Holly était repartie, le laissant de nouveau seul avec ses doutes, sa culpabilité. Ce qu'ils faisaient était mal. Alex était toujours en couple avec la Bleue et le poison de l'incertitude recommençait à le ronger. Et si Holly ne parvenait pas à rompre ? Et si elle y parvenait mais Alex quémandait vengeance ? Et s'il avait accepté la facette d'Holly d'aimer les deux, de réfléchir à former ce qu'on appelait un trouple ? Et si bien des choses encore. Il lâcha un long soupir. Il ne pouvait se permettre de douter. Il devait l'épauler et comme il lui avait dit, il saurait attendre le temps qu'il faudra pour que rupture se fasse ou pour re-disparaître. Mais il était au moins sûr d'une chose : ils empruntaient un chemin plein d'interrogation. La vie ne leur serait sans doute pas facile. Sans doute que le Clan verra leur relation future d'un mauvais oeil ...
Il rouvrit un livre. Celui de l'anatomie. Il l'avait commencé mais il préférait reprendre depuis le début. Il fallait qu'il se change les idées, il fallait qu'il travaille comme c'était convenu. Il lâcha un soupir et il se pencha, reprenant ces lignes qu'il connaissait déjà. Les schémas des appareils génitaux s'enchainaient, il les griffonnait à son tour sur des pages vierges, les remplissant de ses dessins et de plusieurs annotations. Il était scrupuleux, notant tout ce qu'il jugeait de fondamental à savoir. Il ne se priva pas non plus de faire quelques détours littéraires pour en apprendre plus sur les hormones, plus sur la période de chaleur. Il avait mis en garde Sakura mais n'avait pas été capable de lui en expliquer plus. Cette fois, il prenait les armes dont il avait besoin. Chaques hormones trouvaient sa place sur ses feuilles, qu'elles soient pour les femelles ou pour les mâles, elles y passaient toute. Plus cette lecture le prenait, plus il commençait à se poser des questions. Etait-il stérile, lui dont l'un de ses gonades avait été sectionné ? Au détour de quelques pages, il trouva réponse. Il ne l'était pas. Au du moins, il ne le serait pas à cause de ça. Son organisme arrivait à compenser la perte, il s'était réogarnisé pour permettre de déposer "la petite graine". Il fut à la fois soulagé et inquiet.
Avait-il pu mettre enceinte Holly ?Elle ne lui semblait pas encore avoir grossi mais si elle l'était, elle n'était qu'au début de la grossesse donc dans la période où ventre ne prenait pas de rondeur. Ils avaient pris un gros risque. S'il devait y avoir enfant, il serait aisé de comprendre qu'adultère il y avait eu et Holly en prendrait pour son grade. Un frisson le prit. Devait-il l'avertir du possible danger qui planait sur eux ? Puis il repensa à ce qu'elle lui avait dit. Elle voulait une famille. Sans doute en portait-elle déjà la base ... Il soupira. Il ne pouvait la prévenir. Si enfant il devait y avoir, elle en serait heureuse et il ne pouvait lui prendre ce bonheur même si lui ne savait pas si c'était une bonne ou mauvaise chose.
Il tourna doucement une page. Il gribouilla de nouvelles choses puis enfin, après la lecture de trois livres sur l'anatomie, les hormones, etc, il jugea avoir suffisamment de connaissance là-dedans. Il les repoussa doucement, attrapant un ouvrage de sage-femme. Il était pauvre en témoignages mais il était clair sur l'acte de mise à bas. Des annotations trainaient dans les rebords de page d'ordinaire vides. Il y avait des compléments d'informations sur comment se déclenchaient les contractions, ce qu'il se passait au niveau hormonal lors du grand jour. Les muscles mis en cause étaient aussi schématisés, au repos puis à la contraction, des flèches allaient dans tous les sens, guidant vers d'autres gribouillis et définition. C'était une pépite littéraire en terme médical. Jamais Méridor n'aurait soupçonné pareil maitrise du sujet ! Alors, il essaya de reproduire certains schémas, de son tracé incertain. Il recopia des mots et leurs sens, et bien d'autres éléments. Et puis, vient le moment de lire ce qu'engendraient les contractions aussi bien de la sortie des petits qu'à la douleur qu'elles provoquaient. Il esquiva un frisson. Cela avait n'être que des mots, ils étaient forts et habilement choisi. Il pouvait sentir à travers ses lignes la douleur que les mères pouvaient ressentir alors doucement, son esprit divagua vers sa Mère. Elle avait dû peiner pour mettre bas de six enfants mais la connaissant, même dans cet événement elle avait dû garder son expression froide, rester "forte" avec son histoire de masque. Il leva les yeux au ciel tout en lâchant un petit rire amer.
Anianka lui manquait.Terminant cet ouvrage, il l'attrapa avec les autres sur l'anatomie et il alla les ranger, profitant de cette pause pour se dégourdir les pattes. Il avait acquis le gros des connaissances qui lui manquaient. Il avait désormais son propre recueil sur ce qu'il jugeait important de bien connaître mais, il n'avait que la théorie et à défaut de pouvoir connaître toute de suite la pratique, il décida de se concentrer sur des livres de témoignages. Méridor jugeait qu'il lui manquait beaucoup de pièces au puzzle qu'il s'efforçait de créer.
Arrivant au rayonnage, il rangea les ouvrages qu'il avait pris, prenant soin de les remettre bien à leur place. Il flâna un peu après cela, regardant quelques livres. Certains d'entre eux n'étaient que feuilles malades, détruites par le Temps. Il faisait attention à ne pas les abîmer plus qu'ils ne l'étaient puis il notait la liste des ouvrages abîmés pour avertir les Nakhus. Et puis, il le vit. Petit livre fin, discret de couverture, il reposait entre deux gros qui accaparaient toute l'attention. Il s'approcha et d'une griffe délicate, il le sortit. Le livre ne payait pas de mine. Il était sobre et bien que léger et pourvu de peu de pages, Méridor pouvait sentir un certain attrait pour lui. Son instinct avait parlé et il retourna à sa place. Il l'ouvrit à la première page puis il le feuilleta rapidement. Des témoignages. des questionnements ... Il avait trouvé ce qui pouvaient être un livre d'or, recueillant des avis, des pensées d'époques sans doute différentes. Alors, il revint au début et commença sa lecture.
Au départ, il ne s'agissait que de simples commentaires, sans grande importance pour le Doré mais très vite, les témoignages se précisèrent, passant du "c'est chouette d'être parent" à "ce qu'il faut savoir avant de l'être". Les premiers mots dépeignaient l'envie viscérale d'en avoir. Un besoin naturel, primaire que beaucoup avait encore. Il n'y avait pas spécialement d'explication à cela, certains demeuraient plus proche de la Nature et de ce besoin de perpétuer l'espèce quand d'autres qualifiaient cette envie comme viscérale, dépeignaient un autre tableau. Souvent il s'agissait de loups en manque de famille qui en avait besoin pour justement en avoir une. Etait-ce le cas d'Holly ? Méridor savait qu'elle avait perdu ses parents et qu'il y a peu, sa chère Pepper. Est-ce à ce moment-là qu'elle avait décidé de fonder se propre famille ? Pour être entourée ? Être aimée et donner de son amour ?
D'autres loups encore, en fondaient une simplement par principe. Il y avait alors ceux dont les croyances poussaient à donner Vie, et d'autres uniquement par prestige, pour fortifier leur Sang, devenir noble ... Il leva les yeux au Ciel. Il en avait un parfait exemple et il fut presque tenté de noter le témoignage de sa famille sur le sujet.
Il y avait aussi ceux dont l'idée d'avoir des enfants n'était pas exclue mais pas viscérale. Un projet de famille qui était envisagé mais qui ne prenait pas une grande place et à un besoin absolu de le complaire. Sans doute que Méridor en faisait parti. Il ne s'était jamais posé la question jusqu'à ce que la Bleue lui en parle. Mais peut être que cet ouvrage l'éclaircirait sur ce qu'il voulait vraiment.
Puis les témoignages s'orientèrent vers les contraintes d'avoir des enfants. Des "Nobles" en parlaient comme une faiblesse. Avoir des petits signifiaient offrir un point faible à ses adversaires. Mais ceci n'était qu'un point de vue guerrier et Méridor, n'en avait pas vraiment envie de lecture, alors il sauta ces lignes pour se concentrer sur d'autres plus intéressantes. Les parents y écrivaient le quotidien qui s'était retrouvé changé. Les nuits s'étaient écourtées car les bébés demandaient une attention particulière, une alimentation chronométré à la seconde près pour ne pas se retrouver avec des monstres. Il y avait aussi les contraintes liées à leur nombre. Certains dépeignaient la vie plus facile avec que deux enfants. Ils étaient plus simples à surveiller, quand d'autres avaient eu la chance, ou le malheur, d'avoir plus de quatre petits. Il devenait alors plus difficile de maintenir un oeil vigilant sur eux tous.
Akira.Il fit une pause. Akira était défunte car Mère avait été occupée ailleurs, à aller combattre les destructeurs de fontaine. Elle avait manqué à sa vigilance et la Mort en avait été gâtée. Etai-ce la faute à qui ? Aux destructeurs ? A Anianka d'être allée les chasser, faisant passer foi avant enfant ? Ou encore à ce père qui était absent et donc incapable de les surveiller ? Quoiqu'il en soit, soeur était morte, Famille détruite en avait découlé et Méridor semblait avoir une vie commune à bien d'autres d'après ces lignes. Des morts d'enfant étaient dépeintes. Un regard ailleurs qui avait coûté la vie à un enfant. Il réprima un frisson. Peiné. Triste. Inquiet. S'il venait à avoir des enfants, saurait-il les surveiller pour qu'aucun malheur ne survienne ? Il repensa à l'histoire de son Père. Gloriel, enfant, s'était éloigné du Castel et hors de ces murs, il avait été torturé par un loup. Mutilé à vie.
Il tourna la page. Les contraintes redevinrent moins dramatiques. Certains expliquaient les bêtises qu'avaient fait leurs enfants ... Voler les plus âgés, embêter les adultes ou même, se cacher dans le garde-manger pour se faire un festin. Méridor retrouva le sourire. Sans nul doute que ses enfants lui donneraient aussi du fil à retordre !
Mes enfants.Cette pensée le frappa. Commençait-il à se projeter plus qu'il ne le devrait ? Il n'était pas encore en couple -s'il le devenait- et déjà il songeait à la famille qu'Holly voulait tant. Une pression serra son coeur. Il commençait à connaître cette envie d'être parent. La Bleue lui avait garanti qu'il serait bon parent mais c'était autre chose qu'il le prenait. Il commençait à en ressentir le besoin. Il vieillissait. Il cherchait à se poser alors sans doute était-ce un bon moment ? Mais s'il commettait les même erreurs que ses parents ? Non. Il n'était pas eux comme eux n'étaient pas lui. D'un mouvement de queue, il chassa cette pensée. Pour l'heure, il était là pour le bien de Etelkrus. Pas pour ses besoins à lui.
De bien heureux témoignages finirent par laisser place à d'autres plus sombres. Il prit une longue bouffée d'air puis il se perdit entre ces lignes. Des viols qui avaient engendrés des enfants, une mère brisée et incapable de s'occuper de ses enfants. Certaines en venaient au suicide, d'autres décidaient de confier leurs petits à d'autres loups pour ne plus jamais les revoir quand d'autres, préféraient les tuer une fois nés. Il y avait quelques louves qui parvenaient à bien éduquer ces enfants liés d'un viol ...
Rhaegar.Il avait su son affiliation au détour d'une conversation avec son Père. Rhaegar était l'aîné. Rhaegar était d'un autre parent. Alors Méridor avait posé beaucoup de questions. Il avait voulu savoir qui était le géniteur de ce frère plus âgé et un beau jour, Gloriel le lui expliqua. Oh il ne dit pas clairement qu'il s'agissait d'un viol mais le Doré avait fini par le comprendre en grandissant. Tout comme la vérité le frappait aujourd'hui encore. Son frère avait-il souffert de ça ? Connaissait-il son véritable père ? Ressentait-il un vide ou une brisure ? Et Anianka ? Elle voulait toujours paraître forte mais était-elle si indemne après ce viol et la perte d'une de ses filles ? Méridor souffla, les larmes lui montant.
Il y avait aussi Te Hari ... Le Doré ne connaissait que les grandes lignes de cette histoire. Tawana, alors louve, violée par un autre Etelkrus. Un acte ignoble au sein du Clan. Quelles étaient les séquelles pour eux d'eux ? Mais cela jamais Méridor ne le saurait car jamais il ne poserait cette question.
Déni de grossesse ... Certains venaient à la suite d'un viol, d'autres restaient un mystère du pourquoi les louves avaient déclenché pareil mécanisme de défense. Le sujet était peu abordé parmi ces témoignages tout comme les grossesses nerveuses et les cachées. Quelques louves y avaient écrits leur expérience mais elles n'entraient guère dans les détails, sans doute par difficulté de réellement pouvoir en parler. Des morts nés virent le jour ... Certains venaient d'une grossesse mal prise en compte, d'une grossesse vouée à l'échec pour quelques facteurs que ce soient.
Et ce fut entre ces lignes qu'il fut frappé. Devenir oncle mais non. Il fut horrifié. Peiné.
Iel avait été enceint-eEtait-iel l'un de ces loups violés pendant les chaleurs, tombant enceinte ? Peut-être qu'iel s'était trompé dans des doses médicamenteuses et avait provoqué la perte de ses enfants ? Non, impossible. Méridor n'y croyait pas. Iel possédait des connaissances bien supérieures à tout membre de la famille, iel ne pouvait ainsi se tromper. Alors, que s'était-il passé ? Il laissa couler quelques larmes mais il reprit sa lecture. Il devait poursuivre. Il trouverait raison plus tard. Il lui manquait encore des pièces à ce puzzle mais il savait qu'il avait échoué. Il avait été absent quand iel avait besoin d'aide. Il avait fait sa vie quand iel souffrait.
Le coeur lourd, il s'attela à sa lecture. Quelques parents seuls témoignèrent de la perte de leur conjoint-e et de la difficulté d'élever un enfant seul. Certain y arrivait, d'autres échouaient et engendraient un loup incertain, parfois chaotique. D'autres couples se retrouvèrent dépassés bien vite. Ils ne parvenaient pas à joindre les bouts, incapable de fournir une éducation à leurs enfants qui finissaient bien mal. Sans doute était-ce là la cause de l'effondrement de sa famille ? Un père absent, une mère qui tente d'élever à elle toute seule six petits ... Bien que l'éducation d'Anianka laissait à désirer mais peut-être ne savait-elle pas comment s'y prendre ? Et à défaut d'avoir eu Gloriel pour l'aider, elle a voulu qu'ils soient comme elle, pour pas qu'ils ne se fassent briser comme elle ?
Sa lecture s'acheva bien vite mais il avait noté plusieurs pistes. Il était allé chercher de nouveau des ouvrages médicaux, pour confronter la "pratique" à la théorie. Si les témoignages bien heureux de belles familles ne leur avaient appris le bonheur d'être parent, les plus sombres lui soulevaient de nombreuses questions alors, il commença à chercher. Il écrivit les définitions des grossesses nerveuses, des cachées et du déni. Toutes les trois offraient bon nombre de question. Pourquoi cacher sa grossesse ? Par peur sans doute ? Par intérêt quelconque ? Pour survivre ? Il nota ses pistes vis à vis de la cachée. Quant aux deux autres, les recueils médicaux ne savaient pas comment l'expliquer. Si les nerveuses étaient souvent provoquées par un fort désir d'enfant, elle restait difficilement cernable sur plusieurs points. Quant au déni, il était un véritable casse-tête que la science n'avait jusqu'à présent que peu réussi à cerner.
Méridor souffla. Il ne s'était imaginé pareil difficulté en se lançant dans l'apprentissage de la Maternité. Il se sentait plus fort sur bien des points mais d'autres restaient flous, titillaient sa curiosité et son envie d'en savoir plus. Pour le moment, il retenait qu'il faudrait songer à prévenir jeunes loups et jeunes louves sur les chaleurs, sur ce qui en découle. Une école sur l'éducation sexuelle ne pourrait être que bénéfique pour aussi bien les mettre en garde de fricoter pour le plaisir, que de les prévenir d'un possible danger. Quant aux louves enceintes, un suivi gestationnel ne serait pas refus. Cela permettrait de les aider dans ces jours de grossesse mais aussi pour la mise à bas, leur parler du déroulement pour celle l'ignorant ainsi qu'une intervention pour les naissances prématurées. Peut-être serait-il même préférable de former les autres panseurs ? Ils pourraient tous intervenir si Méridor n'était pas là pour s'en occuper.
Les idées germaient tandis qu'il tomba sur le chapitre traitant des morts nés. Il y avait plusieurs facteurs qu'il nota puis l'un d'eux attira son regard.
Un coup peut porter préjudice au bon déroulement de la grossesse. Un coup. Ses yeux s'écarquillèrent tandis qu'un souvenir s'imposa à son esprit. isrà n'allait pas bien mais ils s'étaient affronté. Ils avaient voulu voir ce que l'un et l'autre devenaient alors ils avaient combattu. Mais iel était déjà enceint-e. Méridor le savait. Il le sentait.
Avait-il tué ses enfants ?Dure révélation. Choc qui lui arracha des larmes, une légère complainte. S'il avait mal frappé, il avait pu engendré cette perte. Est-ce pour cela qu'Isrà lui en avait voulu autant lors qu'ils s'étaient vu la dernière fois ? Iel savait qu'il était coupable d'infanticide ? Si c'était cela, qu'avait-il fait ? Et lui osait penser à devenir père alors qu'il avait peut être priver Isrà de ce bonheur. Il avait et était bien égoïste. Il avait rendu malheureux son Sang quand lui se complaisait dans le bonheur. Mais pourquoi iel n'avait rien dit ? Pourquoi garder ce silence quand la Vérité aurait pu changer bien des choses ? Avait-iel honte ? Voulait-iel rester seul à jamais ? Non ...
« Qu'ai-je fais ... Il repoussa livre d'un geste violant, les faisant tomber. Dérangeant les autres loups de son bazar mais il s'en moquait. Il avait tué. Il en était persuadé.