Les attendus [Lugh, Onyx si elle veut]

-Ted-

Une contraction passe, plus forte que la précédente.
Dans la pénombre de sa tanière, Ted souffle. Et surtout, il compte. Dix secondes ... Une minute ... Deux ... Cinq ... Six trente. Juste avant, c'était proche des sept. Cela s'accélérait. Elles avaient été présentes depuis quelques semaines, à présent, mais jamais d'une telle intensité. Son état fébrile, la douleur, son agitation alors qu'il tournait dans le lit qu'ils avaient aménagé en un nid douillet (et surtout, assez garni pour protéger le sol et ses précieux ouvrages de tout ce qui allait pouvoir être salissant lors de cette mise bas), tout ceci étaient des signes qui ne le trompaient pas.

Un frisson d'excitation, de peur et d'anticipation le parcourt.
C'était le moment.


Il avait préparé cet instant, et tout ce qu'il savait repassait en boucle dans son crâne. Il s'y accrochait, sérieusement, pour ne pas défaillir lorsque la contraction prochaine arriverait. Car elle arriverait, oui, il le fallait bien.
Tout irait bien.

Un doute le prend, mais il serre dans sa patte les trois insignes données par Ao, à s'en faire mal aux coussinets.
Tout irait bien.

-Ted-

Il va prévenir Onyx.
Un instant plus tard, il est parti, et voilà que Ted se retrouve seul. Coussinets suant, il sent une vague de panique le submerger un instant, avant de se mettre à respirer. Lùgh serait revenu vite ; Et lui était prêt. Il eut un petit rire, un peu nerveux : de toute façon, ce n'était pas comme s'il avait le choix ! Ils étaient entrés, ils devaient bien sortir. Cette pensée fronce son museau , le faisant rosir, mais une autre contraction le sort de ses réflexions un peu gênante. Il la sent venir, plus forte, douloureuse, contractant ses muscles comme une vague désagréable. Il souffle, mais l'air se bloque dans sa poitrine.
Ca allait peut-être être plus dur que prévu.

Ted salut le retour de son mari d'un sourire soulagé. Leurs deux pattes se pressent l'une contre l'autre, au contact des trois médaillons donnés par Ao. Il hoche al tête, alors, repoussant les doutes qui lui assènent l'esprit.
Ils n'auraient pas pu être plus prêts.


Alors, Ted s'installe et laisse le travail avancer. Les contractions se font de plus en plus rapprochées, et de plus en plus intenses. Avec chacune d'elle, Ted apprend à se laisser vivre la douleur entière, expirant avec force en serrant la patte de son mari. Si les livres lui avaient appris toute la théorie de ce moment, rien n'avait pu le préparer à la douleur d'un corps qui se contracte entier pour mettre au monde trois nouvelles vies.
Rien n'aurait pu le préparer à l'émotion puissante de son corps qui agissait comme par lui-même, faisant avec force ce que tant d'autres avaient fait avant lui.

C'est dans un hurlement bref qu'il met au monde leur premier né, un petit corps roux qu'il attire contre lui en un geste instinctif. Il le lèche, sa conscience affleurant à peine pour réaliser que c'était un mâle, avant que ne reprenne le travail. Leur deuxième fils arrive vite, lui aussi, suivi de peu du troisième. Si la mise bas avait duré quelques heures, Ted avait eu l'impression qu'il s'agissait de plusieurs jours, ou de quelques secondes. Alors que les dernières contractions s'affaiblissaient, laissant le grand mâle en sueur et endoloris, la vague de bonheur qui le parcouru était, elle, bien plus puissante que n'importe quoi d'autre.
Alors, ses yeux s'humectent et il se laisse pleurer, léchant ses trois fils en posant la tête contre son compagnon.


Il le laissera les voir, les toucher, les observer, leurs fils. Les protéger, aussi, de ces trois médaillons qui ont glissé de ses pattes pendant le travail. Son regard brillant les couvent, un roux, un brun et crème, un gris, qui tétaient tous vigoureusement. Un rire mouillé agite sa poitrine, réalisant qu'il avait oublié absolument tout ce qu'il avait appris dans les livres sur la mise bas tant le moment avait pris toute la place.


Sa voix s'étrangle, pleine d'émotion. Il était heureux, aussi pleinement que possible.