❀ Oiseaux de malheur !!! [Lucien] ARCHIVES

Spoiler:

Nightmare avait vaguement entendu parler de la Bibliothèque se trouvant sur L'île Fantôme en territoire libre, mais elle n'avait encore jamais osé y mettre les pattes. C'est qu'il faut savoir que cette île sur laquelle elle se trouvait était dissimulé derrière un épais mur de brume, en plus d'être supposément hantée par les esprits des défunts... De quoi en faire des cauchemars. La louve, de nature curieuse et quelque peu téméraire, avait donc décidé de s'y aventurer pour en constater les dires. C'est donc par une soirée d'hiver où la lueur de la lune perçait difficilement les nombreux nuages gris dans le ciel qu'elle décida d'entamer son voyage, seule. Elle avait pris congé de garde au campement, se faisant remplacer par une autre Maternelle, elle avait donc toute la nuit devant elle, en ayant fait la promesse d'être revenue avant le lever du soleil. Night savait que l'Île pouvait être aperçue à travers le brouillard que par beau temps, elle était donc partie avant que le soleil ne se couche. La soirée s'annonçait parfaite pour partir à la découverte de cette fameuse Bibliothèque.

Le soleil se couchait à l'horizon quand elle arriva enfin devant un épais mur de brume qui se dressait juste là, à quelques pas devant elle. Night avait mis quelques heures pour y arriver, mais elle y était enfin parvenue. Il faut dire que pour une louve qui ne connaissait pas le chemin, elle s'était plutôt bien débrouillée ! Maintenant que le chemin était gravé dans sa mémoire, il lui serait plus facile de s'y rendre pour les prochaines fois, étant donné qu'elle était doté d'une mémoire remarquable en plus d'un bon sens de l'orientation. Évidemment, il lui était difficile de voir au travers de cet épais mur de brume en raison des nuages qui laissaient à peine passer la lumière lunaire, mais elle se disait qu'en marchant constamment en ligne droite, elle finirait bien par y arriver, sur cette Île Fantôme. C'est donc ce qu'elle entreprit de faire.

Ne voyant pas plus loin que le bout de son museau, Nightmare avançait d'un pas prudent. À chaque expiration, la vapeur qu'elle laissait échapper de sa gueule se mêlait au nuage de brume. La louve frissonna, non seulement à cause du froid, mais surtout dû au fait que l'endroit avait quelque chose de peu rassurant. Plus elle avançait, moins elle se sentait seule... Était-elle suivit ? Il lui semblait que non ; le vent dans le dos, elle ne percevait aucune odeur étrangère. Mais ces murmures, alors... ? Night s'arrêta. Oui, il lui semblait avoir entendu quelqu'un murmurer tout bas.

« Qui est là !? » demanda-t-elle d'une voix assurée, mais elle n'obtint que le silence pour seule réponse. Haussant les épaules, elle continua son avancée. Après tout, elle était bien en territoire libre, et les autres avaient tous autant le droit qu'elle d'être ici.

Quelques minutes plus tard, le nuage commença à de dissiper. Ça y est ! Elle y était presque. Encore quelques pas et bientôt, il fut derrière elle. Night pu enfin voir plus loin que le bout de son museau. Elle pu enfin admirer l'Île Fantôme. Les nuages passaient et laissaient maintenant la lueur lunaire s'étendre faiblement sur l’horizon. Là-bas, elle pouvait deviner la silhouette d'un bâtiment dans l'obscurité ; sans plus attendre, elle s'y dirigea d'un pas un peu plus assuré.

La Bibliothèque avait quelque chose de lugubre. Immense, elle semblait être à l'abandon vu de l'extérieur, mais Nightmare fut surprise de la trouver étrangement bien ordonnée de l'intérieur, une fois passé la lourde porte en bois tenant à peine sur ses gonds. Les étagères étaient parfaitement parallèles, et les livres, étrangement bien ordonnés. La louve aux couleurs jurant avec le décor déambulait entre les rangées, admirant ces ouvrages aux couvertures impeccables. Parfois, elle arrivait à lire les titres sur leurs reliures, alors que d'autres, elle n'arrivait pas à déchiffrer la langue étrangère. Mais qui avait donc bien pu écrire tous ces livres ? Comment était-ce possible qu'ils soient tous si bien conservés ? La Bibliothèque regorgeait de mystères, et déjà, Night aimait cet endroit.

Plus elle s'aventure dans les sombres recoins, plus elle se sentait observée. Avait-elle été suivis ? Elle se rappela cette désagréable sensation d'être épiée lorsqu'elle avait traversée ce mur de brume. Qui pouvait-il bien l'espionner ainsi ? Alors qu'elle regardait derrière elle, un étrange croassement se fit entendre. Ou plutôt... quoi ? Night s'arrêta, levant les yeux ; là, perchés sur le haut d'une étagère, trois paires de yeux l'observaient. Trois paires de yeux noires appartenant à trois énormes corbeaux au bec bien aiguisés... Hé merde... Sans les quitter des yeux, elle se retourna lentement de façon à leur faire face, et recula d'un pas. Sans s'en rendre compte, son postérieur frappa une étagère et elle sursauta ; c'est alors qu'un livre en tomba. Nightmare eut à peine le temps d'y lire son titre '' Les trois corbeaux machiavéliques '' que ces derniers croassèrent à l'unisson. La toisant d'un regard peu amical, la louve décida qu'il était temps de leurs fausser compagnie, mais ces fichus oiseaux de malheur décidèrent de l'attaquer lorsqu'elle leur tourna le dos. Elle hurla lorsque leurs serres tirèrent sur ses cheveux.

« Lâchez-moiiiiiiiii ! » scanda-t-elle en tantant péniblement de se soustraire à leurs poigne de fer.

Sans réfléchir plus qu'il ne le faut, elle s'élança à la course entre les étagères en s'ébrouant frénétiquement. Bientôt, les corbeaux n’eurent d'autres choix que de lâcher prise, suivant difficilement la cadence, et la louve en profita pour se cacher sous un bureau en bois de chêne. Elle ne les voyaient plus, mais elle pouvait entendre le cliquetis des griffes sur le carrelage. Night retint son souffle. Était-ce les corbeaux qui approchaient ?

Ce n'était pas si rare.
En trois années de bons et loyaux services à la bibliothèques, Lucien en avait vu, des visiteurs impromptus. Des rats, de petits animaux perdus et même un daim, une fois, qui semblait vouloir s'abriter. Malgré tout, les passagers clandestins les plus nombreux restaient les oiseaux : nombreux étaient ceux qui faisaient leur nid sur les étagères et entre les bouquins ; par souci de conservation du patrimoine littéraire, le rôle des archivistes était aussi de les déloger. Et les oiseaux, c'était compliqué. Cependant, aucun d'eux n'avait autant posé de problème que ces corbeaux : avec la proximité du Cimetière, les charognards affluaient, et les bibliothécaires avaient dû les repousser au terme d'un combat inter-espèce sans merci et un peu ridicule, mais y étaient finalement parvenus.

Ne restaient que ces trois là, qui les fixaient de leur yeux luisants et moqueurs à chaque fois qu'ils les voyaient. Eux, même les efforts conjugués des archivistes ne les avaient pas empêché d'élire domicile sur les plus hautes poutres, salissant de leur fientes les ouvrages et déposant les cadavres de leurs proies un peu partout. Les loups avaient fini par abdiquer, fichant la paix aux volatiles sombres en tentant de limiter les dégâts, protégeant les étagères comme ils pouvaient. C'était donc sans grande surprise que Lucien entendait leur croassements moqueurs, à quelques rayonnages de lui, comme une musique habituelle qui rythmait ses journées de travail.

Une voix raisonna dans le silence de la bibliothèque, une voix qui n'avait pas grand chose à voir avec celle des charognards. Une voix féminine, lupine, entrecoupée des cris des oiseaux. Le loup blanc fronça les sourcils qu'il ne possédait pas : tout indiquait qu'il semblait se tramer quelque chose. Abandonnant son ouvrage et mû par la curiosité, l'albinos couvrit en quelques secondes la distance qui semblait le séparer de l'origine des sons. Sur place, il se trouva spectateur d'un étrange spectacle : les trois oiseaux de malheur s'en prenaient à une Séide qu'il ne connaissait pas ; à son grand étonnement, au lieu de repousser les animaux en hurlant, la jeunotte se jeta sous une table, comme menacée par les volatiles.

Lucien soupira.

Sortit alors de sa gueule un feulement digne des plus grands fauves, feulement dont il était très fier tant il était réussi ; décidément, il l'avait bien travaillé, ça faisait presque oublier sa maigre carrure et sa faiblesse au combat. Ce fut très efficace : les corbeaux s'envolèrent précipitamment, visiblement convaincus par le hurlement de l'albinos, laissant la voie libre.

Ce dernier s'approcha alors de la table sous laquelle la jeune louve avait trouvé refuge. Elle était plutôt petite, les cheveux noirs et arborait une voyante fourrure rose vif.

— Hé chérie, sors de là, c'est pas la p'tite bête qui va manger la grosse

Nightmare tendit l'oreille en retenant son souffle, mais elle n'entendait plus rien, pas un son. Les cliquetis s'étant estompés, le silence était total. Jusqu'à ce que... Jusqu'à ce qu'un feulement rauque se fit entendre. Encore sous l'effet de l'adrénaline, elle ne reconnaissait pas la provenance de ce son qu'elle savait ne pas entendre pour la première fois. Était-ce les corbeaux ? Non, impossible... elle avait bien entendu leurs lugubres croassements, et ce feulement n'était en rien comparable au cri strident des corbeaux. On aurait plutôt dit un genre de... félin. Un puma, peut-être ? La louve se souvint en avoir croisé un alors qu'elle était tout juste haute comme trois pommes ; lors d'une excursion en solitaire dans les bois, elle était tombé nez à nez avec cet énorme chat qui, surpris, avait laissé entendre un sifflement qu'elle n'était pas près d'oublier. Mais la présence d'un pumas ici était peu probable sur ce territoire peuplé de loups. Mais alors, de quoi pouvait-il bien s'agir ?

Alors que la louve était sur le point de sortir de sa cachette, un visage qui lui était inconnu apparu à quelques centimètres du sien. Night retint un hoquet de surprise mais ne pu s'empêcher de sursauter, se cognant par le fait même le crâne sur le dessous du bureau. Aïe !!! Elle eut un mouvement de recul lorsque ses yeux se posèrent dans le regard rougeâtre de l'inconnu mais elle se détendit bien vite lorsque ce dernier lui adressa la parole pour la rassurer. C'est que pendant un instant, elle avait cru se retrouver face à une autre bête - soit le puma de son souvenir -, mais heureusement, il s'agissait d'un loup, de son clan qui plus est. Quel soulagement ! Elle se souvint avoir un jour aperçu en terre Séide cette silhouette blanche aux nombreux tattoos et aux longs dreads blancs ; difficile d'oublier un loup à l'allure si particulière.

« Merci, euh... » laissa-t-elle entendre d'une voix à peine audible. Comme elle n'avait jamais eu l'occasion de lui adresser la parole, elle n'avait jamais su le nom de ce monsieur.

La louve se rendit compte qu'elle était toujours campée sous cette table lorsque ses muscles endoloris lui rappelèrent sa fâcheuse position. Elle sentit ses joues rougir lorsqu'elle s'extirpa maladroitement de sa cachette, passant tout près de ce loup qui se trouvait juste là, devant elle. Se positionnant face à lui, elle se rendit compte qu'elle avait les cheveux en bataille lorsqu'elle peina à le voir à travers sa longue chevelure noire. Les serres de ces fichus oiseaux avaient emmêlés ses cheveux à l'habitude si lisses. La jeune damoiselle se secoua pour tenter de remettre un peu d'ordre dans ses cheveux. Elle reprit ainsi contenance, retrouvant la confiance en elle qui l'avait quitté quelques instant plutôt, mais cette mèche rebelle persista à se trouver devant ses yeux. Du revers de la patte, elle tenta de la déplacer, mais en vain. Elle adressa un sourire timide à son sauveur.

« Je suis Nightmare » ajouta-t-elle d'une voix un peu plus assurée, espérant que le loup se présente à son tour. C'est qu'il faut savoir que la damoiselle n'avait jamais été vraiment douée pour les présentations, surtout lorsque son interlocuteur se trouvait à être un mâle fort agréable à regarder...

La jouvencelle, après avoir vérifié que ses dangereux agresseurs aient bien été mis en fuite, commença tant bien que mal à s'extirper de sa cachette de fortune, sous le regard circonspect du mâle blanc. Ce dernier la regardait faire, sans esquisser un mouvement pour l'aider - eh, il avait déjà jarté les corbacs, fallait pas pousser non plus - et sans vraiment savoir s'il avait réellement quelque chose à faire ici encore. Ce qu'il aurait aimé faire, là maintenant tout de suite, c'était de lui balancer un bon bah salut et de retourner bosser, peinard, dans son coin. Sauf que la gamine fluo n'avait visiblement pas l'intention de lui lâcher la grappe alors qu'elle se recoiffait en dardant sur lui un regard un peu étrange qui le faisait se sentir comme le dernier des petits fours sur le plateau que tenait un serveur au milieu d'un parterre de convives affamés.

Et c'était plutôt gênant.

Et, anéantissant au passage tout espoir de potentialité de journée tranquille en ermite, elle s'entêta à entamer la conversation.

— Je suis Nightmare.

Ce qui lui faisait, avouons-le, une belle jambe.
Bon après tout n'était pas perdu, elle avait un prénom rigolo. Il fallait dire qu'après avoir fait la rencontre d'Arabella, Lucien s'était découvert un penchant notoire pour les langues étrangères ; bien qu'il en chie encore à mort pour s'exprimer clairement dans toutes celles auxquelles il s'était essayé, il avait de bonnes bases en anglais et en espagnol. Et s'il n'était pas suffisamment con pour traduire Nightmare par jument de la nuit, il l'était assez pour faire des vannes dessus, bien lourdes et graveleuses. Parce qu'il aimait bien passer pour le dernier des connards, ça lui donnait l'illusion de ne pas en être un réellement.

— Eh bien enchanté, le poney.

Sur ce, il tourna les talons, faisant quelques mètres en plantant la donzelle sur place, parce que c'était un peu jouissif quand même, parce qu'il se sentait puissant dans sa connerie et que ça, ça n'avait pas de prix. Après dix bonnes secondes de snobisme intense, il jugea de bon aloi de faire sauter sa plaisanterie, qui n'en était une que pour lui, et se tourna vers elle.

— Lucien, archiviste et chasseur de corbeau à ses heures, pour vous servir.

Enfin, et son sourire narquois à peine dissimulé, Lucien revint vers la demoiselle.

'' Eh bien enchanté, le poney. '' lui répondit le mâle en tournant les talons.

Interloquée, Nightmare le regarda s'éloigner en ne sachant quoi répliquer. Elle, un poney ? Était-elle si grosse que ça ? Non, impossible ; elle qui ne mangeait pas de viande, ne se nourrissant que de baies sauvages et de racines, on aurait plutôt dit qu'elle n'avait que la peau sur les os. Sa silhouette, alors ? La louve baissa les yeux vers ses pattes délicates, qui n'avaient rien à voir avec un disgracieux poney. Non, elle n'avait vraiment rien d'un poney. À moins que...

Nightmare laissa échapper un léger gloussement. C'est qu'elle venait de constater que ce couillu avait très mal traduit son nom. Elle s'apprêtait d'ailleurs à le corriger lorsqu'il se tourna vers elle, se présentant à son tour.

'' Lucien, archiviste et chasseur de corbeau à ses heures, pour vous servir. ''

Revenant vers elle, il afficha un sourire narquois que la louve interpréta comme étant une provocation. À son tour, Nightmare décida de le provoquer... à sa façon.

La louve ferma les yeux pour mieux se concentrer, et visualisant dans sa tête le loup qui lui faisait face, elle entra dans son esprit pour lui faire voir... un vulgaire poney rose fluo. Ainsi donc, aux yeux de ce Lucien, Nightmare venait de se métamorphoser en poney. Son illusion ne dura que quelques secondes, juste assez pour que le mâle ait l'image bien imprégné dans son esprit. Puis, cessant le tout, elle planta un regard froid dans les yeux du mâle et lui répliqua d'une voix toute aussi froide.

'' Nightmare, poney à ses heures, pour vous divertir. ''

Et à son tour, elle tourna les talons, sans plus de politesse qu'il ne le fallait.

Sans se retourner, elle se dirigea vers la sortie de la Bibliothèque.

Pendant quelques instants, l'image que renvoyait la fille en face de lui se brouilla - la cocaïne, certainement - pour laisser place à un animal quadrupède herbivore, de petite taille et dans les mêmes teintes criardes que la louve qui se trouvait à sa place quelques secondes plus tôt. Puis comme elle était apparue, la vision s'évapora, et l'équidé laissa place à la fille, qui lui jeta un regard froid et hautain. Visiblement, c'était ça, sa petite vengeance : un double vaporeux de sa petite personne en référence à son jeu de mots nul - à moins qu'elle ait carrément pris au sérieux sa traduction vaseuse, auquel cas elle était complètement conne - qui s'expliquait probablement par un pouvoir éminemment quelconque.

D'accord.

— Nightmare, poney à ses heures, pour vous divertir.

Oui merci tu l'as déjà dit.
Vu le ton de sa remarque, elle n'avait visiblement pas aimé le comportement de Lucien. Comment osait-il, lui, misérable individu, la snober de la sorte ? Qui était-il faire semblant de l'ignorer, ne serait-ce que deux secondes, avant de s'intéresser à elle ? De la façon dont elle se comportait, cet être ridicule et mièvre devait se sentir magnifique, féminin, intéressant et bourré de répartie. C'était assez amusant de la voir s'éloigner ainsi, comme vexée que le méchant albinos aux tatouages moches lui ait fait une mauvaise vanne. Il ne lui restait plus qu'à se pendre du haut de son ego.

Lucien la regarda disparaître sans piper mot, finalement assez content de s'être extirpé de cette situation inconfortable qu'était l'interaction sociale, surtout au vu de la tournure qu'avait pris l'échange. Finalement, l'archiviste s'en retourna vers son activité de la journée, plutôt satisfait de sa bonne action. Il avait sauvé une princesse en grand danger menacée par un mortel ennemi, après tout.

[Fini pour moi c:]