout est légèrement chaud mais ça va r’froidir et par la même occasion, r’froidrir la lame pour l’attendrir et d’évacuer les tensions du travail d’forge d’ssus. Puis ça va m’faciliter l’travail d’après. L’recuit est long parce qu’il faut laisser la lame reposer. J’patiente donc jusqu’au lendemain. J’m’occupe la soirée en rangeant et en discutant avec Roth et en préparant quelques bricoles pour l’canon.


Il est l’heure d’r’prendre le travail alors j’attrape différentes limes. J’les place proche d’l’enclume. J’m’échauffe et j’vais chercher la lame. Elle a bien refroidi, j’vais pouvoir la travailler. J’souris. J’l’emmène dans l’atelier et j’commence à fignoler l’contour d’la lame. J’varie taille d’lime en fonction des courbes qu’j’lui ai donné. J’passe aux plats. J’travaille le ricasso puis la s’melle. J’contemple, j’m’assure que tout est bon avant d’finir par l’travail du tranchant. J’veille à laisser d’la matière au tranchant pour éviter qu’il y ait tapure lors de la trempe.

J’me tourne vers l’feu qu’j’ai ravivé avant d’commencer la journée. J’dois faire les normalisations et ça aussi, c’est long. J’fais la première à haute température. J’mets la lame dans l’feu, j’la sors et j’patiente. La lame doit r’froidir à température ambiante et quand elle est sombre, j’vérifie son tranchant avec une lime. Nickel alors hop j’r’commence mais en baissant la température. J’fais ça en tout trois fois consécutives jusqu’à obtenir une température d’trempe. J’prends la dague avec une pince et j’la mets dans mon bassin d’eau. C’est là qu’j’suis content d’avoir une source dans ma forge ! D’la fumée s’échappe du bassin. J’dois faire attention parce que la trempe solidifie la lame mais la rend aussi très cassante. J’me tourne vers l’feu qu’Roth a baissé. Il crépite un peu, reste vivace mais il est prêt pour faire le revenu à basse température. J’mets la lame dedans et une nouvelle patience est d’mise.

Une heure passe, j’sors la lame et j’la laisse refroidir. Quand elle n’est plus chaude, j’la r’mets dans l’feu qui est toujours à basse température. J’patiente encore une heure puis j’la sors. Elle refroidit d’nouveau. Une fois qu’c’est bon, j’prends une p’tite pierre abrasive. J’commence à faire les finitions sur l’tranchant. J’suis minutieux et une fois qu’c’est fini, j’admire le travail. La lame est prête ! Il n’me reste plus qu’ l’affûtage mais j’le f’rai une fois l’dague terminée; histoire d’pas perdre un doigt !

J’pose l’ouvrage sur l’enclume. Faut qu’j’fasse le manche. Également en métal, j’vais prendre du fer et j’fais le même travail qu’pour la lame sans avoir un tranchant à façonner. J’prends plus d’temps, parce que j’dessine des détails sur l’pommeau chaud avec d’petits poinçons. j’dois faire gaffe d’pas m’brûler et d’pas trop tarder parce qu’on déconne pas avec la température hé. Deux jours plus tard, j’fonds l’bracelet d’Nyméria et j’commence l’incrustation. Le haut du pommeau est entièrement doré et j’rajoute des détails en faisant des fils d’or qu’j’glisse dans les veinures à l’aide d’un poinçon et d’un p’tit marteau. Travail difficile, j’prends du temps pour éviter d’casser l’ensemble.

J’rajoute quelques bouts d’lanières en cuir pour harmoniser l’tout et offrir une bonne prise en pattes pour l’Nakhus. J’la teste dans le vide. La dague est équilibrée, elle est légère. J’souris et j’termine par l’affûtage, sortant une pierre à aiguiser. Dernier travail, j’admire mon oeuvre.

L'grand jour est arrivé. J'me lève d'abonné humeur et d'bon matin. Ça fait pile deux semaines qu'Nyméria a passé commande. L'est temps d'le recevoir et lui montrer la dague. J'suis fier d'mon chef d'oeuvre et j'sais d'instinct qu'c'est pas une arme ordinaire. Ça m'convaint d'chasser du monstre pour en faire d'autres hé !

J'roucoule et j'patiente. J'ai d'autres commandes mais j'peux pas bosser d'ssus. Secret d'client et d'fabrication, j'peux pas risquer d'travailler et qu'Nyméria débarque et s'montre trop curieux ! Bref journée d'pause. J'ai d'jà prévu c'qui faut pour tester l'arme et l'matos pour partir en explo.