Coup de croc [Leikn]

C'est la panique, la vrai, celle qui vous donnait l'adrénaline et la force nécessaire de courir partout pour essayer de régler le problème. Enfin... en théorie, malgré l'urgence de la situation, Barthélémy n'en pouvait juste plus et se retrouva obligé de s'arrêter à l'ombre d'un arbre, la respiration presque sifflante, la gorge sèche, les poumons brûlés avec un sacré point de côté en prime. Ses sœurs  auraient tenues plus longtemps elles, le jeune mâle le savait, il était clairement le maillon faible de la bande... en même temps, il était aussi né le dernier.
Sur le papier, s'aventurer jusqu'à la savane n'était pas une si mauvaise idée. Les plaines d'herbes sèches poussaient en amont des côtes de nacre comme une extension végétale au littoral, on s'y retrouvait sans même y faire attention, de Morne-oeil, il suffisait d'aller tout droit. Il n'y avait même pas d'arbres pour faire obstacle, enfin si mais ils étaient très éparses sur ce paysage.
Les aras eux étaient fait pour les forêts, si leur queue leur permettait de prendre des virage serrés, les grandes envolées sur terrain aussi nu comme ça, c'était moins leur truc. Marianne avait passé son temps à faire de rase-motte. Oh rien de dérangeant en soit, si ce n'est qu'elle devenait une proie facile, trop facile, le cœur de Barthélémy avait raté un bond lorsqu'un chacal bondit des fourrées pour refermer sa gueule sur une des ailes du perroquet.


Si le jeune loup avait pu récupéré l'oiseau,, l'aile de celui-ci était dans un piteux état. Tout d'abord, Barth avait essayé de trouver un point d'eau, c'était pour ça qu'il s'époumonait au travers de tout cette steppe d'herbes sèches mais là. S'arrêter sous cet arbre lui faisait prendre conscience que ça ne servait juste à rien.

« T'inquiète pas Marianne, on va trouver une solution hein ? »

Un faible crow peu convaincu lui répondit. Se redressant, Barth chercha, alerte et un peu paniqué, un indice potentiel à l'horizon. Bordel, bordel, bordel, ils étaient tellement dans la merde.

Dans le contrat, il n’y avait jamais été écrit que Leikn devrait s’occuper d’un louveteau. Que ce soit le nourrir, veiller à ce qu’il dorme suffisamment, ne pas céder aux caprices… mais dans les faits, voilà que Teddy était bien loin d’être un cas facile à gérer, se pensant toujours aussi fort, aussi grand, alors qu’il ne mesurait que trois pommes, et encore, c’était pour arrondir parce que bon…

La Licorne redressa son museau, ça sentait l’océan, le sel. Une odeur qu’elle avait déjà senti mélangé à l’effluve d’un canin qui lui, lui était inconnu. La louve hésité avant de se dévoiler, sortant finalement des hautes herbes, le pelage maculé de boue pour mieux se fondre dans l’environnement de la savane. Un pirate. Accompagné d’un perroquet. Dans le monde d’origine de Leikn, les pirates étaient principalement contrebandiers, impliqués dans le commerce d’esclaves, mais ici, ils ne semblaient pas avoir de réelle utilité au bon fonctionnement de l‘économie de Punk Wolf.

« — C’est un endroit dangereux pour un égaré. »

Surtout un égaré qui tentait de se montrer rassurant à l’égard d’un oiseau volant. Hum…

« — Tu sens la mer, Loup. »

Ce n’était pas une critique, ni même un reproche, simplement un constat, parce que la louve savait que certains loups chassaient les loups comme lui de par leur appartenance. La queue de Leikn balaya le sol poussiéreux, alors qu’elle tournait le dos à l’inconnu, lui qui faisait tâche dans cet environnement. Un peu comme elle au final.

« — Suis-moi. »

Avant de mourir de soif… mieux valait demeurer hydrater dans cet environnement sec. La louve se dirigea en direction de sa tanière, qu’elle partageait avec Mister Bélier, sûrement occupé à faire une sieste à ce moment de la journée. Leikn s’assit à côté du point d’eau près de son antre, invitant le loup à se désaltérer.

Barthélémy eut un bond de sursaut lorsqu'il entendit une voix derrière lui avant de se retourner vivement pour faire face à une louve bien plus âgée que lui, et plus que son père aussi... probablement, ce n''était pas simple d'estimer, surtout qu'elle était recouverte de boue. A sa seconde réflexion, bien qu'il réagissait un peu en réponse à la première aussi, le jeune mâle pivota ses oreilles prenant un petit air gêné comme un enfant à qui on faisait la morale.

« C'est... possible oui. »

Il en venait, de la mer, bien que là il avait l'impression de ne plus avoir que de la poussière et de l'herbe sèche coincés sur la totalité de son pelage. Ah ça allait être pratique tiens, pour démêler tout ça !
A l'ordre de la femelle, Barthélémy ne dit aucun mot, il se pencha simplement vers Marianne pour prendre délicatement entre ses crocs une de ses pattes, permettant ainsi à l'oiseau de faire pivoter son corps et attraper les poils du loup qui lui permettrait de se hisser jusqu'à une place entre les épaules de celui-ci. Puis Barth trottina derrière l'inconnue, ralentissant lorsqu'il l'eut rattraper tout en restant sagement derrière elle. Lorsqu'ils arrivèrent au point d'eau, le jeune Raeders attendit instinctivement, prudent, de recevoir l'invitation et l'autorisation de venir y boire. Il ne se fit pas prier et plongea son museau dans l'eau.
Elle était trouble, mélangée avec cette poussière dont ce morceau de terre était recouvert et avait un goût d'argile mais ça n'empêcha pas Barth d'en avaler de grande gorgée, tentant de réhydrater sa gorge sèche bien que celle-ci le demeura histoire de garder la sensation désagréable de presque s'étouffer en avalant l'eau.
Il releva ensuite la tête vers la louve assise à l'opposée de lui de la mare.

« Merci beaucoup pour votre aide. »

Puis il tordit son cou, attrapant à nouveau une patte du perroquet pour le placer sur la berge. Marianne ouvrit le bec en protestation et au lieu de se pencher pour boire également une fois au bord de l'eau, elle se braqua, son aile blessée traînant au sol. Barthélémy pencha la tête, une mine embêté et inquiet.

« Oh non commence pas s'il te plaît ! Vas-y, bois ! »

Il poussa le ara d'une patte, l'oiseau ne fit que se braquer de plus belle.

Oh. Cherchait-il à conserver le silence sur son appartenance à l’océan ? La louve ne jugeait pas, cela lui était complètement indifférent au fond, du moment qu’il ne s’en prenait aux siens.

« — Pourquoi es-tu gêné ? Il n’y a aucune honte à être relié à l’océan. » La Licorne marqua une pause, un sourire mystérieux étirant ses babines. « Du moins pas encore… »

La Licorne observa en silence le loup se déshydrater. La chaleur des Plaines Savanes était parfois dangereuse, bien plus qu’on ne pouvait l’imaginer et si on ne prenait ses précautions, on devenait la proie des prédateurs.

« — Tu permets ? »

Sans même attendre la réponse du pirate, la louve se pencha au-dessus de l’oiseau sans la toucher par contre. L’une des ailes présentait des traces de morsures. Un prédateur ? La queue de Leikn balaya le sol poussiéreux, avant qu’elle ne disparaisse dans son antre, là où Teddy devait sans aucun doute faire sa sieste. Ce gamin fatigué au moindre mouvement ! Finalement, la solitaire revint aux côtés du pirate, tenant plusieurs plantes entre ses crocs.

« — Ce n’est pas très grave, mais elle ne pourra pas voler pendant quelques jours. » Leikn poussa vers lui une plante qui ressemblait fortement au persil. « Mâches ça et étales lui donc sur sa plaie. »

Leikn ne toucherait pas à l’oiseau. Ces animaux étaient biens fragiles et son côté Licorne n’en supporterait la mort. d’ailleurs, même avec le jeune loup, l’ancienne Lazulis marquait une certaine distance.

Curieux.

« — Tu ne serais pas ici si cela avait été le cas. »

Il semblait bien différent de l’image que certains dépeignaient des pirates. En tout cas ce gamin était loin du loup sanguinaire qui était prêt à sacrifier… Leikn n’était pas méfiante à l’égard de ce loup des ers, l’observa mâcher les plantes avant de les étaler sur l’aile de son oiseau. Ce dernier n’était clairement pas le patient idéal, allant jusqu’à pincer sur la patte de métal de son maître. Aïe… pas la bestiole la plus civilisée visiblement.

La Licorne observa un long moment le perroquet. Plus c’était petit, plus c’était fragile. Heureusement que son pouvoir ne la contraignait pas à entendre les voix de tout être vivant, aurait vraiment de quoi devenir fou auquel cas…

« — Les oiseaux sont fragiles, fais attention. »

Comme toute chose dans ce monde de brute…

La disciple d’Ao sourit.

« — Et si tu commençais pas me dire ton nom, hein ? »

Parce qu’ils ne s’étaient pas encore présentés…

Son regard retomba sur l'ara quand la louve évoqua la fragilité des oiseaux. Il était vrai que dans ce monde où les peuples canins régnaient en maître et côtoyaient dieux et monstres, les oiseaux paraissaient bien petits et insignifiants à côté, des êtres qu'il était si simple à blesser. Marianne ne se laissait pas faire, son caractère lui permettait très certainement de mériter sa place dans ce monde mais il était vrai également qu'avoir fait le choix de quitter ses forêts natales et ses paires pour le suivre lui loup avait été un choix bien dangereux de sa part. Parfois Barthélémy ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle serait mieux si elle repartait d'où elle venait. Il baissa un peu les oreilles.

« Oui je le sais bien. »

Il avait eu si peur tout à l'heure.
Il releva son regard vers la louve, redressant tête et oreilles vers elle à sa demande. Ah oui son nom... ça serait effectivement un bon début !

« Ah oui... euh... Barthélémy ! » Il pointa ensuite l'ara mécontent et blessé à ses pattes d'un signe de museau. « Et elle c'est Marianne » Il laissa ensuite quelques secondes se passer, n'osant pas trop demander lui même le nom de la louve qui l'avait aidé avant de se lancer. « ...Et vous ? »

La Licorne conserva le silence, laissant le pirate réfléchir à sa remarque. Beaucoup de loups se retrouvaient avec de petits familiers ces derniers temps, mais certains animaux étaient plus fragiles que d’autres. Au moins, il semblait bien s’occupé de son ara, visiblement un lien particulier les unissait tous les deux. Une bonne chose.

Barthélémy. Et Marianne.

Un drôle de duo.

« — Leikn. »

La louve n’avait pas de familier à présenter et Teddy avait encore une apparence de louveteau (ce qui engendrerait bien trop de questions).

« — Marianne aura encore besoin que tu désinfectes sa blessure, jusqu’à ce que ça cicatrice. » La solitaire se redressa. « Le mieux serait que tu utilises des feuilles de soucis en appuyant sur les feuilles pour extraire le jus et l’appliquer sur la blessure. Si tu n’en a pas, je peux t’en donner quelques unes. La blessure est superficielle, la cicatrisation ne devrait pas être compliquée, néanmoins… »

La Licorne disparut dans sa tanière avant de se saisir d’un petit bol recouvert qu’avait fait Teddy. La truffe froncée à cause de l’odeur sucrée qui s’en dégagea aussitôt, Leikn posa le bol devant Barthélémy.

« — Mets-lui un peu de miel sur sa blessure, ça l’aidera et fais attention à ne pas la surmener. »

L’oiseau devrait se reposer, pour mieux se rétablir.