That Home ✡ Libre

Le regard se perd dans le vide un instant. Pas d’appréhension. Pas de peur. Ou peut-être un peu. Il se sentait moins à sa place qu’auparavant sur le sol, presque étranger, davantage habitué aux hauteurs, là où tout semblait à portée de ses griffes, mais le temps de l’escalade dans les arbres aux côtés des chasseurs était révolu.
Ils étaient rentrés.
À la maison.

Le Gris à ses côté se tient droit et dans le regard, Narcisse écoute.  
Et dans ce même silence, l’assassin répond.
Car c’est ainsi qu’ils communiquent.

Nous ne pouvons plus reculer.
Ne crains rien, il y aura toujours une place pour toi ici.

À l’heure qu’il est, une patrouille avait du sûrement les repérer.
Et tout alors irait si vite…

Désormais, il allait reprendre son rôle. Ce pour quoi il avait été entraîné. Le rôle qu’il pensait toujours lui être destiné.
Si Pepper n’est plus, voilà qu’il devrait se glisser dans l’ombre de ses successeurs.  
Car c’était le seul rôle auquel il était préparé.

Le Phénix est silencieux. Narcisse a presque du mal à ressentir sa présence. Il en avait presque oublié à quel point c’était calme, mais que ce silence devenait rapidement pesant. La lumière luit doucement, de même que celle de Désastre, en partant, ils avaient visiblement remit en doute leur titre de membre Etelkrus.  

Quelle ironie.

La queue féline trahit sa méfiance. Il n’est pas entièrement serein, Narcisse. Parce qu’il sait qu’il devra affronter le regard des autres. Affronter leur jugement.
Qu’il ne devra pas courber l’échine face aux regards de ceux qu’il a méprisé.
Qu’il devra affronter la probable déception de certains de le voir revenir.
Affronter sa famille.
Ses mères qu’il avait laissé derrière lui. MaAnette brisée à tel point que cela n’avait fait qu’accroître sa peine. MaSheina qui n’avait pu cacher son chagrin à l’idée de le voir partir, mais qui n’était parvenue à le retenir.
Ses soeurs. Qui n’avaient probablement pas compris. Qui devaient lui en vouloir.

Le poil se gonfle légèrement.  
Les muscles se crispent, il sent la cicatrice qui marque désormais sa chair tendre un peu sa peau.
Narcisse ne sait pas quoi leur dire.

Et pourtant il mourrait tellement d’envie de les revoir. De sentir de nouveau leur présence à ses côtés. D’être en mesure de les protéger, les soutenir de nouveau.
Il voulait redevenir le fils. Le frère. L’ami.

Il était de retour, Daisy.
Elle le sut avant même que ses pattes ne se posent sur les terres de Punk Wolf, tout comme elle avait su qu'il s'était enfuit au pays des serpents, là ou ils faisait chaud.
Un sourire discret vint étirer les coins de ses babines et elle se leva, prête à l'accueillir et, surtout, le protéger de certains Etelkrus, de ceux qui, comme elle, ne pouvaient tolérer qu'un individu à l'odeur inconnue, ou non reconnaissable, dans l'immédiat, passe leurs frontières.

Holly n'avait, quelques mois plus tôt, pas été assez efficace pour lui venir en aide, lorsque le départ de Pepper avait causé en eux un si grand chaos. Mais trop de choses à gérer, sa propre peine, pour commencer, un deuil à faire, et quel deuil, cette promotion obtenue dans ces conditions si particulières et complexes et toutes les nouvelles responsabilités qui en découlaient. C'était un raz de marée qui l'avait emportée et, alors qu'elle tentait d'y faire face, elle n'avait pas trouvé comment venir en aide à Daisy.
Le pouvait-elle seulement ?

Il lui avait fallu du temps, à elle aussi, pour accepter qu'elle ne verrait plus jamais Pepper et elle avait beaucoup pleuré Holly. D'abord tous les soirs, avant de trouver le sommeil, lorsque ses pensées vagabondaient et, toujours, la ramenaient à elle. Elle avait pleuré, loin des regards, loin des autres pour ne leur offrir que l'image d'une louve forte. La tristesse restait douloureusement ancrée dans sa poitrine mais n'était-ce pas choses normale, après telle perte ? Les larmes, en tout cas, se faisaient moins présentes sur son couchage alors que la blessure se refermait, doucement.

Elle serait forte et ferait honneur à cette confiance qu'elle avait eue en elle.
Elle s'en était faite la promesse.

Son pas devint course, à travers le Castel et elle ne releva même pas la tête à l'entente d'un claquement d'ailes de cuir au dessus d'elle.
Plus vite, pour le retrouver, alors qu'elle se sentait si heureuse de son retour.
Peut-être de leur retour. Narcisse l'avait-il retrouvé ?

Son sourire se fit plus grand.
Elle s'arrêta droite face à eux, chaleureuse.

- Daisy, Narcisse.

Elle ne les toucherait pas, ils n'aimaient pas ça.
Ce n'était pourtant pas l'envie qui lui manquait, de les embrasser, ces camarades Etelkrus.

- Quel bonheur de vous retrouver.

Peu de mots, mais un regard qui en disait long.

Le grognement leur parvint. Narcisse ne prend pas la peine de lever la tête, il avait reconnu le son des battements d’ailes et l’odeur de Te Hari. Fini par poser le regard sur elle, quand ses pattes foulent le sol et qu’elle se met à leur parler. Cela ne faisait pas si longtemps qu’ils étaient partis… À peine une demi-année.
La présence de Désastre apaise le fils d’Anette et Sheina, lui évitant ainsi de répondre par une remarque. Ce n’était peut-être pas la meilleure des idées après leur absence…

Cent soixante-huit jours.

La queue féline se balance. Un battement de cils dans leur vie, mais il pouvait s’en être passé des choses en ce laps de temps. Beaucoup. Qui gouvernait du côté des Etelkrus ? Y avait-il eu des contestations ? Qu’était devenue MaAnette ? Et ses soeurs ?

Les oreilles se redressent à l’approche d’une autre louve. Son ancienne partenaire de patrouille. Son… amie ?

« — Hollyhock. »

Le ton se veut aussi amical que possible.

« — C’est bon de revenir. »

Ils n'avaient pas idées, tous les deux, de tout le baume que leur retour pouvait lui mettre au cœur. De les voir heureux, de les voir se sentir chez eux, également.
C'était une éclaircie derrière de sombres nuages.
C'était la promesse de lendemains meilleurs.

Ensemble.

Le claquement des ailes de Te Hari lui fit relever la tête et alluma une lueur interrogatrice dans son regard bleu. Elle ne comprenait pas la raison de son départ précipité, sans même un mot alors qu'elle semblait, quelques secondes plus tôt, si enthousiaste de retrouver leurs camarades.
Hélas, si Holly savait tout, ou presque, de chacun de ses semblables, elle n'était pas encore capable de lire dans les pensées des autres. Elle garderait, cependant, la question du pourquoi à lui poser, dans un coin de sa tête lorsqu'elle la recroiserait.

Pour le moment... Elle avait plus important à faire.

- Vous devez être fatigués, après votre voyage. Rentrez donc vous reposer et manger un morceau. Je crois que beaucoup des nôtres seront ravis de votre retour, également.

Inutile de les assommer avec les dernières informations alors qu'ils venaient seulement de revenir : ils les apprendraient bien assez vite.
L'heure était encore aux heureuses retrouvailles.

Le regard suit Te Hari qui les quitte sans un mot. Aucun d’eux n’avait adressé de mots particuliers à son attention… était-elle déçue ? Tss, l’assassin n’était guère enclin à s’occuper des problèmes de la louve-enfant après un tel voyage. Il passe donc outre du départ, pour se focaliser sur Hollyhock.
Dormir, oui c’était une bonne idée. Les nuits n’avaient été que trop courtes durant leur voyage. Narcisse n’était pas un grand dormeur, mais il ne pourrait être opérationnel sans un peu de repos. Quand à manger… pas encore. Après son absence, il ne pouvait se permettre de puiser dans le travail des siens quand lui n’avait rien fait. La chasse attendra demain.

« — Merci, Hollyhock. »

Et de leur langage silencieux, ils communiquent.
Oui, Kiro. Ils devraient lui rendre visite, impérativement.
Quand bien même Narcisse avait l’impression de ne l’avoir jamais quitté. Chaque prière. Chaque pensée, quand les autres vouaient à un culte à des entités mystérieuses. Il n’avait jamais oublié. Comment aurait-il pu ?

Oui, nous irons, ensemble.

D’un geste du museau il invite Hollyhock à mener la marche jusqu’au camp.
Le repos avant tout.
Le reste attendrait.

Elle perçut le non de la tête, de Daisy, en désaccord total avec l'accord prononcé.

- Alors tu feras comme tu le sens.

Qu'il se repose, qu'il mange, qu'il profite de ses amis ou aille voir son Dieu. Qu'il fasse ce qu'il souhaitait, finalement, cela lui était égal : Ce n'était pas un ordre.

- Nous nous verrons quand tu veux.

Un soir, un matin : Elle saurait se montrer disponible lorsqu'il jugerait ce moment opportun.
Ils auraient sûrement des choses à se dire, oui, mais plus tard. Pour le moment, elle se mit en marche vers le Castel, les ramenant chez eux pour de bon.