Terreur et témérité | Néït

C'était une belle journée. Le soleil était haut dans le ciel et, même si les températures restaient fraîches, il n'y avait plus aucune trace de neige sur les longues plaines herbeuses qui entouraient l'Etang Nacré. Sa surface ondulait doucement sous le souffle d'une brise légère, presque imperceptible, et faisait jouer des reflets irisés sur les plantes qui ornaient ses berges. Des nuages aux couleurs de neige piquetaient le bleu du ciel, lointains et ne faisant planer aucune menace de pluie avant longtemps. Et au milieu de ce paysage aux couleurs renaissantes et à l'esprit printanier se trouvait une petite silhouette argentée, à demi-cachée derrière un buisson.

Karigan avait désormais six mois, à quelques jours près. Elle présentait déjà une allure d'adolescente, sans nul doute à cause de sa mauvaise alimentation qui lui donnait une allure dégingandée et élancée avant l'âge. Elle n'avait jamais aimé manger. Son corps avait toujours refusé que cela soit associé à des sensations agréables, alors elle le faisait quand on le lui disait, mais jamais d'avantage. En sortant ainsi au milieu de la journée, elle espérait secrètement pouvoir éviter le repas du jour - savait-on jamais. Ses grands yeux dorés parcouraient les alentours sans discontinuer, et sa silhouette était légèrement tendue, aux aguets. Elle ne se sentait jamais vraiment en sécurité - ou presque - alors seule dans un lieu qui lui était presque inconnu, c'était encore pire. Sa silhouette mince était pelotonnée sur elle-même, silencieuse, pas vraiment bien cachée mais c'était mieux que rien. Son regard s'arrêtait régulièrement sur la surface du lac, trahissant son envie de l'approcher malgré les nombreux dangers qu'elle y supposait. Prédateurs potentiels. Loups dangereux. Risque de noyade, et peut-être de créatures aquatiques qui pourraient ne faire qu'une bouchée d'elle.
Il y avait tant de choses à craindre dans ce monde.

De longs instants s'écoulèrent, durant lesquels le seul son que l'on entendait était le bruissement des herbes alentours. Puis finalement, elle se redressa. Sa silhouette sembla se déplier, petite mais déjà toute en longueur, alors qu'elle se relevait pour regarder autour d'elle et vérifier que rien de dangereux ne s'y trouvait. Elle ne vit rien, ne sentit rien, n'entendit rien de suspect. Elle se mit à marcher vers l'Etang nacré, avec cet attitude légèrement recroquevillée qui était la sienne. Elle était grande et elle était peureuse, un mauvais mélange pour avoir une attitude confiante et remarquable. Ses pas étaient rapides, furtifs. Elle se déplaçait sans bruit, avec la visible intention de ne pas se faire remarquer. Elle parvint finalement sur la berge, et s'immobilisa à une distance respectable de l'eau - des fois que.

Son attention fut brièvement captée par la lumière qui jouait sur la surface mouvante, et une lueur émerveillée passa dans son regard. Son esprit de louveteau fut fasciné par ce jeu de couleurs et de reflets, tant et si bien qu'il supplanta un instant sa méfiance, aussi ne se rendit-elle pas immédiatement compte qu'elle n'était plus seule.