Cet oiseau prit dans les fils du temps ❀ Illidan

Sujet: Cet oiseau prit dans les fils du temps ❀ Illidan Dim 10 Mar 2019, 17:51

Cet oiseau prit dans les fils du temps

▬ ft. Illidan

Hiver 2019.
Age.

Tu souffles. Il s'élève devant toi un volute de buée blanche, qui s'estompe dans les lueurs premières de ce nouveau jour. Tu es assise et tu regardes le monde du haut d'une falaise. Si proche du bord, là où l'on aurait pu attendre avec la Mort, à qui ne le laissait que l'approche de tes griffes dans le vide.
Un heurt, et sans doute tu serais tombé. Bien bas.
Tes yeux se plissent, tu souris. Mais tu es l'intouchable de ces terres, celle qui sème son chaos et ne se laisse impacter par les violences d'autrui. Toi qui n'avais point peur de cette mort, que tu savais survenir au-delà de l'âge de la descendance.
Pas celle que tu avais déjà pu avoir, celle non légitime. Mais celle qui marquerait la réelle poursuite de ta lignée et de vos actes. Toi, la passeuse de Perdues, tu devais offrir à ce monde une chamane à ces terres, en plus de la démone. Ils en auraient bien besoin.

Mais le temps n'était encore venu, il fallait encore attendre. Tu n'étais empressement, après tout : tu avais encore à faire, pour mener à bien ta propre mission. Celle de tuer tes ennuies, de rythmer tes journées d'actions bien en désordres. Que ferais-tu aujourd'hui ?
Tu ne pousserais personne de là-haut, et personne ne viendrait t'y pousser. Alors il était grand temps d'aller voir de l'autre côté de la mer, sans rallumer les étoiles. Ton corps svelte, fait de muscles et de formes rondes d'une louve qui jamais n'aura connu la faim, à dévorer ses semblables succombés de famine, se mouvait et serpente.
Tu es vipère, tu siffles entre tes crocs, prêt à mordre quiconque t'approcherais un peu trop ! Tu ne laisses personne d'approcher, se révolter, bien que tu aurais laissé venir les petits enfants. Mais tu n'en croises pas, sur le chemin qui descend vers la mer, jusqu'à t'y engouffrer tout entière. Dans l'eau, la pierre que tu as à la place du cœur ne t'entraine vers le fond,

Tu le retrouves, ton Oiseau décharné. L'oiseau de ruine, devenu celui en ruine, pour ne finir qu'à être une ruine d'oiseau. Celui qui tout les jours devaient avoir l'impression de mourir, avait dû tout perdre en chemin. Celui prit dans les fils de ton temps.
Pour toi, il était devenu plus beau mâle de ces terres. Celui qui s'oublie, qui ne s'occupe plus que de ses démons. Celui qui est pour toi un Perdu matériel, que tu peux toucher, qui te fit fauter. Fauter ? Oh, rien n'était faute. Ce n'était que deux enfants de plus sur cette capuche, d'un brun pour le sien et d'un rose comme le tien. Deux garçons, et cette fille qui attendait là, aux fonds d'entrailles bien trop sombres. Elle, elle était plus importante.
Comme toutes les filles que tu aurais, ces futures à venir.
Car précieuses étaient les filles, maudits étaient les mâles. Savait-on que toujours, dans ta lignée, naissait unis ces mâles ? Arastée, elle, l'avait bien vue : elle était là pour en attester. Ils n'étaient là que pour servir d'ornement, pour ne laisser s'ouvrir sur le monde leurs yeux pleins de vices. L'on ne devait avoir de scrupule à mettre un terme à une vie nouvelle, à celle qui encore n'avait à rien servi. L'on ne devait non plus pleurer les inexistants, ceux qui jamais ne vous avez adressé un nom.
Ton regard est froid.
Tu es glaciale, comme ce souffle qui ne cesse pas entre tes crocs jaunis de ce surplus de sang.

Il n'empêche que lui était différent. Celui de choix premier, sur les quatre mâles considérés autrement. C'est pourquoi il méritait que tu le retrouves, après ce Grand Sommeil. Bien que tu ne savais le nom de cette chose, ce n'était là qu'une soufflerie d'Arastée à laquelle tu ne tins importance. Qu'elle le tisse sur sa toile, non dans ta tête.
C'est ainsi que tu traversais Morne-Oeil, sans soucis pour ses habitants, sans crainte aucune. Tu n'avais jamais peur, tu te fichais bien de tout. Qu'on te crie à l'abordage! tu ne hisserais pas même tes grandes voiles.
L'instinct te mena jusqu'à lui.
C'était toujours comme ça. Tu faisais confiance à vos retrouvailles.
Ta langue passa sur tes babines, souvenir de vos sangs partagés. Ou appétit qui s'ouvre quand il ne ressemble plus qu'à un corps mort. Les ailes réduits à deux bras sans plumes, sortent de son dos tel des branches d'hiver qui ne pointait plus le soleil. Les pattes devenus squelettes, à taille d'os. Le pelage qui n'était plus que poils, l'odeur qui te rappelait celles des Perdus.
Sa vue te réjouissait, faisait battra la petite pierre au cœur de ton poitrail. Expression impénétrable sur ton visage.

« Salut-moi, Oiseau. »

Comme on saluerait une reine.

Un froid mordant sa peau à peine couverte par les restes de ce qui fut autrefois une fourrure fournie, une brise apportant l’écœurante odeur de l’océan, la faim tordant son estomac et le tirant du sommeil. Un matin comme les autres, en somme.

Illidan sortit de ses tunnels en ignorant les murmures des démons qui le traitent de lâche à dormir si longtemps au lieu de continuer de leur apporter les sacrifices qu’il leur doit, mais actuellement il n’a qu’une idée en tête : manger. Et ça tombe bien, parce que visiblement la meute s’est remise à stocker des vivres dans la grotte principale. Attrapant un poisson étonnamment frais, il s’étonne ne pas se sentir aussi dérangé par son corps décharné que d’habitude. Ou si, il se rend compte de quelque chose d’étrange, mais il n’arrive pas à mettre la patte dessus. Il se tâte le corps. Il se découvre des excroissances, sa queue est aussi modifiée.

Soudain ça lui revient, et il retient un haut-le-cœur : la malédiction. Evidemment. Une de plus parmi les autres. Illidan ne le sait pas, mais il ressemble désormais au rejeton maléfique d’une créature mêlant loup, requin à pointe noire et rat-taupe.
En soi, il s’en fiche. Mais il a une dérangeante envie de nager désormais. Survivrait-il seulement à l’eau glacée de fin d’hiver sans la moindre graisse pour protéger son corps ? Lui qui détestait la mer, le voilà prêt à se jeter dedans et risquer la mort par simple envie de faire trempette.

Ses pattes le mènent malgré lui vers l’eau, mais avant qu’il ne risque le suicide une effluve et une voix le stoppent.

Elle est là.

« Salut-moi, Oiseau. »

Toujours présente aux moments étranges de sa vie, elle ne manquait pas le rendez-vous à cette nouvelle étape de sa déchéance physique. Il espéra tout du moins qu’elle appréciait le poisson, parce qu’en plus d’être infâme il sentirait le requin moyennement frais désormais.
Il s’oriente vers sa voix, et son museau légèrement déformé par la malédiction se tord d’autant plus qu’il se met à sourire. Ces derniers avaient toujours été malaisants, mais avec quelques dents requinoïdes bonus qui dépassaient, ça ne s’arrangeait pas.

D’humeur subitement plus légère, il plie son corps décharné devant elle, se courbe disgracieusement pour son fantôme préféré.

« Salutations, Effluve de mes rêves. »

Avant de se relever, et s’approcher avec l’élégance cadavérique qui lui est dûe, même si son port droit et la nouvelle finesse hydrodynamique de son allure lui accordent presque une potentielle prestance.

« Un honneur d'avoir le Temps de passage en ces terres figées. »

[ Illipoisson ça donne globalement ça ]

Cet oiseau prit dans les fils du temps

▬ ft. Illidan

Hiver 2019.
Age.

Aurais-tu ainsi penser retrouver ton Oiseau ? Ton Oiseau devenu Requin, mais qui pourtant resterait Oiseau. C'est ainsi qu'il était, dans ton cœur, et un peu dans ton corps.
Pour lui, tu souris, d'une façon si différente. Tu ne portais sur lui l'hostilité que tu témoignais pour la vie d'autrui. Il était à toi, non ton jouet. Tu lui montres le bout de tes crocs, tes oreilles qui frôlent le ciel et convoitise les nuages, à se porter si haut sur la vanité de ton crâne. Et tu respires ton odeur, en emplie tes poumons en entier !
Il te rappelait ce poisson échoué sur le sable, qui avait suffoqué durant trop longtemps, qui avait senti à quel point l'air était chose plus brulante que le sel. Si décharné, lui est son odeur venue de la mer, qui l'accompagnait au delà de l'amertume salée.
Tu l'aimes plus encore, avec son odeur digne d'approcher celle de la mort. Elle te l'évoque, là est l'essentielle.
Tu en viens à fermer tes yeux bleus, pour mieux en profiter, écoutant sa voix proche des abysses te répondre...

Quand tu les ouvres, c'est son sourire que tu accroches.
Ce sourire qui en aurait fait fuir d'autres, ce sourire qui aurait pu effrayer. Toi, tu prenais plaisir à observer ton reflet dans ces canines disproportionnés, le devinant derrière tartre et crasse. Sa simple supposition te suffisait, tu aimais capter tes yeux, là où l'on pouvait au mieux capter l'éclat de ton amie la folie. Tu sais, celle que tu avais un jour accueillie, lui ouvrant grand ton esprit, comme si toujours tu l'avais attendu.
Car tu n'étais folle, avant ? Moins. Cela n'avait été qu'un entretien de malice.
Aujourd'hui, tout était différent, il s'animait en toi la même dangerosité que celle qui guettait l'encéphale de l'Oiseau, là où démons et troubles avaient fait leur nid.
Tes hanches bougent, lorsqu'il se tord devant toi. Il creuse son dos, manque de le briser sous sa posture !
Et il le fait pour toi, pour toi !
Puis il se relève, ne laissant en toi que cette joie persistante. Il était gentleman à te satisfaire, bel était l'Oiseau. Ses pattes s'enfoncent dans le sable, il s'approche et tu ne bouges pas. Pourquoi faire ? Tu avais été jusqu'ici, c'était désormais à lui de venir à toi : chacun se devait d'appliquer sa part de chemin.

« Il me fallait venir pour un instant le stopper, et voir ce qu'il avait fait de mon Oiseau. »

Un pas, pour abroger la distance qui vous sépare. Ton torse se colle au sien, tes poils caressent sa peau, son odeur marque ton cou et l'entoure comme le parfum. Tu étais spéciale, pour lui, tout comme lui était différent pour toi. Vous n'étiez pas fait pour vivre ensemble, mais pour indéfiniment vous retrouver.
Lui qui serait ton seul amant : qu'importe ces autres, qui ne seraient que mâles de passage venus chatouiller tes piquants.
Pourtant on ne pourrait que le savoir, que jamais tu ne le pleurerais, lui que tu savais partir trop tôt. Tu n'étais pas faite pour pleurer, Jolitemps, tes yeux n'avaient jamais été capable d'une larme.
Contre lui, tu laisses les poils de vos fils faire sa connaissance, ceux qui ornent ta capuche aux côtés de tes frères...
Tu murmures. Pour lui. Pour toi.

« Venir retrouver l'Oiseau, c'est se demander à chaque fois s'il traversa le vent salé pour aller par-delà les frontières, jusqu'à celles où naquirent les mers du Temps. C'est voir aussi à quel point il peut devenir beau, à chaque fois que l'océan gronde et recrache une fois de plus son corps. »

Puis tu termines, différemment, dans ces mots venus du cœur.

« Que tu es beau, Oiseau. »

Il n'y aurait que toi, pour pouvoir lui dire ça, le savais-tu Jolitemps ? Nombreux étaient ceux ayant perdu espoir en son état, lorsqu'on ne préférait que garder le souvenir de son apparence passée. Toi, tu préférais accueillir cette nouvelle enveloppe, son évolution !
Et plus passait le temps, plus s'enchainaient vos rencontres, plus tu trouvais en lui ce mâle idéal, celui que jamais on aurait pu soupçonner abrité par ces terres.

Souffle de vie caressant son pelage, brin de contact chaleureux et bien portant, la bien-vivante et le déjà-mort dans leur éternelle danse alliant fin et recommencement. Allégories cyniques de concepts abstraits, la seule chose vraie sur cette plage se résumant à une volonté commune de se retrouver. Se retrouver pour se quitter à nouveau le lendemain, tel ils l’avaient toujours fait ; chacun était trop occupé à chasser ses folies et mirages personnels pour passer plus de temps ensemble.

C’était pour autant les sentiments les plus purs qu’Illidan aura pu ressentir de sa vie. Toutes ses connaissances auront fini par fuir son incapacité à faire partie de ce monde, retrouver des gens plus normaux à fréquenter. Quoi de plus normal pour lui que de s’éprendre pour une sirène de l’au-delà ?
Il fallait être incapable de voir pour capter les subtilités raffinées de la beauté de sa bien-aimée.

Les murmures satisfaits de la Ruine d’Oiseau rocaillent dans sa gorge quand il la sent le rejoindre et souiller sa fourrure si douce contre sa peau sale. Elle est chaude comme un rocher ayant passé la journée sous le soleil, réchauffant son propre corps dont les sous-sols caverneux ont absorbé toute la vigueur depuis longtemps.

Il était parti pour mourir, mais à nouveau il se sent vivant et apaisé, juste pour cet instant, juste pour elle. Il oublie qu’il est déjà Perdu et que bientôt ses membres pourris cesseront de le soutenir.
Il l’écoute, sagement, calmement, tout en passant sa truffe pelée sur le rebord du vêtement que porte toujours son Effluve. Il le trouve encore plus doux que lors de leur dernière rencontre, et inspire profondément son odeur. Ça sent l’enfant, ça sent comme son Joli Temps. Si doux.

« Que tu es beau, Oiseau. »

Un long frisson hérisse ce qu’il lui reste de poils.

Rien n’a jamais eu de sens dans sa vie. Rien n’en aurait jamais. Il n’était qu’un enfant raté, voué à finir comme la pire des charognes dans ses vices et son éternelle peur de vivre.
Illidan n’aura jamais vraiment vécu.
Illidan était mort-né.
Toute idée de rédemption n’aura été qu’illusion, illusion bernée par sa foi en la vie, que les hautes instances ainsi que sa propre faiblesse d’esprit se seront empressés d’enterrer.
Illidan était infirme et faible, et drapé dans cette faiblesse il avait préféré se laisser dicter par ce destin macabre en se laissant lentement glisser jusqu’à un point où il n’était plus rattrapable. C’était plus facile après tout.
Même les abysses étaient plus purs que lui à ce jour.

Pourtant, il y avait cette étrange idylle, aussi belle que décadente. A l’image de ce qu’il avait pu devenir.

Il glisse le long de la louve, l’inspecte de son museau en faisant le tour d’elle, s’attardant sur chaque détail, chaque fragrance, ses flancs dodus, sa croupe hérissée, sa queue filandreuse, ses côtes masquées sous la plus propre des fourrures, son encolure parfumée.
Aussi sublime que la divinité séduisante qu’elle était.

« Et tu es perfection, Effluve. »

Sa queue de requin est trop lourde pour son corps épuisé, alors il s’assoit à ses côtés pour se soulager de son poids.

« L’océan n’a pas encore eu l’occasion de m’engloutir, la prochaine fois que j’y entrerais sera probablement aussi la dernière. Peut-être qu’il emmènera cependant effectivement mon cadavre loin de ces frontières, » murmure-t’il de sa voix grave et fatiguée.

Sa tête n’est tournée vers rien en particulier, et ses yeux collés par le pus et le manque d’entretien demeurent fermés, mais ses oreilles rongées restent attentives à la moindre réaction de sa compagne de fantaisie.

« Que deviennent les esprits libres comme toi ? Est-ce que tu pourriras dans ce monde infect toi aussi, ou tu resteras pureté jusqu’à la fin des temps ? »

Cet oiseau prit dans les fils du temps

▬ ft. Illidan

Hiver 2019.
Age.

Tes mots courent sur son dos, tu vois les poils qui survivent frémir comme si la brise elle-même était venu le caresser. Mais on ne caresse pas, le petit animal sale. Non, on ne le caresse pas. Il n'y a que toi, pour oser le toucher, pour oser t'y coller.
Pour pouvoir l'aimer, de ton étrange façon, toi à qui on aurait pu soupçonner une telle capacité.
Ton Oiseau, ta possession. L'amant.
Tu bats des cils, gardes plisser tes yeux du bleu de glace face à cette mer qui t’envoie son sel. Elle est jalouse. Elle n'a pas le droit à ce passage de l'Oiseau tout contre elle. C'est parce que la mer l'appelait Requin, chose que toi tu ne faisais pas, qu'elle ne pouvait l'obtenir ! Alors tu profites, et tu la nargues de ton sourire.
Il passe de ton amont à ton aval, tu sens son museau parcourir ta croupe, ta chair grasse, ton doux pelage. Il rencontre ses fils, ceux qu'il n'aura pas pleuré.

Il avait compris, lui. Compris qu'il ne fallait pleurer ces morts-nés prématurés de bien des années. Il y aurait d'autres enfants, des filles qui voleront ta relève. Serait-il encore là, pour te les offrir ? Il serait ton choix. Les autres, ces mâles, ne seraient que des solutions, des secours. Pas d'émotions, pour eux, encore moins de tes ersatz de sentiments.
Juste pour lui, tu souris.
Toi, sa perfection, l'Effluve qui ne s'envolait au vent.
Il s’assoit, si fatigué, et tu te fait chatte contre lui. Tu glisses ta tête contre son buste malodorant, avec ce sourire qui dévoile bien trop tes canines. Un mouvement, tu aurais pu prendre sa gorge. Mais tu ne le fais pas, non ! Pas à lui : il a encore bien trop de choses à te dire.
Comme te parler de sa mort.
Celle où il irait s'engloutir dans l'Océan, disparaissant dans les plus lumineuses des abysses. Et avec un peu de chance, il le vomirait sur une plage, outrepassant toutes frontières.
Ta voix si belle, pour une si cruelle poupée, réponds d'abord à ça.

« L'Océan n'aura jamais l'occasion, car il préfère t'appeler Requin plutôt qu'Oiseau ! Mais on sait, tous les deux, ce que tu es vraiment. On sait, que l'occasion ne sera que ton choix, l'Océan ne fera que te laisser entrer en lui... »

Puis vint sa curiosité, celle qui se penchait sur toi pour te regarder avec ses grands yeux. C'est vrai, ça, que devenait les esprits tel que toi ?
Tu te rappelles l'Incandescente mère. Celle partie à tes cinq ans, comme toutes les mères reines s'en vont. Morte mince mais pas maigre, elle qui avait tenue la famine en mangeant les affamés. Tu étais occupée toi de ton cœur, le déchirant de tes dents, dépeçant sa peau et léchant ses os. Politesse sa guêpe s'était faite piquée au vol, par cette corneille avalant l'âme et l'insecte.
Corneille, c'était ta grand-mère.
Tu fermes tes yeux, te laisse bercer par son chant qui monte à son évocation. Tu te décolles de toi Oiseau, toi, petite-fille oracle. Et tu danses dans le sable, tourne, laisse ta queue de volute creuser des sillons.
On entend plus que le pas de tes pattes qui s'écrasent dans le sable, et de ta voix qui claironne.

« Les esprits libres se font engloutir, eux aussi ! L'âme est attrapée par la Corneille, comme le sera l'Araignée. Et mon corps, lui, reposera entre les crocs de mes partenaires de dernière danse. Eux à qui je jetterais mes crocs, dansant parmi leurs enfants naissants, pour qu'ils me dépècent et que les insectes m'emmènent ailleurs ! »

Tu le savais, Jolitemps. Tu finirais le corps meurtris sous les crocs, peut-être même avant ces quinze ans révolus. Parce que tu les avais bien trop cherché, ces loups de ces terres. Tu les cherchais encore.
Ce que ça t'amusais !
C'est avec joie que tu accepterais ce sort merveilleux, celui de ne pas mourir seul dans son sommeil. Risiblement paisible.

« Ce sera quelque chose de fabuleux, tu ne trouves pas ? »

Ta mort serait une ode à ta vie. Faite de sang, de cris.
Et d'une danse macabre.

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