Jeux enfantins, Jane. [A ARCHIVER, FINI]

Michigan courait le long de la côte, ses petites pattes éclaboussant tout autour d'elle. Elle coursait les vagues, les forçant à se replier... Mais celles-ci revenaient toujours à l'attaque, increvables adversaires. Michi avait beau leur sauter dessus, ses coussinets traversaient l'onde sans difficulté. Et toute cette eau... L'océan la narguait, le vilain. Ou il faisait semblant de pas la voir, ce qui était tout aussi désagréable. Mais Michigan, en toute bonne gamine entêtée qu'elle était. Elle avait juste changé sa stratégie et le longeait pour trouver une faille dans sa défense. L'eau était froide, et l'air marin s'amusait à lui revenir en pleine face à toute vitesse. Décidément, ce n'était pas son jour.

Encore une fois, elle avait échappé à la vigilance de ses parents. D'ailleurs, elle se fichait pas mal des ordres qu'ils donnaient. Pas qu'elle soit en quelque rebellion par rapport à ses parents, non. Juste qu'elle ne se rende pas forcément compte que ces ordres s'adressaient à elle. Étrangement, sa fratrie...

BAM !

Sous la force du choc, Michi fut projetée au sol.

Elle venait de percuter un inconnu à pleine vitesse.

« Excusez-moi, mademoiselle, je ne vous avais pas vu … Vous allez bien ? »

Michigan ne répondit pas imédiatement. Elle courait vraiment très vite, et le choc n'en avait été que plus violent, bien qu'elle ne fut pas lourde. Elle avait gravit sans s'en rendre compte la petite colline de rochers sur laquelle était juché l'obstacle de sa folle course, et avait reculé de quelques mètres après l'avoir percuté. Sa tête tournait un peu et lui faisait légèrement mal, mais rien de grave toutefois. La loupiote secoua la tête, et fit fonctionner les unes après les autres ses articulations. Elle n'avait rien que de petites douleurs éparses et négligeables. Son esprit redevenait peu à peu clair, et elle put bientôt discerner le loup dans lequel elle était rentré. Petit, le poil gris orné de motifs plus clairs, il ne devait guère être plus agé qu'elle. Une épaisse touffe de cheveux bleux tombaient sur ses yeux turquoises.

Là seulement, elle se rendit compte qu'elle lui avait peut être fait mal.

" OHEXCUSEMOIDÉSOLÉESORRYJMENVEUXÇAVA ? "

Le tout prononcé très vite et très fort.
C'était la première fois qu'elle sortait de son nid et qu'elle rencontrait quelqu'un qui n'était pas de sa famille. Elle gravit le rocher en trébuchant, et fit le tour du louveteau pour voir si il était indemne. Il n'était pas tombé, donc ne devait rien avoir de mal. Mais... Mais Michi' n'avait pas encore toutes ces notions, et ne se retint pas pour soulever ses pattes les unes après les autres pour voir si tout marchait correctement. Un comportement certe très familier, mais l'Aviatrice n'était encore qu'une loupiote de quelques semaines. Et lui n'avait guère plus. Son inspection terminée, elle s'assit face à son nouveau camarade, qui l'avait vouvoyée. Kowai aussi la vouvoyait. Et elle n'aiamait pas beaucoup cela. Cette façon de mettre de la distance entre les gens était assez désagréable. Et la louve aux yeux bicolores ne considérait pas cela comme une marque de respect, mais plutôt comme une marque d'irrespect... M'enfin elle avait peut-être fait mal au loupiot, et lui sortir que le vouvoiement, c'était mal n'était pas forcément dans ses priorités. Mettant de côté ce détail et lança au petit mâle :

" Vraiment désolée. I'm Michigan. "

Et elle lui rendit son sourire.
La louve sable-comme-maman aimait beaucoup les sourires, sans qu'elle sache vraiment pourquoi. Elle aimait voir la gueule des gens s'étirer en direction de leurs oreille, comme si la mince fente eu voulu que sa commissure touche l'organe de l'ouïe. C'était agréable, chaleureux et amical. Ça rapprochait les gens et illuminait leurs visages, comme un soleil. Même si ce n'était qu'un simple trait, un vulgaire arc de cercle sur la face des gens, ça provoquait toujours. Et elle espérait en revoir un sur le visage gris du louveteau aux cheveux gris... C'était tellement agréable de voir les gens sourire.

« C’est une joli nom que vous avez ! Je me nomme Jane ! »

Waah, sourire again *^*
Il était gentil, ce petit loup. Il trouvait qu'elle avait un joli nom, en plus. C'était vraiment quelqu'un de bien. Il s'assit face à elle, et son visage s'illumina de cette moue que Michi aimait tant. Lui aussi avait un joli nom. Jane. Jay-ne. Un nom qui avait ces jolis accent anglais. Ces sons sonnaient comme des musiques à l'oreille attentive de l'Aviatrice. Elle aimait tout ce qui avait un rapport ave l'Outre-Manche, surtout ce qui concernait la langue. Rares étaient ces personnes qui appréciaient les anglicismes à leur juste valeur, et Michigan faisait partie de ce groupe.

"J'aime bien ta prénom ♥ "

Cette petite faute d'accord se remarquait à peine dans la voix douce et claire de la petite louve. Il devait y avoir une erreur dans l'ADN de la louve au ventre blanc qui lui faisait faire ces petites fautes, anodines et singulières. Cela ne gênait visiblement personne, car personne ne l'avait jamais reprise. De toute façon, elle l'aurait très mal pris. D'une part, elle n'aimait pas avoir tort, d'autre part, quelle importance avait cet article ? Pourquoi un prénom devait être forcément masculin ? Les femelles aussi avaiet des prénoms... C'était vraiment innoportun de lui dire qu'elle avait tort.

" Tu peux tutoyer moi. La vouvoiement, je trouve ça gênant ! "

Autres fautes, tout aussi anodines. Et elle avait dit ce qu'elle pensait au bon moment, avant que cela n'explose en une colère tout aussi inutile que regrettable, tant pour elle que pour son nouvel ami.

" It's beautiful, l'océan. "

«Oui, c’est beau. Qu’est ce que tu penses du vent, de l’océan ? Moi, je ne sais pas. J’aime que les choses se passent sans que je sache tout.»

C'est beau, ce qu'il dit.
Le vent. Michigan aimait beaucoup le vent, son sifflement dans ses cheveux chatains mêchés de blond. Elle aimait sentir son poil onduler sous cette force inexplicable, si présente tout en se faisant aussi discrète qu'un mulot au fond de son terrier. Elle aimait cette gifle froide sur le bout de son nez, cette claque dans la figure. Le vent lui donnait une impression de liberté, de puissance et de force. Une force sauvage, inssaisissable, narquoise. Elle aimait quand il se faisait zéphyr, calme et doux. Elle aimait quand il se faisait mistral, puissant et froid. Elle aimait cette sensation de voler quand, les yeux fermés, elle se tenait sur la falaise. Droite, face à la brise marine. Ses pattes se décollaient du sol, des ailes vermeil poussaient sur son dos, et elle s'élevait dans le ciel, au côté du vent. Elle jouait avec lui, se glissait sur son dos et regardait de ses yeux émmerveillés les petits points de couleur qui tenaient lieu de terre ferme.

Ses yeux finnissaient toujours par s'ouvrir.
Mais elle sortait de sa rêverie joyeuse et comblée.

Quand à l'océan... Il ressemblait au vent. Moins léger, plus violent, mais libre. Sa colère dévastatrice était représentée par ces tempête que l'on avait si souvent contées à Michigan. Il se soulevait, s'abaissait, abattait ses vagues telles des lames sur les malheureux qui passaient à sa portée. Il mugissait, ouvrait grand sa gueule noire aux dents d'écume pour entraîner tout ce qui passait à sa portée vers l'abysse de son estomac. Et sur le rivage, il déferlait tel un cheval au galop, détruisant tout sur son passage. Quand enfin sa colère se calmait, des roulis d'écume blanche venaient se perdre sur une plage abandonnée. Il redevenait calme et acueillait en son sein le soleil qui se couchait dans son édredon de mer.

Michigan appréciait ces deux forces de la nature et s'y reconnaissait. Libre comme le vent, fonceuse comme un océan en colère, franche comme un mistral, agréable comme un coucher de soleil sur la mer.

- Eh bien...

Michi marqua un temps. Elle peinait à expliquer par des mots ce qu'elle ressentait.

- C'est si beau, si fort. I can't explain it.

Elle lui sourit.

« Je pense que personne ne le peux. »

Il avait raison. Une personne capable d'expliquer cela, n'existait pas. Ou alors, seul celui qui avait inventé le Monde le pouvait. Il avait dû concevoir le vent et l'océan de manière à ce que leur beauté coupe le souffle de tous ceux qui tenteraient de l'expliquer. L'expliquer, ce serait rendre ces choses banales, les amoindrir, les entacher. Les rendre normales. Or, comment pouvait-on qualifier de normal une respiration qui ne sort d'aucune bouche et qui est plus puissant que tous les souffles qui ont jamais existé sur Punk Wolf ou un espace rempli de centaines de milliers de milliards de tonnes d'eau qui semblent avoir une volonté propre et qui se soulèvent sans qu'aucune force réelle ne les tire vers le haut ?

« Un jour, j’aimerais voler. Attraper les nuages & les étoiles. Mais ce n’est qu’un rêve. Fais-tu ce rêve, toi aussi ? »

Le visage de Michigan s'ilumina du sourire le plus beau et le plus sincère que la Terre ait jamais porté. Un sourire sublime, tellement resplendissant que Michigan ressemblait à un rayon de soleil ambulant. Ainsi, elle n'était pas la seule à déployer de larges membres couverts de plumes rouges pour partir à la conquête du monde à dos de nuage. Elle n'était pas la seule à rêver qu'elle dansait avec le vent. Pas la seule à espérer un jour toucher la voûte céleste, pas la seule à espérer décrocher les étoiles du firmament.
Jane aussi.

- Oui ! Je... J'aimerai tellement voler...

Une bourrasque de vent ébouriffa ses cheveux, et elle posa son regard sur l'océan. Il allait et venait, calme et doux comme un agneau à la laine d'écume blanche. Pouvoir le traverser en volant pour découvrir l'Autre Côté du monde...

« Je suis content de ne pas être le seul. Peut-être ne sommes-nous que deux, mais c’est déjà bien. Un jour, nous y arriverons. Même si ce n’est qu’un rêve. »

Michigan y croyait.
Elle avait des ailes. Deux belles ailes rouges, qui s'étendaient le long de ses épaules. Deux ailes vermeil, rattachées à un cercle de même couleur, dôté d'une queue qui s'en roulait sur sa cuisse gauche. Ces ailes n'étaient qu'un simple marquage, qu'une vulgaire marque de couleur sang sur son dos. Ce n'était pas avec ça qu'elle s'envolerait, c'était certain. Mais elle y croyait. Un jour elle réussirait. Un jour, elle pourait. Et Jane aussi pourrait voler. Tout le monde le pouvait, en fait. Il suffisait de le vouloir très fort... Non ?

" Oui. You and I can fly. "

Oui. Tout le monde le pouvait.
Il la regarda de ses beaux yeux verts si profonds. La jeune louve lui rendit son regard, avant de reposer ce dernier sur le ciel. L'après-midi tirait à sa fin, et le soleil allait bientôt disparaître dans son lit de nuages. Michigan bailla. Elle avait l'impression de s'être éclatée toute la journée. En compagnie de Jane, le temps était passé hyper vite. Et elle n'avait ni couru, ni joué, ni sauté d'une falaise. La louvette avait seulement discuté avec son ami. Mais elle ne s'était pas ennuyée une seule seconde. Mais elle était fatiguée, et elle avait hâte de rentrer chez elle.

"Je vais y aller my dear, see you ♥ "

Elle fit une léchouille à son ami et tourna les talons.

Son regard virevolta.


A l’image de son imagination, les yeux émeraude de Jane étaient très expressifs. Vagabonds. Furtifs. Il aimait s’imaginer des petits mondes de papiers, jetables, et pourtant développés, parfaitement équilibré, avec une histoire pour chaque habitant. Il pensait vite, efficacement, plus vite que n’importe qui d’à peu près normalement constitué. Il décelait avec facilité le moindre changement d’humeur chez un loup. Surtout s’il le regardait dans les yeux. Sur ce coup là, il était imparable. Le jeune loup gris à la courte queue était persuadé de recevoir le Glowstick bleu, le jour de ses uns ans. Comme son père. Et puis, il n’était pas difficile de voir à quel point son esprit pouvait voguer tout seul. Un adulte, Bêta ou Alpha de surcroit, le remarquerait tout de suite. Jane était fier de lui sur ce coup-là. Fier de ces petites combines, machinations qui ne valaient rien. D’autant plus qu’il n’était pas forcément plus intelligents que les autres. Pas mal de choses lui échappaient. Il avait juste une imagination débordante, extravagante, fabuleuse. Il écouta distraitement Michigan, qui regardait le ciel avec envie. Il remarqua les signes en ailes, écarlate, sur son dos couleur de sable. Etaient-ce de véritables ailes, qui sortaient comme par magie de sa fourrure, pour se transformer en magnifiques membres à plumes rouges ? Il en doutait. Ils avaient abordé la question, et si elle avait eu un don pour le vol, elle lui en aurait fait part. C’était sur. Il sourit. Elle se leva, et lui adressa un mot d’au revoir, accompagné d’une lèche amicale. L’après midi touchait déjà à sa fin. Il n’avait pas vu le temps passer. Il retint un bâillement, et se leva à son tour. Il allait lui aussi regagner le chemin de la maison.


« Au revoir Michigan. On se reverra … »


Il se tourna et partit à son tour …