Bilan des courses | Hayndriel

[Se passe avant la départ d'Ajani en ambassade]

Le matin était brumeux ce jour-là, d'une brume fraîche qui laissait présager une chaude journée. Les premiers rayons du soleil jetaient sur les terres Nakhus et l'entrée du Dédale comme des coups de pinceaux dorés, orangés et roses, et peignaient de ces couleurs le pelage de neige de l'Oracle. Le grand lion se tenait assis à l'entrée du labyrinthe, statue massive dont l'immobilité n'était rompue que par le vent qui gonflait ses longs cheveux. Son regard clair paraissait perdu à l'horizon, et l'ombre d'un sourire se dessinait sur ses babines. La veille, il avait donné rendez-vous à Hayndriel pour une promenade de bon matin à ses côtés. Cela faisait quelques lunes maintenant qu'ils avaient eu leur conversation à la Bibliothèque concernant le rôle que la louve souhaitait avoir pour la meute, et il était temps pour lui d'être fixé sur la question. Il avait observé de loin les agissement de cette congénère aveugle, mais il souhaitait s'entretenir avec elle avant d'émettre le moindre jugement, comportement indubitablement inspiré de celui que la déesse elle-même avait envers ses enfants lorsqu'ils venaient prétendre à son mauve étendard.

Il était arrivé le premier au lieu de rendez-vous, et attendait donc patiemment. Il avait largement de quoi réfléchir pour occuper son temps. Bientôt, il partirait chez les Raeders au côtés de Sobieski. Le loup rose avait accepté de l'accompagner, et retiré de ses épaules un poids en le faisant, même s'il n'en était pas conscient. Il faisait partie de ces loups pour lesquels Ajani avait l'impression de ne jamais pouvoir offrir tout ce qu'il méritait. Eva aussi en faisait partie. La pensée de la louve bicolore accentuait imperceptiblement son sourire. Elle aussi allait partir, pour rencontrer leurs pairs Etelkrus, la plus grande des meutes encore en place. Ce serait le moment de savoir si les rumeurs à leur sujet étaient vraies, car il courait bon nombre d'histoire les concernant. Mais en tant qu'ancien Raeder, Ajani savait combien il fallait se méfier des racontars. Il en circulait un bien grand nombre sur les loups qui vivaient sur Morne-Oeil.

Un bruit léger le tira de ses pensées, et il tourna la tête vers le tunnel derrière lui.

Hayndriel arriva vers lui à bonne alure, et il attendit qu'elle soit à ses côtés pour la saluer à son tour. Un sourire étira ses babines aux politesse un peu excessives qu'elle lui adressa, et il lança doucement :

"Il n'y a pas de soucis. Et je t'en prie, appelle-moi simplement Ajani. je te remercie d'être venue."

Il se redressa, bruissement de pelage sur ses muscles dessinés, cliquetis de giffes sur le sol de pierre, le regard posé sur elle. Elle avait bien changé, depuis la dernière fois qu'ils avaient réellement pris le temps de parler. Sauvagement attaquée, elle en avait récolté une aile de moins, dont il ne restait que la jonction et quelques vestiges de plumes, et une longue cicatrice sur la cuisse gauche qui ne s'en irait sans doute jamais. Même si elle avait traversé une période critique, elle était désormais complètement remise et impliquée dans la vie de la meute. C'était sans nul doute une excellent moment charnière de sa vie pour faire un point avec elle.

"Marchons ensemble." Ajouta-t-il en amorçant quelques pas en direction de l'extérieur.

L'air frais du matin, rendu légèrement humide par les nappes de brume qui s'étiraient ça et là, était vivifiant. Il secoua la tête alors qu'ils s'engageaient dans la vaste plaine d'hebre haute qui faisait face à l'entrée du Dédale.

"J'aimerais que tu me parles de ta vie ici. De ce que tu y fais. De ce que tu as appris depuis ton arrivée."

Et quoi de mieux qu'unepromenade de bon matin pour le faire.