Sans enfants ni garde-malade | Léon

Une fois de plus, Morokei avait profité d'un moment de repose de son frère pour s'éclipser silencieusement. A la bas,e elle n'avait pas eu l'intention d'aller beaucoup plus loin que les abords du camp. Elle se faisait violence pour respecter à peu près les consignes qu'elle avait. Chaque jour, ou presque, les bandages de ses pattes étaient changés, on recouvrait ses blessures d'un onguent épais. Si la blessure sur son flanc avait toujours une allure assez mauvaise, celle sur son épaule cicatrsiat doucement et ne laissait désormais apparaître qu'un trait de chair un peu plus rosé. Son pelage commençait même à repousser autour. Elle ignorait si elle retrouverait un jour l'apparence qu'elle avait autrefois - elle en doutait fort même si Améthyste demeurait très évasif sur le sujet. Elle ne s'était jamais trouvée spécialement jolie ni spécialement laide, mais elle devait avouer que ces plaies lui donnaient un air presque répugnant. Et encore, les bandages qui recouvraient ses pattes cachaient le plus gros de la misère.

Finalement, elle avait emprunté le sentier qui descendait à travers les contreforts, jusqu'aux abords de l'Etang Nacré. Il avait neigé un peu, mais un redoux de la température avait fait fondre une grosse partie de ce qui était tombé pendant la dernière tempête. Une chance pour elle, qui supportait assez mal la fraîcheur de l'hiver. Elle sentait qu'elle n'était pas la seule satisfaite de sortir un peu. La personnalité qui partageait son esprit lui envoyait des ondes de soulagement et de joie également, rendant pus accrue encore son sentiment de satisfaction. Oh, mieux valait qu'elle ne croise pas les guérisseurs - encore moins Roy ou Tatsu - qui ne manqueraient pas de lui passer un savon dans les règles de l'art. Mais cela faisait tant de bien de pouvoir se dégourdir un peu les pattes. Elle avait définitivement compris, grâce à l'entité avec qui elle partageait son corps, qu'elle ne ressentait pas la douleur. Ou presque pas - l'autre avait trouvé dans sa mémoire des souvenirs de la souffrance, mais si rares qu'elle-même ne s'en rappelait presque pas. Aussi graves que soient ses blessures, elle n'avait elle pas l'impression d'être blessée. Elle voyait ses congénères se déplacer avec difficulté, grimacer et grincer des crocs dès qu'ils devaient trop brusquement bouger. Mais pour elle, rien n'avait vraiment changé.

Arrivée au bord de l'eau, elle s'immobilisa et s'assit près de la berge. La surface n'était pas gelée, preuve qu'il faisait plutôt doux ce jour-là. Elle inspira profondément, un léger sourire aux babines. Et une autre odeur lui parvint.
Ses yeux, qui s'étaient clos, se rouvrirent et elle tourna la tête dans un flot de chevelure blanche. Ses yeux clairs parcoururent rapidement les alentours et finirent par tomber sur la silhouette d'un autre Séide. Elle plissa légèrement les paupières. L'avait-on envoyé pour la ramener ? Le nom de cet individu lui échappait, mais elle savait avec certitude qu'il occupait le rôle de Maternel au sein de la meute. Ce qui rendrait la chose légèrement humiliante pour elle si effectivement il avait été envoyé pour venir la chercher.

Elle se contenta de l'observer, en le saluant de loin d'un signe de la tête.