ღ Le verdict final [Remise de Glow - Nephthys]

Il était temps. Temps que j’arrête de tergiverser, de réfléchir en boucle sur un sujet qui n’a probablement pas de solution simple et clairement indiquée. J’avais dû apposer un choix définitif sur cette thématique qui tend à stresser tant de louveteau : le choix de la direction à prendre. Mon cœur s’était détourné d’Aka car je me savais en manque de force comparée à ma fratrie. Et si réussir son épreuve me rendrait fière, je ne m’en sentirai pas plus à l’aise avec moi-même pour autant. J’avais donc longtemps hésité entre Dairo et Kiro, la ruse et l’agilité. J’avais l’esprit vif, me permettant de me sortir de nombreuses situations, mais j’avais également tout fait pour devenir leste et agile pour suivre la cadence imposée par ma famille. L’hésitation était forte et la décision avait fini par se faire à l’instinct, laissant parler mon intuition.

Et c’est ainsi qu’en cette matinée pluvieuse, je foulais la terre humide et parsemée de feuille molles en direction du marais. La nuit avait été courte, la tension ayant décidé de venir me turlupiner dans mon repos. Je m’étais connue plus en forme qu’aujourd’hui, mais je comptais sur mon moral pour parvenir à surmonter l’épreuve qu’on allait m’imposer. La curiosité me tenaillait, me demandant ce que l’Anaconda allait bien pouvoir imaginer pour semer mon chemin d’embûches. Car à n’en pas douter, ce Dieu farceur se ferait un plaisir de rire à mes dépend en me confrontant à tout type de situations compliquées. Je l’acceptais sans mal, mais le plus compliqué allait être de trouver les solutions adaptées instantanément.

Je sentais mes poils devenir hirsutes par moment, suivant le flux de mes pensées. L’odeur de vase coutumière me parvint enfin, me rappelant les péripéties que j’y avais rencontré avec notre très apprécié Bêta. Un sourire en coin, je m’engageais dans les terres hostiles au rythme des croassements des batraciens qui avaient installé leur empire en ce lieu. Plus vicieux, plus dangereux, les détails immobiles qui apparaissaient de-ci de-là dans les mares de vases montaient la garde, tels les prédateurs suprêmes de ce royaume. Je ne pouvais m’empêcher d’avoir une pensée pour ma mère à la vue de ces crocodiles. Je souhaitais tellement qu’elle soit fière de moi. L’angoisse de décevoir ma famille allait de pair avec mon complexe d’infériorité, et je tentais en vain de la repousser dans un coin reculé de mon cerveau.

J’aperçus enfin ma destination, repérant sans mal cette carcasse massive d’arbre mort au fonds du territoire. C’était assez lugubre quand y pensait, que de descendre dans les entrailles de la terre pour aller prier un être d’en haut. L’humour particulier du Dieu jaune n’avait décidément pas de limites.
Soufflant un bon coup, je m’engouffrais dans ce tronc noirci et entamais la dernière partie de mon périple pour me présenter.
La pièce était petite, sans fioritures tels que certains temples en présentent. Ici, seule la fontaine faisait fi d’ornement, et prenait la majorité de l’espace. Mieux valait ne pas être claustrophobe quand on aimait l’Anaconda. Prenant mon courage à deux pattes, je m’avançais au plus près du serpent de pierre, et fixais ses détails avant de porter mon attention sur son regard mort.

« Moi, Nephthys, fille de Nout et de Darius, me présente à toi Kiro, dans l’expectative de passer ton épreuve. »

C’était … Perturbant tant de cérémonie. Je ne savais même pas réellement si j’avais fait ce qu’il fallait, ou même si le serpent allait accepter de me faire l’honneur de sa présence. J’attendis donc, plantée là, le port altier et le corps un brin tendu.

Comme ses confrères, Kiro savourait depuis la chute de Cronos la liberté dont il jouissait, et cela avait enchanté encore d'avantage son tempérament à la malice bien réputée. Il avait nommé sa Prêtresse, la meute qu'il protégeait était prospère, bref, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Aussi était-il d'une humeur pour laquelle excellente était un faible mot lorsqu'il apparut face à la jeune louve qui se présentait devant lui. Un immense sourire étira ses babines.

"Bien le bonjour, Nephthys. Bienvenue dans le temple de l'Anaconda !"

Il se glissa au sol, et sa silhouette sinueuse sembla s'étirer presque trop pour sa forme de loup lorsqu'il fit le tour de la jeune louve, comme pour la jauger.

"Je t'autorise à prétendre à mon épreuve, à condition que tu te détendes un peu voyons !"

Un rire résonna alors qu'il se glissait tel un serpent pour s'asseoir sur la margelle de sa fontaine. La tension qui habitait la prétendante était sans doute palpable même pour les mortels, et il sentait se combiner à cela un peu de fatigue. Hm. Ca n'allait sans doute pas être de la tarte pour la jeune louve de passer ce qu'il était entrain de lui préparer, mais soit ! Qui ne tentait rien ne pouvait prétendre au glowstick jaune !
Son rire s'interrompit soudain alors qu'il reprenait un faciès un peu plus sérieux.

"Ecoute-moi avec attention. Tu vas sortir de ce temple, et une orbe lumineuse t'attendra à sa sortie. Ele est le point de départ d'un parcours que je veux que tu effectues ici, dans mon Marais. Une seconde orbe t'indiqueras l'arrivée. Trois étapes vont se présenter à toi : d'abord un bosquet de lianes serrées, parfois épineuses, qu'il te faudra traverser. Ensuite quelques bras d'eau dans lesquels tu nageras - ou pataugeras, haha, tout dépend de ton agilité à les franchir - et qui peuvent habiter quelques-uns de mes amis crocodiles. Enfin, un terrain accidenté et duquel émergent rochers et grandes branches. Par-delà ces trois endroits se trouve l'orbe."

Il lui adressa un grand sourire, et lui fit une pichenette sur la truffe de sa longue queue.

"Je te retrouve donc à l'arrivée !"

Et il disparut.
L'épreuve commençait.

Je restais muette et un frisson me remonta le long de la colonne lorsque je sentis cette présence divine. Tel un étau, elle réduisit l’arrivée d’air dans mes poumons, couplant à la fois la peur et la vénération. Je clignais des yeux pour me certifier que Kiro était réellement présent devant moi, et me résolu à accepter ce fait quand sa voix résonna à mes oreilles. Son rire tonna tel mille aiguilles de puissance dans mon crâne, comment voulait-il que je me détende alors même qu’il en imposait tant ? Je bombais le torse inconsciemment lorsqu’il fit le tour de ma petite personne et je bloquais ma respiration tandis qu’il énonçait les consignes de l’épreuve. Son sourire calma un peu mes nerfs, mais il me fit d’emblée glapir en me donnant une pichenette. Sa disparition de la salle étriquée fut comme une libération. Mon cerveau affolé réalisa alors que ce n’était pas le moment de m’égarer : il était temps de m’activer.

Je bondis d’une impulsion vers le chemin qui me ramènerait à la surface. L’air libre me fit bien plus plaisir que je ne l’aurai pensé et pourtant je me sentis revivre à ce contact marécageux. Une bouffée d’entrain me parcouru le corps et je me mis à courir jusqu’à l’orbe magique qui lévitait en émettant une douce lumière. Parcourant le paysage des yeux, j’accrochais mon regard vers le plus gros regroupement de liane qui m’apparaissait. A n’en pas douter ce serait mon checkpoint suivant, Kiro ne m’épargnerait pas en me confrontant à un simple petit regroupement de cordes végétales. Je ne mis pas longtemps à remarquer une concentration forte de ce que je recherchais, et je me mis à courir sur le sol instable. La boue volait au rythme de mes foulées, et je sentais les yeux des sangs froids environnants m’observer en silence. J’arrivais bien vite vers le bosquet de liane et m’arrêtais une fois devant, c’était bien trop serré par endroit pour que je me jette tête baissée. Je remarquais alors un écartement de racine à ras du sol un peu sur ma gauche. Je me mis à creuser comme un cabot pour travailler une petite cavité qui me suffirait pour m’engouffrer. Je m’aplatis dans la boue et poussais sur mes pattes arrières pour me faufiler dans l’entrée de cette prison verdoyante. Je sentais la force des lianes forcer sur ma carcasse, tentant de me faire plier pour m’expulser de leur domaine. Désagréable comme sensation, mais je pouvais supporter. La boue qui recouvrait désormais la majorité de mon corps était une bénédiction pour m’aider à glisser plus facilement. Les minutes me semblaient longues comparé à ma lente progression, mais je devais reconnaître qu’au moins j’avançais. Mon cœur palpitait, envoyant le flux suffisant à faire palpiter mes veines pour trouver les rares endroits où mon corps pouvait prétendre au passage. Tout était sombre au centre de ce cauchemar, et je devais plisser les yeux pour distinguer les rares endroits où la lumière filtrait pour m’y engouffrer. Je sentais des écorchures naître au rythme des accrochages avec les ronces vicieuses que je rencontrais. A n’en pas douter j’allais douiller demain ! C’est sur cette pensée que je me rendis compte que la lumière devenait plus forte devant moi. Un regain d’énergie me poussa à accélérer, poussant plus fort pour faire avancer ma carcasse plus vite. Je sentais bien que ce dernier n’avait pas toujours une position logique, mais ma souplesse me permettait tout de même de le remettre à sa place sans qu’il ne se brise. Ce fut la libération. D’abord une de mes pattes, pour tenter de m’ancrer dans le sol, mais ce ne fut pas une réussite, je poussais alors de toutes mes forces avec mes pattes arrières sur une liane bien entremêlée. Mon museau apparu suivi du reste de mon corps, je venais de connaître une deuxième naissance, génial.

Je m’ébrouais vivement, appréciant le sentiment de liberté qui m’enivrait. Regardant rapidement mon corps, une grimace s’afficha sur mon faciès. Je n’étais plus que boue et traces de sang là où les épines avaient fait leur travail. Je me mis à chercher la suite de mon épreuve, m’attardant sur les étendues de vase et de mares plutôt que sur les sables mouvants. Kiro avait utilisé les mots patauger et nager, chose impossible dans les sables mouvants si on voulait s’en sortir. Mon endurance allait en prendre un sacré coup, mais je m’élançais en soufflant jusqu’à l’enchaînement de mares marrons. Suivant mon instinct je décidais de ne pas me jeter en bondissant. Les crocodiles étaient maîtres des lieux et la sagesse voulait qu’on ne les dérange pas si on ne voulait pas rencontrer de problèmes. J’eus une pensée pour nôtre cher bêta à ce souvenir. Le sourire sur les babines, je me laisser aller à l’eau avec une grâce léguée par ma mère ; Je n’avais pas hérité de sa queue pour m’aider, mais j’étais bonne nageuse. Aussi pris-je rapidement un rythme sur lequel ma respiration s’accordait. J’arrivais près du bord d’une des mares lorsque la sensation fugace mais puissante du danger me pris aux tripes. Un prince des lieux s’était coulé dans la boue aussi silencieusement que la mort. C’est le subtil mouvement à la surface qui l’avait trahi, mais restait à savoir comment j’allais bien pouvoir fuir sans me faire grignoter un gigot au passage. Bon sang ne pouvait-il pas faire comme ses congénères et préférer la nuit et l’obscurité pour chasser plutôt que le jour de mon épreuve ? La colère et l’inquiétude faisait travailler ma matière grise au maximum de ses capacités, et la détresse l’emporta sur la réflexion : je fonçais. Donnant toute mon énergie pour arriver sur la terre ferme, là où j’aurai l’avantage sur cette bête. Je donnais tout ce que j’avais, et lorsque je sentis quelque chose frôler ma patte arrière je sus que mes yeux trahissaient ma frayeur. J’haletais, donnant tout ce que j’avais : je n’étais pas folle il m’avait loupé une fois, ça ne se reproduirait pas. Mes pattes commencèrent à sentir le sol se solidifier sous elles et je redoublais de vitesse pour fuir cette flaque menant au fleuve Nyx. Je sortais de cet enfer et slalomais sans réfléchir entre les flaques qui s’éparpillaient autour de moi. Ce ne fut que plus loin et sure de m’en être sortie que me laissais choir au sol. Mon Dieu dire que mon périple n’était pas terminé alors que mon corps grinçait tel un ressort mal graissé. Je m’accordais un instant pour cesser d’hyper ventiler et ne plus avoir de vertige.

Je me remis sur mes pattes, appréhendant quelque peu la dernière étape de mon épreuve. Il avait parlé d’un terrain accidenté, mais ce qui s’offrait à ma vue était pire. On aurait dit que Mère Nature s’était révoltée et avait remué ses entrailles pour en faire émerger l’image de sa colère. Entre boue, caillasse aiguisée et branches inquiétantes, j’allais devoir redoubler de méfiance pour ne pas me briser dessus. Je lâchais un râle de fatigue et me reboostais en misant sur le fait que c’était la dernière chose que l’on me demandait. La boue commençait à sécher sur mes poils, me donnant l’impression de devenir un golem de pierre. Je commençais ma traversée doucement, sautant sur les quelques rochers qui ne menaçaient pas de me cisailler au passage. Je devais repérer les rares aides que la nature avait laissées au milieu de ce dédale de dangers. Petit à petit je réussis à accélérer un brin le tempo, réussissant à m’adapter avec agilité à ce terrain escarpé. Mais c’était sans compter sur la fatigue, qui fit glisser un de mes postérieurs sur un coin aiguisé d’une corniche. La brûlure me fit serrer les crocs. Pas bon, mon corps souffrait de l’enchaînement malgré ses capacités. Je ne fis pas attention, rejetant les pensées négatives, décidant de me focaliser sur l’arrivée proche. Et le soulagement me gagna lorsque je le vis. Projetant sa tranquille lumière bleutée à auteur de truffe, l’orbe de la délivrance. M’accrochant à cela, je repris un rythme cadencé, bondissant de corniche à grosses branches et inversement. Tel un cabri des montagnes, enfin légèrement boiteuse la chèvre mais bon.

Lorsque que ma carcasse finit par arriver au bout du chemin, la fatigue se confrontait à la joie. Je me précipitais dans un ultime effort sur l’orbe et me laisser tomber au sol sur le flanc pour retrouver mon souffle une énième fois aujourd’hui. Puis je me mis à le regarder lui. Il ne m’avait pas épargné dis-donc. Avait-il tenté de me faire clamser au passage dans une envie de jeu funeste ? Loupé l’ami, retente ta chance plus tard je me ferai un plaisir de te montrer que je suis capable de déjouer tes obstacles par mes capacités. Un sourire narquois sur les babines, mes yeux eux laissaient transparaître la conviction et la force qui résidaient dans ce corps aux allures fragiles.

Le regard de l'Anaconda, même immatériel, ne quitta pas la mortelle au cours de son épreuve. Il dut s'avouer agréablement surpris des ressources dont elle fit état en place pour s'en sortir. Un grand sourire étirait ses babines lorsqu'il apparut devant elle, près de l'orbe d'arrivée. Si son frère Aka aimait ceux dont le corps faisait étalage de leurs capactés physiques, Kiro préférait largement ses disciples plus lestes mais capables de frapper tout aussi fort grâce à leur rapidité.
Cette petite en était le parfait exemple, tout en étant agrémentée d'une détermination qui ne pouvait qu'être une bonne chose.

"Eh bien, eh bien ! J'ai failli attendre, mais ce n'était pas mal du tout dis-moi ! Quant à savoir si tu mérites mon glowstick, hmm..." Lança-t-il en se redressant d'un mouvement fluide.

Il prit une expression concentrée en contournant la jeune louve, mimant une hésitation profonde. Finalement, il ressurgit devant elle plus magiquement que par un mouvement physiquement possible, les babines étirées en un sourire malicieux et son museau lumineux à un souffle du museau de Nephtys.

"Je plaisante, bien sûr ! Bienvenue parmi mes disciples jeune Nephtys !" Lança-t-il avec une joie presque enfantine.

Il recula dans un mouvement souple, et un petit tube lumineux apparut aux pieds de la louve.

"Tu me vois ravi que tes réflexions t'aient finalement guidée vers moi." Ajouta-t-il en lui lançant un clin d'oeil. "Pour qui sait lire dans ton esprit, le dilemme n'est pas si draconien !"

Sur ces mots, ils disparut dans un éclat de petits lumières dorées.
Et ce fut comme si rien ne s'était passé.