Entre deux battements de coeur | PV Fireheart

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Peu de temps après les événements de Sleeping Beauties...
L'ours et la Flamme, compagnons de voyage, se sont retrouvés séparés par le destin....
Errants, transits, inquiets...
Ils espéraient se retrouver sur les vastes terres de Punk Wolf, l'espoir émietté par la distance...
Quand, un soir, alors que le ciel s'habillait de ses plus belles couleurs,
L'impossible arriva enfin.

Ses pattes écrasaient le sable avec plus de lourdeur qu'à l'habitude. Les traces laissées en témoignage de son passage étaient profondes, les sillons de ses griffes trahissant sa démarche nonchalante. Il se laissait traîner, transporté par un corps vieillissant et fatigué. Il marchait mécaniquement, sans relâche, depuis des jours. Son visage sali par la boue habité par un œil terne et abandonné de tout éclat, ses cheveux longs qu'il ne prenait même plus la peine d'attacher, ses côtes saillantes et son hygiène négligée trahissait son état d'esprit dépérissant. Pour la première fois de sa vie, l'espoir l'avait réellement quitté. Ses dieux l'avaient abandonné.

Il avait perdu Flamme.
Depuis qu'il s'était réveillé sur la Grève Gelée, mystérieusement endormi à travers tout l'hiver, la petite rouge n'était plus à ses côtés. Il s'était juré de la protéger, de lui servir de boussole, de repère. Et il avait échoué. Comment avait-il pu la perdre ? Elle était toujours avec lui, jour et nuit, à marcher dans ses pas, à suivre son ombre... Les remords le rongeait, grugeait sa sanité à petits coups de souvenirs et d'inquiétude.

Tu te souviens, Vydar ? Votre première rencontre dans la montagne. Elle ne savait pas parler, et tu croyais qu'elle était une petite sorcière. Petite sorcière rouge, au feu qui brille mais ne brûle pas. Jolie, jolie petite sorcière. Elle t'avais fait sourire. Pour la première fois depuis des lunes. Elle te rappelait quelqu'un, mais tu ne t'autorisait pas ce sentiment. Tu l'avais aidé à traverser la rivière, elle était terrorisée. Tu l'avais réconforté. Elle t'avais suivi, elle ne t'avais pas lâché d'une semelle. Et, comme ça, suite à une simple rencontre dans la montagne, vous étiez devenus amis. Compagnons de voyage. Un peu de chaleur dans la vie sordide de solitaire.

Ses pattes tachées de sang, usées comme elles ne l'ont jamais étés, s'arrêtèrent pour la première fois en un très long moment. Il tourna la tête vers les vagues rugissantes. Le vent s'était levé sur la mer. Seul le long poil lui couvrant les joues, agitées par l'air dansant de la tempête qui s'annonçait, arrivaient à cacher les larmes naissants dans son regard épuisé. L'eau était noire, impénétrable.

Tu te souviens, Vydar ? Les nuits autour de votre feu de camp. Tu lui apprenais des mots, peu à peu. Elle apprenait vite. Elle avait même attrapé ton accent nordique. Elle te faisait sourire, elle te faisait rire. La vie était soudainement plus légère.

Sans même qu'il ne s'en rende compte, il avait les pattes dans l'eau. Les vagues lui léchaient le ventre, nettoyant la poussière accumulée. Les longues mèches de ses cheveux marrons flottaient dans tous les sens, couvrant partiellement sa vue. Le ciel orangé semblait faire prendre feu à l'océan, comme une gigantesque marre de braise liquide. Et si elle était morte ? Morte par sa faute, parce qu'il n'avait pas pu la protéger. Parce qu'il l'avait abandonné. Et si la couleur de lave du ciel, lentement mais sûrement caché par de gros nuages gris se formant à l'horizon, et si la couleur de lave du ciel était son esprit à elle, montant au Valhalla dans un dernier au revoir amer ?

Tu te souviens, Vydar ? La nuit ou vous avez aperçu des lucioles. Ta petite Flamme était fascinée. Toi aussi, c'était la première fois que tu en voyait. Dans ton pays, il faisait trop froid pour les mouches à feu. Vous vous étiez collés, doucement, en regardant le ciel. Ton cœur était heureux. En toi naissait quelque chose de nouveau.

Il ne pouvait plus le supporter. Il était prêt à dire ses au revoirs. Son torse trempait maintenant dans l'eau froide. Et s'il se laissait dériver ? Embrassé par la mer, se laissant bercer par les doux bras de la mort ? Il ne la retrouverait pas, ou alors son cadavre. Il en était de plus en plus certain. Il n'irait pas au Valhalla. Il n'était plus un guerrier. Il n'était plus fier. Il l'avait abandonné. Sa gorge était serrée, l'empêchant de respirer malgré le vent frais forçant son passage dans ses poumons. Il méritait l'enfer...

Tu te souviens, Vydar ? Tu t'étais réveillé, ta grosse face dans la neige. Le museau plein d'eau, les yeux encore croûté de ce long sommeil surnaturel. Ton premier réflexe, tu te tourne vers ta Flamme. Au lieu de retrouver la fourrure sanguine couchée à tes côtés comme à votre habitude... la blancheur, l'immaculé de la neige vide. Tu l'appelles. Pas de réponse. Seul l'écho de ta voix dans la grève silencieuse et froide. La panique s'empare de toi. Un long hurlement dans l'air glacé, ton souffle se cristallisant au-dessus de toi. Rien. Seul le son étouffant du silence...

Alors que Vydar, autrefois fier Viking maintenant métamorphosé en ombre de lui-même, s'apprêtait à faire don de son corps aux profondeurs noires de l'eau agitée, un miracle se produisit. Peut-être s'agissait-il d'un hasard, peut-être était-ce un signe de son panthéon nordique qui lui soufflait que son heure n'était pas encore venue. Son regard de borgne fût accroché par quelque chose flottant devant lui.

Une touffe de poil rouge. Son odeur encore imprégnée dessus.

Elle était venue ici il y a peu de temps.

Ses oreilles se redressèrent dans un dernier espoir, son cœur battant plus fort qu'il ne l'avait jamais fait.
Il hurla. De toute la force de ses poumons. Un dernier appel, poussé par le désespoir, un long hurlement profond de vieux loup qui n'a plus rien à perdre.

Il hurla jusqu'à en perdre le souffle.

Et j'voudrais qu'ça dure longtemps
User ma peau sur la tienne
Un jour j'oublierai tout jusqu'à mon nom, je saurai simplement
Que t'es là, que t'es belle, que t'es mienne
J'voudrais qu'ça dure cent ans
Que jamais la raison n'atteigne
Cet aveu, cette envie de rêver tous les deux quand même
Jusqu'à ce qu'un jour nos deux yeux s'éteignent

Elle s'était levée avec le soleil, éveillée par la douleur de son rêve.
Vydar, où es-tu?, murmurait son coeur.
Depuis plusieurs jours, elle vivait sur la plage, elle en connaissait maintenant chaque coin et recoin, elle l'avait arpenté de long en large. Elle avait appris à marcher dans le sable mou sans s'y prendre les pattes et à dormir dans les grottes les plus éloignées de la mer pour éviter de se réveiller les pattes dans l'eau au matin. Elle n'avait toujours pas surpassé sa peur de l'eau, mais elle avait réussis à l'affronter à quelques reprises, se penchant au-dessus de cuvettes abandonnées par la mer descendante, pour y chasser un poisson ou un crabe.
Quand l'astre du jour avait effleuré la surface de l'eau, envoyant mille et un éclair de diamant danser sur sa surface, elle avait fermé les yeux, inspirant l'air salin. Elle essayait autant que possible de ne pas se laisser abattre, de ne pas abandonner. En restant au même endroit, elle avait davantage de chance de retrouver son ami, s'était-elle dit. Mais l'attraction des montagnes au loin se faisait de plus en plus forte chaque jour. Elle ignorait s'il s'y trouverait, mais une part d'elle souhaitait retrouver l'endroit où ils s'étaient rencontrés, ne serait-ce que pour lui dire un dernier adieu.
Pardonne-moi.
Si elle avait eu un meilleur sens de l'orientation, peut-être aurait-elle pu le retrouver. Comment avaient-ils été séparés, elle l'ignorait. Elle était avec lui, puis soudainement elle s'était réveillée ailleurs, toute seule. Elle avait été seule toute sa vie, mais jamais n'en avait-elle senti l'aiguillon douloureux que depuis ce jour.
Elle erra, ce jour-là, comme tous les autres, le long de la berge, à regarder tantôt la mer, tantôt la montagne derrière elle. La journée finissait et, dans un moment d’inattention, son esprit et ses yeux perdu vers le mont qui perçait l'horizon, une vague la délogea du rocher sur lequel elle était perché, surplombant l'océan. Heureusement, l'eau n'était pas profonde à cet endroit, et elle eu vite fait de sortir de l'eau, tremblante de peur. S'ébrouant, elle repris le chemin vers la grotte où elle dormait habituellement. Le soleil commençait à poindre de nouveau sur l'horizon, amorçant sa chute.
Elle posait tout juste les pattes sur la surface rocheuse et sec de son abri quand elle l'entendit. Sur le coup, ses pattes cédèrent sous elle et elle s'affala sur le sol. Son souffle avait été coupé sur l'instant. Le chant était si beau, si pur, si désespéré. Elle se ressaisi presque aussitôt. Elle bondit sur ses pattes, le souffle court, et s'élança sur la plage. Son regard azuré cherchait dans toutes les directions alors qu'elle courait comme une perdu vers la source de la mélodie. Puis elle le vit.
Une forme sombre dans la mer. Le museau vers le ciel, hurlant. Elle n'avait jamais couru aussi rapidement de sa vie.
Elle s'arrêta en dérapant à la limite entre la plage et la mer, et, oubliant complètement son apprentissage du langage, elle joint sa voix à la sienne et hurla. Sa chanson a elle était pleine de joie, de tristesse, mais vibrait en elle la même note de désespoir. Elle n'était pas très sûre si elle était en train de pleurer ou s'il s'agissait d'embruns sur son visage. Mais elle était heureuse. Pour la première fois depuis longtemps.

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