Charmogne [Onyx]

Suite direct de Criements du Coeur


Court fut son attente. Une odeur d'agrume se fait fleurer dans le Temple. Un renard semblait tourner autour de lui puis la voix de la Déesse retentit. Douce, joueuse, elle lui reprocha son manque d'imagination. Ses sourcils se fronçèrent légèrement. Il ne comprenait pas et là était tout le problème. Il ouvra la gueule quand elle proposa son aide mais tout devint noir. L'odeur d'agrume disparut pour laisser place à celle de l'air frais. Il était dehors mais il ne voyait rien. L'obscurité brouillait sa vue. Il cligna plusieurs fois des yeux. La panique commença à le submerger.

- Dé-déesse Dai-dairo ?

Sa voix était mal assurée. Un hululement lui rappela que la nuitée dominait encore le ciel. Il se mit en marche, tâtonnant un terrain qui lui paru abrupte. S'il était encore à la Crypte, une chute pourrait lui être mortelle. Des bruits le firent sursauter. Son assurance n'était plus celle qu'il avait le jour. Il se sentait nu sans son armure. Ce qui l'inquiétait le plus était le Néant qu'il percevait. Il se consolait en se disant que cela ne durerait pas, que la Lumière lui reviendrait bien vite.

- Déesse Dairo ?

Il appela encore plusieurs fois mais la Déesse ne vint plus. L'avait-il énervé au point de finir maudit ? Si cela était l'explication, pourquoi avait-elle proposé son aide ? Il piétonna encore un peu, doucement. Le vide vint rapidement à sa rencontre et il se fit engloutir. Une chute de peu qu'il ressentit comme une éternité. Son souffle se brisa quand son corps rencontra la roche. Il jappa et se releva avec difficulté. Il avait mal, bien plus que quand il prenait les coups de Père lors des entraînements journaliers.

- Je ne comprends pas Déesse Dairo ! Que dois-je faire ?! Qu'attendez-vous de moi ?!

La peur et la colère affluaient en lui. Il se mit à frotter énergiquement ses yeux, espérant chasser ce voile d'obscurité. Bien vite il en eut mal mais ses actions n'était plus réfléchies.

Langage médiéval:

La mauvaise herbe, ça prend vite racine !
Onyx les arrache du potager avec énergie : c’est important de l’entretenir si ils veulent avoir de beaux légumes… et manger, dans son cas, accessoirement.

Totalement impliquée dans son labeur, elle s’attendait vraiment pas à voir apparaître un gus, comme ça, à quelques mètres d’elle et de ses plans de patates.

La licorne écarquille les yeux de surprise : il a l’air totalement paumé, le boug’. C’est pas ici qu’il la trouvera, sa Dairo.
Ça confirme au moins ce qu’elle pensait, avec son odeur : c’est un etelkru.

- Elle est pas là Dairo mon pov’ petit ! T’es bien loin de tes terres dis.

Elle s’étire et se redresse, abandonnant son ouvrage un moment. Va quand même falloir l’aider, ce p’tit jeune.

Il odit une voix féminine. Il arrêta de se gratter les yeux pour se tourner vers elle. Du moins approximativement. Il ne la voyait pas et sa crainte devint fondée : il était aveugle. Et pis encore, il était en terres inconnues. En terres ennemies. Sans armure, sans arme. Nu comme un ver. Ses oreilles se plaquèrent en arrière. Il se voulut effrayant mais la panique avait le dessus.

- Qui ... Qui êtes-vous ?

Avait-il été chassé par Dairo ?

- Où suis-je ?

Langage médiéval:

Eh ben, c’est qu’il est tout tendu le p’tiot. Onyx l’observe avec amusement, malgré la situation : Il est clairement plus jeune que ses propres enfants et elle pourrait ptet bien être sa grand mère… alors autant dire qu’il l’impressionne pas vraiment, avec son air plus paumé qu’agressif.
C’est presque si elle a pas envie de lui tapoter la tête. Mais bon, vaut mieux s’abstenir avec un inconnu, surtout un Etelkru perturbé.
Et aveugle ? Y’a comme un voile, sur ses yeux…

- Au Refuge. Gouffre aux Rapaces, si tu préfères. Et moi j’suis Onyx, fière doyenne de ces lieux.

Mais aussi Maman professionnelle et Sorcière fantasque à ses heures perdues.
Elle jette un coup d’oeil à ses patates : Elles devront attendre un peu.

- Besoin d’aide pour rentrer chez toi ? T’auras qu’à me dire qui t’es sur le chemin.

Les réponse ne tardèrent pas. Il était au Refuge. Par les Dieux ! Il ignorait où pareil lieu se trouvait sur une carte, lui n'étant jusqu'à présent jamais sorti hors de la Nation Etelkrus. Elle connaissait Dairo donc il n'avait guère été envoyé hors des contrées de PW. Il se mua quelques instants dans le silence. Cette Onyx se proposait de le ramener mais pouvait-il faire confiance à une gueuse ? Rien qu'à son langage il devinait qu'elle était fille du peuple. Elle pourrait le mortir dans sa faiblesse. Il ne verrait le coup venir avec son absence de vue la vue. Père le lui avait répété maintes et maintes fois : ne jamais octroyer sa confiance à ceux dont le sang ne possède aucune fierté chevaleresque.

Avait-il d'autres solutions ? Il ne pouvait guère piétonner jusqu'à espérer rejoindre les siens. Il ne connaissait ni la distance ni le chemin. Il n'avait aucunes vivres sur lui, ni même de quoi se défendre. Sa condition d'aveugle rendait cela même impossible et il rejoindrait sans nul doute les Mânes.

Devait-il rester et attendre d'être retrouvé ? Son coeur se serra. Et si personne ne se lançait à sa recherche hors-mis Père et Mère ? Il n'était qu'une ombre se pensant noble mais que beaucoup ignorait. Il n'avait guère d'amis prêts à s'inquiéter pour lui. Il était seul. Il serra les mâchoires. Était-ce cela que la Déesse voulait lui montrer ? Qu'il ouvre les yeux sur le fait qu'il était seul ?

Son regard tenta de se poser sur la paillarde. Elle se disait être une doyenne. Était-ce la vérité ou des balivernes ? Quérissait-elle à le tromper ?

- Dame Onyx, je souhaite mander votre aide.

Il retint une grimace. Convoier avec une inconnue semblait être la seule réelle solution. Il devrait se montrer prudent et remettre sa vie entre ces pattes de paillarde.

Langage médiéval:

Il a une façon bien marrante de parler. Ca lui rappellerait presque quelqu’un : une ombre désormais lointaine liés à la découverte de ses tout premiers émois adolescents… Quelque chose qui remonte à bien longtemps, déjà.
Ca la rajeunit pas.
Elle aurait pu ressentir une pointe de nostalgie si cette période de sa vie n’avait pas été aussi sombre et si elle ne s’était pas sentie aussi bien, aussi stable, une fois sa famille fondée et maintenant qu’elle était vieille louve aux cheveux méchés de blanc.

Sa gueule s’étire en un sourire franc.

- Allez viens !

Elle se met en marche plutot énergiquement pour son âge.

- Alors, qu’est ce que t’as fait pour être envoyé si loin de chez toi ? Punition Divine ?

On disait d’Ao, mais pour le coup, la dragonne n’avait jamais rien fait du genre.

Elle accepta de l'aider. Une part de lui en était heureux quand l'autre se montrait plus méfiance. Il ne devait pas baisser ses gardes durant le trajet. Il ignorait la durée de celui-ci. Elle piétonna et il la suivit, tant bien que mal, s'aidant de son ouïe pour se déplacer.

À ses questions, son corps se tendit. Il n'avait envie d'y répondre. Elles venaient d'une gueuse. La politesse lui dicta sa conduite, il était mal avisé de ne pas répondre à celle qui va le guider.

- Je l'ignore. Je ne comprend pas.

Il était perdu de ce choix divin. Avait-il mal choisi ses mots ? Il commençait à ne plus se rappeller de ses tournures de phrase.

Langage médiéval:

Un sourire amusé étire les babines de la vieille louve.
Elle sent qu’il est mal à l’aise, le p’tit, et quelque part elle a un peu de peine pour lui. Mais d’un autre coté…

- Les Dieux font rien sans raison. P’tet quelque chose qui l’a agacée, et maintenant va falloir te faire pardonner, si tu l’aimes, Dairo. Et aussi, réfléchir à ce que t’as pu faire de mal, pour être bazardé au Refuge.

Elle est factuelle et non dans le jugement : Elle aussi en a fait des conneries, lorsqu’elle était jeune… et lorsqu’elle était vieille aussi, d’ailleurs, en allant déclarer une flamme incertaine à sa propre Déesse.
Cependant, il semblerait que même Ao soit moins rancunière que sa soeur orange.

La licorne ralentit un peu le pas. Y’a pas mal de branches mortes et de caillasse, par ici : Sans parler du gouffre qu’ils doivent longer. Elle se rapproche et vient coller son épaule contre le corps du jeune mâle.

- Reste contre moi, c’est dangereux par ici.

Ses sourcils se froncèrent aux paroles de la gueuse. Il aurait donc offensé Dame Dairo ? Était-ce toute la fougue de son adoration vers elle qui a été jugée déplacée ? Impossible. Les Dieux adoraient être ainsi vénéré. Il devait se rappeler de la scène. Des mots de la Renarde. Elle lui avait reproché son manque d'imagination. Était-ce un crime ? Il ne le pensait pas. Elle avait confié ne pas s'ouvrir par solitude. Que signifiaient ces mots ? [Peut-être que je pourrai t'aider à ouvrir les yeux[/i]. Il ne parvenait pas à comprendre. Ses réflexions furent coupées quand la ribaude osa le toucher. Il eut un mouvement de recul. Sa patte glissa et le vide faillit l'engloutir. Ses réflexes lui sauvèrent sans doute la vie, prenant appui et se projetant contre la paroi. Il comprit le danger dont la Doyenne voulait le prévenir. Il grimaça. Il allait devoir accepter son aide et ce contact impie. Il devrait faire face à la souillure.

- Merci ... Je suppose.

Il imposa une courte pause, se remettant de sa frayeur, retrouvant ses reflexions. Dame Dairo souhaitait lui ouvrir les yeux en le rendant aveugle ! Ah quel châtiment divin !

- J'ignore comment me faire pardonner ! Je ne parviens pas à saisir le sens de tout cela !

Il s'énerva légèrement. Il devait rester calme. La perfection intimait le sang-froid. Il ferma les yeux pour tenter de s'apaiser mais il devait admettre qu'il avait peur. Peur d'échouer, peur de rentrer en étant handicapé et puni de Dairo. Mère l'accepterait mais Père ... Père pourrait le renier et espérer procréer pour avoir un Héritier digne de ce nom. Être en milieu inconnu, avec une inconnue l'effrayait moins que de recevoir le regard dédaigneux de ce Père dont il voulait être la fierté.

Langage médiéval:

La licorne tend les pattes vers l’Etelkru, lorsque celui ci manque de tomber. Woah, bon, c’était ptet pas l’idée du siècle de toucher un aveugle, elle pensait pas qu’il aurait une telle réaction de recul.
Bon, au moins, le v’la prévenu maintenant.

- Tu lui as dit quelque chose de particulier ? Ou agit contre ses valeurs ? Un p’tit blasphème, ça va vite.

Elle plisse les yeux.
Ao ne lui a jamais fait ce genre de trucs, elle. Et pourtant, elle avait quand même été jusqu’à fricoter avec la magie noire. Ce p’tit loup avait du faire un truc super grave.
Si ça se trouve, elle était en train d’aider un meurtrier. Ou un brigand, ou un truc du genre.

Onyx l’observe, suspicieuse.

Les paroles de la ribaude furent autant de poignards qui l'achevèrent, l'arrêtant. Blasphème. Ce mot rendit sa gueule pâteuse. Son visage se décomposa. Il savait qu'il avait fauté mais entendre la vérité sur son acte le paralysa. Il avait blasphémé. Il avait osé remettre en doute le choix de la Déesse. Un pas en arrière vint puis suivit d'un autre.

- Je ... Je ne peux pas y retourner ... murmura-t-il plus pour lui que pour la matriarche.

S'il revenait devant Dame Dairo, que se passerait-il ? Elle l'avait châtié et lui, reviendrait tout au plus seulement quelques heures après sa déchéance. Le damelot aurait alors exigé à retrouver la vue, à comprendre. Il aurait osé exigé quand il a commis un blasphème.

Un nouveau pas en arrière.

Bien que dévot, il pourrait faire face à la Renarde et son châtiment mais Père ? Père qui ne cessait de l'appeller l'incapable. Père qui ne cessait de le regarder avec toute la déception qu'il éprouvait pour son fillot. Père le renierait. Père le chasserait. Que lui resterait-il alors ? Les Etelkrus ? Il avait bien remarqué qu'il n'y avait pas sa place. Physalis, Armada ... Eux avaient su s'illustrer dans les rangs quand lui ... Lui au Sang Pur n'était qu'un déchet. Pour eux. Pour Père. Pour Dairo.

Que lui restait-il ? Rien.

La ribaude avait parlé du Refuge. Ce lieu devrait pouvoir l'accueillir mais il devrait vivre avec de la merdaille. Combien étaient-ils ? Allait-il devoir se mêler à eux ? Pourrait-il espérer survivre loin de ses terres, loin des siens et parmi ceux qu'il jugeait sévèrement ? Gilhort vit son monde s'écrouler. Il ne portait ni armure ni épée. Il était semblable à un mendiant.

Son masque se brisa.

Sa fougue, son éducation, son Sel. Tout s'effrita. Les larmes lui montèrent. Il n'avait pas pleuré depuis qu'il était âgé de quelques mois. La décence le lui avait interdit. Les émotions étaient à bannir. Les émois ne sont que faiblesse, disait Père. Les larmes coulèrent.

- Je ... Pardon !

Inconsciemment, le damelot chercha un abri pour pleurer comme un faible mais la vue lui manquait, il ne pouvait se soustraire au jugement d'Onyx. Il savait qu'il le méritait, lui qui ne cessait d'émettre d'affreuses pensées sur tout le monde. Il se croyait au-dessus et en cette nuitée, il comprenait : depuis le début, c'était lui qui était en-dessous de tout. Ses griffes grattèrent la roche.

Père avait raison, il n'était qu'un incapable, un déchet.

Langage médiéval:

Oh, ben, si elle s’attendait à ça.
V’la que le p’tit se met à fondre en larmes devant elle et qu’il est plus si sur de vouloir rentrer chez lui. Elle hausse les sourcils, Onyx, surprise face à ce changement qu’elle comprend pas trop.
Mais bon, elle a pas un coeur de pierre et elle aime pas voir ses congénères dans c’t’état. Alors elle lui tapote l’épaule de la patte, compatissante.

- Y’a pas de soucis. Y’a de quoi être bouleversé, eh.
Tu peux rester autant de temps que tu voudras. Et si t’as besoin de parler, j’suis là. J’pense avoir vécu assez d’années pour avoir un recul sur pas mal de choses… y compris la déception divine.

Il n’était pas marqué : alors, avec un peu de chance, Dairo n’était pas non plus trop en colère. Ouais, elle voulait rester optimiste là dessus.

Son souffle commençait à lui manquer. La panique et la peur se côtoyaient. Il avait l'impression d'étouffer. Il voulait fuir mais sans en être capable. Son monde ne cessait de s'effriter. Bien qu'aveugle, il avait senti le vide près de lui. S'il disparaissait, il ne serait plus un problème. Il ne serait plus un déchet. Plus un incapable. Tout sera fini. Inconsciemment, il se tourna vers cette délivrance mais le contact de la louve, le ramena à la réalité. S'il tombait, il fuyait tel un lâche. Tel un Truand après un méfait ... L'image d'Armada lui vint. Un léger grognement monta. Il ne pouvait s'avouer vaincu par la merdaille. Il demeurait Noble. Il restait un descendant de Chevalier. Son Sang était sa fierté et dans un instant de lâcheté, il avait été prêt à se morfondre au point de s'occire ! Quelle honte !

- Je ... tenta-t-il sans poursuivre.

Il ravala ses larmes. Il devait taire cet émoi. Cela n'était pas digne de lui. Gilhort prit un certain moment, taisant les sanglots, retrouvant une expression qui se devait être sienne : froide. Il était toujours un incapable mais il ne pouvait pas continuer à s'abaisser à la populace. Il avait des projets. Il devait conquérir la fierté de son Père, s'emparer du pouvoir Etelkrus avant que Physalis ne le corrompe. Le problème demeurait le même. Que faire ? S'il rentrait, il serait confronter à son échec et à sa punition divine. Il était faible et aveugle. Il ne pourrait mener à bien ses objectifs sans être moqué et humilié.

- Je m'excuse pour cet état d'âme déplacé.

Sa voix demeurait cassée mais il se tenait de nouveau droit avec toute l'arrogance et la fierté habituelles qui gonflaient son poil. Seuls ses yeux aveugles reflétaient ses doutes et la tristesse qu'il ne pouvait taire. Son âme demeurait exposée dans ses iris d'un blanc laiteux.

- Si vous le permettez, je souhaite mander abri auprès de votre Refuge, dit-il en faisant une courbette sans savoir s'il était bien en face de la ribaude.

Sa décision était prise. Sa haine pour la populace le fit légèrement grincer des dents. Il était face à un mur. Il ne pouvait rentrer alors il s'abaisserait à côtoyer la merdaille. Il se consolait en se disant qu'il apprendrait peut-être certaines choses auprès d'eux mais au fond, il n'y croyait pas. Gilhort ne voyait pas ce que des pouilleux pourraient apprendre à un Noble. Il profiterait de cette pause Etelkrus pour faire le point et se positionner sur la démarche à suivre.

- Je ... Il toussota, retrouvant contenance. Je souhaiterais également m'entretenir avec vous sur la déception divine.

Prononcer ces mots étaient étranges. Il retint difficilement un bâillement, s'en voulant immédiatement de montrer pareilles bassesses suite à ses demandes sérieuses.

Langage médiéval: