Lamentation

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Le pas lent, las ; la tête basse ; les oreilles en arrière ; la queue entre ses cuisses. Yersine était malheureux. Abîmé dans l'âme. Yurai, la déesse de la sagesse, lui avait accordé sa confiance pour aider les Lazulis. Cadeaux, vivres et soins avaient été apporté. Et pourtant. Pourtant, le dôme était toujours là. Les dieux plus en colère que jamais qu'un solitaire ait eu plus de sentiments que leur propre meute. Sa venue n'avait fait qu'enflammer le conflit qui les déchirait déjà. Et il avait été transporté par il ne savait quelle volonté maligne ailleurs, avant même de pouvoir arranger le conflit.
Alors, dans cet élan insensé, il avait cherché des solutions. Un livre hanté. Un casque maudit. Et sans même se rendre compte du danger, il les avait emporté, les utilisant ensemble pour invoquer une engeance démoniaque en leur monde. Et pire encore, dans son désespoir lovecraftien, il avait poignardé à l'épaule un enfant.

Il était malheureux oui.
Malheureux de se voir aussi pathétique. Aussi faible. Aussi stupide.
Il avait apporté tout ce qu'il haïssait et avait juré de combattre.
La colère, la tristesse, la déception ; le conflit.

Et il osait remettre les pieds dans cette église.
Lui qui sentait qu'il devait fuir, lourd de culpabilité.

Mais il savait qu'il ne pouvait rien faire face au poids de ses actions. Le jugement, aussi courroucé soit il de Yurai, lui apporterait peut être un bref sentiment de paix, de karma. Qu'il paierai pour ses crimes et que tout pourrait être remis à zéro.

- Yurai.

Il chercha à lever les yeux vers la statue, en vain. Il resta là, chien battu, devant l'autel. Immobile. Contemplant le sol avec peur.

- J'ai échoué.

D'un mouvement lent, il déposa le casque de Minrée, seule relique survivante de l'invocation.

- J'ai apporté le malheur en ce monde. Que ce soit par ma venue chez les Lazulis, qui n'a fait qu'enflammer leur guerre intestine. Par ma folie de porter une telle relique. Par ma stupidité de chercher à invoquer une entité sombre. Et... Et par mon manque d’empathie d'avoir utilisé le sang d'un enfant pour y parvenir.

Il s'assit finalement, sans jamais relever le regard pour soutenir celui de la déesse, qu'il savait puissant.

- Être désolé ne m'expiera pas de ces fautes. Et pourtant, je le suis. Je... J'aurai aimé ne jamais être venu vous demander votre aide. Je n'aurai jamais dû me mêler des soucis des autres, quand bien même fusse par amour. J'aurai dû faire comme tout le monde, comme tout ceux bien plus sages, plus intelligents, plus déterminés et doués que moi. J'aurai dû me taire et ne rien faire, plutôt que d'envenimer les choses à un degré qui me dépasse désormais.... J'aurai dû savoir quand abandonner, plutôt que continuer de creuser, emportant les autres avec moi. J'aurai dû savoir reconnaitre une aide précieuse d'une folie... J'aurai dû... J'aurai dû ne pas être moi.

J’étais toujours venu voir Yurai, jour après jour, même après ma peur, ma frayeur avait fait ce qu’elle voulait de moi. Mais je combattais encore, soldat inépuisable de Yurai, fille d’une corneille silencieuse qui nous observe avec sagesse et ne veut que notre bien. Je savais par ce qu’on m’avait raconté, que Yurai avait foi en nous, en notre humanité. J’étais revenue la voir, encore ce matin, pour dépoussiérer les lieux et être sûre aussi que personne n’avait besoin d’aide. Papa m’avait apprit à toujours aider les autres, avec le temps à ses côtés c’était devenu naturel.

Alors en arrivant, quand j’entendis une voix, je dressais mes oreilles, m’arrêtant à l’entrée, écoutant malgré moi la prière du loup. Je reconnaissais cette voix. Je l’avais déjà entendu dans un moment de folie. Je me souviens de cet individu. Yersine. Il m’inquiétait encore, mais pas pour les mêmes raisons que le premier jour. Je l’avais écouté jusqu’au bout. Je l’avais entendu déranger le silence de l’église pour gémir de la confiance que mère lui avais donné.  Pourtant, je trouvais ses paroles nobles, douces, et juste, et savais, au fond de moi, que Yurai ne le jugerais pas durement. Parce qu’il se repenti, mais aussi parce que, selon ses dires, il a agit par amour, et qu’elle, notre mère la Corneille, agit aussi, par amour pour nous.

J’hésitais une seconde avant d’entrer, remuant calmement ma queue, mes ailes pliées contre mon dos. J’avais retirer mon chapeau que je tenais entre les dents par respect pour celle qui me regarde de ses yeux divins. Je m’étais approchés de l’endroit où je sentais l’odeur du loup, avant de m’asseoir à côté de lui, et de poser mon chapeau. Posant mes pattes dessus.

« Pardon… De me mêler de choses qui ne me regarde pas. Mais, ne regrettez pas d’être vous. »

Lui dis-je calmement en tournant ma truffe vers le loup. Rabattant ma queue contre mes pattes, ma voix douce et calme s’élevant dans le silence qui était revenu après ses paroles.

« Ne vous jugez pas trop durement, on fait tous des erreurs il me semble et on échoue tous plusieurs fois dans nos vies. Les Nakhus me disent souvent d’être sage, et de ne pas abandonner les autres, alors si vous avez été têtu pour aider autrui, c’est bien que vous n’avez pas abandonné. »

Continuais-je tout en m’inclinant par respect pour Yurai. Et puis, si je me souvenais bien de ce loup, et que j’écoutais bien ses paroles, il n’avait pas mauvais fond. Et puis, il est forcément quelqu’un de bien, si mère lui a accordé sa confiance. Il ne peut pas être mauvais.

« Si Yurai vous a accordez sa confiance, c’est que vous le méritez, vous ne pouvez pas être mauvais, quand c’est Mère et votre amour qui vous ont guidé et choisi. »

Terminais-je en me redressant, un sourire calme et doux aux babines. S'il est ici, alors je ne crains rien, s'il a été guidé par Yurai, il n'est pas un danger, ni un ennemi, mais bien un allier. Du moins, c'est comme ça que je le vois. J'ai réussi pour une fois à battre ma maudite timidité pour essayer de remonter le moral à ce loup. Comme l'a fait Raison avec moi le premier jour, j'ai envie d'aider quelqu'un qui a besoin de soutiens.

Lamentation

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Une voix résonna dans le lointain silence divin. Mais ce ne fut pas celle de l'Immortelle, qui le fixa de ses yeux de pierre, vides. Tournant d'abord une oreille, puis le reste de son visage, il découvrit une jeune femelle de noir et de bleu, les deux ailes recroquevillées sur son dos chétif.

Mais ces paroles, réconfortantes, ne lui apportèrent guère ce qu'il désirait : la rédemption. Il lui sourit alors, gentiment, remerciement silencieux, tandis qu'il levait enfin la tête pour se tenir droit, simple geste de respect.

- J'ai trahi sa confiance...

Il plaqua de nouveau ses oreilles contre son crâne, tentant de réprimer toute sa colère, tout son dégout pour lui même.

- J'ai... j'ai fait quelque chose d'horrible. En son nom. Au nom de cet amour qu'elle porte, et que j'ai tenté d'amener aux autres.

Il se mordit les babines, soupirant, las. Et puis, se levant, il commença à tourner les talons. Yurai ne viendrait pas. Il le sentait au fond des os. De son petit corps fragiles et dévorés par les Abysses qu'il avait invoqué. Il ne lui servait à rien de rester ici. A rien de revenir en ces terres. Il les souillerai.

- Merci pour vos mots. Ils me touchent. Mais je n'ai pas ma place ici. La sagesse n'est pas ma vertus.

Il entama lentement sa marche vers la sortie, puis, se stoppa soudainement, comme bloqué dans le temps. Il tourna alors ses yeux vers la femelle, presque étonné de sa propre réflexion.

- Accepteriez-vous de m'accompagner jusqu'à la frontière ?

Après tout, un peu de compagnie lui ferait du bien. Si lui n'était pas digne du glowstick violet, peut être que elle, serait le conseiller, le guider. Il n'avait rien à perdre. Il avait déja tout perdu. De sa propre main.

Je me sentais mal de sentir une tristesse si imposante émaner d’un seul individu, c’était comme une agression silencieuse qui formait un poids sur mes ailes. Je n’aimais pas le comportement de ce loup, il osait se renier, se critiquer, alors que Yurai aimait tout les loups avec le même amour et la même bienveillance, qu’il soit solitaire ou pas n’avait que très peu d’importance ou de sens à mes yeux. Il restait un loup, un individu doté d’une âme, d’une conscience, d’un cœur, et de sentiment. Il était comme moi, ou comme Raison, ou comme Crystal, constitué normalement, mais surtout plein de remords qui lui écrasaient actuellement le cœur. Je l’entendis sourire, mais je ne ressenti aucune joie, sans doute se forçait-il, c’est inutile, je suis aveugle, je capte mieux les auras, les émotions, et il devient plus difficile de me tromper par l’image que l’on dévoile.

Trahir sa confiance hein ? Dans ce cas là, nous avons tous trahis sa confiance. A mes yeux, tout ceux qui sont restés inactifs alors que d’autres avaient besoin d’aide, on trahis la confiance de Yurai. Et nous l’avons sans doute tous fait au moins une fois. Les oreilles dressaient, j’écoutais le loup à mes côtés. Retenant ses paroles, mais aussi son odeur et sa présence.

Il fait quelque chose d’horrible au nom d’un amour qu’il a voulu apporter à d’autres ? Ah l’amour, la première cause de douleur dans le monde. C’est ce que je pense. Mais ne pas aimer est aussi un problème. Dans les deux cas, difficile de gérer cela seul. Je rabattis ma queue contre mes pattes.

« La sagesse est la vertu des dieux, nous les loups, nous sommes bouffies d’orgueils, couverts de bêtises, parfois très irréfléchis et souvent complètement égarés. »

Ça m’avais échappé à la suite de ses paroles, je mis aussitôt les oreilles en arrière et détournais la tête. Je n’avais pas voulu me montrer jugeante, agressive ou rabaissante. C’était la seule pensée qui m’avait traversé et échappé.

Je l’entendis se relever, sans doute était-il mécontent de mes paroles. Pourtant il s’arrêta et je tournais la tête vers lui avant de la pencher, les oreilles pointées en avant. Hum ? L’accompagner jusqu’à la frontière. Je me relevais et repliais correctement mes ailes avant de battre lentement de la queue.

« Avant de vous accompagner quelque part, sachez, que si vous voulez quelqu’un pour vous blâmer. Je peux très bien vous enguirlander, mais pas sur ce que vous espérez peut être ! C’est mal de se renier, de dire que vous n’auriez pas dû être vous ! Les dieux vous aime comme vous êtes, et vous devriez vous respecter un peu plus. Ça c’est une marque de bêtise ! De ne pas s’aimer comme il faut ! Vous êtes quelqu’un de bien ! Vous avez des regrets, et vous êtes sensible ! Vous méritez d’être vous et de vivre ! Alors ne redite pas que vous n’auriez pas dû être vous en présence d’un dieu qui vous aimes JUSTEMENT pour ce que VOUS ETES ! »

Lui grondais-je avant de me redresser et de secouer mon pelage et mon plumage, bombant le poitrail avant de passer prêt de lui. Rejoignant la sortie avant de m’arrêter vers les portes de l’église dont je sentais l’odeur de bois à quelques centimètres de moi. Je tournais la têt vers lui, un beau sourire aux babines.

« Je vous accompagnerais avec plaisir jusqu’à la frontière. Oh fait, je m’appelle Hayndriel, et vous ? »

Je sais que je suis capable de passer d’une émotion à l’autre très rapidement, sans doute par habitude d’auto défense. Je poussais un profond soupir avant de retourner ma truffe vers l’horizon noir, puis d’agiter les oreilles et de reposer mon regard aveugle sur un individu que je ne verrais jamais.

« Pardon pour ma véhémence, mais s’il vous plait, acceptez vous comme vous êtes. »

Lui redemandais-je d’un ton calme. Il faut qu’il apprenne à accepter ses défauts, c’est comme ça qu’on vie. On est pas des dieux, on a pas la science infuse, et c’est bien parce qu’on c’est cassé la gueule quand on était petit, qu’on apprit à marcher et à trouver l’équilibre. C’est pareil dans la vie.

Lamentation

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

La louve parla beaucoup. Beaucoup trop pour un si petit corps. Lui qui aimait le silence, il en regretta presque sa proposition de compagnie. Mais ses mots n'étaient pas vains, ni sourds à son cœur. Ils se voulaient réconfort, lumière dans l'obscurité de son jugement. Comme la brise fraîche du petit matin, balayant la brume de la nuit et les dernières étoiles de leur firmament.

- J'ai poignardé un enfant.

Méritait-il toujours d'accepter ce qu'il était ? Les mots avaient été secs dans sa bouche, comme craché au bout milieu du désert de sa rancœur. Et ce ne fut pas la véhémence qu'il craignait. Ni la douleur de son jugement. Mais la déception.

Il ne l'entre-vue même pas.
Car Yurai était finalement venue. Petit sphère de lumière violette. Semblable à la perle qu'il avait jadis usé pour pénétrer le dôme et chercher à calmer les ardeurs des uns et des autres, mortels comme dieu. Une lumière qui, comme les mots de l'aveugle, échauffa l'espoir en lui.

Pas totalement de sa faute donc. La sienne d'avoir été stupide et de porter ce casque aux allures malsaines, trésor d'enfant trouvé dans la neige ; mais pas celle d'avoir blessé Lestat. Pas celle d'avoir invoqué un démon.
Enfin, pas vraiment. Il se sentait toujours maître de ses actions, d'avoir cédé aux voix ; peut-être simplement un peu moins coupable d'avoir été poussé au vice.
Il admira l'étoile carmin s'évaporer tel le souffle vivant dans l'hiver glacial, particules divines en constellation miroitante. Et il posa de nouveau son regard sur la louve.

- Alors je ferais ce qu'il faut pour élever Lestat. Et ainsi faire en sorte que jamais il ne suive cette voie.

Sourire. Invisible pour son interlocutrice. Mais bien plus pour lui, pour son propre salut, que pour elle.

- Eh bien, vous venez ? La route nous attend.

Lamentation

★ Yersine
★ Mâle, Solitaire.
★ Aucun Glowstick.

Il la regarda, incrédule. Voila qu'elle devait toute folle à la prononciation du nom de son disciple. Lestat avait donc une sœur ? C'était étrange. Ils ne se ressemblaient pas. Et de mémoire, il lui semblait qu'il était adopté par un Nahkus dont il ignoré le nom. Peut être était-elle de sa fratrie d'adoption. Quoiqu'il en soit, il soupira à ses questions.

- Non, je ne l'enlève pas. Il m'a demandé d'être son mentor, et j'ai accepté de lui montré mon savoir, voilà tout. Il partira tout au plus quelques jours à mes côtés quand j'en aurais la nécessité, mais il restera vivre sur ces terres, dans sa famille.

Il la regarda un bref instant. Dépité. Blasé. La louve était soudainement moins sage, moins calme. Une facette de sa personnalité qui ressortait. Comme tous loups. Oui. Elle était comme tout les autres. Deux visages. Et quand on parlait de famille, l'un prenait la place de l'autre.

- Je ne compte pas non plus t'enlever. Tu semblais vouloir un peu de compagnie, tout comme moi. Je pensais pouvoir allier nos deux solitudes pour les faire disparaitre, voila tout...

Mais si sa remarque, que ce soit pour Lestat ou le fait de poignarder un enfant, la faisait soudainement changer d'avis, alors soit. Il n'obligerait personne à le suivre. Et encore moins sous la menace ou le chantage affectif.

Hayndriel attendit ses explications, quelque chose. Elle était de nature stressée et inquiète. Alors quand elle l’écouta, elle fut totalement rassurée et hocha la tête remuant doucement la queue, un sourire revenant sur ses babines. Comme ça, c’était beaucoup plus clair. Elle comprenait largement mieux.

« Oh pardon… Je suis de nature à m’inquiéter et m’angoisser pour tout et n’importe quoi. Mais si Lestat a trouvé sa voie, c’est le principal. »

Remarqua-t-elle avant de se relever pour rejoindre le mâle. Elle avait secouer son pelage en se relevant, faisant partir un peu la poussière qui avait pu s’y déposer avec sa chute. Entendant la suite de ses mots elle hocha la tête.

« En plus j’aurais dû me douter que vous n’alliez pas nous kidnappé. Vous ne dégagez pas cette odeur de danger et de méchanceté que je perçois parfois sur certains loups. Désolée d’avoir douté de vous. »

Elle n’arrivait pas à définir ce qu’elle pensait de ce loup. Gentil, oui, mais étrange aussi. C’était difficile de savoir si elle devait le craindre, ou non. Mais comme elle avait tendance à craindre relativement tout le monde. Une part d’elle-même restait aux aguets, même si elle se sentait plus à l’aise avec lui que si elle avait été toute seule. Une présence permettait toujours à l’aveugle de se repérer, et également de ne pas avoir d’hallucinations auditives car elle se concentrait sur l’individu.

Puis elle se redressa, secouant la tête comme un tique nerveux. Sacrilège, elle avait totalement oublié les bonnes manières avec tout ça. Dire que Raison les lui avait pourtant apprises. Elle soupira d’agacement contre elle-même. Elle n’en ratait pas une.

« Je me prénomme Hayndriel. Et vous ? Avec tout cela, j’ai totalement oublié de vous le demander. »

Lança-t-elle au mâle, se demandant quel nom il portait. Ça l’intéressait non seulement parce qu’elle était contente d’avoir rencontré quelqu’un. Mais aussi parce qu’elle tenait à connaître le prénom du futur mentor de son frère.