Des débris et de la poussière ○ Libre

< Spleen ;


Des débris, et de la poussière, à ne plus savoir quoi en faire. Le regard givré de Spleen observa la tanière du Raptor. Sa gargouille avait été détruite sous les griffes et les crocs des deux jeunes louves marquées par Mido. Désormais les deux filles de Teddy, ou plutôt descendantes directes de l'ancien Capitaine Raeder, étaient à la fois maudites par le sang souillés de leur père, et punies par la divinité émeraude. Si l'acte préjudiciable méritait bel et bien sanction, l'épée de Damoclès renforcée au dessus des crânes de Méluciole et Mésange étaient un châtiment bien lourd et cruel. Toutefois, cela avait rappelé à la blanche que les Dieux n'étaient pas là pour aider ou protéger les mortels sans cette contrepartie minime qu'étaient le respect et les prières. Elle avait faillit à sa tâche en s'éloignant de sa foi pour Mido et en délaissant son temple un peu trop longtemps. Elle avait échoué à remercier cette entité puissante qui lui avait sauvé la vie en nettoyant son corps de la damnation de sa mère. Spleen avait alors réalisé plusieurs chose en contemplant le reflet du seau divin briller sur sa pupille gauche : la première, que rien n'était jamais acquis. Les pouvoirs offerts par le Panthéon, les bénédictions des Dieux, mais aussi la stabilité d'une meute, la sécurité de la vie en groupe, la confiance en ses pairs, l'avenir pour ses louveteaux... Et ces inquiétudes ne pouvait être tues que par une confiance aveugle dans sa foi. Foi dans une puissante supérieure ou foi en son propre jugement, foi encore dans dirigeant quelconque.

Or la Prêtresse n'avait jamais eu cette sérénité et cette assurance en ses capacités et son existence. Elle n'avait jamais trouver cela non plus chez sa mère, chez son géniteur ou chez un meneur de groupe. Par défaut, elle s'était tourné vers Mido. Par crainte aussi de devoir rester dans une vie qui n'était pas faite pour elle. Mais quel chemin était donc le sien ? Ici était bien sa place, en fille du Raptor. Il lui avait apporter ce dont elle avait eu besoin pour avancer et grandir. Il lui offert la possibilité d'une vie et non d'une survie sur une île prison. Comment Avalon pouvait penser le contraire ? Les sourcils de la femelle blanche se froncèrent. Elle avait tant de mal à comprendre le point de vue de ces loups pleine de haine pour les Dieux. Elle entendait bien sûr, leur complainte et leur volonté de faire leurs propres choix. Mais en quoi en étaient-ils incapables a ce jour ? Personne n'avait empêché son amour de naître pour un mâle Etelkru. Le Panthéon ne s'était immiscé dans cette union, et n'avait maudit leurs trois enfants, pourtant bâtards de deux meutes d'après les lois terrestres qu'ils avaient pourtant autrefois commandités. N'était-ce pas là une preuve suffisante qu'ils n'intervenaient pas si on ne les en priait pas ? Bien sûr, il aurait fallu que Spleen révèle l'identité du père de ses petits pour étayer cette preuve. Mais jamais elle n'aurait risqué leur sécurité ou leur avenir avec cette information dangereuse. Elle ne voulait pas que ses trois magnifiques louveteaux soient stigmatisés à cause de leur ascendance génétique.

Un nouveau soupir souleva le buste de la femelle au glowstick vert tandis qu'elle commençait à sortir morceau par morceau, la pierre broyée par les crocs de son assaillante. A chaque voyage, la lumière extérieure l'aveuglait momentanément. Rapidement, un petit tas de gravas s'amassa aux abords de l'entrée de la grotte. Sinistre pile du méfait accompli trônant mesquinement sous les rayons du soleil de milieu de journée. Il fallu ensuite sortir la poussière de rocaille et des os reptiliens brisés du sous-terrain. Cela prit un bon moment aussi. Puis, la Prêtresse apporta de l'eau, cherchée dans le lac argenté de la Vasque de la Lune, à l'aide d'un bol d'écorce, afin de confectionner une espèce de mortier qui consoliderait les fissures de la fontaine divine. Elle avait pour cela prévu une de terre argileuse rapportée plus tôt, à son arrivée. Tout d'abord, elle fit plusieurs aller et retour jusqu'à estimer avoir assez de liquide. Puis elle mouilla l'argile grise et commença à la malaxer avec détermination. Pendant ce temps son esprit vagabondait toujours entre ses peurs pour le futur et ses prières au Raptor. Pour qu'ils les pardonnent de leur négligence, pour qu'il abandonne la punition collective et libère les terres Lazulis de cet embargo magique, quitte à ne prendre qu'elle pour cible de sa colère. Elle priait aussi pour les deux sœurs et Raegar, pour qu'ils trouvent la voie de la sagesse et se repentissent de leurs actes irréfléchis, tandis qu'elle, elle apposait une bonne couche de mixture sur la vasque fendue.

Dé Réussite ( ING 3 )

Après une bonne couche d'argile, des gestes plutôt précis et de longues minutes à observer si la réparation semblait tenir le coup, Spleen laissa enfin échapper un sourire. Le liquide magique ne perla pas au travers de la terre séchant lentement contre la pierre non poreuse. Elle pourrait donc s'attaquer à nettoyer les arabesques émeraudes qui courait sur le sol, dessinés maladroitement par l'une des deux barbares. Elle essuierait ensuite les gouttes coulées le long de la fontaine. Si le sol avait été fait de terre, sans doute Mère Nature aurait-elle absorbé cet excédent de liquide divin en son sein. Mais la Tanière du Raptor, était aussi un temple et avait été creusé dans le roc. L'entrée était marquée par de belles colonnes taillées. Les murs avaient été gravés à l'effigie du Dieu de la Vivacité d'Esprit, et la statue qui ornait encore quelques jours plus tôt sa fontaine avait sans doute été taillée directement à partir du mur. La remplacer serait sous doute difficile... Mais à chaque jour suffisait sa peine. Une hémorragie à la fois. Et la première étape était de nettoyer tout ce bazar, avant de vouloir recommencer. Il fallait reposer sur des bases solides.

Rhaegar

Quelle honte, Anianka l'avait pourtant prévenu. Dire que tout cela s'était déroulé alors qu'il n'était qu'un gosse. Il n'était plus le petit louveteau, il n'était plus l'innocent enfant qui avait tous les droits. Il arrivait tout juste à la fin de son adolescence et rentrait dans la classe des jeunes adultes. Son corps avait tellement grandi et grossi qu'il en était presque méconnaissable. Il était devenu l'ours, il avait hérité des grosses pattes de son père, de ses muscles massifs, de son poil épais et sombre. Il  avait hérité de son large visage et de sa taille imposante. Il était devenu la bête.
Et pourtant, il luttait pour ne pas suivre le chemin de son père, un chemin sombre et funèbre. Il s'efforçait d'écouter les autres, de prendre sur sa fierté, pour elle. Pour qu'elle soit fière de lui.

Les chaines qui pendouillaient à son col tintèrent à chacun de ses pas et annoncèrent son arrivée. Il n'avait rien de délicat, il avait encore beaucoup à apprendre..   Dans le champs de lumière que déversait le soleil, sa silhouette s'approcha, aussi molasse que celle d'un ours. Lorsqu'il entra dans l'ombre, son corps apparut enfin aux deux femelles. Ainsi que son œil dont l'iris était remplacé par une croix verte. Les arcades froncées, le museau bien droit, il fit face à la prêtresse avec un sérieux presque mature.

Prêtresse Spleen. Salua-t-il de sa voix grave, muée par le temps.

Je pense que ma présence peut vous être utile... Dit-il en examinant les lieux de ses yeux nouvellement vairons.

Il était fort, il pouvait porter des charges lourdes après tout non ? Il devait se racheter pour ses conneries, auprès de Spleen tout au tant qu'auprès du dieu vert. Le respect était quelque chose de nouveau pour lui, Gloriel travaillait dur pour lui apprendre la courtoisie et l'honneur.
Son regard s'arrêta sur la disciple de Moiro dont le glowstick rose brillait sur le cou. Il se figea quelques secondes, détaillant le corps de cette jeune louve avec une pointe de curiosité. Des plantes semblaient s'accrocher à sa tête et à son corps, elles ornaient son chignon bleu et sortaient de ses épaules comme si son corps était la terre elle-même. Elle portait des accessoires étranges et des petites lunettes encadraient son visage aux traits délicats.

Bonjour.. Euh.. Bégaya-t-il. Il semblait un peu intimidé. Sûrement à cause des paroles préventives de sa mère. « Fais attention aux femelles, mon fils, surtout si elles portent le glowstick de Moiro. »

Anianka lui avait enseigné que les femelles pouvaient être redoutables. Avec leur voix elle vous bercent, avec leur parfum elles vous enivrent, avec leur corps elles vous font perdre la tête. Il devait rester méfiant et froid, il devait se fermer à toute tentative d'attachement. Le cœur était quelque chose de trop fragile pour être à découvert.

Une petite voix tira la femelle blanche de sa tâche. Elle releva le museau pour voir apparaître Serket-Beatriz. Elle était la fille de l'ancienne Prêtresse d'Ao et de Vivaldi, une excellente soigneuse au glowstick vert, ainsi que la soeur d'un de ceux qui lui crachait dessus. Difficile devait être son positionnement dans cette bataille. Spleen n'avait aucun jugement et que de la compassion pour elle, d'autant plus qu'elle apportait avec elle une boisson revitalisante. L'odeur fit saliver la disciple du Dieu bafoué et elle offrit un sourire à la nouvelle arrivante. Elle réalisait qu’elle n'avait rien mangé depuis un moment et que balayez toute la poussière et les débris lui avait asséché la gorge. Elle accueillie Serket avec entrain et chaleur.

« Je te remercie , Serket. C'est très gentil de ta part. »

Spleen bût de belles lampées du liquide. Elle sentit presque instantanément ses bienfaits, sans doute parce que boire lui faisait déjà du bien, et savoir qu'il était fait avec la sympathique herboriste était une forme de placebo ? Dans tous les cas, elle remercia aussi les Dieux de n'être pas seule à les prier encore : la louve bleu et chocolat ayant obtenu un beau glowstick de la Tigresse. Spleen se redressa pour observer l'autre femelle faire le tour et constater ce qu'il restait de dégâts.

« Ce serait avec joie. Il reste les pierres à nettoyer, un peu d'ordre à mettre et trouver une façon de remplacer ce qui a été perdu. »

Sur ces mots, elle retourna dehors chercher de l'eau fraîche, et argenté sous les rayons du soleil, de la Vasque de la lune pour ensuite frotter la pierre à l'aide de chiffons de tissus.

Dé Réussite ( ING 3 )

Heureusement les arabesques, qui auraient pu être joli dans d'autres circonstances, s'effacèrent sans trop d'huile de coude. Néanmoins la Prêtresse de Mido n'avait fait que deux dalles et elle était déjà en nage. Le ménage de printemps avait des allures d'exercice physique, ce qui était loin de ses habitudes. Alors qu'elle fit une pause pour reprendre son souffle, la massive silhouette du fils d'Anianka débarqua. La louve blanche se releva et la salua d'un signe de tête. Elle voyait parfaitement bien, dans la pénombre du Temple, son oeil briller de ce même seau qu'elle portait à l'oeil gauche. Elle avait aussi de la compassion pour lui, car ses bêtises remontaient a loin. Même si profaner un lieu sacré était un acte irrespectueux et vil, ce genre de stupidités orchestrés par des enfants n'avaient pas la même valeur honteuse. Méluciole et Mésange étaient aussi des jeunes louves et méritaient tout autant le pardon. Enfin, si elles comprenaient leurs erreurs et comme Raeghar, venaient aider à les réparer...

« Je t'en prie Raeghar, ton aide nous sera fort utile en effet ! »

L'encouragea t-elle dans un sourire simple alors qu’elle reprenait son travail de lavage de sol.

« Je crois me rappeler que tu as certains talents... artistiques ? »

Lança t-elle, le regard malicieux. Peut-être saurait-il remodeler un Raptor dans de la glaise ou graver dans la pierre ? Ou peut-être aurait-il une idée de comment représenter une nouvelle effigie du Dieu emeraude ?

Rhaegar

Le menton relevé, ses yeux suivirent la louve qui s'approcha de très près sans que son museau ne bouge. Qu'est-ce qu'elle avait à l'analyser comme ça ? Il n'était pas un être difforme pourtant, juste un peu gros et grand au dessus de la moyenne. Ses oreilles se baissèrent sur son crâne, elle n'avait peut-être pas la notion d'espace privé.. C'était bien la première fois qu'il était aussi près d'une autre louve que sa mère. Sa poitrine se relâcha lorsqu'enfin, elle lui tourna le dos pour retourner à son occupation.
Il soupira par les narines et posa son attention sur la prêtresse qui ne parût pas plus agressive que ça.  Il pensait être incendié à son arrivé, peut-être même attaqué et renvoyé d'un coup de pieds au cul, mais étrangement elle l'accueillit avec amabilité. Toujours immobile, il répondit, un peu gêné :

Euh.. Je.. Je ne suis pas très délicat je ne pense pas pouvoir faire de belles gravures..

Il baissa son regard sur ces énormes pattes pour les désigner avec un peu de honte.

Par contre, je peux peut-être chasser des reptiles et ramener leur corps..

Il releva ses yeux sur les squelettes, brisés et recouverts de poussières qui se mêlaient aux restes des débris.

Je peux aussi chercher un rocher digne d'être sculpté pour représenter la statue de Mido et l’amener ici.

Il était très musclé après tout, traîner un rocher d'une aussi grande taille jusqu'ici serait le défis le plus difficile qu'il aurait à relever depuis sa naissance. Ce serait même presque impossible.. Un simple loup ne peut pas déplacer des montagnes.. Mais au moins, il essaierait. Pour elle. Pour Mido.  Il était prêt à se surpasser.

< Spleen ;


Le sourire de la Prêtresse s'épanouit en entendant les paroles de l'un et de l'autre des Lazulis venus aider. Si la culpabilité semblait motiver le plus jeune, c'était un sentiment plus enthousiaste qui poussait l'Herboriste. Son museau se plissa donc sous un rire discret et chaleureux alors qu'elle levait une patte vers chacun d'eux.

« Vos idées sont excellentes, je suis sûre qu'ensemble on parviendra à rendre ce temple plus chaleureux qu'il n'a jamais été. »

La louve blanche offrit un clin d'oeil à Raeghar, de cette pupille marquée qu'ils avaient en communs.

« Laissons la chasse pour plus tard, le nettoyage est presque terminé, gravons donc une nouvelle icone de nos griffes et nos cœurs avec la roche que tu auras jugée idéal pour cela, jeune loup, et ensuite nous passerons du temps à récupérer de beaux squelettes pour décoré le temple et le rendre vivant. Qu'en pensez-vous ? »

La femelle aux longs cheveux garnies de roses noires se redressa avec une joie non dissimulée. Ces deux âmes venues proposer leur aide lui réchauffer le coeur et lui prouvait que tout n'était pas perdu. Après un énième sourire encourageant, elle reprit ses boules de mousses, qu'elle trempa dans l'eau pour terminer de frotter les dalles de pierres colorées au liquide vert magique. Son entrain retrouvé ( et sans doute le bon breuvage de Serket-Beatriz ! ) lui avait rendu de l'énergie et elle bientôt, ils pourraient s'occuper de la partie la moins rébarbative de la réfection du temple : le rendre agréable et en faire une demeure digne du Raptor. La boule entre ses crocs, la Prêtresse s'échina à faire disparaître les arabesques que Mésange avait fait avec ses cornes, avant de s'arrêter net. L'idée en soit était belle, dans l'innocence de l'enfant qu'il l'avait portée. Et s'ils en gardait le principe et peignait une belle fresque au sol, autour de la fontaine ? Bien entendu pas avec du liquide divin cette fois, mais avec une peinture d'un vert assez vibrant pour ressortir sur la pierre sombre. Ou en creusant des sillons dans les dalles qu'ils empliraient de cristaux de cette même couleur significative ? Après tout il y avait une multitude de pierres semi-précieuses pas trop difficiles à trouver non ? A la passe ventue, et peut-être dans les piémonts des Monts Célestes englobés sous le dôme de Mido. Cette idée l'enchantait plutôt, ainsi elle ferait d'une bêtise, une oeuvre pour la divinité de la Vivacité d'Esprit et de l'Intelligence. De fait, cela serait une façon d'unir le négatif dans une fin positive.

« Et si nous prenions exemple sur Mésange pour rendre ses erreurs bénéfique au temple ? Je me disais que ses dessins pourraient nous inspirer des gravures serties d'émeraude, de tourmaline ou de péridot, selon ce que nous trouverions ? Tout comme les tiennes, Raeghar ? Nous pourrions dessiner une fresque sur un mur, en ode au Raptor ? »

La truffe dégoulinante d'eau, Spleen observa ses jeunes comparses, l'oeil brillant de malice.