♣ Les marguerites sont nos ennemies [Pepper - Ezel]

Elle a senti ton odeur, toi qui passa non loin d'elle sans la remarquer, juste avant que le Grand Castel ne porte plus que l'honneur de ton passage et non plus celui de ta présence en son sein. Toi, la fille des précédents Alphas, toi porteuse d'un sang royal.
Pepper, elle, allongée de tout son long sur une roche contre laquelle elle aurait pu se fondre de par son immobilité, avait donc relevé le nez, cessant d'ainsi se prélasser. Elle revenait d'un entrainement, et c'était accordé ce repos mérité. Comme toute sieste qu'elle effectuée finalement, chacune méritant une honorable justification autre qu'une flemmardise qui contrastait avec ses vifs moments d'action.
Et ça l’intrigua, que tu partes ainsi. Où pouvais-tu te rendre, fille d'Elaine et d'Ezekiel dont tu portais les traces d'odeur ? Où filais tu ? Elle se redressa, s'étira tel un chat, le dos rond. Avant de te suivre, il lui fallait d'abord avertir son mentor : c'était un contrat, entre lui et elle. Toujours s'avertir de là où l'on se rendait, pour que l'on puisse veiller l'un sur l'autre au cas où un pépin adviendrait.
Et il y en avait plein, des pépins, dans un poivron...

Elle alla donc prévenir de son départ imminent. Où se rendait-elle, alors ? Sur tes pas ! Quelques part sur les terres Etelkrus, elle ne pouvait donner plus de précision, mais vos deux traces combinées seraient plus facile à suivre qu'une, elle faisait confiance à l'odorat de son tuteur autant qu'elle pouvait faire confiance au sien.
A défaut de vue, on ne pourrait nier que celui-ci était devenu bien plus affuté que celui d'un loup lambda, malgré son jeune âge. Alors, le nez au sol, et ces yeux porteurs de cette iris en étoile incapable de capter la moindre forme ou lumière regardant d'un regard d'un vide absolu droit devant elle, sans que cela n'ai jamais de sens, elle remonta ta piste.
Elle marche sur tes pas de princesse Etelkru, posant ses pattes aussi petites que les tiennes dans la même herbe écrasée par vos poids légers de louvettes en croissance. Elle t’imaginait déambuler, avec le port toujours fière et la prestance digne d'une future reine.
Tu as marché loin, en tout cas, elle sentirait presque la fatigue de cette balade rendre ses pattes déjà alourdies par son entrainement de guerrière matinal.

Aux sons des oiseaux et des cailloux qui roulent, des bruissements des feuilles, et à cette odeur d'humus qui vient taquiner son museau, elle sait que tu as été jusqu'aux Dents de Roc. Visais-tu le glowstick rouge, princesse, où ne faisais-tu que profiter de l'endroit sans aller reluquer le temple d'une divinité, comme elle pouvait bien le faire elle-même avec le temple de Dairo ?
Elle s'arrête, se cache un instant, pour deviner ce que tu fais. Elle t'entends, tu sais ?
On dirait que tu joues. Voilà que frémis sa courte queue, celle portée en pompon, qui fait bouger son arrière train entier sous l'effet de l'excitation grandissante.

Tu parles à la fleur, la menace de vive voix, puis tu l'attaques la marguerite !

Malgré l'implication dont elle faisait preuve dans son entrainement, malgré le sérieux qu'elle tachait d'avoir derrière son sale petit caractère, Pepper quittait parfois ses habits de Dame Pepper pour mieux laisser l'enfance reprendre ses droits.
Car l'enfant en restait une ! Et elle ressentait se besoin de jouer, de se lier à d'autres louveteaux de son âge. Mais pas n'importe lesquels. Il fallait déjà oublier ses frères, ceux avec qui elle se crêpait plus le chignon (raison pour laquelle elle n'en portait guère, sans doute). Il fallait aussi éviter ceux avec qui elle avait déjà eu quelques différents, ceux plus nombreux que ce qu'elle avait pour amis.
Finalement, en avait-elle vraiment ? A rester dans les pattes de son mentor, on ne pouvait que trop peu lui en compter. C'était pourtant les amitiés, qui feraient la force ! Elle qui accordait une importance capitale aux valeurs des Etelkrus, comprenait que la solidarité de la meute pouvait constituer un atout loin d'être négligeable. La cohésion du groupe était une force, il était donc important d'être proche de ses pairs.
Pensait celle qui ne facilitait pourtant les choses...

Et puis ton jeu s'arrête, il semble que tu t'affaisses quelque part. Elle entend le bruissement des feuilles, qui lui font mentalement suivre ton déplacement dans la carte du lieu qu'elle s'imagine. Puis le léger, si léger, craquement du bois. Un tronc ? Tu sors de ton buisson, entre dans la clairière aux marguerites que tu sens parfois sous tes coussinets. Pas de pitié pour les fleurs, pour la petite faiseuse de légumes !
Puis elle aussi, elle veut jouer. Avec toi, même si elle ne te connait pas bien : elle sait juste ton prénom, ainsi que tes pures origines, celles dont tu dois être si fière.
Elle t'a laissé soufflé un peu, mais espère bien que tu repartiras vite à l'aventure...

« Quel combat épique, digne d'une fille de ô grands chefs !! »

Pepper se place en position de jeu, ses pattes avant contre le sol, son arrière-train relevé, tangent son l'agitation de sa si courte queue.

« Pour toi princesse, je serais aussi capable de partir en croisade contre ces marguerites. Ce qui ne sert à rien doit être exterminé ! »

Alors, l'incluerais-tu aussi à ton jeu ? Elle espérait que oui, en ayant mare de ses jeux toute seule et trouvant bien plus marrant cette petite guerre improvisée.