S'il n'est pas trop tard | Solelio

[Se passe avant la réunion Etelkru]

Le soleil se levait tout juste sur les terres Etelkrus, à peine une lumière chaude à l'horizon, et déjà deux silhouettes se dessinaient telles des ombres chinoises en haut des Falaises Littorales. En tête venait une ombre que ces terres avaient de bien nombreuses fois vues passer. Un vieil ami de cet endroit, avec qui il partageait tant de souvenirs. De bons comme de mauvais, autant de petits chapitres qui avaient composé le grand livre de son existence. Sa haute silhouette allait à foulées sûres, connaissant chacun des reliefs, chacun des sentiers même les plus ténus. Le vent charriait les odeurs de la mer, loin en contrebas, dont les échos lointains leurs parvenaient étouffés par la pierre et la distance. Le vent portait en lourdes et paresseuses ondulations les vagues sur les rocs et ses longs cheveux sur ses épaules. Athelstan était passé par-là tant de fois qu'il faisait presque partie de l'habituel paysage. Il y passait en patrouille presque chaque jour, y avait partagé nombre de moments avec ceux qu'il appréciait. Aujourd'hui, ces loups-là s'en étaient allés, un par un. Il restait bien-entendu bien des congénères à qui il tenait et qui lui survivraient, sans aucun doute. Mais chaque loup qui s'en allait de sa vie marquait une cicatrice qui ne s'effacerait jamais, et qui avait bien plus d'impact que le vieillissement qui s'emparait que si peu de lui. On lisait son âge dans son regard, bien plus qu'au coin de ses yeux ou dans ses mèches qui demeuraient d'ébène.

Ce jour-là, il avait demandé à sa fille Solelio d el'accompagner. Quelques jours auparavant, une nouvelle terrible était tombée : Nachos était morte. Si leur relation avait toujours été des plus... singulières, la louve avait pratiquement toujours fait partie de sa vie. Ils s'étaient connus lors de la création des Etelkrus, et jamais depuis s'était écoulé un jour sans qu'ils ne se croisent, ne s'échangent une parole ou une pique amusée. La méchanceté de l'un envers l'autre s'en était allée lorsqu'ils avaient eu leurs enfants, mais la présence était demeurée la même. C'était donc avec un choc que le guerrier tricolore avait accusé la nouvelle. Il avait eu la sensation étrange que quelque-chose se terminait, avait eu la sensation accrue d'avoir parcouru la majorité du chemin qu'il devait parcourir. Et tous les regrets qu'il promenait avec lui et qui s'accumulaient lui avaient serré la gorge à l'en étouffer. Il devait faire quelque-chose. S'il n'était pas trop tard.

Il avait présenté cela comme une patrouille de routine, et c'était aussi un peu le cas - il continuait à servir la meute du mieux qu'il le pouvait, d'autant plus que maintenant les conseillers étaient bien peu nombreux. mais le but principal de cette expédition était d'enfin briser la glace entre lui et la jeune louve qui lui avait emboité le pas. Il ralentit un peu l'allure lorsqu'ils parvinrent en haut des Falaises, et s'arrêta. Sa tête se tournapour faire face à la mer. Il y avait encore une bonne distance entre eux et le vide, mais il avait toujours cette impression étrange d'être si... minuscule, lorsqu'il se trouvait là. Impression qu'il n'éprouvait pas souvent, maintenant qu'il s'était véritablement fait un nom au sein du clan. Il était sans doute bon de l'éprouver de temps à autres.

"Comment vas-tu ?" Demanda-t-il simplement en posant son regard vairon sur la jeune louve.

Il savait qu'il était illégitime de sa part de lui demander de se confier à lui - il n'avait pas été le père idéal et présent qu'elle aurait dû avoir, il en avait cruellement conscience. Cette question ouvrait, un peu maladroitement peut-être, une porte. Et lui permettrait de savoir au moins comment elle réagirait.

Rp avec Athelstan

Solelio ; Un peu plus d'un an
F A E I

Elle suivait, la jeune louve, sans un mot. Ses prunelles pâles observaient les courbes du paysage, ses arrêtes, ses couleurs sombres qui peu à peu rougissaient sous les premiers rayons du soleil. A l'instar de leur environnement, la chevelure rousse de Solelio agrippa les traits de lumière, flamboyantes à chaque fois qu'une trouée les laissait profiter du soleil à peine éveillé de l'aube. Trottant en retrait, la femelle observa le Chevalier, ses gestes précis, sa course régulière. Chaque geste semblait étudié et désormais si habituel qu'il en devenait instinctif. C'était à ce niveau de performance qu'elle désirait ardemment arriver. Le regard de la jeune Etelkru lâcha le père pour retrouver les lignes des montagnes, des arbres, puis peu à peu, des falaises. L'horizon miroitait de belles couleurs. C'était agréable à regarder, c'était chaleureux, réconfortant même. Un jour de plus se levait sur le continent. Un jour qu'elle commencerait en compagnie de son géniteur. Seul parent à lui rester. Un pincement au cour, mais pas pour la bonne raison. Elle était trop fière qu'Athelstan veuille de sa présence pour sa patrouille matinales. Il lui avait fallu prononcer à peine un mot et elle avait bondis, éveillée et prête à le suivre jusqu'au bout du monde.

Le vide, non loin de ses pattes juvéniles, l'attirait. Solelio s'en approcha doucement alors que le Chevalier et Conseiller des Alphas s'arrêtait pour fixer l'Océan. Elle avait encore cette appréhension de la chute, cette peur de tomber. Elle n'avait toujours pas réussie à la vaincre, pourtant, elle grimpait parfois aux arbres. Enfin, aux branches assez basses... Elle savait devoir dépasser cela, mais elle n'avait pas encore été prête à faire le grand saut. Un vague sourire naquit sur ces babines, son jeu de mot était vraiment nul. Nachos l'aurait méprisée pour penser humour. Mais Nachos n'était plus là pour lui lancer ce regard plein de reproche. Elle n'était plus là pour la réprimander... La jeune au pelage chocolat et piment tourna le museau vers son père. Que voyait-il là-bas, si loin ? Qu'imaginait-il par delà la ligne de flottaison ? Quelles images se dressaient sous ses orbes vairons ? A quoi pensait-il ? Athelstan tourna ses yeux vers elle, surprise d'attirer l'attention du guerrier, la louvette se redressa, retenant son souffle, bien droite, les oreilles pointant l'adulte. Oreilles qui tiquèrent, virevoltèrent en arrière avant de revenir vers devant. Attentives. Comment allait-elle ? Était-ce le père qui se souciait ? Ou le conseiller envers un membre de sa meute ?

Comment allait-elle ? Bien. Bien mieux que ce qu'elle aurait dû, d'ailleurs. Pouvait-elle avouer que malgré la peine de ne plus pouvoir suivre une louve aussi belle et dure que sa mère, que malgré le manque de cette femelle qu'elle idéalisait pour sa volonté de fer et sa force de caractère, elle se sentait... Légère ? Soulagée ? Libre ? Son regard bleu de nuit ne viendrait plus la mépriser pour ses efforts qualifiés de piètre par Nachos, malgré toute la bonne volonté de sa fille. Elle ne poserait plus ses iris sombre, critiques, sur la jeune louve en mal de reconnaissance. Elle n'aurait plus de mot sévère, impitoyable ou parfois mesquin envers la rouquine. Solelio fixa le disciple d'Aka de ses iris pâles. Tout n'allait pas bien en vérité, car elle était désespéramment seule. Elle restait debout, de marbre, pour Elvazio, bien plus atteint qu'elle par le départ soudain mais prévisible de la vielle louve brune et rouge. Elle avait ses propres problèmes, ses propres chagrins. Elle n'avait pas vraiment d'amis, à cause de la méfiance instillée par sa mère, pas de mentor non plus, elle n'avait pas de glowstick avec pourtant une première année dépassée. Elle se sentait plus nulle que les autres alors qu'elle s'échinait chaque jour à les dépasser, à faire mieux. Elle épiait parfois certains apprentis, espionnait les leçons des tuteurs et s'entraînait de son côté, en solitaire, ou parfois avec Ortie.

Et si les progrès étaient là, les encouragements jamais. Si ses résultats étaient de manière générale plutôt corrects à bons -sauf certains jours où rien ne lui réussissait bien sûr, lorsqu’elle se levait de la patte gauche souvent !-, de reconnaissance il n'y avait pas. D'approbation, il n'y avait pas. De confiance donc, elle manquait complètement. Elle n'osait donc pas aller quérir un glowstick, de peur de n'être pas à la hauteur, de peur de se voir refouler par la Divinité à laquelle elle désirait si ardemment prêter allégeance. Avec les mois, son choix s'était affiné, et son coeur avait élu le Grizzli, comme son père, d'illustres membres de la meute, comme Anette l'Alpha sorcière qui avait transformée sa mère en femelle. Enfin, cette histoire, elle la croyait de moins en moins quand même. Plus elle grandissait et plus il lui semblait improbable que la meneuse ai fait une chose aussi méchante. Et puis, son père respectait les chefs, et malgré les élucubrations de Nachos, Solelio aussi. Enfin presque. Pepper non. Pepper, elle la battrait. Pepper, elle l'écraserait. Pepper, elle la remplacerait. Pour avoir la place de dirigeante, mais aussi et surtout pour avoir le coeur de son géniteur tout à elle. C'était elle la fille d'Athelstan, pas la louve bleue. Elle serait la digne fille du Chevalier, devenant chevalier à son tour. Et il serait forcé de la reconnaître quand il verrait à quel point elle était plus forte, plus vaillante, plus honorable que la disciple de le Renarde qui avait osé perdre son glowstick.

« Ça va. »

Sobre. Simple. La tête haute et le masque bien attaché. Elle était forte. Regarde Papa. Sois fier. je ne pleure pas. Jamais.

« Et vous, père ? »

Courtoisie de mise. Politesse. Après tout, il avait dû avoir une certaine affection pour sa mère, non ?

Dès lors qu'il avait tourné la tête vers elle, il l'avait vue du coin de l'oeil se redresser, afficher une attitude droite et fière, presque même sans respirer. Il eut un léger pincement au coeur, mais prit la punition sans montrer de signe d etension. Il n'avait pas été là pour ses enfants, il devait en assumer les conséquences, et la pire de toute était l'attitude qu'ils avaient envers lui. Les deux plus jeunes étaient encore bien jeunes justement, et ce jour était celui d'un nouvel espoir pour lui. Il ne devait pas se laisser atteindre par ce qu'il constatait en ne fuyant plus ses responsabilités, mais accepter ce qui se présentait à lui et en tirer des leçons. Son simple regard faisait se tendre la jeune louve. Comme s'il était une autorité qui la jaugerait, ou une menace. Il devrait démarrer non pas de zéro avec elle, comme il l'avait fait avec Pepper, mais de bien loin dans les négatifs. Il inspira en silence, alors qu'elle lui répondait d'une phrase courte, dans laquelle il ne sut décrypter la vérité. Il voyait qu'un masque était là, mais il était incapable de voir au travers. Il ne la connaissait pas. Ou si peu.

Elle n'avait pas fait montre d'une grande détresse à la mort de leur mère, contrairement à Elvazio. Athelstan devait bien admettre qu'il ne savait pas du tout comment s'y prendre avec son cadet. Il était à la fois très différent de lui aujourd'hui, et par quelques points semblables à ce qu'il avait été enfant. Mais contrairement à lui, Méléagant n'avait pas laissé le temps passer,la distance s'installer, et avant fait de lui un guerrier car il devait en être ainsi. Il avait forgé en grande partie ce que le tricolore était devenu, la voie qu'il avait prise. Personne n'avait vraiment guidé Elvazio, et il ignorait où il allait exactement. Il l'apercevait parfois en compagnie d'Ortie ou de Solelio, souvent seul aussi, et le jeune maintenait avec lui une distance gênée qu'il ne parvenait pas à franchir. Et il ne savait pas trop vers qui se tourner encore, même s'il commençait à y réfléchir sérieusement. Mais il n'était pas là pour penser à Elvazio, non. Ce matin était consacré exlcusivement à la jeune louve devant lui, qui avait tant d'aplomb malgré des circonstances dans lesquelles beaucoup se seraient effondrés.

Elle lui demanda même comment lui allait, peut-être par simple politesse, peut-être parce qu'elle se le demandait vraiment. Il n'avait aucun moyen de le savoir, de toute manière. Inutile de se faire trop de noeufs au cerveau, il devait simplement laisser les choses venir... Naturellement ? C'était si compliqué.

"J'éprouve de la peine." Répondit-il en faisant le choix d'être aussi honnête que possible. "Une grande peine. Ta mère comptait beaucoup pour moi, même si... Nous ne constituions pas une famille des plus conventionnelles."

Il laissa échapper un soupir et s'assit, face à l'Océan, alors que l'astre du jour crevait la surface de l'eau loin à l'horizon, pour jeter sur eux sa lumière crue, illuminer la crinière de Solelio de feu et celle du chevalier de reflets fauves. Il laissa son regard s'y égarer un instant, presque à s'en éblouir, puis reposa les yeux sur sa fille pour demander :

"Il y a beaucoup de choses dont j'aimerais te parler, si tu es disposée à m'accorder un moment."

C'était un doux euphémisme. Il ne rattraperait jamais de longues lunes d'absence ainsi, mais il y avait peut-être quelques morceaux possibles à recoller. Une voie ténue mais encore possible à emprunter.

Rp avec Athelstan

Solelio ; Un peu plus d'un an
F A E I

De la peine. Athelstan était triste. Etait-ce sa faute ? Oh. Non. Bien sûr, il était triste pour la mère de ses cadets. Il avait donc eu de l'affection pour elle, malgré la langue de vipère et le caractère impérieux de la vieille louve. Ce n'était pas quelque chose d'étonnant, elle-même avait un grand respect pour Nachos. Avait eu. C'était quand même étrange de pensé qu’elle ne la reverrait plus. Quelque part, savoir qu'un grand loup comme le Conseiller aux cheveux d'ébène éprouvait un genre de sentiment que sa mère lui avait inculqué comme faible ou pitoyable, dit remettre en question une bonne partie de son éducation. Comment un loup si puissant et si honorable puisse être ainsi vulnérable ? La tête de la jeune louve se pencha sur le côté, entre intriguée et compatissante. Elle l'était pour Elvazio, elle pouvait l'être aussi pour leur père. Elle offrit donc un petit sourire de réconfort à Athelstan. Un sourire qui n'était pas du tout feint, car il avait aussi mentionné le mot famille pour les décrire. Et ça... Ça, ça valait tout l'or du monde. La rousse n'avait jamais pensé ses parents comme une famille, considérant Nachos et le Chevalier comme deux entités pleines, entières, et complètement dissociée. De fait c'était plutôt comme si elle avait deux familles. Celle de son père, avec ses nombreux demi-frères et sœurs, et le côté éloigné chez les adversaires. Et puis celle que formait Nachos et Elvazio.

Solelio suivit les prunelles de son père vers le soleil rouge, pas encore assez chaud pour les éblouir complètement. Son cercle flamboyant s'imprima pourtant un moment sur sa rétine, si bien que lorsqu’elle ferma les paupières, il était toujours là dans son exacte couleur complémentaire. Ses oreilles cillèrent encore quand le fils du Grizzli reprit la parole et elle dû se retenir de bondir de stupeur et d'envie. Elle était plus que disposée à lui donner tout le temps qu'il désirait ! Elle... Attendez. Lui demandait-il une permission quelconque au travers de cette formulation ? Le grand loup tricolore était à la fois le parent et le Conseiller, un noble Chevalier et un guerrier émérite. La jeune femelle rousse n'était rien de plus que sa fille, qu'une enfant en fin d'adolescence, qu'un Coeur parmi les Etelkrus. N'y avait-il pas erreur ? Elle n'était en droit de rien refuser, et certainement pas une discussion avec une figure d'autorité aussi imposante que lui. Les pattes fourmillant d'impatience, le coeur regonflé à bloc de fierté de ce moment rien qu'à tous les deux -loin, très loin de Pepper-, et la curiosité dévorant littéralement son esprit sur tout ce qu'Athelstan pouvait bien avoir à lui dire, elle rouvrit enfin les yeux. Des billes de glace scintillantes comme une couche de givre au soleil. Il y avait dans ces prunelles d'ordinaire désabusées ou scrutatrices, une nouvelle émotion. L'espoir.

Elle tourna le museau vers son père en souriant jusqu'au oreilles et remarqua qu'il l'observait. Rouge de honte d'avoir trop facilement exprimer sa joie, et surtout, d'être vue, elle baissa la tête. Nachos aurait été si déçue de la voir avec si peu de contenance ! Elle revoyait d'elle-même ces yeux perçants, sombre comme la nuit, passer sur elle avec dédain ou mésestime. La queue touffue de la jeune louve vint s'enrouler autour de ses pattes. Comment pouvait-elle espérer devenir une grande guerrière si elle ne savait pas cacher son émotivité ? Piètre Etelkru que voilà. Ce n'est pas ainsi qu'elle s’assoirait sur le trône de la louve bleue. Il allait falloir faire bien mieux. Faire plus d'effort. S'entraîner plus dur, plus longtemps. Encore. Et encore. Et encore. Il lui fallu quelques instants pour recomposer un air de circonstance : respect et stoïcisme. Quand elle fût sûre d'être présentable, elle redressa le buste et chassa ses mèches folles, enflammées par le soleil, de devant ses yeux. Il fallait être digne de l’intérêt du Conseiller des meneuses. Digne du sang noble qui coulait dans ses veines...

« J'en serais plus qu'honorée. »

Son excitation dissimulée sous des loquets fermées à double tour, sous une succession de portes mentales représentant respectivement le calme, le silence, la prestance, la fierté, l'honneur. Seule une oreille pivotait régulièrement, signe d'impatience.

Elle avait fermé les yeux sous la lumière éblouissante de l'aurore, le sourire qu'elle lui avait adressé encore légèrement présent sur son museau. C'était une bonne chose, de la voir lui sourire. Peut-être se berçait-il d'illusions et, comme pour sa demande précédente, n'avait-elle fait cela que par pure politesse, mais il apprécia cet instant où elle se départit de son faciès de fierté et d'orgueil pour le lui offrir. Lorsqu'elle les rouvrit pour les tourner vers lui, les émotions y étaient bien plus présentes, le masque s'était effacé soudainement. Et elle souriait plus encore, tournant ses prunelles azur vers lui. Durant un instant, il y eut comme une sorte de... complicité ? Alors que l'ombre d'un sourire se dessinait également sur les babines du tricolore, en écho au visage rayonnant de sa cadette. Puis soudain, elle baissa la tête et parut en même temps laisser tomber son sourire. l'instant s'acheva, les laissant tous les deux incertains à la lumière de l'astre levant.

Lorsqu'elle redressa la tête pour lui répondre, l'enfant heureuse s'en était allée pour laisser à nouveau place à cette louve à la stature droite et au visage ne laissant pas refléter d'émotions. Au milieu de cette fière immobilité, les tressaillements légers de son oreille droite étaient les seuls restes de ce qui venait de se passer.

"Je te remercie." Répondit-il en inclinant légèrement la tête.

Il lui tenait à coeur de lui demander si elle souhaitait parler avec lui, car il ne voulait pas le lui imposer. Il avait eu durant un instant la crainte qu'elle refuse, mais il s'autorisa à penser que l'expression fugace de joie qui avait illuminé son museau était sincère, et qu'elle était réellement heureuse de cet échange. Heureuse était sans doute un mot un peu fort, mais que cela lui apportait au moins un peu de positif. Il prit un instant pour chercher ses mots avant de continuer. Il voyait cette entrevue comme une chance qui ne se représenterait pas, et ne devait pas par conséquent la laisser passer.

"Je souhaiterai t'exprimer ma fierté tout d'abord. Même si j'en exprime peu à ce sujet, vision est mienne de l'entraînement ardu que tu suis, et ce de manière autonome. C'est faire montre d'une grande maturité."

Il eut un hochement de tête en disant cela.

"Je souhaiterai de te proposer de continuer ton entraînement à mes côtés. En tant qu'apprentie."

Il guetta avec attention la moindre de ses réactions, les yeux rivées sur elle. C'était loin d'être la seule chose qu'il voulait lui dire, mais c'était peut-être celle qui marquerait le plus grand tournant si elle se réalisait. Il voulait prendre du temps pour elle, et il y voyait là le meilleur des moyens.

Rp avec Athelstan

Solelio ; Un peu plus d'un an
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Être remerciée était... Inhabituel. Un coeur pouvait remercier pour d’innombrables choses : être élevé dans ses conditions agréables, être nourri, être le sujet d'attention d'un adulte, être félicité pour ses progrès donnait aussi matière à gratitude. Forcément, il était étrange à Solelio que la situation ici soit inversée. Son obéissance et sa déférence lui étaient dû, à Athelstan, en tant que père et haut-gradé. C'était donc une évidence qu'elle écouterait la moindre de ses paroles. Dans cette confision qui était sienne, la jeune rouquine étudia avec minutie les signes de dialogues non verbaux émit par le grand loup. Sa posture au repos, quoi qu'elle se doutait qu'il était toujours prêt à agir parce que les épaules semblaient rester un peu tendues, ses oreilles droites, un sourire léger flottant sur ses babines et l'inclination de sa tête, autant d'indices pas toujours aisé à décrypter. Il sembla pourtant à l'Etelkru, que son père voulait inspirer la confiance. C'était plus mystérieux encore, il était plus qu'évident qu'elle le suivrait aveuglément, il était son supérieur en tout point ! Elle s'étonna de penser que peut-être, un tout petit peut-être, il essayait de créer un... Lien familial ? Comme Anette avec ses filles ? Avec les rires, les jeux, la tendresse, l'amour mais aussi les sermons, la sécurité, le soutien.

Toutes ces choses que Nachos n'avait jamais instauré avec sa fille, un peu plus avec Elvazio, parce qu'il était né mâle. Ça elle en était certaine, mais elle n'en voulait pas à son frangin. Qu'y pouvait Elvazio si la vieille louve avait estimé qu'il n'avait qu'à être beau et bien grandir ? Tandis qu'à sa jumelle, la mère demandait d'être au dessus des autres, d'être utile et indépendante, de pouvoir leur rapporter rapidement du gibier et d'être le bouclier devant son frère, mais aussi par dessus tout ça, de rester jolie et désirable pour ne pas se retrouver vieille fille. Elle ne pouvait comprendre, à son jeune âge manquant de recul et de sagesse, que c'était là la façon de Nachos d’exprimer son amour à sa fille, en la préparant au mieux à se débrouiller et se défendre. Parc qu'elle connaissait les mâles mieux que quiconque, elle en avait été un de la pire espèce. Il était toutefois difficile de grandir sainement en toute confiance face à une telle injustice d'éducation. Mais cela l'avait formée, en grande partie, à être celle qu'elle commençait à être aujourd'hui : une jeune louve ambitieuse, volontaire et déterminée, qui s’entraînait continuellement pour devenir la meilleure version d'elle-même chaque jour que les Dieux faisait. Elle ressemblant beaucoup à sa génitrice en ce sens, toutefois, Athelstan avait su y distiller un peu plus d'estime pour autrui que n'en avait Nachos, l'importance d'un code d'honneur et de la loyauté.

Et puis, elle avait son petit égo qui lui soufflait quand même qu’elle était jolie, aussi, un peu. En essayant de se rassurer elle-même, que si elle n'avait pas tant de lien affectif, ou n'avait eu trop d'émois adolescents, c’était uniquement parce qu'elle s'en empêchait. Là dessus, elle était, ma foi, plutôt lucide. Et pourtant, elle n'avait de cesse de lustrer son pelage et de dénouer ses cheveux de feu, de soigner son apparence pour être présentable en tout temps. Il était difficile d'être à sa place et l'enfant presque adulte était déjà bien fatiguée de son existence tirée à quatre épingles. Etre bon partout était un sacré challenge, et il fallait avoir du souffle pour ne pas se laisser distancer par les autres jeunes de son âge, et même les moins jeunes ! Elle avait remarqué, notamment chez les enfants royaux, pourtant moins âgés qu'elle, de belles performances. Et de belles statures. Elle pensa à Anita notamment, lors de la classe de chasse quelques lunes plus tôt. Svelte, agile, des hautes oreilles et une longue queue mais qui cachait des muscles puissants. Alexandrine au contraire ne dissimulait rien de ses compétences, ce qui impressionnait Solelio même si elle la décrirait comme moins... Harmonieuse. Léo aussi lui plaisait pas mal, mais elle ne se rappelait pas vraiment de quoi il était capable, tout comme sa soeur Meshret. Ils étaient de plus, relativement de bonne naissance...

Oh et Sushi aussi ! Lui il était à tomber... Littéralement d'ailleurs. Parce que Dieux qu'il était maladroit dans son ample vêtement. Mais c'était mignon... Comme un petit animal fragile dont on voudrait prendre soin ! Elle en était là de ses divagations quand le Conseiller des Meneuses reprit la parole et exprima un peu de ce qu'il avait en tête. Oh. Oh lala. Oh lalalala. Oh lalalalalala... Le disciple du Grizzli, honorable porteur du rouge divin était... satisfait, mieux ! Il était content d'elle ! Il la voyait s'entraîner avec constance, avec assiduité. Il avait... remarqué ! Il suivait donc ses progrès, il avait de l'estime pour ses capacités ! Solelio avait été digne de son père, méritante de son attention ! Il sembla à la rousse qu'une vague brûlante inonda ses veines, comme une chape de lave venait couvrir ses épaules, son dos, ses pattes. Elle avait soudain chaud. Oh. Oh lala. Oh lalalala. Oh lalalalalala... C'était si inattendu, si spontanée, que la femelle au pelage chocolat et orange ne pû réprimer aucun des signes de bonheur pur qui l'assaillir. Même le souvenir d'une Nachos au regard lourd de sous-entendu ne parvint à griser le tableau. Athelstan l'observait. Son père était fier d'elle ! A l'image d'un marmot excité comme une puce et ravi, la queue touffue de la jeune louve s'agita, ses oreilles se tinrent si haute, et la tension dans ses épaules s'accentua si bien qu’elle gonfla imperceptiblement le torse.

C'était, dans ce cas présent un gage de plus de son immense joie. Elle ne savait même pas quoi dire, tellement elle était heureuse. Un large sourire fendit son museau en deux, d'une oreille à l'autre. Sous la bienveillance fugace du parent, ne restait que l'enfant dans sa prime innocence, dans sa simple liesse. Et qu'importait son manque de tenue ! Il n'y avait personne de toute façon pour en être témoin. Ce moment serait unique sans doute, et surtout rien qu'à eux. Elle partageait cet instant merveilleux, rien qu'avec son géniteur.

« Merci, père ! Vous me flatt- »

Elle avait failli lui couper la parole, tellement elle ne pouvait se contenir davantage. Grand bien lui fit de parvenir cependant à tenir sa langue le temps qu'il achève, car c'est son vœu le plus cher qu'Athelstan réalisa. C'est son rêve d'enfant, son espoir le plus fou qu'elle entendait être accompli. Il lui proposait d’être son élève. Il proposait de parfaire son enseignement en des séances privées qui n'appartiendrait qu'à elle. Il proposait en quelque sorte, de prendre son rôle de père auprès d'elle. N'était-ce pas ici la consécration ultime ? Presque. Il lui faudrait encore juste écraser Pepper et lui prendre sa place pour avoir l'exclusivité dans le coeur du Chevalier tricolore. Cela était toutefois un objectif annexe. Trop heureuse, Solelio bondit sur ses pattes.

« Ce serait un inestimable cadeau. »

Laissa t-elle échapper, le regard émerveillée. Elle n'osait même plus bouger, ni respirer. Comme si sa vie même était suspendue à ce fil qu'il venait de tisser.

Il la vit se redresser légèrement et battre l'air de sa queue, et devina sans peine que le fait qu'il ait remarqué son travail la touchait. Peut-être plus d'ailleurs que ce qu'il aurait cru, rappel douloureux qu'il n'avait jamais eu le comportement adéquat avec elle. Il aurait dû le faire à d'avantage de reprises, car il n'ignorait pas ce qu'elle faisait pour la meute - tout comme ses frères et soeurs. Il connaissait tous les membres du clan et en savait beaucoup à leur propos - c'était aussi une partie de son rôle en tant que Conseiller - et les actions de sa progéniture ne lui avaient pas échappées. Elle avait brillé, d'après les dires de Perrine, lorsque les jeunes avaient été recrutés pour la chasse aux rats, et il avait pu lui-même constater qu'elle se débrouillait bien lors de la leçon de chasse. Même si sa silhouette était encore celle d'une grande enfant, on y voyait déjà les prémices d'une louve musclée et rodée à l'exercice. Il avait de quoi être fier, et également de quoi être coupable de ne jamais l'avoir exprimé. La touche finale fut ce sourire, franc, venu droit du coeur car il brillait autant sur ses babines que dans ses yeux, qui se peignit sur son museau. Celui du tricolore lui fit écho, et il se rappela combien il était plaisant d'apporter de la joie chez un jeune loup. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas éprouvé cette sensation - depuis Pepper, en fait - qu'elle en était incongrue.

Lorsqu'il lui fit sa proposition, la réaction fut plus forte encore - et lui qui pensait que le sourire serait la plus forte expression de sa joie. Elle avait bondit sur ses pattes, quittant sa posture fixe et légèrement distante, pour se figer dans une position presque d'attente. Comme si tout son être attendait une confirmation que tout cela était bien vrai - et ça l'était.

"Je compte sur toi pour me retrouver à l'aurore à l'entrée du Castel demain matin dans ce cas, jeune Dame." Lança-t-il d'un ton plus détendu, en se relevant à son tour.

L'expression avait changé sur son museau, à lui-aussi, mais pour quelque-chose de plus... apaisé. Comme si un poids s'était soudain retiré de ses épaules, il paraissait moins crispé, plus assuré. D'un signe de la queue, il lui indiqua qu'ils reprenaient la route. Ils ne devaient pas oublier leur patrouille. Mais il avait la sensation que leur pas était soudain plus aérien, et cette fois-ci il prit soin de rester à ses côtés et non de mener franchement l'expédition.

"M'accorderais-tu de connaître les entraînements que tu as déjà suivi par toi-même ?" Demanda-t-il en lui lançant un regard de côté.

• 1 an+ •
F  A E I

L'enjouement de la femelle ne fût qu'exacerbé par la reprise de la patrouille et du pas plus mesuré de son géniteur. Côté à côté, comme pour laisser la possibilité ouverte à une discussion. Comme pour indiquer qu'il était réellement présent dans l'instant et concentré sur l'équipe, et donc sur elle. Solelio se dit que pour être sûre de satisfaire son père -et mentor !!!- elle serait prête plus tôt encore et l'attendrait même avant que le jour ne soit levé. Ou alors elle irait même chasser un petit déjeuner avant l'entraînement ! Ça c'était une bonne idée, et cela ferait sans doute une agréable surprise à Athelstan. Elle se demanda soudain s'il préférait l'écureuil ou le lapin ? Le geai ou le canard ? Lui poser la question aurait gâché l'idée, il lui faudrait donc se débrouiller ! Innocemment, la rouquine souffla des naseaux pour centré son attention sur le Conseiller tricolore. Ainsi voilà que débutait son tutorat sous la forme d'un récapitulatif de ses maigres expériences. Probablement que le mâle voulait pouvoir faire la liste des compétences acquises afin de mieux diriger les entraînements suivants. Le disciple du Grizzli devint soudain plus... responsable et qualifié encore, au yeux clairs de son enfant qui l'idéalisait tant.

« Tout ce qui a trait à la chasse ou à la traque est acquis, afin de pouvoir s'alimenter et nourrir les autres en toutes circonstances... mais à perfectionner bien sûr ! »

Ajouta t-elle précipitamment, se rendant compte que face à son noble chevalier de  père, elle ne pouvait se permettre de juger ses propres performances à la hausse. Un peu d'humilité ne faisait-pas de mal et elle savait que ce concept serait difficile à avaler pour elle. Elle ferait des efforts. Enfin, elle essayerait.

« Le reste de mes entraînements avaient pour but de me rendre plus forte et endurante. Plus rapide aussi, j'ai beaucoup couru en transportant des pierres de plus en plus lourdes par exemple et sur des terrains divers : terre sèche, boue, sable, roche. Cela m'a aussi permis d'avoir une connaissance de notre territoire aussi parfaite que possible. J'ai grimpé et escalader les Monts Célestes, et quelques arbres aussi, pour être plus adroite de mes pattes et de bien connaître mes appuis naturels... »

Elle se rappela, il y avait de cela plusieurs mois, du grand arbre à la Moere qu'elle avait gravit en compagnie d'Alexandrine, la princesse bourrue.

« Quand au combat, c'est là que ce trouve mes principales lacunes... je crois. Mère m'a appris les bases mais seule il est difficile d'en comprendre les rouages. »

Et se battre, genre pour de vrai, avec les autres jeunes Etelkrus n'étaient pas super super bien vu... Même si Nachos avait essayé maintes fois de la faire brutaliser d'autres adolescents. La honte de ne pas être, là aussi, à un niveau plus que correct, lui fit baisser la tête et regarder l'horizon derrière le vide de la falaise plutôt que d'oser croiser les prunelles pâles du Conseiller lait et chocolat.

Il l'écouta énumérer avec enthousiasme les points qu'elle avait déjà travaillé, et qui laissaient entrevoir combien cet apprentissage serait différent de l'expérience qu'il avait eue avec Pepper. La petite louve bleue l'avait rejoint alors qu'elle avait à peine l'âge requis, tandis que Solelio était déjà plus âgée, plus entraînée, plus affirmée dans ses compétences. Il lui adressa un regard amusé lorsqu'elle laissa entrevoir la satisfaction qu'elle avait à maîtriser ce qui avait trait à la chasse, puis se rattraper aussitôt. Bien-sûr, le tricolore pouvait s'enorgueillir, après tant d'années de pratique, d'avoir encore bien des choses à lui apprendre. Cependant, il avait pu constater de lui-même durant les patrouilles et la leçon de chasse que sa cadette se débrouillait en effet plutôt bien pour son âge.

Il hocha la tête lorsqu'elle parla de ses entraînements personnels, notant ça et là les choses qu'il lui faudrait vérifier, sur lesquelles il lui faudrait revenir en temps voulu. Là, ce n'était pas vraiment l'objectif. Nouer un semblant de ce lien qui n'avait jamais existé entre eux serait déjà un énorme pas en avant, il en avait conscience. Elle parla ensuite du combat, et il se fit la réflexion qu'en effet, s'il avait vu sa fille aller par monts et par vaux au-dehors du camp, il ne l'avait vu que très peu s'entraîner au duel. Voilà au moins un sujet sur lequel il aurait des choses des plus simples aux plus subtiles à lui enseigner. Avant qu'il n'aie le temps de réagir véritablement, ou de dire quoi que ce soit, il la vit fuir son regard. Etait-ce d'avoir admis qu'elle avait des lacunes qui la touchait ainsi ? Il l'avait devinée fière, sans doute un peu à cause de Nachos, et peut-être était-ce compliqué pour elle de se trouver face à lui de la sorte. Étrangement, il se reconnut dans ce sentiment, et vit dans son attitude une sorte de reflet de ce qu'il avait été face au grand chevalier Méléagant. Pas à la hauteur.

"Bien, bien." Répondit-il. "Jeune Dame, tu as déjà beaucoup travaillé, mais tu as eu la courtoisie de me laisser encore quelques choses à t'apprendre."

Il lui lança un regard appuyé, qui se voulait peut-être complice, au moins amusé, et secoua la tête.

"Comme préluce à cet entraînement qui, je l'espère, sera riche d'enseignements pour chacun d'entre nous, je t'attribue une première mission. Jeune Dame Solelio, en tant que Conseiller je te nomme cheffe de cette patrouille. Guide-moi sur nos terres et les sentes que tu y connais afin de vérifier si le périmètre d'ici au Castel est sûr."

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Il avait l'air satisfait, son père. Il avait l'air, heureux, le Conseiller. Était-elle un assez bon élément selon lui ? Etait-elle en retard sur ses pairs pour n'avoir eu de tutorat plus tôt ? Solelio eu un peu de mal à assimiler ce que pouvait vouloir dire ce regard sur elle, elle su pourtant d'instinct qu'il n'était pas critique colle celui de feu sa génitrice. Et quelque part, tout au fond de son coeur déjà trop blessé pour son âge, un baume s'étira autour de l'une ou l'autre fêlures, apportant un poil de chaleur à l'enfant trahie. Peut-être, après tout, que certaines choses seraient tout de même réparables... Qui savait de quoi le futur serait fait. Cette simple absence de réprimande dans la voix ou de blâme dans les yeux clairs d'Athelstan l'a décontenançait de manière positive. Celui lui faisait remettre un peu en question l'approche et l'éducation de celle qui l'avait majoritairement élevée jusque là. On pouvait donc discuter sans être méchant et se montrer supérieur, sans rabaisser systématiquement pour soi-même s'élever. Du moins, le Conseiller ne piétinait pas l'apprentie alors qu'elle avouait ses faiblesses reconnues. Il semblait même, moqueur ? Non plutôt... malicieux ?

Un sourire vint alors fleurir sur les babines de la jeune louve, quelques instants d'un flottement agréable entre la gêne et l'envie de partager réellement le jeu et la bonne humeur avec le fils du Grizzli. La rouquine releva la truffe pour entendre ce qui serait sa toute première mission confiée personnellement et également première leçon avec son mentor. Les oreilles se redressèrent plus droites encore, la mine se fit plus sérieuse. Si l'attitude de la femelle avait oscillé entre la concentration et la détente, il n'y avait désormais plus que l'état d'alerte. Il était l'heure de travailler, d'être attentive et de faire de son mieux. Plus de place pour les sentiments, plus de place pour l'amusement.

« A vos ordres, Messire Conseiller. »

D'ici, les falaises, jusqu'au Grand Castel. Cela faisait une bonne trotte, et l'idée d'une patrouille était de surveiller un maximum de territoire. Il était donc exclu de revenir sur leurs pas. Solelio estima donc devoir passer, forcément, par les montagnes, en atteindre le col pour descendre sur l'autre versant, puis longer le canyon de la Passe Ventue, histoire de jeter un œil chez les voisins sans avoir à sortir du périmètre appartenant aux Etelkrus, puis de rejoindre les Dents de Roc, continuer la descente des Monts et finir en leur sein au campement de la meute. Ainsi ils couvriraient une bonne zone de territoire, en surveillant une frontière plus sensible que celles formées par les océans d'un côté ou l'autre du continent. D'un hochement de tête, l'apprentie chevalière prit la tête de l'expédition et mena son père au travers de la montagne dans un premier temps. Heureusement plus ils s'éloignaient des falaises moins la roche était escarpée. Cela facilitait l'ascension jusqu'au sommet qu'elle voulait atteindre.

Ce n'était pas le plus hauts que l'on pouvait atteindre dans le coin, mais il ne s’agissait pas non plus de faire un détour inutile épuisant alors qu'ici ils auraient déjà une excellente vue des contrebas. D'autant que la journée promettait d'être ensoleillée et qu'à cette heure, il n'y avait pas encore de chape de brume formée de la rosée en évaporation.

« Le monde semble bien calme vu d'ici. Toutefois j'aimerais passer le long de la Passe Ventue, c'est presque notre route et ne nous fera pas perdre de temps. Peut-être verrons-nous une évolution dans le paysage de nos voisins, témoignant d'un retour à la normal pour eux -ou non. »

Lâcha t-elle après un rapide coup d'oeil circulaire, se rappelant qu'elle avait oublier d'expliquer ses intentions à la patrouille, même s'ils n'étaient que deux. D'un côté comme de l'autre des Monts Célestes, le monde s'éveillait à peine.

Il finit par poindre, timide comme un soleil d'hiver, le mince sourire qui étira les babines de sa cadette. Il réchauffa le coeur du Conseiller tricolore, durant le bref instant où il dura. Puis Solelio prit une mine plus concentrée et se redressa à l'écoute de ses consignes. Si elle était toujours aussi enthousiaste et prompte à réagir à ses enseignements, son apprentissage se passerait sous les meilleurs auspices, ne put s'empêcher de se dire le grand loup. Après un instant de réflexion, elle tourna les talons, et il s'élança dans son sillage. Il connaissait par coeur tous les chemins qui sillonnaient leur territoire - depuis le temps qu'il y vivait, et qu'il y patrouillait - et nota qu'elle se dirigeait logiquement vers les Monts Céleste. Leurs terres avaient une forme singulière, et l'endroit où se trouvait le temple de Dairo était une petit enclave un peu à part. Il était étonnant d'ailleurs que personne n'aie jamais tenté de leur prendre, ou qu'eux-même n'aient jamais voulu agrandir l'étroit passage qui y menait. La Passe Ventue, anciennement Lazuli, n'était plus revendiquée par personne, et pourtant leurs cheffes n'avaient jamais évoqué l'idée de l'associer à leur territoire, comme s'il était protégé par un sacro-saint principe. Mais toutes fotes de caractère que soient leurs meneuse, elles n'étaient pas des conquérantes. Preuve en avait été de l'attaque chez les Raeders, qui s'était soldée par un simple avertissement alors que les forces Etelkrus permettaient largemetn d'annexer l'Île si besoin. Elles gardaient farouchement leurs terres, mais ne paraissaient pas tentées de les agrandir et d'aller mettre une patte au-dehors.

Les deux loups grimpèrent parmi les éboulis et les contreforts rocheux dans un paisible silence. La patrouille baignait dans la lumière douce du matin, qui rendait moins flamboyante et plus pastel la chevelure de feu de Solelio. Soudain, elle rompit le silence pour expliquer la démarche qu'elle souhaitait suivre, et le regard vairon du Chevalier, qui s'était perdu dans les alentours un instant, revint sur elle. Il lui répondit d'un hochement de tête.

"Voilà une forte bonne idée." Répondit-il en se mettant à sa hauteur d'un allongement de foulée. "Même si la situation avait été plus paisible, la position de ce territoire nous rend plus enclin à surveiller ce qui le longe."

Il laissa filer un instant, puis ajouter :

"As-tu parmi tes connaissances d'anciens lazulis ?"

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L'idée était fort bonne. Solelio se retint de montrer une trop grande fierté à ces mots, elle se contenta donc de laisser ses oreilles pivoter vivement pour indiquer sa gratitude face à ce commentaire. La lumière prenait doucement le territoire de la nuit, avalant les kilomètres rapidement et forçant la pénombre à reculer toujours plus loin. C'était un respectable inhabituel pour elle, qui ne prenait que trop rarement le temps d'observer ce phénomène pourtant si simple et elle le trouvait très agréable à regarder. Elle leva la truffe vers la boule incandescente qui grimpait la voûte céleste, entourée de son halo laiteux tout en réfléchissant à l'évocation du mâle. Le placement de cette bande de terres leur appartenant était effectivement intéressant. Il était important dans le sens où il permettait d'occuper presque toute la largeur du continent et d'ainsi, en quelques sortes, permettre de contrôler les passages d'un côté à l’autre,e comme une espèce de douane qui observait les allées et venues de ses tourelles de guet. D'un autre côté, c'était un terrain plutôt escarpé, difficilement défendable mais dans la même mesure difficilement conquérable. Il aurait fallu pousser un peu plus d'un côté et de l'autre pour briser le continent en deux. Ainsi les Etelkrus auraient tout droit de vue et de passage concernant les autres et auraient là encore une position supérieure. Il y avait là idée à réfléchir, non ?

« Non. Seulement les... Liens peu positifs décrits par Mère. »

Qui avait été louve pleine de haine et de fiel pour cette meute, et connue pour son manque totale de tolérance. Une nouvelle fois, Solelio se rendit compte que l’évocation de Nachos la crispait et que de savoir que son regard lourd et assassin ne viendrait plus jamais la tarauder autrement que dans son propre esprit la soulageait d'un poids immense.

« Je sais toutefois qu'une partie de votre famille vit là-bas. »

Mais elle ne savait rien d'eux, à part le peu que Mildred avait accepté d'en raconter. Elle se rendit compte, après l'avoir prononcée, qu'elle avait encore du mal à s'identifier comme partie intégrante de la famille du Conseiller. Bien qu'elle soit aussi ravie de cette neuve complicité, de ce lien de mentor-apprenti qui représentait tant pour elle, elle devait avouer qu'elle restait bien trop intimidée et admirative de son père pour s'autoriser à le voir comme tel.

Le tricolore hocha la tête lorsqu'elle lui répondit, conscient que l'image que Nachos avait dû renvoyer des autres meutes ne devait pas être bien glorieuse. Il était toutefois coutume chez les Etelkrus d'avoir une position hostile envers tout autre groupe qu'eux, aussi n'était-ce pas vraiment étonnant. Ils avaient été tant blessés qu'ils avaient fini par se retourner contre quiconque n'était pas des leurs, pour se protéger, pour protéger ce qu'ils étaient. Toutes ces tragédies avaient contribué à constuire ce qu'ils étaient devenus. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

"Si fait." répondit-il à sa deuxième affirmation.

Il coula u regard vers elle et ajouta doucement :

"Ils partagent mon sang comme ils partagent le tien."

Leur famille était une grande famille, et même s'ils appartenaient à des groupes différents et qu'ils ne défendaient pas les mêmes valeurs, ils ne devaient pas avoir honte d'être du même sang. Ils portaient chacun à leur manière les valeurs transmises par leurs ancêtres communs, ceux qui avaient apporté sur le continent le savoir de la Chevalerie. Connaissant Gloriel, Athelstan n'avait pas de doute quant au fait qu'il transmettrai au moins partie de ce savoir à ses enfants. A moins que la vie l'aie tant changé qu'il ait renié celà... Mais il gardait espoir que ce ne soit pas le cas. Les souvenirs de sa jeunesse et de leurs entraînements auprès de leur père surgirent soudain dans son esprit, chargés de nostalgie et d'une pointe de tristesse. Il secoua la tête pour les chasser.

"As-tu connaissance de leurs noms, Jeune Dame ?" Demanda-t-il finalement.

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Solelio observa son père, cherchant à déterminer quel type de pensée s'était imposé à ses prunelles pâles. Les mêmes qu’elle possédait, signe évidemment de lien génétique entre eux. Entre autres. Et puis il revint vers elle avec une nouvelle question. La rouquine prit une inspiration.

« Sire Gloriel, votre frère. Et deux de ses enfants, Mildred et Elely, je n'ai connaissances des autres... Dame Korra à aussi parler une fois de votre sœur Dame... Brienne et du fils venu vous joindre chez nous, Sire Lymphalème. »

L'apprentie réfléchit un instant, comme si elle passait en revue sa mémoire en quête d'autres noms affiliés au sang de son géniteur, mais nul ne s'ajouta. Elle offrit un sourire gêné au Conseiller.

« Je dois avouer avoir peu pris le temps d'en apprendre davantage. »

Ainsi assise sur le toit du monde, à regarder le soleil se lever et inonder le continent de ses doux rayons, elle se rendit compte, idée après idée, que l'éducation de Nachos lui avait fait rater énormément de choses, et que ses lacunes sociales étaient bien pires encore qu'estimées...

"Dame Brienna. Elle s'appelait Dame Brienna." Corrigea-t-il doucement, le coeur serré.

Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle mentionne la louve violacée, étrangement. Peut-être aurait-il simplement préféré passer sous silence cette partie-là de sa famille, lis à un épisode si lourd de son existence. C'était de vieilles choses maintenant, de vieilles douleurs, de vieux souvenirs. Mais ils n'en étaient pas des images pâles et sans émotions pour autant. S'il ne ressentait pas autant de douleur en songeant à Brienna qu'il n'en avait en pensant à Lucie ou à Nachos, deux deuils bien plus récents, il ne pouvait empêcher un lacet de tristesse dessiner son chemin dans ses pensées, comme une froide rivière.

"Notre famille a pendant un temps été notre force." Poursuivit-il finalement. "Qu'elle soit liée ou non par le sang, elle est une chose précieuse. Un jour, il vous reviendra à toi, Jeune Dame, et au Jeune Sire Elvazio, d'en porter les valeurs et l'héritage à la place de ceux qui font ma génération."

Il détacha ses yeux vairons de l'horizon pour les poser sur Solelio. Peut-être avait-elle un grand avenir, parce que dans l'inattendu mélange entre le chevalier tricolore et la guerrière aux cheveux de feu, elle avait tiré dans le lot de bons côtés des deux. Une férocité t une détermination qui la mèneraient sans doute loin, et un grand désir de faire ses preuves et d'honorer sa famille. La conversation continua alors qu'ils prenaient la route du retour, et ce fut surtout lui qui parla. Des valeurs de la Chevalerie, devenues presque légion chez les Etekrus mais qui revêtaient toujours autant de valeur à ses yeux. De l'histoire de leur famille - principalement des exploits d'Agravain et Méléagant avant qu'ils n'arrivent sur le continent, des récits qu'ils leur avaient ensuite apporté sans que l'on sache exactement si tout était vrai.

Mais n'était-ce pas ainsi que se forgeaient les légendes, par des histoires au coin du feu destinées à faire briller les yeux des petits loups ?

[Fin pour moi ]

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La voix d'Athelstan eut une inflexion que la rouquine ne sû comprendre. De la nostalgie ? De la peine ? De la déception ? Elle savait que la famille était scindée en deux, et que l'autre clan était autre fois de la meute adversaire. Qu'adviendrait-il maintenant ? Père et son frère se retrouveraient-ils ? Devraient supporter davantage de cette agaçante mais jolie Mildred ? Et sa soeur plus piquante encore... Elely ? Puis il y en avait eus d'autres l'autre fois, des mâles aussi non ? Elle haussa les épaules, sachant pertinemment qu’elle devrait faire l'effort d'en apprendre plus. Elle offrit un sourire au Conseiller lorsqu'il mentionna que ce serait à son jumeau et elle de faire perdurer les traditions familiales. Bien sûr l'idée d'avoir une progéniture ne lui était encore jamais passé par la tête, pourtant il lui paraissait évidemment qu'un jour, si cela venait à arriver, elle apprendrait à ses enfants tout ce qu'Athelstan, aujourd'hui, lui enseignait. Elle ne voulait rien transmettre de l'éducation de sa mère, trop cruelle et brutale. Elle ne voulait qu'être la digne descendante du Chevalier. Avec attention et émerveillement, elle écouta les exploits du père de son père, et les contes que le Conseiller lui raconter tout du long de leur patrouille. En plus de gagner en expérience de terrain, elle recevait l'infini bonheur de partager avec son géniteur une complicité naissante tant espérée. Cette journée n'aurait pu mieux commencer ! Apprendre toutes ces histoires sur ceux dont elle descendait donna plus de profondeur aux mots Dame et Sire qu'elle utilisait en copiant le tricolore, elle comprenait maintenant l'implication de tels titres et respectait d'autant plus ceux qui portait ces noms. Elle se promit qu'elle ne trahirait jamais les lignes conductrices du code d'honneur des Chevaliers, et accepta l'idée qu'il lui faudrait, souvent, se mettre en retrait vis à vis des autres. C'était aujourd'hui, plus qu'une leçon sur l'organisation d'une patrouille, une complète leçon de vie.