Démon, viens à moi ! - Tawana

Elle l'entendit soupirer, Tawana. Cela la fit hausser légèrement les épaules.
Holly ne s'en formaliserait pas... Elle savait qu'il pouvait être agaçant d'être repris. Mais soit ! Elle ne regrettait pas non plus ses paroles, si cela pouvait permettre à la panseuse d'être plus prudente, la prochaine fois. Car si l'adversaire avait été, cette fois, assez peu coriace et dangereux, qu'en serait-il si elle se retrouvait face à un prédateur bien plus imposant ? Prendrait-elle le risque de laisser, derrière elle, une orpheline ?
Une patte amicale vint se poser sur l'épaule de la femelle lycaon. Holly sourit, encore, positive malgré tout. Il lui fallait faire confiance aux autres : Tawana comprendrait.

- Mais de rien !

Une lueur d'amusement passa dans son regard clair et elle fit apparaître, sur la tête de sa comparse, un coquelicot, grâce à ce petit pouvoir qu'elle développait... Et qui était bien sympathique, elle devait bien l'avouer.
Elle lui adressa un clin d'oeil complice et repartit dans ses recherches.
Mhh encore une toile !

La louve bleue secoua la tête.

- Non merci. Honnêtement, je ne saurais pas quoi en faire... Autant le laisser ici !

Elle aimait bien les jolis objets... Mais ça, ce n'était pas vraiment mignon. Elle n'avait d'ailleurs pas besoin d'éclairer quoi que ce soit, puisque les loups étaient des animaux nyctalopes.

- Et sinon, toi, comment ça va ?

Holly lui jeta un coup d'oeil.
Elles en avaient probablement pour un moment, dans ce manoir, alors autant papoter un peu ! Elles allaient s'ennuyer, et leurs joueuses aussi, sinon, si elles ne faisaient que chercher des objets.
... Et ne tombaient que sur des toiles d'araignées.

Il ne lui fallut que très peu de temps, pour se rendre compte de la présence de cette grosse araignée, bien plus grosse que celle qu'elles avaient tuée tout à l'heure.
Même pas besoin d'avoir les sens particulièrement aux aguets et développés, pour entendre ses énormes pattes taper et griffer le parquet du manoir. Pas besoin non plus d'être un génie ou un combattant expérimenté, pour qu'elle sente son échine se hérisser et se dise que, ouais, il valait mieux partir d'ici.
Un grognement sourd glissa entre ses crocs dévoilés.
Inutile grognement : Elles étaient déjà vues de ces huit yeux et ne représentait pas la moindre menace, face à ce monstre.

Une seconde, et son corps entier fit volte face pour prendre la direction pointée par Tawana.
Les pas s'enchaînèrent, rapides, course effrénée pour semer ce monstre. Pour s'en aller loin du manoir, loin du danger.

Son poil se hérissa davantage, lorsqu'elle sentit l'une des pattes de l'araignée contre son flanc, juste avant qu'elle ne se glisse dans cette voie plus étroite.
Il s'en était fallu de peu et, elle le savait maintenant : l'araignée était rapide. Peut-être plus qu'elle. Sûrement plus qu'elle. Il n'était cependant pas question de s'emballer et de faire n'importe quoi. Elle était soldat : Même dans les situations critiques comme celle qu'elles étaient actuellement de vivre, il fallait garder la tête sur les épaules et envisager toutes les possibilités.
Prévoir un plan B, aussi, si les choses ne se passaient pas comme prévu.

Si la fuite simple ne suffisait pas, il faudrait effectivement procéder autrement et, peut-être même, comme Tawana le proposait en hurlant, briser cette fenêtre pour regagner l'extérieur du manoir. Par chance, elles n'avaient pas monté d'étage... Alors la chute ne devrait pas être trop vertigineuse.
La louve bleue déglutit.

- Ok.

Dans sa gueule, elle prit l'une des faux et fonça vers la vitre avec l'intention de l'enfoncer.

Elle trébucha et l'araignée géante vint au dessus d'elle, prison mortelle.
De ses pattes, elle tenta de la repousser : En vain. L'immense bestiole, en plus d'être plus rapide, s'avérait, en plus, être bien plus forte qu'elle. Face à ce constat, Holly se sentit perdre ce qu'il lui restait de sérénité, de réflexion, et les larmes se mirent à rouler le long de ses joues bleues.
Pourquoi ne parvenait-elle pas à se libérer de cette emprise ?
Était-ce la fin ?

Sa tête se tourna vers Tawana. Ou plutôt, vers la direction qu'avait prise Tawana, bien plus habile qu'elle, lorsqu'il avait fallu s’échapper.
Sa voix gronda, autoritaire. Ce n'est pas une demande, mais bien un ordre qu'elle lui adressait, celle qui faisait partie du Heaume.

- VAS-T'EN ! TA FILLE A BESOIN DE TOI. JE T'INTERDIS D'EN FAIRE UNE ORPHELINE !

Par ce qu'il était douloureux, de ne plus avoir de famille, de perdre quelqu'un. Elle le savait, ça, pour l'avoir vécu.
Alors elle était prête, Holly, à accepter son destin si sa vie devait se terminer ainsi : Elle aurait au moins connu le bonheur immense d'être reconnue par ses Alphas, de devenir Conseillère si jeune, de tomber amoureuse d'une louve qui lui manquait tellement, actuellement.
Ses larmes devinrent sanglots.

Elle était prête à le rejoindre, ce petit frère parti, encore enfant.
C'était presque drôle : Ils s'en iraient de la même façon, tués par un prédateur. Leurs fantômes se croiseraient peut-être, dans ce manoir, qui sait ?

Elle était prête à mourir.

De l'autre côté de sa prison, elle entendit Tawana lui parler, lui faire des promesses.
Puis il y eut cette poudre à l'odeur écœurante, répandue dans le manoir et l'araignée la libéra. Holly toussota mais n'eut guère le temps de s'attarder : Déjà, sa comparse la saisissait par la peau du coup pour l'entraîner. La femelle bleue ne se fit pas prier, se redressant sur ses quatre pattes, chancelante.
Finalement, elle ne mourrait pas aujourd'hui.

Alors elle reprit rapidement entre ses crocs la faux délaissée, tombée juste à côté, lorsqu'elle était tombée et enfonça la vitre du manoir.
Sans perdre davantage de temps, elle s'engouffra dans ce trou béant, se moquant bien des morceaux de verres qui pourraient tâcher de rouge ses flancs si clairs.
Il fallait partir.