It has begun ♛ — Vivaldi

Un frisson parcourut l’échine de Neït, une légère fumée noire s’échappant de sa gueule. Il faisait de plus en froid, en particulier dans la caverne d’Ao. La statue de la Dragonne semblait l’observer, la jugeant probablement de l’autre monde, mais du moment qu’elle n’apparaissait pas, cela signifiait que la Bleue n’avait rien à reprocher à sa prêtresse, non ? Après tout, cela importait peu à l’intéressée. Des années que son temps était consacré à la divinité, que ce soit pour les Séides ou les Lazulis, cela ne lui avait jamais rien apporté de bénéfique. Désormais, l’égyptienne vieillissait, ce n’était qu’une question de temps avant que son corps ne lâche, la laissant en possession de la Faucheuse. Il faut dire que les derniers événements en date n’avait fait que qu’accroître la volonté de Neït de quitter au plus vite ce monde. Morrow était impunie pour son mensonge, ses enfants grandissant sous le nez de tous, mais au fond ils n’étaient pas dérangeants.

Aujourd’hui, la fille de Sekmêt se surprenait à regretter quelque chose d’étonnant. De n’avoir pu engendrer une descendance. Pendant longtemps, cette perspective l’avait faite frisonné, encore hanté par la mort de sa mère et la disparition de son père. Neït s’était refusé d’offrir le même scénario à ses enfants, les contraindre à suivre le même chemin qu’elle par le passé. Mais, la prêtresse n’était pas sa génitrice, les erreurs du passé avait été retenues, encaissées et plus ou moins dirigées. Après tout, si Nout avait pu engendrer tant d’enfants, pourquoi la grise n’aurait pas cette chance ? Une occasion de montrer à tous que derrière la vieille ourse mal-léchée se trouvait encore un être torturé par le passé ? Aussi, la Lazulis avait profité de sa venue mensuel auprès de sa déesse, afin de lui réclamer une faveur. La première et dernière qu’elle n’oserait jamais formulé à voix haute. Aussi, la langue de la louve lapa la surface bleutée de l’eau sacrée, en formulant mentalement son souhait, espérant que la déesse l’entendrait et l’aiderait.

Une présence la contraint néanmoins à sortir de son rituel, ses prunelles verts d’eaux se posèrent sur la louve à la chevelure bleutée qui venait de faire son entrée. Les sourcils légèrement froncés, Neït garda le silence quelques secondes, ignorant quoi dire. Finalement, les mots finirent par sortir.

« —Qu’es-tu donc venue faire ici Vivaldi ? »

La prêtresse observa quelques instants la Lazulis. Les plantes semblaient reprendre doucement vie, leur propriétaire aussi d’ailleurs paressait en meilleur état. Mieux que lors de leur dernière rencontre en tout cas. Vivladi semblait quelque peu gênée. Neït passa sa langue sur ses babines afin d’en retirer les dernières gouttes bleutées. Il était si rare que quelqu’un vienne l’interrompre lors de sa cérémonie de la pleine lune, c’était même la première fois. Quoique, y’a une première fois à tout...

« —Ne t’en fais pas Vivaldi… Je ne faisais rien d’important de toute façon.»

Enfin, presque rien... Le regard de la louve se dirigea un instant vers la représentation de la déesse, immobile comme d’habitude. Il ne fallait pas s’attendre à un miracle, au vu du silence qui régnait. Comme si les dernières attaques des temples de Yurai et de Moroi l’avait un peu plus plongé dans le silence. Au final, depuis des années, la Lazulis attendait toujours de savoir ce que Ao désirait lui dire en l’appelant dans un rêve. Encore un mystère qui ne serait probablement jamais résolu… Posant son arrière-train, Neït pencha légèrement la tête sur le côté, incitant la louve aux cheveux bleus à répondre à sa question.

« —En quoi puis-je t’aider ? »

La Lazulis semblait intriguée par la fontaine, où étais-ce dû au fait que Neït venait d’en boire l’eau ? Il faut dire que l’information ne s’était pas répandue, demeurant dans le cadre du confidentiel, encore heureux d’ailleurs. Certains auraient pu croire que cela confié des pouvoirs particuliers, bien que malheureusement il n’en était rien. Désolée de vous faire un faux espoir les gars… Les sourcils de la prêtresse se froncèrent en entendant la demande de Vivaldi. Jouer avec l’absence de douleur était quelque chose de dangereux, pouvant s’avérer mortel en cas de blessure grave. De plus, dans le cas de la Lazulis, sa douleur s’était transmise à Neït, ce qui était peu commun, témoignant d’une souffrance importante. Par sûr que la fille de Sekmêt sit décidée à retenter les coup et endurer quelques jours de calvaires… Passant sa langue sur ses babines, la femelle pesa le pour et le contre, avant de lâcher un soupir.

« —C’est un jeu dangereux que l’absence de douleur. Même si je fais disparaître cette dernière temporairement, elle reviendra et te paraître plus douloureuse à chaque retour. Néanmoins, si tu décides de vraiment vouloir bénéficier de mon pouvoir, je m’en servirais. »

En espérant que cet imbécile ne se mette pas à faire des siennes… La louve tourna le dos à son interlocutrice, pour se pencher de nouveau au-dessus de l’eau bleuté, un air mystérieux que Vivaldi ne pouvait apercevoir de son emplacement.

« —Tant de blessures diverses demeurent en ce monde. Pour ma part, je souffre simplement d’une vieillesse qui aura bientôt raison de moi, et du manque de n’avoir pu engendrer de descendance, laissant une trace sur cette terre. » Un sourire amusé vint étirer ses babines. « Bien que je pense que beaucoup se passeraient de cet héritage… »

Neït hésita, l’une de ses oreille remuant légèrement.

« —La douleur, c’est ce qui nous permet de nous sentir réellement vivant Vivaldi, si j’apaise tes souffrances trop souvent, alors comment feras-tu la différence entre le rêve et la réalité ?»

Ce n’était pas par méchanceté ou simple contradiction qu’elle refusait et la prêtresse espérait que la louve aux cheveux bleus le comprendrait. À l’évocation d’Ao, la Lazulis se retint de répliquer le fond de sa pensée, mais bon si Vivaldi avait raison, mieux ne fallait pas contrarier la dragonne. C’était déjà difficile de la joindre en temps normal, alors si en plus elle était contrariée… Neït ne se rappelait que trop bien son épreuve de Glowstick pour savoir que la déesse possédait son caractère. Une épreuve qui remontait à bien loin désormais, à une époque où le coeur de la louve était envahie de colère et d’une volonté de vengeance. L’égyptienne se tourna vers son interlocutrice, un sourire sincère étirant ses babines, chose peu commune étant donné que les trois quarts de la population s’évertuait à la contrarier ou à l’agaçait, mais Vivaldi avait ce côté innocent qui était amusant.

« —Dans ce cas Vivaldi, je vais croire en tes paroles, en espérant qu’elles seront emplies de vérité…»

La louve voulait vraiment y croire et espérait que tous ici dans la grotte, Ao y compris, y croiraient.