Est-il trop tard ? ○ Khal.

Sekmêt fixait cet arbre dénudé. Un immense chêne qui étirait ses branches vers la voûte célèste tels des doigts crochus et tremblottants qui tenteraient dans un vain espoir d'aller cueillir les colosses de vapeur, comme si ç'a avait pu être de la barbe à papa prête à être dégustée. Les couleurs pêche, mandarine et mordorés que le soleil couchant tissait sur les nuages cotonneux faisait un bel échoc au manteau carmin, brique et rouille que formaient les feuilles mortes. L'automne était une belle saison. La jeune louve se sentait inspirée et apaisée par l'approche de l'hiver et ses couleurs éclatantes et tièdes. La brise, quant à elle, n'avait rien de chaud. Elle passait en tout sens, envoyant valser les feuilles dans de petits tourbillons que la brune comparait à des ballets de danse. Dame Nature offrait là un inconparable spectacle, même si le vent infligeait des frissons douloureux à Sekmêt. Toutefois, malgré le froid qui obligeait la louve svelte à grimacer, elle était incroyablement pleine de grattitude de pouvoir admirer tout ça. En effet, il s'agissait d'un paysage incomparable pour son premier jour de sortie. Sa convalescence avait été longue et difficile. Mais cette épreuve était derrière elle.

Sekmêt n'avait plus qu'à entrer dans sa vie d'adulte. Elle se sentait prête. Après tout, elle avait eu de nombreuses semaines pour réfléchir et poser son esprit volatile. Si elle n'avait en rien perdu sa joie de vivre et son amour des choses simples et belles, la femelle chocolat avait l'esprit apaisé. Serrein. Son imagination restait débordante, à ceci prêt qu'elle savait désormais la contrôler. Finalement, a même pas deux ans, Sekmêt était devenue plus mature et prête à affronter les combats de la vie courante des adultes. Si elle gardait cet emerveillement pour tout ce qui l'entourait, elle se contentait de garder pour elle ce qu'elle voyait. Et cela lui convenait parfaitement. Ainsi, à moins partager ses pensées volubiles, elle se gonflait de petits bonheurs et pouvait redistribuer cette bonne humeur de manière plus mesurée et adaptée à chaque personne. Un fin sourire étirait les babines de la louve foncé. Ses cheveux dejaix mêchés de neige avaient beaucoup poussés et zébrés sa vision. Il faudrait que bientôt elle les coupent, ou les attachent. En dehors de cette dégaine d'ermite qui sort de sa caverne après de trop longs mois sans voir l'éclat de l'astre solaire, Sekmêt était satisfaite de ce qu'elle était devenue. Elle avait grandit.

Ses iris dont la couleur rappelait les mers tropicales à la fois par leur limpidité et leur profondeur se posèrent, pensives, sur la cicatrice qui barrait son abdomen d'un côté à l'autre, suivant les points de suture par habitude. La plaie, correctement refermée, était encore à peine boursouflée. Elle pouvait se dire guérie. Et cela la rendait folle d'une joie contenue. En fait, si elle avait pu, elle aurait continuer à laisser éclater sa liesse habituelle, mais chaque geste lui donnait parfois de méchantes douleurs dans le ventre. Parfois même, elle en avait la nausée. Heureusement, cela devenait de moins en moins fréquent. C'est pour cela qu'elle avait demandé la permission d'aller se ballader, seule, et loin du Squat. Evidemment, elle n'avait pas précisé à quel point elle comptait s'éloigner. Elle le regrettait un peu d'ailleurs... La fatigue l'avait poigné trop fortement pour qu'elle puisse penser à continuer ou même rebrousser chemin. La Brethen avait été trop présomptueuse de ses forces. Mais peu lui importait, elle n'était pas pressée de rentrer. Elle attendait donc, ici, assise face à cet arbre noueux en contre-jour, sur fond de crépuscule. Un instant elle ferma les yeux.

Des images de l'attaque lui revinrent en mémoire. Souvent, la nuit, ces mêmes images la taraudaient. Mais toujours, Sekmêt pensait ensuite à Khal et à ce qu'elle renssentait pour lui. Aussi confus que ce soit. Entre le respect, l'admiration, la complicité, la tendresse, le désir, l'inquiètude de ne plus le voir. Et pourtant la peur de le recroiser. La louve chocolat ne lui en voulait pas. Elle n'avait pour lui aucune forme de rencoeur. Elle ne savait juste pas comment il réagirait en la voyait, et surtout, comment il répondrait à l'aveu muet de leur avant-dernière rencontre. Lors de leur dernier leçon. Elle était censée passé son épreuve de glowstick juste après. Mais la folie meurtrière du monstre que le géant était devenu un soir avait tout repoussé à plus tard. Par chance. Parce que cela aurait pu tout simplement tout annulé. Mais les dieux étaient loués, elle n'avait pas perdu la vie, ni son sourire, ni son tempérament optimiste et heureux, ni même sa chaleur envers ses comparses. Sekmêt restait fidèle à elle même, elle avait juste été forcée d'apprendre la discrétion, car l'expensivité lui était douloureuse encore. Cela reviendrait sûrement, plus tard.

Elle était de toute façon contente de la seconde chance que les dieux lui offraient. Même si il s'avérait qu'elle devrait en garder des séquelles définitives. Avec tout ce temps pour penser, dans sa grotte sombre et vide, elle avait eu tout koisir d'organiser ses pensées. Ainsi, elle avait finalement compris à quel dieu elle devait prêter allégeance. Ne subsistait que la question de ses sentiments vis à vis de Khal et de leur réciprocité. Ou non. Elle se doutait qu'il était rongé par la culpabilité et n'avait pas eu le loisir de le voir venir lui rendre visite pendant sa convalescence. Mâat avait rapporté à sa fille que si, au début, lorsqu'elle sombrait encore régulièrement dans l'inconscience et qu'on ne savait si on la perdrait ou non. Sekmêt avait tant demandé pardon à sa mère pour la frayeur qu'elle leur avait donné. Les rides et les cernes de l'hybride avait effrayé la jeune louve qui s'en voulait d'avoir fait subir cela à sa famille. Dire qu'elle n'avait pu être làpour Noximilien, rendu aveugle par ces monstres de precursors. A cause d'elle, là aussi. Une boule se forma dans la gorge de la femelle Brethen. Et finalement, les larmes vinrent poindrent au bord des yeux bleu turquoise de Sekmêt.

Elle avait tant hâte d'être en mesure de leur rendre tout ce qu'ils lui avait donné tous, pendant qu'elle était au plus mal. Et tellement hâte d'être enfin présente pour eux. de ne plus avoir à se cacher au fond de sa caverne pour guérir paisiblement, sans savoir les atrocités qu'il se passait à l'extérieur pendant ce temps. Les larmes affluèrent et elle ne put retenir la culpabilité qui parfois l'etreignait. Elle baissa le museau et ouvrit ses paupières sur la pénombre. Le soleil avait presque disparu à l'horizon, derrière l'immense montagne de laquelle s'écoulait des trombes d'eau. Elle ne les voyait pas, mais les entendait. Etrangement, elle se sentit soutenue par ces chutes d'eau. Comme si la terre déplorait elle aussi quelque chose. En symbiose avec son environnement, Sekmêt laissa éclater complètement son besoin de relâcher la pression, loin de tout, et surtout de tous. Enfin seule pour pleurer. Enfin seule pour ne plus retenir toutes ses émotions. Au bout d'un petit moment, la peine s'évapora tout doucement, laissant la femelle marron épuisée. Alors Sekmêt s'allongea entre les épaisses racines du grand chêne pour se protéger un peu de ce vent glacial, posa sa tête sur l'une d'elle et fixa le ciel qui lentement, se parait de milles et unes étoiles. La nuit tombait.

Une voix grave fput portée par le vent, empreinte d'inquiètude. Les oreilles foncées de la jeune louve Brethen se dressèrent sur sa tête. Une voix loitaine et éraillée qui hurlait son nom, suintante d'urgence. Sekmêt redressa la tête pour observer le paysage alentour. La voix se rapprochait, se faisant plus pressante à chaque interpellation. Les sourcils de la femelle chocolat se froncèrent légèrement. Pourquoi la cherchait-on ? Elle avait prévenu de sa promenade. Ne la croyaient-ils pas capable de rentrer ? Pas capable de simplement se balader seule ? Oui elle avait été mal en point. Mais elle était au bord de la rémission totale. Pourquoi ne lui faisait-on pas confiance ? A coup sûr c'était Mâat qui avait mandé un guérisseur de la récuperer avant la nuit. Sekmêt soupira. Son regard bleu comme les mers tropicales s'arrêtèrent sur une feuille encore à demie-verte. Elle sourit. Puis elle reconnût le ton suave qui l'appelait. Et elle se redressa à moitié pour fouiller la forêt des yeux avec diligence. Il courait entre les arbres nus à perdre haleine, tout en scandant son nom. Khal la cherchait. Avec une agitation certaine. La louve brune voulut lui répondre, lui indiquer sa position, mais la bise soufflait fort. La fraîcheur l'agrippa, la fit frisonner.

Elle se recroquevilla sous la douleur provoquée par les tremblements. Toutefois, Khal s'interrompit et tourna le museau de son côté. Comme si le vent avait porté ses mots jusqu'à lui malgré tout, comme si le vent avait voulu qu'ils se retrouvent. Lorsqu'il la vit, Sekmêt rencontra les prunelles tangerine du Soldat. Elle pût y lire le soulagement extrème, la tendresse et une pointe de... De bienveillance. Ou quelque chose comme ça. Cette chaleur soudaine dans les yeux du mâle qu'elle affectionnait tant lui donna une bouffée de chaleur, ce qui l'aida particulièrement à vaincre le froid qui la gagnait au moins le temps de quelques secondes. Puis il la rejoignit, emportée sûrement par l'apaisement et la joie - était-ce vraiment de la joie qu'elle lisait dans son regard d'habitude si sévère ?-. Le corps de Sekmêt se crispa instinctivement, sous l'anxiété que provoquait la brusquerie de Khal. Cette contraction des muscles de son abdomen lui firent mal. Mais elle reprima une grimace, attendant avec impatience et, peut-être un peu de retenu, le contact qu'il allait s'ensuivre. Elle aurait tant aimé qu'il vienne la voir plus tôt, qu'il lui parle. Mais il semblait si distant. Pourquoi avait-il construit ce mur entre eux pendant sa convalescence alors que c'était de lui qu'elle avait le plus besoin ?

Les orbes turquoise si limpide de la femelle Brethen, eux, n'exprimaient que la douceur et la fièvre de le revoir enfin. Un rire secoua les côtes de la louve chocolat, ce qui fût douloureux. Rire faisait mal. Mais Sekmêt aimait trop rire pour s'en priver. Malgré la souffrance que cela pouvait causer. Rire était trop important. Et puis cela soignait son esprit. Cela l'aidait à rester positive, et à être heureuse. Le géant aux dents de sabre enfuit sa truffe dans l'encolure de son ancienne apprentie. Elle rit à nouveau, même si ça faisait mal. Elle apprécia ce touché caressant et délicieux. Elle apprécia s'enivrer de l'odeur musqué du mâle beige. Elle apprécia la chaleur qu'il lui communiqua sans mot. Un frisson troublant parcourit la courbe de l'épine dorsale de la Brethen marron, alors qu'elle sentait la respiration saccadée du grand loup aux yeux citrouille sans son cou qui la chatouillait. L'esprit de Sekmêt était en effervescence. Elle bouillonnait sans savoir pourquoi. Et ce chamboulement soudain lui permit d'oublier quelques instants les tiraillements de son abdomen, lui offrit aussi un peu de répis dans la douleur. Elle sourit timidement tout en inspirant encore l'odeur rassurante du puissant guerrier. Non. Vraiment. Comment aurait-elle pu lui en vouloir ?

Les yeux bleu clair plein d'étoiles de Sekmêt se ternirent alors qu'ils longaient le dos de Khal, puis la ligne de ses muscles ciselés, et ses flancs saillants, conséquences d'un jeûn imposé trop dûrement sans doute. L'Eclaireur Brethen lui sembla fatigué, maussade, vieillis. Etait-ce sa faute ? Avait-elle causé tant d'angoisse chez le beige aux dents de sabre qu'il en ressortaient avec ces séquelles ? Ou bien peut-être était-il tombé malade et n'avait pu se nourrir correctement plusieurs jour ? Non. Si tel avait été le cas, elle l'aurait vu dans la caverne des guérisseurs. Et puis Khal avait une constitution forte, il ne tombait pas malade. Ou tout cas, Sekmêt n'en avait jamais été témointe. Ne restait que l'explication du régime forcé, ou du manque d'appétit. La jeune louve s'en voulût, se doutant d'être la cause des malheurs du Soldat et fils d'Aka. Dans un soupir silencieux, Sekmêt baissa les yeux sur le visage de Khal. Elle l'observa sans un bruit, sans même penser à respirer. L'instant était trop intense. Trop magique. Trop improbable. Pendant toute la période de son adolescence elle avait espérer un tel rapprochement. Pendant toute la période de sa convalescence elle avait espérer qu'il vienne la voir et la réconforte.

Et aujourd'hui, alors qu'elle cherchait la solitude, qu'elle ne voulait pour seule confidente que l'âme vibrante de la forêt, on lui offrait sur un plateau ce qu'elle désirait le plus au monde. Khal l'avait finalement cherché. Khal l'avait retrouvée. Khal l'avait rejointe. Aors qu'elle l'avait fait tant souffrir. Dans un murmure, elle colla sa tête contre celle du géant beige.

« Je suis tellement désolée... »

Et elle le pensait. Désolée d'avoir été idiote. Désolée d'avoir cru pour t'arrêter. Désolée de t'avoir causé tant de soucis. Désolée de ne pas avoir été a la hauteur...

Sekmêt se sentait fièvreuse. Des étincelles brillaient dans son regard limpide. Des étincelles innondaient ses tripes. Des étincelles crépitaient dans son esprit. La femelle chocolat se sentait flotter sur un nuage. Dure fût la chute quand il s'éloigna et brisa ce contact. Comme si le sol sous ses pattes se dérobait, la frêle louve aux cheveux charbon méchés de neige s'affaissa entre ses racines. Son regard pétillant laissait transparaître un doute, une peur. Alors pourquoi cette étreinte fugace si ce n'était pas ce qu'il voulait ? Non elle se méprenait. Ce qu'elle lisait sur son museau n'était rien d'autre que toute l'horreur et l'infamie du geste qu'il avait malencontreusement eû envers elle alors qu'il était un autre. Ou du moins, quand il n'avait pas été complètement lui-même. A nouveau, elle se sentit mourir de honte. Si elle n'avait pas cru bon de se jeter sous ses pattes sanguinaires à ce moment-là, rien ne se serait passé ainsi. Mais alors... Ils auraient continué à se fréquenter vaguement, comme des amis et jamais Khal n'aurait autant cherché sa présence. Et jamais il n'aurait eu cette réaction si douce et affectueuse. Si... Se pouvait-il qu'il ressente pour elle autre chose que de la culpabilité ? Se pouvait-il que... ?

« Khal non. Tu n'y es pour rien. Je pensais... »

Je pensais que peut-être tu te serais souvenu de la veille, et que ça t'aurais arrêter. J'ai été stupide. Sekmêt inspira. Roulée en boule, le museau levée vers le géant qu'il était, elle avait l'air si fragile, si frêle. Pourtant elle portait en elle la force du survivant, la force de la joie, la force de l'optimisme, et la force de l'amour. Malheureusement cette puissance ne l'aidait pas à guérir plus vite et ré-adapter son corps à tout les mouvements de la vie courante étaient fastidieux et difficiles. Mais la volonté d'y parvenir était là. Et tout ça pour une seule raison : retrouver la capacité d'aller courir avec Khal sous la pluie, ou d'aller chasser, complice, dans la forêt. Les étoiles scintillaient dans le ciel violacé. Finalement le soleil avait fuit. Peu à peu les ombres s'allongeaient jusqu'à engloutir toute la forêt. La pénombre assombrit les museaux. L'obscurité engloba le monde. Ne restèrent plus que les astres et le glowstick de Khal pour donner un peu de lumière. Une ambiance exaltante avec le rougoyement du batônnet lumineux. La lune elle, restait cachée, invisible, absente. C'est donc dans cette atmosphère intriguante et complice que Sekmêt redressa son corps encore affaiblis, tremblante de froid et de fébrilité, pour se relever et se planter face à Khal. Presque truffe contre truffe, s'il daignait baisser le museau. Dans ses prunelles turquoise baignaient l'indignation et la sévérité.

« J'ai été stupide de croire que tu réagirais à mes... »

Pause. Hésitation. Elle ne savait pas quel mot utilisé pour décrire ses actes. Parce qu'au fond, on ne pouvait pas vraiment appeler l'étreinte furtive qu'elle avait volé au disciple d'Aka la veille de l'accident, des " avances ". Et même son intervention ce soir-là. Tout n'avait été qu'idiotie. Soudain gênée et perturbée, elle changea de sujet. Passant du coq à l'âne et donc de la tempête à la douceur, elle baissa la tête, rentrant le cou dans les épaules. Même si elle n'en voulait pas à Khal et que ce n'était en rien sa faute, le souvenir de cette soirée lui restait gravé dans le cerveau comme du fer à blanc sur de la chair. Inoubliable. Irréparable.

« Tu n'es pas responsable des effets de la Lune. »

Ce sont les mauvaises blagues des dieux. C'était le destin. C'était la vie.

Les trompettes de Jéricho qui tintèrent dans son esprit fit vaciller son corps. Les derniers remparts de décence et de retenue s'effrondrèrent lorsque Khal le géant, Khal le Soldat, Khal le disciple d'Aka, Khal son mentor, Khal son ami, Khal pour qui elle décrocherait la lune elle-même, ce Khal-là, déposa avec une tendresse infinie un coup de langue sur le museau de Sekmêt, tout en ancrant son regard ocre à celui de la jeune femelle chocolat. Là, elle se jeta à corps perdue dans ce déferlement d'amour. Parce que c'était bien de cela qu'il s'agissait. La voix du Brethen aux dents de sabre la fit chavirer et Sekmêt vint se faufiler contre le torse puissant du Soldat. Elle posa son oreille contre le thorax, là où battait le coeur. Ce son tonnait à ses tympans et la berçait. Elle était si bien auprès de lui. Elle ne voulait plus jamais le quitter. Elle voulait passer l'éternité avec ce grand mâle beige au regard chaud et habituellement insondable.

« Khal. »

La louve aux yeux couleur des eaux tropicales frotta son tête dans le cou du géant.

« Sois mien. »

Sekmêt quitta le coeur palpitant de Khal, pour se noyer dans ses yeux qui la dévoraient. C'était une demande, cachée sous l'affirmation. Dis le encore. Dis moi que que tu m'appartiens autant que je te suis acquise. Dis moi que tu seras toujours là. Assise, fine et svelte femelle, encore fragile et en rémission, face à l'immsense mâle et puissant guerrier.

« Tu es mon soleil. Depuis longtemps. »

Par soucis de ne pas bêtement répéter les mots de celui qu'elle aimait tant, alors même que ces mots là décrivaient tout, Sekmêt se voulait plus imaginative. Et elle savait qu'il comprendrait la référence. Parce qu'il la connaissait. Il savait que plus que tout elle admirait l'astre diurne pour la lumière, la chaleur et la beauté qu'il apportait à toute chose. Oui Khal était son soleil. Sa présence embelissait son monde, même lorsque ce monde était gris et terne, vide et froid, comme la grotte des guérisseurs chez qui elle avait passé les dernières semaines. L'idée de revoir le loup aux dents de sabre l'avait maintenue alerte et combattive, pour survivre. Pour lui.
Les prunelles limpides turquoise de la femelle étaient innondé d'un sérieux qui n'était pas commun chez Sekmêt. Trop vive, trop enthousiaste, trop volatile. Elle savait être concentrée et plus ou moins calme lorsqu'elle en avait besoin, mais sérieuse, jamais vraiment.

My lover's got humour
She's the giggle at a funeral
Knows everybody's disapproval
I should've worshiped her sooner...

Nouvelle étreinte. Plus longue. Plus vibrante encore. Sekmêt tremblait d'émotion, de froid et de douleur mélangés. Elle se redressa, s'asseyant face à lui. Lentement, elle posa ses antérieures sur les épaules du géant. Et poussa. De toutes ses maigres forces en cours de recouvrement, dans la mesure de ce dont elle était capable avec son abdomen qui réagissait vivement à chaque mouvement. Mais elle poussa, pour le renverser. Un sourire en coin étira ses babines. Son regard pétillait d'une joie simple, de tendresse et d'un reflet de ... mutinerie. Elle avait dans l'idée de mettre sur le dos, puis de se dresser au dessus de lui. Une façon d'affirmer sa domination sur lui. Une façon de lui répondre. Elle voulait faire partie de sa vie, totalement. Elle voulait être là pour lui comme il serait là pour elle. Elle voulait faire peser son poids plume sur les épaules de Khal comme il pèserait sur son corps encore maigre. Afin de se souvenir que l'autre serait toujours là. Confident, renfort, complice. Elle voulait qu'il devienne son monde, aux yeux de tous, et non plus seulement à ses seules prunelles. Elle ne voulait pas devoir se cacher. Et donc, en imposant au beige à dent de sabre de se laisser dominer quelques secondes, elle voulait lui faire comprendre qu'il ne pourrait plus reculer.

Oui, parfois les filles ont des idées étranges, elles font des liens étonnants entre deux choses improbables. Et Sekmêt, même si elle n'avait aucune notion de coquetterie, était bien une femelle à l'esprit volatile et changeant. Femelle qui se recula finalement, abandonnant son idée de le faire chavirer. Elle avait mieux à faire. Et puis, elle ne doutait pas que Khal aurait le même regard pour elle tout les nouveaux jours que les dieux feraient. Enfin... Elle l'esperait. Dans un énième sourire plus doux, et les paupières à demi-fermées elle fit quelques pas dans une direction complètement hasardeuse. Ereintée par la souffrance constante et la difficulté d'un tel périple dans lequel elle s'était lancé le matin, Sekmêt se voyait légèrement perdue. La louve chocolat tourna le museau vers Khal.

« On marche un peu ? »

Elle avait besoin de se réchauffer, de bouger. Et puis, adopter un rythme de mouvement lent et régulier apaisait la douleur, contrairement aux mouvements isolés.

Elle devina que Khal montrait le chemin du retour. Lui n'était pas perdu. Elle savait qu'elle pouvait compter sur lui. Et même si elle ne voulait pas rentrer pour passer plus de temps seule avec lui, elle abdiqua pour revenir sur ses pas et le suivre. La respiration de la femelle s'apaisa à mesure qu'elle adoptait un pas monotone et serrein. Elle se sentait à la fois revigorée par la marche et par la présence du géant à ses côtés. Sekmêt n'était pas spécialement petite, mais sa taille moyenne comparée à celle du loup aux dents de sabre la faisait sentir chetive. Sekmêt savait cependant que bientôt, elle reprendrait des forces et de la souplesse. Que bientôt, elle pourrait à nouveau courir et bondir. Et elle aspirait à ce bientôt d'une force qui la maintenant en constante amélioration. La force de la volonté. Elle ferma les paupières sur son regard d'eau tropicale, se laissant guider et bercée par le pas lent de celui qu'elle pouvait donc appeler son compagnon. Cela lui réchauffa le corps autant que le contact d'un autre corps vivant. Un bruit inquièta la louve qui s'arrêta pour observer alentour. Très vite, Mâat débarqua comme une furie, echevelée et visiblement paniquée. A la vue de sa fille contre Khal, elle se rua sur le mâle beige en grondant.

« Ne t'approche pas de ma fille ! »

La colère fusait de son regard vairon. Sekmêt chercha à retenir sa mère, mais sa voix faible se perdit dans les grognements de Mâat. Finalement, elle se retourna vers la louve chocolat et lui ordonner de rentrer sans plus un mot. Sekmêt n'osa répondre à l'hybride et lança un regard d'excuse à Khal. Alors que Mâat poussa avec douceur sa fille, Sekmêt lança à Khal un à tout à l'heure auquel Mâat répondit froidement :

« Compte là dessus. »

Puis elle disparurent toutes deux dans la forêt, dans des cris de rage et de remontrance.